Teach-a Teach-a Teach me (PV)

https://www.youtube.com/watch?v=cUqCv_1kGzM

Il ne fallait pas se mentir : Heather n'était pas de ce genre d'élèves qui appréciaient tout particulièrement de profiter d'une occasion supplémentaire d'apprendre, ou de travailler un peu plus. Elle n'avait jamais été très assidue, elle s'asseyait juste bien tranquillement sur ses acquis et profitait de ses facilités pour en faire le moins possible. Un système qui non seulement lui demandait peu d'efforts - donc qui était parfait - et qui en plus fonctionnait à merveille... ou plutôt avait fonctionné à merveille, jusque là. Elle s'était maintenue dans la première moitié de la classe sans trop se fouler, ce qui était juste ce qu'elle voulait, car jamais elle n'aurait accepté de sacrifier trop de son temps libre pour les cours. C'était sans doute un peu puéril de sa part mais elle n'avait jamais été habituée à autre chose, et même avec l'âge, elle restait toujours celle qu'elle avait été, la petite dernière des Lass, la chouchoute de son père et de ses frères, la seule et l'unique pour Harry, pour Lyra, pour Haley, bref; celle qui avait des liens privilégiés avec ceux qu'elle aimait et qui s'arrangeait toujours pour être la seule à leurs yeux. Pourtant, maintenant qu'elle entamait sa septième année, elle constatait petit à petit que ce système infaillible se grippait un peu plus au fur et à mesure que les jours passaient. Travailler juste le minimum ne suffisait plus; les devoirs s’amoncelaient et elle sentait la facilité qui lui filait entre les doigts. D'ailleurs, tous les élèves de sa classe travaillaient bien plus qu'avant, dans l'optique des ASPIC, cette dernière épreuve avant la fin. Heather avait beau ne pas trop y penser, ne pas trop les appréhender, il y avait autre chose qui se cachait derrière les ASPIC : la fin de Poudlard, la fin de sept années, la fin, entre autres, de l'adolescence, la fin d'une page qu'elle n'était pas vraiment prête à tourner. Après, c'était quoi? L'avenir était flou, et effrayait un petit peu, même si elle avait hâte de faire un pas dans la cour des grands. Avancer, mais laisser tous ces bons moments derrière elle, c'était aussi excitant qu'angoissant.

Malgré tout ce qui pouvait peser dans la balance en faveur de sa paresse plutôt que ses potentielles bonnes notes, la Serpentard avait compris qu'il était temps d'agir, avant qu'il ne soit trop tard. La mort dans l'âme - véritablement, car elle avait l'impression d'être privée de sa liberté en se forçant à travailler un peu plus ses cours et ses devoirs - elle s'était fixé une limite de temps et s'acharnait tous les soirs à la respecter, aux côtés des autres dans la salle commune, à apprendre et revoir ses cours. Les beaux jours qui arrivaient ne l'aidaient en rien, et plus les jours se rallongeaient et plus le soleil pointait le bout de son nez, plus Heather maudissait ces devoirs et ces leçons qui l'obligeaient à rester cloîtrée. Il n'y avait que le week-end qu'elle s'autorisait à tout bâcler et à profiter sans faillir des deux jours de temps libre, rattrapant, il lui semblait, le temps qu'on volait à sa jeunesse.

En agissant, elle avait également saisi l'ampleur de problème des Runes - non mais franchement, pourquoi avait-elle gardé cette matière?! Elle avait eu envie de s'arracher les cheveux, mais cela, c'était avant la bonne nouvelle année qui avait accompagné cette rentrée : Nathanaël Fleming. Depuis ce premier cours, la jeune fille ne cessait de scruter les couloirs quand elle se rendait en cours ou dans la Grande Salle, et elle faisait aussi bien attention d'être toujours bien habillée, coiffée, bref bien présentable dès qu'elle mettait le nez dehors, alors qu'il lui arrivait avant de ne pas y prêter grande attention. C'était idiot, c'était un enfantillage mais c'était ainsi : Heather trouvait Fleming tellement séduisant, tellement beau et tellement... mystérieux qu'elle ne pouvait s'empêcher de penser à lui et de s'inventer tout un tas d'histoire qui conduisaient toutes à la même fin : Fleming et elle bravaient les interdits et s'embrassaient passionnément, même s'il était professeur et elle simple élève, simple élève parmi tant d'autres élèves qui trouvaient elles aussi le nouveau professeur de Runes absolument sexy. Mais Fleming était tout ce qu'elle n'avait jamais eu : un homme plus âgé, très viril, sûr de lui, bien plus costaud dans tous les sens du terme que ce que Heather avait pu connaître. Elle ne pouvait s'empêcher de le comparer à Harry, et il en était si différent, qu'il l'attirait doublement, en était encore plus excitant, parce qu'il était entouré de nouveauté et de mystère. En sa présence, Heather se sentait comme une petite adolescente ridicule en proie à ses premiers émois, mais pourtant elle aimait cela, comme si elle retrouvait des souvenirs un peu oubliés. Elle avait conscience d'être un peu ridicule, de s'apparenter à une pauvre midinette sans cervelle qu'elle n'était pourtant pas, mais elle avait aussi conscience qu'elle ne pouvait pas s'en empêcher. Alors elle avait pris cela comme un jeu : elle guettait Fleming partout et le croisait dès qu'elle le pouvait en lui souriant et le saluant poliment, ne manquant jamais une occasion de se mettre sur son chemin, sans pour autant - elle l'espérait - paraître trop insistante.

Ce soir là, les cours venaient de se terminer, et sans demander son reste elle avait fourré ses affaires en pagaille dans son sac avant de filer dans sa salle commune. Là, elle avait occupé la salle de bain plusieurs minutes, réajustant son uniforme, remontant un peu sa jupe pour qu'elle tombe bien au-dessus de ses genoux, alors que la longueur de l'uniforme était normalement aux genoux. Heather était grande et élancée, et en retroussant un peu la ceinture, la jupe tombait tout naturellement un peu plus bas que la moitié de ses cuisses. C'était bien mieux. Elle donna un coup de baguette dans les airs et ses cheveux s'arrangèrent d'eux-même, tombant en boucles éparses sur ses épaules. Ils lui arrivaient presque jusqu'en bas du dos et resplendissaient de cette couleur cuivrée, rousse flamboyante tirant sur le doré. Se parant de son kohl, elle retraça le tour de ses grands yeux en amande pour en faire ressortir le vert-doré, et se vérifia à plusieurs reprises et sous tous les angles dans le grand miroir. Elle ne voulait pas paraître trop pomponnée, mais elle voulait être resplendissante. Le résultat lui convint : elle se pinça un peu les joues pour les rendre plus roses sous ses taches de rousseur et retourna dans son dortoir. Attrapant son sac, elle le vida des cours de la journée et ne garda qu'un cahier et son livre de runes, puis elle descendit dîner avec les autres. Elle n'avala pas grand chose et parla encore plus rapidement et avec plus d'engouement que d'habitude au milieu de ses camarades, puis quand 20 heures sonnèrent à la grande horloge, elle se leva et bondit dans les couloirs, le cœur battant d'excitation.

Après un dernier regard dans une vitre poussiéreuse, arrivée devant le bureau de son professeur, elle s'efforça de calmer les battement de son cœur, respira plusieurs fois et se composa un visage parfaitement serein et agréable. seuls ses yeux, peut-être, pétillaient un peu trop, pour une élève qui se rend le soir fait des heures supplémentaires.

Elle toqua et la voix grave lui intima l'ordre d'entrer - elle frissonna à ce son. Même sa voix était magnifique. De son pas légèrement dansant, elle pénétra dans la pièce, avec l'impression de franchir une étape supplémentaire : découvrir son bureau et s'y trouver seule avec lui.

- Bonsoir, Professeur, prononça-t-elle avec son accent irlandais qui confirmait ses origines si toutefois son allure, ses cheveux roux et les taches de rousseur qui parsemaient son visage ne suffisaient pas à ce que l'on s'en doute.

Elle avait décidé de se montrer à la fois charmante et consciente de ses défauts en Runes, mais bien plus sûre d'elle que lors du dernier cours, où ses fautes flagrantes l'avaient un peu fait rougir et baisser la tête. Elle s'installa à la table apparemment prévue pour le cours particulier et posa son livre sur la table ainsi qu'une feuille blanche, puis sorti une plume de son sac, un peu abîmée, froissée, mais avec laquelle elle adorait écrire - le trait était un peu plus épais et plus lisse lorsqu'elle couchait la pointe de la plume sur le papier. Levant ses grands yeux vers Fleming, elle cacha tout ce qui se passait en elle - un vrai tourbillon de sensations, une tornade chaude et dévastatrice, mais délicieuse. Ses yeux! Clairs et perçants, ils ressortaient furieusement de sous ses cils et sourcils bruns, et elle avait envie de passer la main dans ses cheveux - et, après lui avoir lancé un charmant sourire, elle dit :

- Je vous remercie beaucoup d'avoir accepté ce cours. Vous êtes au courant, mais la logique des Runes m'échappe complètement... J'ai hâte d'y voir un peu plus clair, conclut-elle en plantant son regard dans le sien. Clair comme ses yeux, se dit-elle en faisant tourner sa plume entre ses doigts, gagnée par l'impatience qu'il s'installe en face d'elle et ne lui parle rien qu'à elle.

Nombre de messages : 407 Date d'inscription : 18/10/2011

Ce jeudi matin, et pour la première fois de mon existence me semblait-il, je me levai empli d'un étrange entrain.
Depuis toujours, chaque jour que Dieu faisait était pour moi le synonyme de dures et pénibles minutes durant lesquelles j'allais devoir me motiver pour mettre un pied hors de mon lit. La simple idée de devoir m'extirper de sous ma couette douillette pour me retrouver en caleçon au milieu de ma chambre mal isolée me révulsait. Quant à la perspective d'aller prendre mon petit déjeuner avec une dizaine d'autres personnes comme si l'on était en colonie de vacances, je ne préférais même pas en parler.
Le matin, j'étais d'une humeur de grizzli. C'était un fait, je n'avais pas le gène du réveil facile et devoir me forcer à faire preuve de politesse en sirotant du thé ne contribuait pas à améliorer mon état d'esprit. Malheureusement, Poudlard, c'était ça aussi: la vie en communauté. Et, bien que j'y mette de la bonne volonté, je tenais trop à ma solitude et à mon indépendance pour terminer mes soirées dans la salles des profs à discuter de cas d'élèves particulièrement insupportables. Cela paraissait peut-être un peu pathétique mais je préférais largement passer mes vendredi soir assis à mon bureau à corriger des copies ou à lire quelques-uns de mes nombreux livres sur les runes.

Mais ce matin, les choses étaient différentes et je m'étais levé sans le moindre grognement, sans propulser mon réveil contre le mur et sans manquer de trébucher sur mes chaussons et de tomber. J'étais empreint d'une certaine excitation qui, pour une fois, me donnait l'énergie nécessaire pour braver le froid de ma chambre, le visage joyeux de mes collègues au petit déjeuner et tout ce qui, d'ordinaire, me rendait aimable comme une porte de prison.
Pour la première fois de ma carrière de prof, ce jeudi, j'avais écrit au bas de mon agenda les mots "cours particulier" et cela me donnait des ailes. Jamais de ma vie je n'avais eu à en donner et la simple pensée qu'un étudiant puisse vouloir des heures supplémentaires dans ma matière me comblait de joie, d'autant plus que la plupart de mes élèves ne se gênaient pas pour montrer ouvertement leur ennui durant mes cours!
Bien sûr, j'avais déjà ressenti une telle légèreté à la sonnerie de mon réveil. Pour mon premier jour dans mon école de sorcellerie, par exemple, ou pour le jour de mon mariage... Mais aujourd'hui c'était différent et j'avais hâte, en quelque sorte, d'être à ce soir, car je considérais Heather Lass comme une... expérience.

Après que la jeune femme ait formulé sa demande à la fin de mon cours, je n'avais pas manqué de faire des recherches sur elle. Apparemment, elle était plutôt studieuse; jamais dans la mauvaise moitié de la classe, investie dans les activités extra-scolaires puisque capitaine d'une équipe de quidditch, le mot "volontaire" revenait souvent dans ses bulletins et les notes qu'elle avait obtenu aux B.U.S.E.S. étaient plus que convenables... Seul bémol dans ce parcours sans faute: l'étude des runes.
Les notes que la Serpentarde avait eu avec le professeur qui m'avait précédé n'étaient pas franchement brillantes et, même s'il n'était pas dans mes habitudes de me fier à une simple lettre pour me faire une opinion, il falait avouer que pour le coup, je n'avais pas le choix.
Miss Lass craignait sans doute pour ses A.S.P.I.C., c'était pourquoi elle était venue chercher mon aide et c'était en cela qu'elle constituait une expérience intéressante pour moi. Voire presque... un défi!

Pouvais-je lui permettre d'obtenir une note acceptable à ses A.S.P.I.C.? Lui faire rattraper deux années d'étude des runes, lui ré-enseigner les bases et la motiver suffisamment pour que, qui sait, elle se prenne au jeu et finisse même par... apprécier un temps soit peu cette matière...? Je n'osais y songer.
Ces dix dernières années, j'avais passé mon temps à essayer de transmettre mon savoir et ma passion pour les runes à mes élèves, mais il ne fallait pas se voiler la face. Après m'être longuement remis en question et avoir modifié de nombreuses fois mes méthodes, j'avais fini par comprendre que les étudiants étaient, pour la plupart, totalement hermétiques à ma matière et réfractaires à toute forme d'apprentissage. Ça avait été un sacré coup dur pour moi et depuis que cette réalité m'avait frappé de plein fouet, j'étais sans doute bien plus blasé qu'auparavant. Mais ce cours particulier m'emplissait d'un espoir nouveau et, même si l'épée de Damocles que représentaient les A.S.P.I.C. y était pour beaucoup, je préférais ne pas en tenir compte, histoire de ne pas non plus devenir trop taciturne.

Ce matin-là, donc, je rejoignis les autres professeurs le coeur léger pour prendre le petit déjeuner. Les yeux parfaitement ouverts (et non à demi clos comme toujours), je gratifiai même mes collègues les plus charmantes d'un sourire, histoire d'exposer au grand jour ma bonne humeur. Mes cinq cafés, par contre, étaient de rigueur, car je ne me sentais pas encore assez heureux pour tenir une journée -que dis-je- une heure, sans caféine.
Comme d'habitude, en me rendant à ma salle de cours, je croisai Miss Lass qui ne manqua pas de me saluer poliment. C'était étrange mais, depuis quelques temps, j'avais l'impression de croiser la jeune femme très souvent dans les couloirs, ou du moins, beaucoup plus souvent que la moyenne des élèves... Mais sans doute l'idéalisais-je beaucoup. Cette élève était pour moi une source d'espoir incommensurable, voilà pourquoi je la repérais facilement au milieu des foules. Parce que ses cheveux étaient d'un roux flamboyant aussi, peut-être? Moui, ce détail devait sûrement jouer également... Quoi qu'il en soit, je la saluai également, plus par réflexe qu'autre chose, avant d'aller rejoindre le troupeau de paresseux qui me servaient d'étudiants pour le premier cours de la matinée.

La journée passa à une lenteur affligeante. Tandis que je tentai de motiver les élèves, tous luttaient activement contre le sommeil et ceux qui prenaient la peine de participer étaient tout le temps à côté de la plaque. À chaque instant, j'imaginais une main se lever pour réciter une définition correcte ou pour interpréter la succession de runes que j'avais inscrit sur le tableau... Évidemment, il ne se passait jamais rien, mais aujourd'hui, rien ne pouvait entamer mon entrain et malgré les regards vides braqués sur moi et les filets de bave qui menaçaient de couler des lèvres de mes élèves, je me trouvais être plein d'énergie et pas démoralisé pour un sous.

Après le diner, je me rendis dans mon bureau l'esprit léger. En attendant que la Serpentarde arrive, je m'installai derrière mon bureau et commençai à corriger les copies de la journée mais je n'eus pas à patienter bien longtemps, car à vingt heures précises, trois petits coups se firent entendre. Sitôt que j'eus répondu, le visage de Miss Lass apparut dans l'encadrement de la porte...

-Bonsoir, professeur, dit-elle poliment tandis qu'elle se glissait à l'intérieur de la pièce.
-Miss Lass...

Je la regardai s'asseoir à la table qui se trouvait au centre de la salle. En effet, mon bureau, beaucoup trop large, n'aurait pas été très pratique pour l'exercice que j'avais prévu ce soir.
Tandis qu'elle sortait ses affaires de son sac, la Serpentarde prit de nouveau la parole.

- Je vous remercie beaucoup d'avoir accepté ce cours. Vous êtes au courant, mais la logique des Runes m'échappe complètement... J'ai hâte d'y voir un peu plus clair.

Suite à cette remarque, je dissimulai mal mon sourire. En réalité, ça aurait plutôt dû être à moi de la remercier, mais je ne préférais pas montrer à quel point j'étais désespéré en ce qui concernait l'enseignement de ma matière. Tandis que je me levai pour aller la rejoindre, j'optai pour l'euphémisme qui me paraissait être la meilleure solution.

-Je vous en prie, tout le plaisir est pour moi. C'est toujours agréable de voir des élèves qui font des efforts.

Surtout en ce qui concernait ma matière, mais bon, passons. Je m'assis en face d'elle et en profitai un instant pour la détailler. Elle était plutôt jolie avec un visage harmonieux et de grands yeux verts... Mais c'était surtout sa chevelure rousse qui attirait le regard. Ajouter à cela son accent irlandais qu'elle ne tentait nullement de dissimuler, il semblait évident qu'Heather Lass ne passait pas inaperçue.

-Bien, dis-je pour couper court à toutes ces politesses et entrer enfin dans le vif du sujet. Nous allons commencer avec un tirage à trois runes. C'est un classique qui a beaucoup de chances de tomber aux A.S.P.I.C..

Le tirage à trois runes consistait, comme son nom l'indiquait, à tirer trois runes et à les interpréter. Une technique que la jeune femme avait déjà dû étudier l'année dernière avec le professeur qui m'avait précédé.
D'un coup de baguette, je fis venir jusqu'à nous un sac en toile qui contenait les vingt-cinq runes du futhark. Sans plus de cérémonie, je le tendis à la serpentarde en déclarant tout-à-fait sérieusement tandis que je m'employais à masquer mon excitation:

-À vous l'honneur.

Lorsqu'il sourit à moitié, Heather sentit dans tout son corps un fourmillement des plus agréables, parce qu'il avait non seulement sourit uniquement pour elle, et qu'en plus... c'était le plus beau sourire du monde. Elle se demandait d'ailleurs comment il avait pu décemment prétendre au titre de professeur avec un tel charisme. Il le savait forcément, non? Alors pourquoi tentait-il le Diable et se montrait au milieu de jeunes filles qui n'attendaient que leur prince charmant, et qu'un tel prof ne rendait évidemment pas insensibles? En temps normal, Heather l'aurait jugé ridicule et elle aurait clos le débat avec une réplique bien sentie comme quoi ce n'était qu'un pauvre homme frustré qui n'avait pas ce qu'il voulait et choisissait la facilité. Mais voilà : le fait était que Nathanaël Fleming avait séduit bien trop profondément la jeune fille pour qu'elle garde sa raison peu clémente d'ordinaire, et à présent, elle ne pouvait pas s'empêcher de ne pas penser à lui une seule journée. Il faisait partie de Poudlard donc de sa vie - et elle était bien décidée à ce qu'il en soit ainsi.

Heather n'avait parlé à personne de ce qui se tramait dans son esprit, même pas à ses amies les plus proches. Haley la première lui aurait certainement rappelé que Fleming était un professeur, et puis... Et puis mettre des mots sur cette petite amourette encore imaginaire l'aurait certainement rendue ridicule, ce qu'Heather ne voulait pas. Elle s'efforçait de se faire croire à elle-même qu'elle ne se prenait au sérieux, qu'elle n'était pas une petite midinette qui n'avait d'yeux que pour son bon professeur et qu'elle gardait le contrôle de cette petite folie d'adolescente un peu en mal d'amour, mais au fond, elle ne pouvait s'empêcher d'espérer pour de vrai, ce qui entrait en profonde contradiction avec tout ce qui lui passait par la tête.

De manière générale, cette année n'était pas vraiment très tendre avec elle. Il y avait eu l'histoire des Mangemorts, la souffrance d'être une ennemie aux yeux des gens de qui pourtant elle partageait les idées. Elle avait gardé la tête haute, aidée par ceux qui la connaissait pour de vrai et ne voyaient pas en elle qu'une simple Serpentard. Haley, Katie, Megane, Lilian, et tous les autres avec qui elle avait joint ses forces pour chasser les Mangemorts hors de Poudlard. Il y avait eu la prise d'otages et ces heures un peu effacées de son esprit - elle ne se rappelait pas de tout si ce n'est de la main de Katie dans la sienne et de leurs cris, ensemble - et les nuits sombres qui avaient suivies, l'été qui avait passé, sa famille qui l'avait dorlotée. Le temps guérit les blessures. Elles cicatrisent. Mais il en reste toujours une petite trace qui surgit soudain lorsqu'on s'y attend le moins. Et puis il y avait cette dernière année, décisive, les cours qui s'accumulaient, la pression de l'orientation, la dernière année à Poudlard, la fin d'une période, la fin de l'enfance... La fin d'une histoire aussi, puisqu'avec Harry elle avait tangué puis chaviré. C'était beaucoup pour Heather qui, même si elle n'avait jamais suivi un chemin simple et bien tracé, encaissait les coups. Elle en avait juste encaissé un peu trop ces derniers temps pour ne pas s'accorder une petite chute. Et cette chute, c'était Nathanaël Fleming, et elle s'y laissait délicieusement tomber, avec l'excitation qu'on doit aux premiers amours.

Il la salua à son tour - il a prononcé mon nom ! se dit-elle évidemment - et tandis qu'elle sortit ses affaires avec attention car elle ne voulait pas paraître maladroite mais sûre d'elle, elle jeta des petits coups d'oeil au bureau de son professeur. Elle en cherchait les petits détails qui lui en apprendrait plus, qu'il cachait peut-être pendant les cours, comme une photo, quelque chose de ce genre... Mais elle ne remarqua rien de particulier. Alors elle se contenta de lui offrir son air le plus avenant pour le remercier de ce geste qu'il faisait pour elle, et il se leva pour venir à son tour vers la table d'étude.

-Je vous en prie, tout le plaisir est pour moi. C'est toujours agréable de voir des élèves qui font des efforts.

Tout le plaisir? Hmm.... Gare à vos formulations, cher professeur... Heather ne put s'empêcher de rosir légèrement de plaisir à son tour de cette jolie remarque, bien qu'elle s'efforce de la passer sur la deuxième partie de la phrase de Fleming. Oui, oui, récompensons les élèves qui font de tels efforts. Sauf qu'elle était loin de le faire uniquement pour les runes - même si elle joignait l'utile à l'agréable, car hélas ses notes de runes allaient réellement pécher pour ses ASPIC.

Quand il s'installa en face d'elle et la regarda, elle crut qu'elle allait s'effondrer sur sa chaise, ou bien exploser ou encore fondre et se répandre un peu partout dans la pièce; ou le tout à la fois. Son regard clair rendu encore plus perçant par ses sourcils foncés était comme des rayons X et Heather ne put que le soutenir une ou deux secondes avant de baisser les eux, masquant son trouble dans la feuille qu'elle étalait devant elle et le geste de tremper sa plume dans son encrier.

Ce n'était pas permis pour un homme d'être aussi élégant et viril à la fois.

-Bien. Nous allons commencer avec un tirage à trois runes. C'est un classique qui a beaucoup de chances de tomber aux A.S.P.I.C.

Oui, oui, les ASPIC, donc. Heather hocha la tête d'un air très intéressé, bien incapable de produire un quelconque son intelligent pour l'instant.

-À vous l'honneur.

Elle posa sa plume et tendit la main vers le sac qu'il lui tendait; là seulement elle osa le regarder à nouveau, sans baisser le regard, et tandis qu'elle piochait dans le sac, seuls ses doigts tremblaient d'excitation. Elle eut un peu de mal à saisir les petites runes dont la matière glissait sous ses doigts; tour à tour elle sortit trois des petites pierres qu'elle posa les unes après les autres en ligne devant elle, entre deux deux. Délaissant ensuite le sac, elle réfléchit un instant, faisant fonctionner sa matière grise au maximum, car même les signes des runes ne voulaient pas rentrer dans sa tête. Finalement, quasiment sûre, elle finit par nommer dans l'ordre :

- Jera... Eihwaz... Et Gebo.

Soulagé, elle souffla très légèrement. Les problèmes arrivaient... maintenant.

Jera... Jera... C'était une rune en rapport avec les saisons, la moisson même; Heather avait quelques facilités avec les runes directement liées aux coutumes Celtes, car là où elle habitait les gens en parlaient souvent et y croyaient encore, et il lui semblait qu'on associait Jera aux moissons, aux plantations. A l'été, aussi, non? Bon, il y avait sûrement d'autres choses, mais cela lui faisait tout de même une bonne base.

Venait ensuite Eihwaz. Dont l'animaux était le Serpent - ça, elle l'avait retenu! Il lui semblait également qu'Eihwaz n'était pas de très bon augure, mais comme en runes tout s'arrangeait un peu selon les runes qu'on associait, elle misa sur le pouvoir d'Eihwaz, sa symbolique du serpent, et ne chercha pas plus loin. Elle avait hâte d'étonner Fleming par ses déductions.

Il restait Gebo. Gebo. Hmm...

... Aucun souvenirs. Bon.

- Alors, commença-t-elle avec assurance. Jera qui est la rune des saisons et des cycles, mise en couple avec Eihwaz dont le symbole est le serpent et par extension la puissance, veut dire que les récoltes vont être riches et nombreuses. Et Geboz, euh... La rune du... Du sacrifice? se rappela-t-elle soudain. Oui, c'est cela : donc, des récoltes remarquables pour peu que l'on fasse des sacrifices.

Ce n'était pas si compliqué que ça, avec un peu d'entraînement! Heather se doutait qu'elle ne devait pas avoir tout juste mais elle se félicita tout de même de son raisonnement qui lui paraissait plutôt fin, et une fois son petit exposé terminé, elle sourit et regarda Nathanaël du coin des yeux, attendant une quelconque manifestation d'encouragement de la part de son professeur privé...