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~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥]

 
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 ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥]

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Ruby Standiford-Wayland


Ruby Standiford-Wayland
Apprentie à Sainte Mangouste



Féminin
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Date d'inscription : 03/09/2011

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Particularités: « and from the rain comes a river running wild that will create an empire for you. »
Ami(e)s: Lizlor; « Maybe home is nothing but two arms holding you tight when you’re at your worst. »
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MessageSujet: ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥]   ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥] Icon_minitimeLun 12 Nov - 17:38




"Elle en avait fini, songeait-elle, avec toutes les trahisons, les bassesses
et les innombrables convoitises qui la torturaient. Elle ne haïssait personne,
maintenant; une confusion de crépuscule s'abattait en sa pensée, et de tous les bruits de la terre,
[elle] n'entendait plus que l'intermittente lamentation de ce pauvre cœur, douce et indistincte,
comme le dernier écho d'une symphonie qui s'éloigne. "
Flaubert


Où était ma robe? Furtivement, je jetais un coup d’œil derrière Chuck et constatai que non, elle ne se cachait pas là. Contournant le lit en silence, je ramassais le bout de tissu chiffonné qui était tombé sur le sol, non loin de la bouteille de whisky. L’alcool qui s’était déversé lorsque la bouteille avait explosé avait empli la pièce de son odeur et me donnait envie de vomir, mais je contrôlais les spasmes qui prenaient mon estomac. Mes chaussures… Mes sous-vêtements… Ah, voilà la culotte. Le plus doucement possible, j’enfilais mes habits sans oser vérifier si je ne réveillais pas le garçon : je n’avais pas envie de voir son visage. Vraiment pas. Mes mains effleurant ma peau me faisaient frissonner, je n’étais plus sûre qu’elle fût à moi d’ailleurs. Cette enveloppe, ce corps, ils me semblaient étrangers. Quelqu’un d’autre les avaient possédés, ça m’avait échappé et j’avais simplement l’impression que quelque chose avait disparu. Ma robe me paraissait trop serrée et à la fois, j’étais si petite dedans –si petite tout court. Prenant mes chaussures, je préférais sortir pieds nus pour faire le moins possible de bruit. J’avais aussi récupéré ma veste que j’avais laissée sur la chaise et en la mettant, je n’eus pas plus chaud. Je ne sentis rien du tout, si ce n’était l’étrangeté de quelque chose sur ma peau. Toute sensation physique me semblait désagréable, mais aussi lointaine et incertaine comme tout était maintenant flou… Mon corps, je ne savais plus vraiment ce qu’il était finalement. Sur le pas de la porte, j’hésitai un instant à me retourner. A regarder Chuck, constater ce que j’avais fait, voir les preuves. L’arme du crime, le lieu… Non. Je ne voulais pas voir ça. Je savais déjà ce que j’avais fait de toute manière.

Une fois dans le couloir, j’enfilais mes chaussures et regardais une dernière fois la porte, bloquant presque dessus. Cette salle sur demande… Je ne voulais plus jamais y remettre les pieds. J’avais la tête qui bourdonnait et ma vue me semblait fou ; je clignai trois fois des yeux, cherchant à faire la mise au point. Quelle heure était-il ? Le couloir était désert, froid et silencieux. Le château même était silencieux. J’étais silencieuse. J’avais l’impression que le monde s’était arrêté de tourner. Je sentais mon souffle lointain, comme un vague écho qui s’échouait dans le néant de la matinée. Je respirais encore oui, mais ça me paraissait… Si indistinct, flou. Appuyée contre le mur, je fixais mes mains qui bougeaient légèrement, signe que mon corps était encore fonctionnel, branché. Je le contrôlais encore non ? Et pourtant, mes jambes tremblaient un peu, je ne me sentais pas de marcher. Ma tête, je n’en parlais même pas. Mon cerveau s’était déconnecté, j’avais l’impression qu’il se noyait sous la masse d’informations de ces dernières heures. Mais il n’avait plus la force de fonctionner et se contentait des actions les plus basiques : voir, entendre. Je n’étais même pas sûre d’encore sentir quelque chose. La seule chose que j’arrivai à percuter fût que Chuck pouvait se réveiller et sortir à tout instant. J’avais intérêt à me barrer.

Mais où avais-je encore ma place ?

Je n’avais pas de montre et ne trouvai aucune horloge dans le couloir : je n’avais plus aucune notion du temps. Il faisait jour, mais il aurait pu être 6 heures comme 10 heures, je n’aurais pas vu la différence. Le seul élément que je possédais, c’était ce silence oppressant qui me faisait supposer qu’il était tôt. Certains tableaux dormaient encore. Mais je n’étais pas sûre de vraiment sentir ce silence, peut-être qu’au fond c’était ce vide que je sentais grandissant dans ma poitrine qui assourdissait mes sens. Je me sentais en décalage, mes pas n’allaient pas en rythme ou même droit, le sol de pierre me paraissait loin sous mes pieds. Je flottais presque. Tout flottait. Je tentais de reprendre mes esprits, de réfléchir où j’allais. Il me semblait bien que, oui, je prenais la direction de la tourelle du pont de pierre, mon refuge ultime et préféré. Je me laissais guider finalement, mes mouvements un peu incertains n’émanaient pas de moi ou alors, je ne le réalisais même pas. Est-ce que… J’étais encore moi ? Est-ce que je me sentais sale, comme cette fois-là ? En fait, non. Je ne sentais juste… Rien. Un vide, immense, béant dans lequel tout le reste s’engouffrait. C’était comme si tout s’était écroulé sur moi, en moi, s’aspirant dans ce trou que je sentais dans ma poitrine.

Que ce serait-il passé si je n’avais jamais cherché à voir Hadrian ? Si lui, n’avait pas été avec cette fille ? Si j’étais arrivée une demi-heure plus tôt ? Qu’est-ce que j’aurais dit ? Qu’aurait-il répondu ? Et si je n’avais pas été dans la salle sur demande ? Ou si Chuck ne m’y avait jamais trouvé ? Si je l’avais repoussé ? Toutes ces questions me tournaient dans la tête. Je n’avais aucune réponse au final, ça s’était déroulé ainsi et maintenant… Je m’en mordais simplement les doigts d’avoir fait une telle connerie. Oh, Chuck ? Il n’avait rien à se reprocher après tout, j’avais accepté. Je l’avais cherché. Finalement, il n’y avait qu’une seule question qui aurait pu tout résoudre : et si un jour, je faisais les choses biens ? Voilà la véritable question. Pourquoi avais-je attendu une semaine pour revoir Hadrian, pourquoi même j’avais accepté qu’on se sépare hein ? Pourquoi je n’avais pas écouté Ana, Haruhi, pourquoi je n’avais pas… Tout refait, tout bien. Je ne pouvais plus, ce qui était fait était fait. Maintenant, ce n’était plus que ma faute, comme toujours. Je n’avais qu’à assumer… Je ne pouvais rien changer de toute manière. Tout était fait, figé. J’avais fait des choix. Sans réfléchir peut-être. Ou en réfléchissant mal. A quel moment avais-je décidé de coucher avec Chuck ? Quand avais-je laissé l’étincelle allumer la mèche ? Dire que j’avais peur avec Hadrian de ça, de ce rapprochement physique dont j’avais passé la barrière un semi-inconnu réputé pour se faire toute l’école. J’étais tellement conne.

Finalement, j’atteignis le pont de pierre. Mon cerveau venait de me rappeler que je devais petit déjeuner avec Lizlor… Pour qu’elle me raconte avec Stephen, parce qu’elle l’avait vu hier soir. Pour qu’on mange une tarte au citron tranquillement, dans les cuisines, rien qu’elle et moi. Mais je n’avais aucune notion de l’heure, je n’avais pas faim de toute manière… Je refusais que Liz me voie dans cet état… J’avais réussis à me contenir toute la semaine, pour ne pas trop l’inquiéter. Je n’avais jamais pleuré devant elle, j’avais tout contenu. Pour elle, mais aussi pour moi-même. Parce que je ne réalisais pas vraiment qu’Hadrian et moi, c’était fini. Maintenant, la réalité m’envahissait et me laissait perdue, essoufflée. Être seule. Ça valait mieux. Je détruisais tout de toute manière. Je montais péniblement les marches de la tourelle avant d’atteindre le sommet où je m’assis contre un mur, ou plutôt me laissait glissée –comme je l’avais fait depuis la rentrée. Et le vent soufflait dehors, agitant les feuilles qui s’échappaient et tourbillonnaient. Capable de s’enfuir, de se détacher. De partir. J’entendais toute cette nature qui rugissait et je me sentais si faible à côté, si vide. Il n’y avait plus à rien à prendre. Assise, je repliais mes genoux contre ma poitrine, les enserrant de mes bras trop courts, trop maladroits. J’avais besoin d’une échappatoire, mais tout semblait se jeter contre moi, m’entourer pour m’étouffer. Et ce vent qui soufflait encore, agitant tout autour de lui. C’est là je crois, que je réalisais.

Il n’y avait plus rien pour m’agiter.

Je laissais tomber mon corps sur le sol où je me recroquevillais, mon regard fixant le sol. Pas question de le fermer, de voir autre chose. De revoir les souvenirs. Je me concentrais sur les battements de mon cœur pour être sûre qu’il fonctionne encore. Je ne sais pas combien de temps je restais là. Mon cerveau se vidait de tout, je ne pensais à rien si ce n’est l’immense vide que je sentais se creuser partout en moi, dans chaque millimètre de ma peau, de mon être. Le silence était complet… Simplement le vent, lointain. Le bruit qu’il faisait dans les feuilles. Puis… Non, il y avait un autre bruit. Je sentis mon corps tressaillir, réalisant que c’était quelqu’un qui montait les marches. Mais je connaissais ses pas, par cœur d’ailleurs. Ils étaient plus rapides que d’habitude. Il me sembla même entendre mon prénom, et je sentis mes muscles se crisper et je me relevais légèrement regardant l’encadrement de la porte sur lequel
sa silhouette se dessina petit à petit. Je ne voyais pas très bien, mais je savais que c’était elle. Soudainement, je me relevais sans lui laisser le temps de m’approcher… Et je me jetais dans ses bras.

Il y eut un bruit, un déchirement qui me parut lointain mais qui était tout près, hurlant dans mes oreilles : ce fût un sanglot, le mien, tellement fort qu’il me fit trembler. Ce sanglot contenait tout, tout ce que j’avais retenu.

J’entendis ma voix murmurer son prénom plusieurs fois, d’une voix hachée et tremblante de larmes. Ses boucles blondes m’envahissaient, et même si j’étais un peu plus grande qu’elle, je me sentis minuscule dans ses bras. Mon visage se plongea dans sa chevelure, pour y disparaitre tandis que mes mains s’accrochaient à son pull, fébriles et perdues, cherchant un appui.

Je ne voulais pas être toute seule. Je voulais qu’elle reste là, qu’elle ne me lâche pas. Parce que si j’avais été au bord du gouffre longtemps, je venais de m’y jeter et je savais qu’elle serait la seule avec moi. Je ne voulais pas qu’elle chute, mais j’étais incapable de cacher plus longtemps cette douleur vibrante qui emprisonnait chaque parcelle de mon être. Je n’arrivais pas à parler, à m’expliquer, il n’y avait que ces « Liz » répétés qui s’échappaient de mes lèvres et se noyaient dans mes pleurs et ses boucles dans lesquelles je voulais me cacher.

Je ne voulais pas être toute seule.
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Lizlor Wayland


Lizlor Wayland
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MessageSujet: Re: ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥]   ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥] Icon_minitimeLun 12 Nov - 19:15

“I had jumped off the edge, and then, at the very last moment,
something reached out and caught me in midair.
That something is what I define as love.
It is the one thing that can stop a man from falling,
powerful enough to negate the laws of gravity.”

Paul Auster - Moon Palace

Au-dessus de ma tête ne brillait aucune étoile. Il n'y avait nulle trace de lune, et sa lumière pâle et fantomatique ne donnait pas au ciel noir cette profondeur sombre et presque mystique de d'habitude. C'était une nuit étrange, fade et, de ce fait, effrayante. Je ne parvenais pas à détacher mon regard de la fenêtre de verre, par laquelle je voyais nettement le ciel. Je restais là sans bouger, et Stephen étendu à côté de moi, contre toute attente, respectait l'immobilité quasi morbide dont j'étais victime. Je ne comprenais pas, cet hypnotisme n'avait aucun sens, j'étais à l'abri, je n'étais pas seule, et si les récents évènements ne me laissaient pas véritablement sereine il n'y avait, logiquement, aucun nuage à l'horizon. Il bougea, et son bras qui se détacha de mon côté me fit frissonner - la chaleur ne se transférait plus de sa peau jusqu'à la mienne. Mais je ne bougeai pas. Alors, seulement, je compris ce que ce ciel voulait me dire, me faire comprendre ; je compris pourquoi j'étais plongée dans un état léthargique dont j'ignorais la cause : j'avais ce qu'on appelle communément un mauvais pressentiment.

Il m'avait hantée toute cette semaine, bien que je refuse de l'imaginer pleinement. Brusquement, j'eus peur de cette immensité noire et sans lumière, j'avais l'impression qu'elle allait m'engloutir toute entière. Je crois que mes mouvements furent à l'image de ceux d'avant, il y a longtemps : instinctifs et farouches. Je me retrouvais prostrée en chien de fusil contre Stephen, le cœur tremblant, incapable de prononcer un mot. J'avais peur. D'une peur totale, intense et sans limites - de ces peurs d'enfants qui laissent entrevoir la fin du monde, non pas la fin du monde dans lequel nous visions mais la fin de mon monde à moi, de ma famille, de mes proches. Stephen bredouilla quelques mots, je crois, et ce fut le déclic. Je me levai d'un coup, attrapai mes vêtements, m'habillait sans explication aucune et partis en trombe, ne lui laissant qu'un vague "il faut que je parte" comme maigre compagnie. J'avais envie de pleurer, sur mes épaules tombaient d'un coup tous les malheurs du monde et j'étais bien trop faible et fragile pour le supporter - dans les couloirs je me mis à courir comme une dératée, retenant les sanglots qui menaçaient de jaillir de ma poitrine, courant comme si je voulais sauver ma vie, de quoi, de qui? Peut-être que des fantômes surgissaient de mon passé alors que j'avais pris bien soin de les enfouir sous les couches noires de mon chagrin, mais ce soir j'avais une faiblesse, je n'avais pas cette force, et plus je courrais plus les murs s'écroulaient autour de moi et je n'étais certaine que d'une chose : il fallait que j'arrive avant la chute de la dernière pierre. Je ne croisai personne sur mon chemin, et le silence de Poudlard m'était plus hostile encore que ce ciel terrifiant. A travers mes craintes irraisonnées j'hésitai - retrouver Maman? Ruby? Mais il était si tard, et je n'avais aucune explication à leur fournir, si ce n'est la pure et simple réalité que j'avais envie d'éclater en sanglots et de pleurer à n'en plus finir. Mes larmes longtemps refoulées étaient en trop plein à l'intérieur de moi et la boule dans ma gorge menaçait d'exploser, mais je luttais, aussi fort que je courrais, les poumons brûlés ne pas avoir assez d'air.

Enfin j'arrivais, comme ivre, à la salle commune, et seulement je me rendis compte que je n'avais presque aucun souvenir de la course folle que je venais de faire. Je traversai la salle commune, comme un rêve, puis montai dans le dortoir. Près de mon lit - je n'avais fait aucun bruit, habituée à bouger dans l'ombre et le silence comme un félin - j'enlevai mes vêtements comme une démente, ils me brûlaient la peau, et l'odeur de Stephen contre moi aussi, elle me donnait la nausée. C'était un retour dans le temps. J'avais envie d'arracher mes souvenirs à mains nues, de serrer ma tête entre mes mains à la faire exploser. Et je me roulais en boule au fond de mon lit. Ce fut la pire nuit, depuis longtemps. Petit à petit, comme un engrenage, tout se mettait en place, en lien, en rapport. Tout s'écroulait à nouveau. Papa. Maman. Conrad, loin. Notre famille brisée. Les rides autour de ses yeux. Le fauteuil vide. Mes erreurs d'enfant. La mort. La vie, pas tellement plus douce. Stephen qui ne m'aimait pas - je ne demandais pas une grande histoire d'amour, mais je voulais juste... quelque chose. Nos étreintes qui me paraissaient, tout d'un coup, sales. Les mensonges. Ruby. Hadrian. La fin, et l'ouragan qui approchait... Je le sentais. Bloquées par ma course les larmes ne vinrent pas, non ; elles se contentèrent de m'étouffer tout le reste de cette courte nuit, que je passais dans un demi-sommeil. Je ne dormis pas ni ne restai éveillée. Je fus seulement le jouet des heures terribles que l'on offre aux angoisses nocturnes, avec pour seul carapace mes draps et ma couverture, que j'étreignis comme si il s'agissait de ma vie.

Au matin, j'émergeai, fourbue, épuisée, sans doute plus perdue encore que quelques heures auparavant, mais irrémédiablement fébrile d'un espoir ténu qu'apportent tous les matins du monde. Dehors, à travers les rideaux pourpres de mon dortoir, le soleil brillait faiblement et le ciel était bleu et clair - les fantômes de la nuit me laissaient un quelconque répit. Je jetai un coup d’œil à l'horloge : il était neuf heures.

Je sortis de mon lit en m'obligeant à ne penser à rien, j'allai me doucher, je me lavai les cheveux plusieurs fois, et restai de longues minutes sous l'eau brûlante. Quand je sortis le miroir était recouvert de buée et c'était tant mieux : je ne voulais pas voir les ombres creusées sous mes yeux. Je m'appliquai tout particulièrement à soigner mon apparence, séchai mes cheveux, mis mon jean préféré, un t-shirt de Conrad qui me tombait sur l'épaule, et m'enveloppait dans un de mes sweat préférés également - celui que Ruby adorait me piquer. Il sentait son parfum. Je laissai tomber le maquillage - je n'en avais pas besoin, et je savais que rien ne cacherait mes cernes. Puis, je descendis vers les cuisines. Nous y avions rendez-vous, et si j'avais pris tant de soin à paraître mieux que je ne l'étais en réalité, c'est que je ne voulais pas inquiéter Ruby car en ce moment elle avait bien pire à penser que mes pauvres et incompréhensibles états d'âme. Je marchai, et le bruit de mes chaussures en toile résonnait curieusement, comme si il tenait à me rappeler ma course délirante de cette nuit, ce pressentiment qui me serrait le cœur, mes peurs éternelles. J'avais l'impression d'être au bord d'un précipice.

Cette semaine avait été une respiration coupée, pour elle comme pour moi. Pour elle surtout, bien sûr. Mais elle était ma meilleure amie et qu'aurais-je décemment pu faire d'autre que m'inquiéter, à chaque seconde qui passait, pour son bien-être? Comme toujours elle était restée droite et forte, parce que c'était sa qualité comme son défaut, mais je connaissais trop bien le malheur - elle aussi, j'étais persuadée qu'elle devinait l'inéluctable - pour ne pas craindre la chute. L'imminente et terrible chute. Alors, comme un chasseur de papillons bien étrange je la suivais comme son nombre avec mon filet, prête à la recueillir quand ses ailes viendraient à se froisser. Mais j'avais peur. J'avais peur parce que chez elle la chute ne serait pas juste douloureuse, elle serait dévastatrice, et je crois que je me refusais d'y songer car c'était cela, l'ouragan qui grondait au loin... Petit à petit, le malaise s'étoffa et s'infiltra dans tous les pores de ma peau, comme un courant d'air glacé. Mais non. Cette nuit n'était qu'un cauchemar, Hadrian n'était qu'un idiot, et j'étais bien décidée à lui faire tout oublier.

Une demi-heure avait passé. Une demi-heure pendant laquelle je m'efforçais de ne pas comprendre, de ne pas deviner. L'elfe était notre amie et je lui parlai, je ris même avec lui. Les tartes au citron nous attendaient. Mais elle ne venait pas. J'attendis l'ultime minute, et puis, je ne tins plus. Trente minutes s'étaient écoulée à l'horloge des cuisines. Trente minutes de trop, compris-je trop tard.

Par quel miracle pris-je instantanément la direction de la Tourelle? Par le même, j'imagine, qui m'agita toute la nuit, qui perturba les battements de mon cœur jusqu'à cet instant là. Cette fois-ci ma course fut bien plus ordonnée, bien plus rapide : elle avait un but. Et plus je courrais, plus le pressentiment prenait chair sous mes yeux. Quand j'appelai son prénom, ma voix sonna creux, et déjà vibrait dans tout mon être cette angoisse saisissante.

Elle était là - mais cette vision me frappa avec plus de force qu'un coup de poing. Il y avait tant de douleur dans ses yeux, tant d'absence dans tout son être, que je sus que le malheur était arrivé, que le typhon avait tout explosé ses belles murailles qu'elle avait bâties autour d'elle et l'avait complètement retournée. Alors je sentis mon cœur se détacher de ma poitrine et tomber loin, loin, au plus profond de mon être, et je tombais avec, comme cette fois sur le pont de pierres... La chute, douce et terrible à la fois, et cette quoi, qui, pour me rattraper - nous rattraper?

(I had jumped off the edge)


Elle tomba dans mes bras et je m'effondrais à mon tour. Pauvres petites filles, nous n'étions que deux enfants perdues au milieu d'un tout qui nous avait englouties. Le ciel de cette nuit. Il n'y avait plus d'étoiles.

(something reached out and caught me in midair)


Je tombais et elle aussi et je ne savais pas quoi faire, j'avais envie de crier mais un faible gémissement seulement jaillit de mes lèvres, devant le spectacle de ma meilleure amie qui faisait enfin tomber ses dernières barrières de protection. Alors - comme j'avais senti l’ouragan approcher, j'en ressentis l'impact : le sanglot de Ruby, si lourd et déchirant, m'étreignit le cœur, littéralement, comme si quelqu'un l'avait écrasé entre ses mains et je ne me retins pas, cela m'était impossible - je pleurais avec elle, de larmes bien plus inquiètes sans doute que les siennes, amères et désenchantées, mais elles avaient la même intensité. Je l'entourai de mes bras et la serrai du plus fort que je pus contre moi : là où battait encore mon cœur je voulais qu'elle y trouve tout le réconfort dont elle avait besoin, et tout l'amour que je lui portais.

(That something is what I define as love.)


Ses pleurs, nos cheveux d'or, mes caresses, tout se mélangeait. Derrière le voile de mes larmes, je voyais flou. Je ne voyais rien d'autre que l'intense vide que je ressentais, la sensation ultime de cette impuissance, sans doute le plus terrible sentiment de cette Terre, que l'on ressent face au malheur des gens que l'on aime. Je crevais d'envie de... Je crevais de tout, je pouvais tout faire, tout, mon sang bouillait dans mes veines comme un venin, mais une petite voix dans ma tête persiflait, sadiquement, qu'il n'y avait rien, rien, rien, que je puisse faire. Je voyais les yeux de Maman, tristes à jamais. Rien. Oh! J'eus un gros sanglot, j'aurais aimé que Papa soit là, lui qui était si doux et d'une simple parole et d'une simple caresse évacuaient tous mes chagrins. J'aurais aimé qu'il soit là pour Ruby, pour être ce père qu'elle n'avait pas eu...

- Quoi, quoi? la pressai-je doucement entre deux pleurs. Qu'était-il arrivé? Je voulais le savoir autant que j'avais peur. Mais il me semblait que mes mots murmurés furent emportés par le vent comme de simples feuilles mortes et desséchées - quel pouvoir avaient les mots face à nos tourments?
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Ruby Standiford-Wayland


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MessageSujet: Re: ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥]   ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥] Icon_minitimeLun 12 Nov - 21:54

Le silence m’engloutissait. Je le sentais tout autour, assourdissant dans son immensité, qui me prenait à la gorge et me coupait le souffle. J’avais l’impression qu’il était partout, tout autour, m’étouffant et me possédant toute entière, comme une brume de matinée d’hiver qui recouvrait tout. Mais je n’avais pas froid, mes dents ne calquaient pas, non. Il n’y avait pas de sensation physique. Allongée sur le sol de la tour, je ne sentais même pas la fraicheur des pierres ni leur dureté. J’étais simplement là, sans vraiment y être. Comme hier soir, lorsque mon cerveau et mon corps s’étaient détachés l’un de l’autre. Sauf qu’à ce moment-là, c’était le corps qui avait gagné, et désormais, c’était le cerveau. Il marchait cependant au ralenti, car je mettais tous les efforts du monde pour le faire taire et surtout, surtout, qu’il ne me rappelle rien de ce que j’avais vu ou fait. Je voulais tout débrancher. Je restais simplement là, vide, complétement vide, comme un animal mourant sur le bord de la route qui ne sentait plus simplement sa respiration qui semblait s’en aller peu à peu. J’avais l’impression que petit à petit, toute force me quittait. Est-ce que j’en avais déjà eu ? Qui m’en avait donné ? Et surtout… Pourquoi est-ce que je m’étais acharnée à perdre ce que j’avais si durement gagné ?

Je ne voulais pas y penser. Je voulais simplement que ce soit le vide de mon esprit, tout comme je le sentais dans ma poitrine. J’avais peur de ce moment qui allait arriver, où toutes les pensées allaient revenir. Ricocher dans mon cerveau et exploser comme des petites bombes. Pour le moment, je retenais l’explosion comme je l’avais toujours fais. Comme je l’avais fait depuis ma séparation avec Hadrian. Surtout, ne pas penser aux questions qui fâchent. Ne penser à rien. Ne rien laisser s’échapper, garder le contrôle… N’inquiéter personne, encore moins Liz. J’allais m’en sortir, ne montrer à personne qu’au fond c’était la tempête : je ne l’avais pas encore laissé aller de toute manière. Je préférais me dire qu’elle n’existait pas, parce que si je m’avouais le contraire, il n’y aurait plus aucunes murailles pour retenir l’ouragan. J’avais donc étouffé le plus possible, tout, tout au fond. J’avais vécu une semaine dans un état un peu second, comme si tout me paraissait loin. Couper mes sentiments. J’avais aussi beaucoup bu, mais je ne l’avais pas dit à Lizlor parce que je savais qu’elle allait s’inquiéter –or, il n’y avait pas de quoi. Un tour au cuisine de nuit pour un peu de bierraubeurre ou, je l’avoue, du whisky pur feu, ça ne tuait personne. Ça m’aidait juste à dormir un peu… Quelques heures.

Lorsque les premiers pas retentirent dans l’escalier, je ne les distinguais pas vraiment. Tout me paraissait lointain, ces sons là aussi. Mais petit à petit, cela devint plus distinct. Je me concentrai un court instant, reconnaissant sa foulée rapide, sa manière de monter une marche sur deux. Puis… Sa voix, lointaine, mais je la reconnaissais entre mille. Surtout lorsqu’elle prononçait mon prénom, comme une mélodie. Mais j’entendais, même de loin, toute l’inquiétude qui tremblait dans son ton, et je me sentis frissonner –tiens, mon corps sentait encore quelque chose. Je l’entendis se rapprocher et je me relever très lentement, attendant de voir son visage apparaitre dans l’embrasure de la porte : elle me vit, mais elle resta flou à mes yeux qui ne voyait plus rien distinctement. Mais, et j’en étais sûre, j’aurais senti que c’était elle-même sans la voir. Je connaissais par cœur jusqu’à sa respiration, ses pieds qui tapotaient le sol, l’odeur de son shampoing et le bruit de son menton qui tremblait de panique. Peut-être était-ce parce qu’en moi c’était le silence complet que ces minuscules et imperceptibles bruits résonnaient encore plus fort. Mais mon silence ne dura pas longtemps, car dès que j’entrais en contact avec ses bras…

Tout explosa.

Mes bras plaqués contre sa poitrine, je sentis les siens m’étreindre et ce fût trop, je ne pouvais plus rien retenir ni contrôler. Je sentais une douleur immense, horrible, contracter ma poitrine et m’arrachant presque plus des cris que des sanglots. Mes mains s’accrochaient à Lizlor, comme un naufragé s’accrochait à sa bouée. Minuscule, elle était pourtant la seule chose qui gardait des profondeurs, elle maintenant à la surface. Dans la tempête certes, mais à la surface. Je ne voulais jamais lâcher cette minuscule bouée qui représentait plus pour moi que tout le reste. Je l’avais toujours senti, qu’avec elle c’était différent de toutes les amitiés. Mais là… Ces bras, son odeur, tous ces détails me confirmaient, mais surtout cette immense sensation qui m’aspira comme une vague me confirma que peu importe ce qui se passait, je m’accrocherais toujours à elle parce que sa seule présence changeait tout. Je sentais quelque chose de… Cosmique. Comme si ses boucles blondes étaient mon unique refuge, toujours là. Même quand il faisait froid, quand rien n’allait, quand le refuge tombait en ruine, il n’y avait que là que j’étais chez moi et au milieu de mes pleurs, je m’entendis respirer un grand coup ; un grand bol d’air qui me fit trembler mais me sentir mieux parce que je n’étais pas seule.

Alors que mes pleurs redoublaient sans raison et qu’ils couvraient les mèches dorés de Liz, je sentais son corps aussi trembler et je réalisais qu’au milieu de mes plaintes, il y avait un écho à mes larmes. Elle aussi pleurait. Cette constatation me fit un trou dans le cœur et j’eus la réelle impression qu’il allait s’éjecter de ma poitrine ou peut être mourir… J’avais mal, tellement mal, physiquement et je n’arrivais pas à articuler quoi que ce soit d’intelligible, ce n’était que des murmures tremblants. Je voulais dégager mes bras pour serrer Lizlor aussi, mais j’en étais incapable : je voulais simplement disparaitre dans son étreinte et je n’arrivais plus à bouger même si je sentais mon corps près à flancher, à deux doigts de chuter, mais je m’accrochais comme toujours à elle. Je ne savais pas vraiment pourquoi elle pleurait, je savais qu’il y avait une part d’inquiétude, mais je décelais quelque chose d’autre qui fit redoubler mes larmes parce que je ne voulais pas qu’elle soit triste aussi, peu importe les raisons… Mais je n’arrivais pas à lui dire, j’espérais simplement qu’elle sentait tout mon désespoir à l’idée de la sentir fondre aussi en larmes. Elle eut un sanglot qui retentit partout et contracta mon cœur, je ne voulais pas qu’elle pleure, je ne voulais pas qu’elle aille mal, je voulais retrouver nos soirées sur la plage à fumer et à rire, à l’époque où je pensais encore que le monde m’appartenait et que je le maitrisais, que l’immensité du ciel ne m’effrayait pas… Ramenez moi à ce moment-là, ne serait-ce qu’une minute, pour sentir à nouveau cette légèreté dans mon être. Non, ramenez y plutôt Lizlor. Elle le méritait plus.


- Quoi, quoi?

Ses mots si inquiets, si perdus, ils me perçaient le cœur et je me sentais tellement impuissante. Je voulais calmer mes pleurs, mais la crise refuser de passer et j’avais de plus en plus de mal à respirer ; non seulement les sanglots m’étouffaient mais toute la vérité me coupait aussi le souffle. Que devais-je dire ? Que se passait-il ? J’étais incapable de trouver les mots, je me sentais tellement minuscule et ridicule, tellement perdue dans les événements et les tremblements de Lizlor me faisaient tellement peur et mal, je voulais les arrêter mais tout se mélangeait dans ma tête. Cette tempête que j’avais évitée pendant si longtemps… Elle était encore plus douloureuse maintenant que je la recevais de plein fouet : je n’aurais jamais dû me mentir. C’était horrible de soudain tout ressentir sans pouvoir contrôler. J’avais juste envie de dire à Liz qu’il n’y avait rien, que je voulais juste qu’elle me sert dans ses bras là parce que ça me suffisait, parce que c’était le plus beau refuge que je n’ai jamais eu, mais je n’arrivais même pas à exprimer tout ça, et je m’en voulais tellement de la laisser dans cette attente…

- Je… Je… Les sanglots hachuraient chaque tentative de phrase que je faisais. Je suis… Tellement stupide ! Arrivai-je finalement à articuler dans une dernière tentative, ma voix se brisant horriblement sur le dernier mot, parce qu’il ne représentait même pas le dixième de ce que je sentais à mon sujet. Je… J’ai…

Mais mes pleurs refusaient de se cesser et m’empêcher de continuer. Ma gorge se serrait violemment et je voulais lever les yeux vers ceux de Liz pour y trouver le courage qu’elle seule savait m’insuffler, mais j’avais peur de quitter son épaule et son cou, ses boucles, cet abri. Je sentais mes propres épaules s’agiter de soubresauts. Je tentais, un peu vainement, de reprendre ma respiration pour continuer, et les bras de Lizlor m’encouragèrent tout doucement.

- J’ai fait.. n’importe quoi… C’est… Je… Je fou tout en l’air, je suis minable… Ma voix se brisa de nouveau, totalement dépassée par la confession que je voulais faire et qui refusait de sortir. Lizlor, Son prénom, comme l’ancre jetée dans la tempête, le dernier recours, je veux disparaitre, je veux que ça s’arrête… Et je pleurais encore, toujours plus fort, désamparée. J’en.. peux plus…

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MessageSujet: Re: ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥]   ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥] Icon_minitimeVen 16 Nov - 19:11

Plus elle pleurait et plus je tremblais à l'intérieur de moi, plus je sentais que je n'étais faite que de chair, se sang et d'os et qu'il n'y avait rien de magique là-dedans, pas de pouvoirs dans mes veines pour être capable de sauver les gens que j'aimais. J'en avais fait l'expérience avec Maman, et simplement parce que j'étais l'enfant et elle l'adulte, elle prenait sur elle pour ne pas montrer son désespoir. Je me demandais jusqu'à quel point elle y croyait - est-ce qu'elle ne devinait pas de la même manière dont moi je sentais son désespoir qu'il n'y avait rien qu'elle pouvait me cacher à ce sujet, que l'ombre de Papa planait dans son regard à chaque instant qui passait, et que ses doigts qui souvent se portait à la bague qu'il lui avait offerte rendait encore plus réel encore ce chagrin dont elle parlait pas mais qui planait autour d'elle comme un vautour? En cet instant la situation était désespérément semblable, je n'avais que mes yeux pour pleurer et mon cœur pour souffrir, car quoi que je fasse, je n'apporterais pas à Ruby ce dont elle avait besoin et ce qui lui faisait défaut. Je n'étais que son amie, et si fort soit notre lien, il ne pouvait pas tout combler. Cette constatation, ce n'était pas la première fois que je me la faisais. Et plus je me la répétais, plus elle me faisait mal. A quoi cela servait-il de s'attacher à d'autres êtres si ce n'était que pour souffrir avec eux quand ils souffraient et ne pas être en mesure de souffler sur leurs peines pour qu'elles s'envolent? J'étais prête à tout pour rendre le sourire à celle qui m'avait appris énormément sur l'amitié et sur la vie, j'étais prête à tout pour gommer les imperfections de son passé, ses drames et tout ce qui n'allait pas, et aujourd'hui encore j'aurais pu me saigner en cet instant même pour qu'elle ne pleure plus, mais mon sacrifice n'avait aucun poids dans la balance. La seule pensée sensée que je parvins à fixer, dans l'ouragan de mes émotions qui me nouaient les entrailles, fut que notre relation était à double sens. Elle souffrait aussi quand je souffrais. Et, là, c'était elle qui avait le plus besoin de moi - mon désarroi ne l'aiderait en rien. Alors, aux prix d'intenses efforts, je m'efforçai de ravaler mes violents sanglots qui me faisaient sursauter contre elle, je retins ma respiration quelques secondes pour calmer les sentiments qui m'agitaient, décollait un instant mon bras d'elle pour m'essuyer le visage avant de caresser ses cheveux, son crâne, alors que nos mèches s'enroulaient les unes aux autres comme si elles aussi elles tentaient, dans un effort désespéré, de s'unir pour mieux lutter.

Mes larmes coulaient toujours, car je n'étais pas inhumaine, mais au moins mes sanglots s'atténuaient et ma respiration se faisait plus lente. Je savais que quand on a le cœur brisé on a besoin d'une bouée à laquelle s'accrocher : je me rappelai Maman, quand elle m'avait annoncé la mort de Papa, combien elle m'avait serré contre elle et combien cette lumière dans l'obscurité m'avait procuré force et foi également. Je voulais être cela pour Ruby.

Aussi déchirants qu'étaient ses sanglots qui me poignardaient comme des larmes glacées, je savais qu'ils étaient nécessaires. Quand on sombre, c'est comme ça, il n'y a que les larmes qui donnent l'impression qu'on ressent encore quelque chose, qu'on ne va pas crever de ce vide qui nous étouffe. Je me souvenais d'avoir pleuré jusqu'à l'épuisement et c'était d'ailleurs cela qui m'avait permis un peu de répit, du repos, du sommeil, jusqu'à un lendemain que je ne voulais pas voir, mais c'était ainsi. J'aurais été bien mauvaise conseillère si j'avais voulu forcer Ruby à se calmer et à ravaler ses larmes parce qu'elles m'effrayaient et que toutes les fois où elle retenait son souffle, moi aussi : la catharsis obligeait cette étape. Alors je ne pouvais que répondre à son étreinte, la serrer plus fort quand je sentais qu'elle tremblait trop, caresser encore et encore sa tête comme si elle avait été mon enfant et déposer des baisers sur ses cheveux dors, qui collaient de temps à temps à mon visage humide. A l'intérieur de moi la tornade se calmait pour laisser place à un calme plat et désolé ou résonnaient en écho ses pleurs et ses gémissements, et je ne pouvais rien faire d'autre que de rester là, assise, face à cette immensité qui accentuait ces bruits terribles et mon impuissance.


- Je… Je… Je suis… Tellement stupide ! Après de longues minutes je sentis son état changer, de passer du chagrin au pire à celui qui répond au premier, où l'on cherche une prise de conscience, une quelconque façon de le surmonter. Je… J’ai…

Mais les mots mourraient sur ses lèvres avant même de prendre tous leurs sens. Je devinais la foule de pensées qui se bousculaient dans son esprit et qui finalement explosaient en un vide immense ; je devinais aussi combien il était difficile, pour elle de surmonter tout cela. Depuis toujours, et malgré les épreuves, elle restait droite et fière et je lui connaissais rarement de moments de faiblesse, même avec moi alors que nous étions si proches. Parce qu'elle était comme ça : elle tenait, malgré tout, elle serrait les poings, par peur, et elle avait bien raison, de se faire rattraper par les ombres qui la menaçaient. Au début, je l'avais énormément admirée pour ça. Je l'admirais toujours, parce qu'à sa place moi j'avais vacillé, j'avais préféré me couper du monde plutôt que de garder la tête haute, je n'avais pas su. Mais par la suite... Par la suite j'avais compris les failles de cette grande muraille élevée au fil de ses ans par ses efforts, j'avais vu les fissures qui la menaçaient et l'enjeu qui en découlait. On ne vit pas entre quatre murs, encore moins quand le sol est instable et tremble par moments. C'était un système aussi protecteur que dangereux.

Mais je ne voulais penser à l'atroce idée qu'un jour il s'effondrerait. Pourtant...


- J’ai fait.. n’importe quoi…
Mon cœur s'affola. Ses mots se précisaient. C’est… Je… Je fou tout en l’air, je suis minable… Non. Non, non, non! se révolta mon pauvre cœur. Lizlor, je veux disparaitre, je veux que ça s’arrête… J’en.. peux plus…

Je sentis les sanglots se presser à nouveau dans ma gorge et me crispait pour les ravaler. Non! Terribles, atroces, les mots pointaient du doigt, encore fois, la douleur, et je voulais tellement tout effacer, tellement la persuader du contraire, mais les protestations qui se formulaient dans ma tête me semblaient n'avoir aucun poids. Et moi, je ne voulais pas qu'elle disparaisse. Elle n'était pas minable. Elle ne pouvait pas disparaître.

- Mais il s'est passé quelque chose... Raconte-moi. S'il te plaît.

Je savais la rupture avec Hadrian et les jours difficiles qui avaient suivi, mais encore une fois elle avait gardé le sourire et la tête haute. Je ne comprenais pas comment elle en était arrivé là, à ce point précis, en cet instant - je devinais dans l'ombre qu'il y avait eu autre chose, un élément déclencheur, car même si elle avait cédé à la pression par lassitude, elle serait au moins venue me chercher aux cuisines, elle aurait agi différemment. Je la berçai doucement, suppliant je ne sais quoi de me donner le pouvoir de prendre un peu de son mal-être pour retrouver son rire et ses sourires.

- Tu n'es pas minable. Et je suis là. Je ne partirais jamais.

C'était pauvre, mais il me semblait que c'était tout ce que je pouvais lui offrir... Noyée dans ses larmes et au milieu de ses cheveux épars elle avait l'air d'un ange devant le chaos du monde, et je ne pus m'empêcher de frissonner car ses traits étaient trop tirés, mais elle restait elle, ma Ruby, et je voulais tout faire pour... ne pas la perdre.
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MessageSujet: Re: ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥]   ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥] Icon_minitimeDim 18 Nov - 19:07



"So would you hold me please
I'm trying hard to breathe
I'm just surviving
So would you hold me please
I'm trying hard to breathe
Stop me from crying."



C’était avoir tout contenu qui avait sûrement causé ma perte. J’avais voulu croire qu’il était possible de prétendre être invincible et j’entendais par-là maitresse de ses sentiments, car c’était pour moi là que résidait la véritable force de quelqu’un. J’admirais tellement ces gens qui me semblaient pouvoir rebondir, acceptant d’être en bas comme en haut. Comment faisaient-ils, ces gens-là ? Pour être eux même, pour ne jamais douter… Est-ce que c’était possible, de ne jamais douter ? Pourquoi est-ce que moi, je me sentais constamment dans cet état indéfinissable proche de la perdition ? Et cet état, je le guidais toujours par cette simple idée, celle de trouver une sortie, d’effleurer la lumière, remonter des profondeurs agitées des océans qui avaient engloutis mes sentiments et m’avaient brassé dans la tempête. Mais comment sortir ? Comment m’opposer à ces problèmes ? Pour le faire, il fallait que je réalise qu’ils étaient là. Je le savais, mais je voulais tant minimiser leurs existences, tant croire que c’était fini tout ça. L’avant Poudlard, l’incident, tout ça… Tout ce qui faisait partie de moi, pour toujours, tout ce dont je ne pouvais me débarrasser aussi facilement que je l’aurais voulu. Cette réalité qui désormais me submergeait, cette souffrance que j’avais voulu étouffer, elle revenait si violemment que je n’étais même pas sûre de pouvoir rester debout si je ne m’accrochais pas ainsi à Lizlor. Tout mon corps était douloureux, réellement douloureux. Chaque connexion nerveuse tordait mon cœur, me donnait la nausée, je voulais juste disparaitre quelque part, dans la chevelure blonde de ma meilleure amie ou sous ma couette. Peu importe, je ne voulais plus me voir, je ne voulais plus jamais qu’on me voit.

Ce n’était même pas de la honte, c’était un sentiment bien plus… Je n’arrivais pas à mettre de mots dessus. J’avais simplement l’impression d’être, à moi seule, un énorme échec, une erreur complète de A à Z. Mes conneries m’avaient fait perdre le seul garçon que je n’avais jamais aimé, et que j’aimais encore parce que je ne trouvais rien à lui reprocher d’assez important pour lui en vouloir. C’était fini, le jeu avait pris fin dès que j’avais accepté cette stupide séparation et j’avais trouvé la confirmation dans cette vision de lui et d’une autre. Ça n’était plus moi et ça ne le serait plus jamais. J’avais perdu pour toujours ce parfum enivrant qui me guidait comme la lumière d’un réverbère le soir d’hiver. Cette lumière qui me confirmait que je faisais les choses bien, que je valais quelque chose. Lizlor le faisait aussi mais d’une manière différente… J’aurais toujours choisie ma meilleure amie à Hadrian ou n’importe quel garçon, mais je n’avais jamais imaginé qu’un jour j’aurais pu perdre ce dernier. Je savais que rien n’était permanent, qu’une relation s’entretenait et c’était surement là la différence avec Liz. Avec elle, je savais que c’était pour toujours. Je n’avais aucun doute. L’amitié, la nôtre du moins, était indestructible. Mais avec Hadrian, j’avais toujours eu peur de merder et maintenant que c’était fait, j’étais toute seule dans une pièce sombre, trop sombre et cette obscurité m’étouffait.

A mesure que mes sanglots se faisaient plus pressant, j’entendais ceux de Lizlor se calmer. Comment faisait-elle ? Pourquoi… Pourquoi est-ce qu’elle le faisait ? Être si forte, pour moi qui était si faible, qui pompait toute sa force et son temps sans pouvoir rien rendre correctement en retour. Je voulais tellement qu’elle soit heureuse et je savais que ma douleur était un frein à cela, et ça me faisait encore plus pleurer de savoir que je provoquais cela. Je ne voulais plus rien faire de mal, mais c’était trop tard… J’étais peut-être un mal moi-même, au fond. Je me souvenais très bien que petite, je vérifiais toujours sous mon lit s’il y avait un monstre qui était caché là. Puis, après l’incident, j’avais compris qu’il n’était pas sous le lit, mais en moi, que c’était moi. J’étais mauvaise, malgré moi peut-être, mais je fichais tout en l’air. Personne ne méritait de m’avoir, je ne faisais que du mal. Regardez donc Taylord. J’avais voulu être son amie, et maintenant je me retrouvais à avoir couché avec son ex dont elle était encore amoureuse… Et je me disais être une amie ? Je n’étais rien, rien de plus qu’un vide infini qui détruisait tout sur son passage.

Je veux que ça s’arrête, pitié.


- Mais il s'est passé quelque chose... Raconte-moi. S'il te plaît.

Elle savait, elle avait toujours tout su. C’était ça qui faisait notre amitié quelque chose de si fort, de si différent. Je n’avais pas besoin de lui dire, elle sentait les choses. Maintenant, de toute manière, les sanglots parlaient pour moi et cette douleur qui piétinait mon cœur résonnait dans toute la tourelle. Cette tour où j’avais avoué à Hadrian ce qui s’était passé avec mon père… Cette tour où je venais toujours avec Lizlor pour fumer une cigarette à l’abri des regards. Oui, à l’abri des regards c’était exactement ce que m’inspirait ce lieu. Mais maintenant, bien que je sois seule avec Liz, j’avais l’impression que le monde entier m’observait et me montrer du doigt, criant que j’étais la coupable, que j’avais tout foiré parce que c’était toujours ce que je faisais. Je ne pouvais plus me cacher, ni des autres ni de, encore pire, moi-même. La vérité toute entière était éclatante. Elle m’aveuglait et me brûlait. Je ne savais pas comment la formuler, comment oser dire à voix haute tout ce qui se passait à l’intérieur… Tout ce que j’avais fait… Et si… Lizlor réalisait que j’étais minable aussi ? Si elle me laissait ? Si ma dernière lumière s’éteignait ? Je le méritais probablement. Mais je voulais qu’elle reste là, par qu’il n’y avait plus qu’elle.

Rien que toi, Lizlor.


- Tu n'es pas minable. Et je suis là. Je ne partirais jamais.

Une bouffée d’air dans la tempête, comme si j’avais réussis à sortir ma tête de la vague pour inspirer un grand coup avant de replonger dans cet océan affolé.

Elle allait rester là, je le savais… J’avais juste tellement peur, je sentais les tendons sur mes mains se dessiner à cause mes doigts serrés, enfoncés dans mes paumes, s’accrochant à elle. Lizlor, reste là s’il te plait, gémissait tout mon être. Je savais qu’elle n’allait pas partir, mais j’avais peur de ce que j’allais lui dire. Comment est-ce que j’allais faire ? Je sentais sa voix, ses bras, qui me donnaient du courage mais je ne le méritais pas, je n’arrivais pas à le saisir. Tout semblait si confus dans ma tête, j’avais peur de lâcher tout ça, d’exposer tout ce que j’avais vu et fais. Rendre tout ça réel. Mais je ne pouvais plus me cacher, j’avais fini par comprendre que les dégâts engendrés par la suite étaient les plus douloureux. Je pouvais tout dire à Liz, je le savais. Elle méritait la vérité, je devais arrêter de torturer son cœur dans l’attente. Je tentais de maitriser mon souffle, calmant les larmes qui coulaient cependant toujours et me vidaient de toute mon énergie.


- Hier… Hier soir, tu sais je… Je sentais les larmes qui voulaient redoubler et j’avais le plus grand mal à les retenir, mais je voulais réussir à tout dire d’une traite. Ma voix tremblait et au fur et à mesure que les bribes de la soirée d’hier me revenaient, je sentais les tremblements se propager dans mes membres. La soirée où y avait… Non, pas son prénom… Hadrian.. Aie. Je voulais tellement… Rattraper les choses. Mais… Trop… Un sanglot s’échappa malgré moi. Trop tard. Y avait déjà… Une autre… Je ne pouvais pas détailler plus. Ce résumé concis m’arrachait déjà trop de larmes, et j’avais le cœur qui tambourinait tellement fort, la tête qui tournait… J’en pouvais plus de… D’avoir mal, de sentir un vide immense, de ne plus comprendre ce qui se passait, qui j’étais, marre d’avoir tout perdu encore une fois. J’ai bu, trop bu… La salle sur demande et… Je… Il a débarqué, je pensais qu’il avait la solution… Je n’osais pas encore détailler ce « Il » ni cette « solution ». Je… Devais le faire.

Sans savoir ce que je faisais, je me décrochai des bras de Lizlor et fit quelques pas en chancelant en arrière, prenant mon visage dans mes mains. Toute l’horreur de la situation m’envahissait, je me sentais tellement mal, je fixais le sol, ma vue brouillée par les larmes qui revenaient au galop. Je…

J’ai…


- J’ai couché avec Chuck.

L’aveu m’arracha un sanglot plus d’horreur que de douleur et chancelant, je reculais jusqu’au mur où je me cognais avant de glisser sur le sol sans oser regarder Lizlor. Mes épaules se secouaient sous la crise de larmes qui m’envahissait de nouveau. J’avais perdu Hadrian, j’avais couché avec Chuck…

Je me sentais tellement sale.

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MessageSujet: Re: ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥]   ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥] Icon_minitimeMer 21 Nov - 11:27

Chacun à sa façon pare les bouleversements de la vie. Longtemps je n'avais rien fait, me contentant de vivre dans mes cauchemars, de me couper du monde et de le maudire, en vivant comme une sauvageonne, partageant mes journées entre la forêt et une haine farouche de tout le reste. A l'époque je ne l'avais pas compris, mais je le savais maintenant : cela n'était pas une réaction, c'était simplement une manière de me protéger. Je ne fuyais que moi, je ne craignais que les démons qui m'abritaient, à l'intérieur de moi. Hélas, j'avais eu l'occasion de me confronter à un drame bien plus concret, qui m'avait cette fois percutée de plein fouet. Je n'avais pas de souvenirs exacts de cette période-là. Je me revoyais accrochée aux bras de maman, dans son bureau, et nos larmes tombant en cascade. Puis l'enterrement, la chute, la solitude et le désespoir... Tout cela formait une vaste tornade qui dévastait, quelque part, un coin de mon âme, mais j'avais pris soin de le barricader dans un endroit clos pour qu'il ne touche pas au reste, et je n'y pensais pas. Je m'étais déjà fragmentée - un fragment de plus ou de moins, ça ne comptait lus. Je ne me rappelais d'aucun des détails des jours qui avaient suivis, si ce n'est le moment où j'avais fait la connaissance de Ruby, et cette rencontre sur le pont avec Stephen, qui avait amorcé la suite de notre... histoire. Ces deux moments-là étaient la suite de l'ère suivante, voilà ce que je pouvais affirmer avec certitude. Le reste... Le reste je le laissais au passé, espérant qu'il se perde dans les méandres de l'oubli, même si je savais qu'au fond pires souvenirs étaient toujours tapi en nous, prêts à nous sauter dessus au moment où nous étions les plus vulnérables.

Mais un chagrin comme ça je ne savais, je ne savais plus : j'avais l'impression que celui de Ruby était le plus déchirant, le plus violent au monde, et je ne comprenais pas que chacun s'en rende compte, que les nuages puissent traverser le ciel si paresseusement dans le ciel, que les arbres puissent se balancer tranquillement sous se vent automnal. Etais-je donc la seule à vivre cet instant où le monde s'effondrait petit à petit autour de moi, où chacun de se sanglots fissuraient un peu plus la terre et faisaient s'écrouler des pans de murs entier?! Et pourtant je faisais du mieux que je pouvais, j'étouffais mes sanglots qui ne demandaient qu'à faire échos aux siens, je ravalais mes tremblements et pourtant je me sentais prête à exploser, et j'essayais d'être la plus apaisante et rassurante possible pour qu'elle ne faillisse pas entièrement. Je savais que je comptais pour elle, nous avions vécu assez de choses ensemble pour se comprendre d'un regard et mesurer notre attachement, mais j'ignorais tristement si j'avais un quelconque pouvoir pour lui sécher ses larmes - il y a des choses contre lesquelles on ne peut rien.

J'avais envie de lui parler du soleil d'Oregon, de nos soirées sur la plage, de nos rires dans ma chambre, de nos goûters dans la grande cuisine, de nos bêtises et de nos envies, de nos photos, de nos promenades et de nos repas avec ma famille, mais rien de ce qui me venait en tête me paraissait approprié. Je ressentais l'odeur de sa crème qu'elle se mettait à la plage, j'adorais son odeur encore plus quand le soleil la chauffait et, là, en caressant ses cheveux et en essayant de la bercer je m'efforçais de ne pas respirer autre chose, mais pourtant l'odeur des larmes et du chagrin était trop forte, et l'éclat de mes souvenirs trop terni par mon impuissance.

Elle se redressa un peu et je compris par mes questions et mes caresses encourageantes qu'elle allait parler. J'avais un peu peur de la vérité mais je l'imaginais pas telle qu'elle allait être, je crois :


- Hier… Hier soir, tu sais je… La soirée où y avait… Je hochai la tête. Oui, pas besoin de mots, je voyais. On devait y aller. Hadrian... Je voulais tellement… Rattraper les choses. Mais… Trop… Trop tard. Y avait déjà… Une autre… Je me mordis la lèvre. Quel con. Mais quel con... J’en pouvais plus de… J’ai bu, trop bu… La salle sur demande et… Je… Il a débarqué, je pensais qu’il avait la solution…

Il?! Pourquoi avais-je le pressentiment que le pire était à venir?! Sans que je puisse faire un mouvement elle s'était dégagée de mes bras, brusquement, et debout, elle avait fait quelques pas en arrière, chancelante au possible. J'avais bondi moi aussi, prête à agir, mais restant à une petite distance d'elle, probablement tenue à distance par l'horreur de la vérité qui planait autour de nous deux.


- J’ai couché avec Chuck.


...

Je me précipitai quand elle tomba à nouveau et le bruit sourd d'elle contre le mur m'inquiéta, parce que je craignais qu'elle se soit cognée. Mais elle pleurait comme tout à l'heure et je ne notais pas de blessure, alors je la rejoignis mais me contentai de m'assoir à côté d'elle, une jambe repliée sous mes fesses et une pliée devant moi comme à mon habitude. Je posai mon menton sur mon genou, un peu abasourdie de la nouvelle qui avait du mal à monter jusqu'à mon cerveau.

Ruby et Chuck Carlton. Elle avait couché avec ce type. Avec ce type qui se tapait allègrement toute l'école sans se soucier un instant de celles qui s'attachaient à lui - oh, ça parlait beaucoup en salle de Gryffondor, et j'en savais un rayon sans pouvoir démêler le vrai du faux, mais en tout cas, il en avait cassé des pauvres petits coeurs trop idiots de s'être livrés à lui. Quelle idée! Mais Ruby ne rentrait pas dans cette catégorie et je le savais : elle n'avait jamais eu de vues sur lui et elle appartenait plutôt à ceux qui n'aimaient pas Carlton, puisqu'elle était proche des Easter. Enfin, tout cela était un peu compliqué et je ne savais pas tout mais... Non. Non. Ce n'était pas un truc que faisait Ruby - ce n'était pas normal. Elle avait couché avec lui. J'étais incapable de tourner le problème autrement. Il avait profité de sa tristesse pour se donner du bon temps, c'était ça l'idée? Je sentis de la colère monter en moi en même temps qu'une question bien étrange étant donnée la situation : est-ce que ça avait été... bien? J'étais incapable d'imaginer une telle chose avec quelqu'un d'autre que Stephen, d'autant plus qu'avant rien que l'idée d'un contact trop physique me répugnait. J'avais du mal à l'envisager avec quelqu'un d'autre. Alors avec Carlton... Mais ce n'était pas le moment j'en étais bien consciente et je regardais Ruby sans réussir à dire quelque chose. Elle ne voulait qu'Hadrian, je le savais. Elle avait fait ce que l'on appelle un acte désespéré, quand on s'accorde un écart parce que de toute façon tout va mal, et qu'on croit que ça ne va rien changer de toute façon. Hélas... Nous n'étions que des humains, et les regrets nous rattrapaient bien vite. Surtout qu'avec son histoire particulière... Oh, je n'osais pas imaginer comment elle se sentait. Même si cela n'avait rien à voir... Les souvenirs qui devaient remonter me faisaient trembler.


- Tu veux m'en dire plus?... Je tâtonnai. On s'en fout, Hadrian n'est pas obligé de le savoir, tu as fait une bêtise mais tu ne peux pas te blâmer, ça ne va pas alors voilà forcement tu fais des... bêtises...

Mais était-ce bien ça le problème? Je savais que non, au fond, que c'était un tout, qu'elle n'avait pas besoin de ça, qu'elle avait sans doute accompli le pire et qu'il n'y avait rien qu'elle pouvait faire pour rattraper cela maintenant. Je sentis des pleurs monter dans ma gorge à nouveau, mais avalais ma salive à plusieurs reprises pour qu'ils n'explosent pas. Je me rapprochais d'elle et l'entourai de mes bras une nouvelle fois - c'était, je crois le meilleur que je pouvais lui offrir.

- Oh, si tu savais comme je suis désolée... Mais je ne veux pas que tu t'en veuilles, je ne veux pas que tu te sentes... sale, je... Je détestais probablement Carlton comme rarement j'avais détesté quelqu'un, mais là n'était pas le sujet. Son heure viendrait en temps voulu. C'est fini maintenant tu... Tu vas trouver une solution, parce qu'elle en trouvait toujours? Je craignais de lui mettre trop de poids sur les épaules. Elle avait juste besoin d'Hadrian qui apparemment s'était trouvé quelqu'un d'autre... Lui aussi, son heure viendrait.

Et moi, je voulais tout oublier et qu'on soit encore cet été, quand plus rien ne comptait. Je posai mon front contre le sien et fermait les yeux. Je sentais au fond de mon cœur la même sensation qu'avec Conrad, sauf que là elle était encore plus exacerbée par le fait que notre sang n'avait pourtant rien de semblable. Elle était ma sœur et j'avais l'impression que chacune de ses émotions m'était jumelle.

- On va s'en sortir, murmurai-je. Y croyais-je seulement?
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Ruby Standiford-Wayland


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MessageSujet: Re: ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥]   ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥] Icon_minitimeVen 23 Nov - 17:13

Comment pouvais-je formuler ce que j’avais fait ? Comment formuler cette vérité, telle une bombe, qui brûlait ma gorge avant même d’en sortir ? Pouvais-je seulement justifier cette soirée-là ? Je voulais simplement l’oublier mais c’était trop tard pour faire arrière. C’était inscrit en moi, ça le serait toujours. Comme cette fois-là. Ça n’avait rien de comparable je le savais, mais j’avais toujours cru que tout ce qui se raccrochait à ça, au sexe… Que je ne pourrais pas, que je ne pourrais plus jamais me laisser toucher de la sorte. J’avais plaqué Hadrian en partie à cause de ça, de cette peur qui me tiraillait dès qu’il s’approchait trop, que ses lèvres descendaient un peu trop dans le creux de mon cou, que ses mains… Non, je ne voulais plus y penser. J’avais fui, et pourquoi ? Pour me jeter dans les bras d’un Don Juan, d’un inconnu avec qui j’avais couché sans réfléchir, cherchant vainement une solution à un problème qui n’en avait pas, à mon problème –à moi. Ce que j’avais fait désormais, je n’avais plus qu’à l’assumer et je ressentais tout le poids de la culpabilité qui s’abattait sur moi. Comme un vieil ami que j’avais voulu oublier, qui revenait plus fort encore, m’enfonçant profondément dans des abîmes que je ne connaissais que très bien. Mais j’avais grandi. Maintenant, je réalisais des choses différentes, mes émotions devenaient plus profondes, plus entaillées dans ma chair. Si j’avais toujours souffert de ne pas comprendre l’incident petite, je réalisais à présent qu’il était presque pire de savoir la cause d’une erreur. Et de savoir que cette cause, c’était nous, nous en entier sans aucune excuse si ce n’est d’être nous-même une immense erreur.

Lorsque la vérité franchit mes lèvres, je sentis le monde entier s’abattre sur moi et je ne pus rester debout. Je reculai, me cognai contre le mur sans ne sentir aucune douleur, car celle qui animait et pressait mon cœur effaçait le reste. J’avais mal partout, et j’avais l’impression que c’était inhumain de sentir une telle charge sur soi en un moment si bref, comme si tout vous tombait dessus d’un coup et vous assommait sans pouvoir vous tuer. Comme de la torture. Mais peut-être qu’au fond, c’était mérité, comme si j’avais tendu, tendu un élastique avant qu’il ne claque et me revienne dans la figure. J’entendis Lizlor s’approcher mais je ne voyais plus rien, les larmes ne voulaient plus s’arrêter de couler. J’avais un trou qui se formait dans mon cœur, qui rongeait le reste et j’avais l’impression qu’au fur et à mesure de mes sanglots, je me vidais totalement. Je fourrai mon visage dans mes mains, comme on cherche un stupide refuge dans nos paumes trop petites. J’aurais voulu me couvrir, me cacher, disparaitre. J’avais l’impression d’être gravée au fer rouge de partout, de marques indélébiles que je m’étais moi-même infligée. C’était ma faute. Ma faute.

C’était toujours ma faute.


- Tu veux m'en dire plus?... On s'en fout, Hadrian n'est pas obligé de le savoir, tu as fait une bêtise mais tu ne peux pas te blâmer, ça ne va pas alors voilà forcement tu fais des... bêtises...

Que dire de plus ? Je me sentais tellement stupide. Il n’y avait plus à dire sur moi finalement, je n’étais plus rien. J’avais abandonné le reste de ma raison hier soir, j’avais délibérément choisie de me jeter dans un gouffre. Pourquoi n’avais-je pas réfléchis aux conséquences ? Maintenant, je pensais à tout… A Hadrian. A mon père. Je pensais à Taylord Putain, Taylord… J’avais l’impression d’être littéralement une salope, et ce n’était pas une impression d’ailleurs. J’avais couché avec son ex dont elle était follement amoureuse, j’avais trahie sa confiance. J’étais devenue tout ce que je détestais. Mon estime n’avait jamais été très élevée, et désormais elle était descendue dans les entrailles de la terre, là où elle avait sa place de toute manière. Putain, pourquoi je n’avais pas réfléchi ?! Si je l’avais fait… Est-ce que j’aurais tout de même couché avec lui ? Je commençais sérieusement à me demander si je n’aimais pas me faire souffrir, parce que je le méritais probablement. J’avais lâché Hadrian, j’avais accepté de perdre l’une des choses les plus précieuses à mes yeux. Est-ce que j’avais mérité d’avoir un petit ami comme lui ? C’était l’éternelle question. Mais aujourd’hui, en cet instant précis, je connaissais très bien la réponse. Elle était claire, évidente et s’imposait toute seule.

Bien sûr que non, je ne le méritais pas.


- Ce… N’est pas moi de faire… des bêtises…

Parce que j’étais censée savoir tout contrôler putain ! Je fermais les yeux, tentant de calmer mes pleurs. Mais Lizlor se rapprocha et de nouveau je sentis ses bras se refermer sur moi et cette étreinte fit redoubler mes pleurs pour des raisons inconnues. Peut-être parce qu’avec elle, je sentais que je pouvais m’y abandonner sans gêne ?

- Je… J’aurais dû me… Contrôler.. Je, je voulais le repousser mais… J’en pouvais… J’en peux tellement plus ! Achevai-je d’une voix qui se brisa de nouveau.

Je ne voulais plus jamais penser à tout ça. Mais je savais que, comme l’incident, tout était imprimé dans ma mémoire. J’entendais déjà arriver les insomnies, les souvenirs, les regrets, qui revenaient frapper à ma porte tout content de retrouver un lieu familier. Moi.


- Oh, si tu savais comme je suis désolée... Mais je ne veux pas que tu t'en veuilles, je ne veux pas que tu te sentes... sale, je... C'est fini maintenant tu...

Que pouvais-je lui dire ? Que c’était trop tard ? Que cette pellicule, cette couche de saleté, me recouvrait déjà ? Comme si celle d’avant s’était encrassé et enfoncée un peu plus profondément dans ma peau ?

Lizlor…

Je m’en voulais tellement. De lui faire ça, à elle. Je prétendais être sa meilleure amie et je n’arrivais qu’à l’entraîner vers le fond avec moi. Je sentais sa peine qui grandissait au fur et à mesure que la mienne explosait, j’entendais les sanglots qu’elle voulait contenir et je me sentais si coupable, mon cœur entier battait dans mes tempes et m’étouffait. Tout était ma faute, tout. Pourquoi… Pourquoi est-ce que Lizlor restait là ? Pourquoi s’occupait d’elle d’une fille comme moi qui ne méritait même pas un dixième de l’amour qu’elle me donnait ? Je ne savais même pas comment la remercier, je ne le faisais pas, je ne valais rien. Je ne servais à rien, si ce n’était lui causer de la peine. Mais je n’avais qu’elle, plus qu’elle et je voulais qu’elle reste… Mais à quel prix ? Et si elle était mieux sans moi ? Parce que je ne lui apportais rien de bon, et que je voulais qu’elle soit heureuse, et que peut-être c’était sans moi qu’elle le serait… Je ne voulais pas, je ne pouvais pas quitter la chaleur de ses bras. Je ne pouvais pas imaginer oublier le son de sa voix comme je devais maintenant m’y résoudre pour Hadrian. Je ne pouvais pas, parce que c’était vital pour moi, la bouffée d’air quand je sortais la tête de la vague avant d’être ramenée vers les fonds. Voilà maintenant que j’étais égoïste et que je m’accrochais à Lizlor jusqu’à la faire couler, sans oser lâcher une seule fois son étreinte. Je voulais qu’elle reste, elle aurait dû partir, et mon cerveau me hurlait d’arrêter les sanglots et la douleur qui m’envahissaient mais je n’y arrivais pas, je n’y arrivais plus…


- On va s'en sortir.

Elle avait murmuré cette simple phrase, son front posé contre le mien. Nos yeux s’étaient fermés, et je reprenais mon souffle sans pouvoir cependant cesser de pleurer. Il y avait tellement de choses que j’aurais voulu lui dire…

- Lizlor…

Va-t’en, je ne te mérite pas.
Reste, je t’en supplie.
Je te fais du mal.
Je suis tellement désolé.
Pars je te dis.


- Reste, pitié… Murmurai-je finalement en dégageant mes bras pour enserrer Lizlor, dans une dernière étreinte brisée, désespérée, perdue dans nos cheveux sous lesquels nous disparaissions.

Dans ses bras, chez moi.

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MessageSujet: Re: ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥]   ~ Confusion de Crépuscule. [Lizlor ♥] Icon_minitimeSam 24 Nov - 0:39

Brusquement, j'eus la vision de Le Chat. De ce pauvre petit animal fragile et brave qui n'avait rien demandé à personne mais que la hasard avait placé entre des mains peu... Recommandables... Un instant la vision des mains de Stephen perturba ma raison... Non! Je ne devais pas céder. Le Chat subissait les frasques de Stephen qui le malmenait et décidait, un jour après l'autre, de lui infliger tout un tas de choses qu'on aurait qualifiées comme de la torture si Le Chat avait été un humain. Mais Le Chat restait d'une vivacité et d'une lucidité qui me surprenaient toujours, il avait ce regard malin comme son maître et j'avais le sentiment, quand je le tenais contre moi comme cela m'arrivait souvent, et que je sentais son petit cœur battre contre le mien, qu'il comprenait, qu'il analysait, qu'il en tirait des conclusions. Il savait qu'il n'avait pas le bon maître. Mais il faisait avec, et savoir son malheur ne le rendait que plus fort, c'était sans doute comme cela qu'il tenait. Ruby avait ce trait de caractère elle-aussi, et les frasques de la vie étaient comme celles de Stephen, elles lui bousillaient l'existence, elles la faisaient tomber à genoux, encore et encore. Mais Ruby était forte et droite et fière et elle se relevait à chaque fois - si il y avait bien une chose dont je n'avais pas peur c'était qu'elle arrête de vouloir se relever, et ce courage m'aidait chaque jour à me sentir plus forte.

Mais pas aujourd'hui. Ce soir, j'avais Ruby et sa volonté en mille morceaux entre mes bras, que noyaient les torrents de ses larmes. J'avais l'impression que tous ces petits fragments tombaient dans le lit d'une rivière et partaient vers l'océan qui les perdraient à tout jamais, et que si j'avais voulu les rattraper, mon travail aurait ressemblé à celui des chercheurs d'or avec leur tamis : une entreprise colossale, et vouée à sa perte. Du plus profond de mon être, de ma chair, je ne POUVAIS PAS l'accepter. En cet instant ma main se serra bien plus fort autour du bras de Ruby et agrippa ses vêtements comme si j'allais les broyer sous mes doigts. Jamais je n'aurais cru qu'une telle relation, qu'un tel attachement, pouvait exister. Depuis qu'on était petits on nous berçait d'histoire de princes et de princesses, de bergers et de bergères, d'histoires d'amour merveilleux et déchirant. Mais j'avais l'impression que ce n'était pas l'amour d'un homme qui aurait raison de moi ; rien ne me paraissait plus fort que cet amitié que j'avais pour la Serdaigle, cet amour pur et inconditionnel parce qu'elle était ma sœur, ma confidente, mon amie, ma complice, tout à la fois, parce que rien au monde ne nous liait biologiquement mais que pourtant mon cœur battait à l'écho du sien, et que je savais pertinemment qu'il me serait dorénavant impossible de m'endormir sereinement sans savoir que, quelque part sur la Terre, elle était heureuse et en sécurité. Je ne voulais que ça : son bonheur, son bien-être. Le reste était secondaire.

J'avais besoin de lui dire que ce n'était pas elle le problème, qu'elle n'avait pas failli parce que je savais que c'était cela qui l'atomisait, mais je me sentais prisonnière d'une bulle qui m'écrasait et me faisait sentir misérable. Je haïssais férocement la Terre entière pour ce qu'elle nous infligeait, lui infligeait : je haïssais Hadrian, Chuck, pour commencer, parce qu'ils n'étaient que des pauvres mecs bien incapable de penser avec ce qu'ils avaient au-dessus de la ceinture, je haïssais toutes les pouffiasses qui tournaient autour des garçons, je haïssais les soirées, notre âge ingrat et notre façon de vouloir agir comme des adultes que nous n'étions pas, je haïssais Poudlard et son microcosme qui nous empêchait de nous changer les idées, je haïssais Stephen aussi et sa méchanceté qui ne changerait jamais, et son indifférence, et ce qu'il ne voulait pas voir, je haïssais cette pauvre tourelle qui pour une fois abritait nos pleurs, je haïssais les étoiles dans le ciel qui brillaient lorsqu'il ne le fallait pas, je haïssais les courants d'air glacés qui nous enveloppaient et tout ce qui de près ou de loin affectait Ruby et ternissait son sourire, l'éclat de ses yeux et la mélodie de sa voix et de son rire.


- Ce… N’est pas moi de faire… des bêtises… Je… J’aurais dû me… Contrôler.. Je, je voulais le repousser mais… J’en pouvais… J’en peux tellement plus !

Elle était bien trop exigeante, on fait tous des erreurs... Mais peut-être pas tous celle-là murmura une voix à mon oreille. Pourquoi s'était-elle infligée cela? Pourquoi avait-elle couché avec un garçon pour qui elle n'avait pas de sentiments quand coucher avec celui qu'elle aimait lui était problématique? Pourquoi avait-elle trahi Hadrian avec un autre alors qu'elle reprochait cette même trahison à Hadrian? Et pourquoi enfin avait-elle eu si peu d'estime pour elle-même en couchant avec ce garçon alors qu'elle savait, pertinemment, qu'elle n'était sans doute pas prête à ce genre d'expériences depuis que... Je frissonnai : si pour moi ces questions étaient troubles, Ruby devait en être torturée. Je lissai tristement ses cheveux du plat de la main, me faisant la promesse solennelle que j'allais contrôler ce qu'elle ne contrôlait plus.

- Je sais. J'embrassai sa joue, baignée de larmes : sur mes lèvres, elles étaient salées et trop amères. Mais ça ne change rien. Tu es toujours la même. C'est juste... Une erreur. Pardonne-toi.

C'était bien ça le problème, au fond, non? Je m'en voulais encore pour tout ce que j'avais pu faire et qui étais mal, je m'en voulais pour avoir été si insolente et méchante parfois envers Papa alors qu'il n'avait rien à se reprocher, juste parce que les enfants ont cette tendance à en vouloir à leurs parents de manière absolument irraisonnée. Aujourd'hui encore, je ne me le pardonnais pas et cela me torturait, et je savais que le pardon était mon salut. Mais je pouvais pas m'y résoudre.

Elle s'était cachée à nouveau entre mes bras et ses sanglots redoublaient, mais j'étais heureuse qu'elle ne s'éloigne plus.


- Lizlor... Reste, pitié…

- Je te l'ai dit : je ne te laisserai jamais. Mes mots étaient bien plus assurés que mes gestes, que mes caresses tremblantes, mais sentir ses bras autour de moi et elle tout contre moi, nos cheveux mêlés, nos jambes les unes contre les autres me rendaient plus forte, plus sûr de moi. Rien ne l'anéantirait, il faudrait pour cela que je ne sois plus en capacité de me battre, et je ne voyais pas qui ou quoi pourrait un jour m'empêcher de me battre, si je devais me battre pour elle.

Les minutes qui suivirent me parurent hors du temps. Je la berçai tout doucement, je respirais calmement pour qu'elle calque sa respiration sur la mienne comme quand Maman faisait quand j'avais un gros chagrin. J'aurais aimé pouvoir fredonner quelque chose mais je n'avais pas la jolie voix de Katie alors je me contentai d'être la plus douce possible, la plus réconfortante possible. Ses pleurs devaient sortir et je les recueillais inlassablement. Je n'aurais voulu être nulle part ailleurs qu'ici. Petit à petit, de façon très infime d'abord, je la sentis se détendre un peu, ses bras se faire moins crispés autour de moi, sa tête moins lourde, puis ses pleurs s'espacèrent et je compris qu'elle tombait dans cet état de sommeil étrange qui nous gagne après une crise de larmes, avant de sombrer d'épuisement. Je ne bougeai pas d'un pouce, ne voulant pas rompre cela, parce que je voulais qu'elle se repose. J'avais un peu froid mais elle me tenait chaud aussi, et je fermai les yeux, ne faisant attention qu'à elle, ses sanglots qui s'espaçaient, son souffle qui devenait moins fort et plus régulier, ses membres qui se relâchaient. Après un temps dont je n'eus aucune notion, je compris qu'elle s'était endormie, ou plus exactement, qu'elle était tombée d'épuisement nerveux.

Alors seulement j'osais bouger très légèrement et tirai ma baguette magique de ma poche, avant de réaliser que j'ignorais le sort dont on se servait pour déplacer quelqu'un. Aïe. Pourtant, je ne voulais pas que Ruby passe la nuit ici, dans le froid, sur ce sol dur, et je ne voulais pas non plus la réveiller.

Je pensai tout de suite à Maman. Qu'aurait-elle fait? Elle, elle savait comment bouger quelqu'un... Et puis je me sentais rassurée qu'elle vérifie que Ruby allait bien et qu'elle ne faisait pas non plus une crise de nerfs, mine de rien... Je sus quoi faire, et j'en pris la décision. Je pensai très fort à cet été, la plage, le soleil, Maman, Conrad, Ruby, puis murmurait la formule entre mes lèvres : comme si de mon bras jaillissait un flot d'étoiles, une forme argentée jaillit de ma baguette et prit forme dans l'obscurité. Un beau loup, mince et agile, me regardait, sa tête fièrement dressée, et ses yeux brillaient d'une lumière si douce qu'ils m’apaisèrent aussitôt.


- Va, murmurai-je, et le loup argenté fila, sans bruit, dans la nuit. Ce n'était qu'une question de minutes, et j'attendis.

Maman arriva bien vite et je ne manquais pas de remarquer son regard inquiet, qui s'atténua quand elle me vit mais se raviva en voyant Ruby affalée sur moi. Je lui expliquais rapidement la situation, en noyant les détails : je ne voulais pas mettre Ruby mal à l'aise. Je racontais combien Ruby était fatiguée en ce moment, sur les nerfs, qu'il y avait eu une histoire avec Hadrian et qu'elle était triste, et qu'elle avait beaucoup pleuré et s'était endormi, mais que je ne voulais pas la réveiller. Maman respecta les zones d'ombre qu'elle devina, mais elle fronça les sourcils et me pressa de lui assurer qu'il n'y avait rien de trop grave. Je fis non de la tête, même si j'en étais peu convaincue. Mais j'expliquais que Ruby avait besoin d'une bonne nuit de repos et que j'aurais voulu la passer avec elle, et comme je l'espérais, elle fit apparaître un brancard dans les aires où elle coucha Ruby, et nous quittâmes la tour, chargée de larmes et de sanglots qui résonnaient en écho entre mes deux oreilles.

Je la suivis vers ses appartements, elle y avait une chambre supplémentaire où elle ne recevait jamais personne mais où je faisais la sieste parfois, parce que j'avais envie d'être seule. Nous y installâmes Ruby et Maman me questionna en chuchotant pour savoir si moi j'allais bien, j'acceptais la tisane qu'elle me tendit, puis j'allais me coucher aussi, après l'avoir remerciée et embrassée. Je n'aimais pas abuser de son statut de directrice mais j'étais bien contente qu'elle soit, ce soir-là. Sans bruit, j'enfilais une chemise de nuit qu'elle m'avait prêté et rejoignis Ruby dans le lit en prenant soin de faire le moins de mouvements possibles. Le feu ronronnait dans la cheminée et il régnait une douce chaleur dans la chambre. Je m'endormis après avoir vérifié en me penchant tout contre Ruby que son souffle était régulier et avoir remonté les draps pour qu'elle n'aie pas froid. Ma nuit fut fade et triste comme une nuit sans étoiles.



Fin
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