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Une séparation [PV I.]

 
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 Une séparation [PV I.]

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Alistair Callaghan


Alistair Callaghan
Élève de 4ème année



Masculin
Nombre de messages : 432
Date d'inscription : 17/10/2011
Célébrité : Robert Sheehan

Feuille de personnage
Particularités: Mon crapaud est magique... *regard mystérieux*
Ami(e)s: Daisy, la plus fun qui soit ; Adam, le meilleur de tous !
Âme soeur: Mon âme et ma soeur sont deux choses distinctes; mais en aucun cas je ne confierais mon âme à ma soeur.

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MessageSujet: Une séparation [PV I.]   Une séparation [PV I.] Icon_minitimeLun 24 Oct - 16:55

L'air supérieur de Fergus m'agaçait déjà - je le voyais à sa table en train de pavaner au milieu de tous ses amis, Cassie pas très loin, avec son insigne de Préfète qui la rendait toute fière dès qu'elle la voyait briller sur sa robe. Les gens se contentaient de tellement peu! J'envoyai un coup de coude à Ivy et lui désignait la scène d'un léger signe de tête. Nos aînés étaient d'une telle banalité que c'en était affligeant, et le problème, c'est que personne à part nous ne s'en rendait compte. Nous avions toujours réussi à ne pas trop les côtoyer, ou le moins possible tout du moins, et c'était là une des ombres au tableau très attrayant qu'était notre entrée à Poudlard : se coltiner l'aîné des Callaghan et l'aînée des Valmont 24h/24. Heureusement, comme je me l'étais imaginé, le château était immense, ce qui nous laissait tout de même une marche de manœuvre assez grande pour échapper à leurs insupportables coups d’œil d'aînés protecteurs et avides d'assoir le peu d'autorité qu'ils avaient sur ceux qui leur étaient théoriquement inférieurs. Théoriquement.

Une fille à côté de moi se mit tout d'un coup à pleurer, éclatant en sanglots dans sa manche avec un bruit de mouchoir absolument répugnant. Je levai les yeux au ciel tout en sachant parfaitement qu'Ivy allait avoir la même réaction que moi, avant de m'écarter un peu de la morveuse. Ce n'était qu'une simple répartition; sans doute son grand frère lui avait raconté qu'il fallait combattre un dragon à mains nues, et sans doute son absence de capacités à réfléchir par elle-même lui avait fait croire ce mensonge idiot que tous les grands essayaient de faire gober aux petits. Je lâchai la main d'Ivy à l'appel de mon nom et avançai, confiant, vers le tabouret où reposait le vieux Choixpeau. Je sentis Adam bouger légèrement au fond de ma poche, comme s'il avait compris qu'il allait se passer quelque chose de relativement rare dans une vie de sorcier.


- Tu ne te trompes jamais?
pensai-je après avoir posé le chapeau sur ma tête.
- Hmm... De la curiosité, un esprit vif...
- Tu dois valoir des tas de Gallions, songeai-je, rêveur, un peu indifférent à sa voix qui résonnait dans ma tête. Il se tut pendant quelques secondes.
- Bon, dépêche-toi, soupirai-je.
- SERPENTARD! cria-t-il alors.

Je l'ôtai de ma tête et rejoignis la table des Serpentard, comme mon père avant, comme Fergus, comme Cassie. J'ignorai royalement les signes pompeux de Fergus et m'assis bien loin de lui, au milieu de quelques nouveaux et de quelques plus âgés, sans leur accorder un regard. V était loin après C, et j'avais hâte qu'elle me rejoigne. Je posai ma tête sur ma main, j'étais accoudé sur la table, et j'étouffai un bâillement.

Lorsqu'elle s'avança, je me redressai un peu et balayai la salle du regard avec un intense sentiment de fierté. J'avais regardé toutes les filles qui avaient défilé sous le Choixpeau avec un intérêt plus ou moins fort et une chose était certaine : Iphigenia Valmont était de loin la plus jolie et la plus avenante. La plus assurée aussi, parce qu'elle posa le chapeau sur sa tête de la manière la plus naturelle du monde - elle non plus n'avait pas peur. Peur de quoi, de toute façon? Poudlard n'avait rien d'effrayant et tout le monde passait par là. Je me demandais ce qu'elle pouvait bien lui raconter, à ce vieux bout de tissu magique qui devait valoir son pesant d'or, quand il s'écria...


- POUFSOUFFLE!

... Comment?! Poufsouffle?! Je me redressai d'un coup, comme si j'avais été piqué par une guêpe. Poufsouffle! J'étais à Serpentard, espèce de vieille baudruche magique! Pas à Poufsouffle! Ou bien il fallait me mettre à Poufsouffle, dans ce cas-là!...

- Ce chapeau est vraiment trop bête - comment on fait pour changer de maison? m'écriai-je à haute voix, coupant court et d'une voix forte la discussion de mes voisins. Ils me regardèrent avec des yeux ronds comme des billes et je compris que je venais là de faire preuve d'irréflexion. On ne change pas le choix du Choixpeau. Le contraire se saurait. Je me murai dans un silence boudeur avant de répondre complètement et volontairement par des bêtises aux questions inintéressantes de mes voisins qui essayaient de sympathiser.

***


Les préfets nous réunirent par maison afin de nous montrer nos salles communes. Les groupes de Serpentard et Poufsouffle s'engagèrent dans la même direction, heureusement, et je cherchai le regard d'Ivy dans la foule. Il nous fallait agir maintenant - sinon tout espoir était perdu. Nous pénétrâmes dans les cachots. Parfait! Au détour d'un chemin, je remontai le peloton et arrivai en tête, pas loin d'Ivy; j'attendis le moment propice, et alors qu'une petite artère coupait notre chemin et s'en allait à gauche, s'effaçant dans la pénombre des souterrains, je bondis, attrapai sa main et me mis à courir comme un dératé, l'emportant avec moi. J'entendis un "hé!" mais très vite les bruits de voix s'effacèrent au rythme de notre course folle, et plus le souffle me manquait, plus un rire montait dans ma gorge. Nous finîmes par nous arrêter complètement hors d'haleine, après avoir parcouru un dédale de couloirs plus noirs les uns que les autres, plus étroits aussi, plus humide. Ivy avait les cheveux tout dans le désordre et je me mis à rire de plus belle, mais je sentais l'espoir qui revenait peu à peu et les mauvais souvenirs de la répartition devenir un peu plus lointains.

Un gigantesque croassement retentit depuis ma poche et résonna entre les murs. Je tirai Adam du fond de ma veste; il avait les pattes toutes pendantes et les yeux encore plus vitreux que d'habitude.


- Question de survie, Adam. Désolé.
Il détestait quand je courais comme ça, enfin, de manière générale, il détestait être brusqué, ce qui arrivait très souvent quand on traînait dans ma poche, d'ailleurs. Il allait me faire la tête quelque temps, mais j'avais l'habitude.

Ivy me montra alors une pièce un peu plus loin, une petite salle vide et poussiéreuse, donc l'utilité m'échappait, mais qui avait au moins le mérite de nous offrir l'abri dont nous avions besoin. Je la suivis et fermai la porte, avant de m'assoir en tailleur face à elle, ses genoux touchant les miens. Je posai Adam au milieu qui faisait la mort parce qu'il était en colère, poussai un soupir blasé, puis j'attrapai les mains d'Ivy. Je respectai les quelques silences imposées par notre rituel. Ce silence n'engageait rien de bon d'ailleurs, c'était quand l'état était critique, mais on venait de nous séparer alors que depuis nos 5 ans nous n'avions jamais passé plus de quelques jours sans nous voir, sans être collés l'un à l'autre. Comment pouvait-on réagir?! Nos familles ne s'étonnaient même plus de nous voir toujours ensemble, à tel point que je soupçonnai nos mères de nous confondre parfois, de croire que nous étions tous les deux leur progéniture, car l'un n'allait pas sans l'autre.


- Qu'est-ce qu'on fait? dis-je alors, les sourcils froncés, évoquant le problème qui nous tenaillait tous les deux. Ce Choixpeau est un abruti, rajoutai-je avec férocité. Tu crois qu'on pourrait le faire changer d'avis?

Cela impliquait qu'on aille fouiller dans le bureau de la directrice, mais en soi, ce n'était pas quelque chose qui allait nous dissuader outre-mesure. On ne nous avait pas surnommés Les Enfants Terribles pour notre goût prononcé pour les gâteaux à la crème.
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Iphigenia Valmont


Iphigenia Valmont
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Ami(e)s: Une seule rose peut être mon jardin... un seul ami, mon univers.
Âme soeur: Toi et moi, ensemble, à jamais.

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MessageSujet: Re: Une séparation [PV I.]   Une séparation [PV I.] Icon_minitimeMar 25 Oct - 19:55

« What's in a name ? That which we call a rose
By any other name would smell as sweet. »



Imaginez. Vous avez un nom génial. Beau, agréable à l'oreille, et surtout, respecté et puissant. Ça veut dire que vous pouvez faire des trucs que personne ne peut faire, si vous le voulez. En tous cas, c'est ce que j'ai retenu de tout ce que ma mère m'a jamais enseigné, enfin, tenté de m'enseigner. On pourrait penser que porter le nom de Valmont ne serait jamais source de malheur, d'aucune façon que ce soit ? Eh bien, ce soir, je découvrais que si. Oh, ça ne tenait pas à grand-chose. Une lettre, seulement : « V ». Pour moi, ç'avait toujours été le « V » de la victoire, mais aujourd'hui c'était celui de vie. Car « V » était avant tout la vingt-deuxième lettre de l'alphabet. « C'est la vie », diraient mes ancêtres français. Et, comme c'était drôle, la vie était pleine de ces banalités fatalistes auxquelles tout le monde, y compris les plus riches et les plus influents, devaient se soumettre. Ah ça, certains devaient s'en fendre la poire !

Eh bien, je n'étais pas amusée. J'étais très, très, très,
très. ÉNERVÉE.

Ça n'aurait pas été un problème si seulement le « C » n'avait pas été juste après le « A » et le « B » et s'il n'y avait pas eu, entre lui et le « V », autant de lettres stupides comme « E », « J » ou « M ». De toute façon, quatre lettres avaient de l'importance à mes yeux seulement, et le reste était à jeter.

(Au début, elle avait été curieuse. Le village n'était pas grand et sa mère ne voulait pas qu'elle joue avec les enfants Moldus. Ils ne sont pas comme nous, disait-elle en fronçant le nez. Elle aurait pu jouer avec ses sœurs, mais elle ne savait pas pourquoi depuis toujours elle les trouvait bêtes et ennuyeuses. Mais c'était la première fois qu'elle voyait un garçon de son âge.

Elle avait réussi à vaincre sa timidité et était venue à sa rencontre en passant par dessus la haie qui séparait leurs jardins.

Salut, avait-elle dit. Elle l'avait surpris et elle s'attendait à ce qu'il sursaute et lui crie dessus comme ses sœurs quand elle surgissait derrière leur dos. Mais il l'avait simplement regardée et, après quelques secondes, avait souri. Ce sourire, elle s'en rappellerait toujours.)


Oui, la répartition n'avait pas commencée, mais j'anticipais, vous comprenez. Je savais – et je m'en voulais de ne pas l'avoir compris plus tôt, ça m'aurait permis de m'y préparer – que j'allais devoir ronger mon frein pendant au moins DIX MINUTES, toute seule, quand Ace aurait été réparti. Rien qu'à cette pensée, j'étais une boule de nerfs. Ça m'énervait ! Ça m'énervait ! Oh, j'étais, je ne m'étais jamais sentie comme ça en fait. Ou peut-être que si, mais il y avait si longtemps que je ne m'en rappelais plus. Excitée, nerveuse, impatiente, irritée parfois, ça oui, je connaissais – mais ça ? Non, non. Et puis, la simple vision de mes sœurs me mettaient de mauvaise humeur. SURTOUT Cassie. Oh bon sang. « Tu as bien pris toutes tes robes ? » « Où son tes ingrédients ? » « Ne salis pas ton uniforme » « Je t'aiderai quand on y sera tu verras, après tout c'est mon rôle, je suis Préfète, Préfète-en-Chef, Préfète, Prééfèèète ! ». MAIS LÂCHE-MOI !

Et l'autre, là, à se pavaner. Et la cruche de service, alors elle, même quand elle ne parlait pas elle était insupportable – grosse, moche, pleine de boutons, elle me dégoûtait, j'avais honte ! Comme nous longions la table de Poufsouffle, Lizzie me fit un grand sourire et je la vis murmurer quelque chose à l'oreille de son voisin qui avait une main sur sa cuisse. Dégueu. Je sentis alors un coup dans mes côtés et me tournai vers Ace – j'étais tellement agitée que je lui aurais probablement hurlé dessus si je n'avais pas aperçu ce qu'il me montrait : Cassie et Fergus – son frère – à la table de Serpentard, qui nous cherchaient dans la foule des première année avec cet air de bienveillance narquoise que les presque-grands aiment servir aux pas-encore-grands. Je ne l'aurais jamais admis à Ace, mais j'aimais bien Fergus – il était très grand, avec un visage très, enfin, bien, un regard très, et il ressemblait beaucoup à Ace mais en plus grand – seulement il était toujours insupportable avec Ace et ça je ne pouvais pas l'accepter. Du coup, il était toujours très étonné de me voir lui jeter des regards de franche hostilité et me dévisageait sans comprendre en quoi il m'avait déçue. Mais là, au milieu de toute cette marée d'ados en uniformes, il me paraissait banal, en fait. Quant à ma sœur, même de loin, elle restait la prétention incarnée.

Oh, et maintenant voilà qu'une débile se mettait à pleurer ! Je levai les yeux au ciel tout en sachant parfaitement qu'Ace allait avoir la même réaction que moi, et fit naturellement un pas de côté pour lui permettre de s'écarter un peu de la morveuse. Non mais quelle idiote.


(Il avait dit, Salut. Tu es la fille des voisins ?

Oui, elle avait répondu. Elle n'avait pas dit qu'elle était la quatrième. Elle avait eu envie – dès le début – que ses sœurs n'existent pas, que personne n'existe à part eux.

Comment tu t'appelles ?)


– CALLAGHAN, ALISTAIR !

Deux ou trois rires s'élevèrent dans la salle, mais je n'avais pas envie de rire quand Ace me lâcha la main pour aller mettre ce stupide chapeau tout moche sur sa tête. Quelques secondes plus tard, l'envie revint bien sûr, quand je vis à quel point le « Choixpeau » avait du mal à tenir sur sa tête bouclée. J'oubliais souvent que, quelque fût la situation, Ace me rendait le sourire.

– SERPENTARD !

J'applaudis avec les autres en le voyant se diriger vers la table où l'attendaient son frère et ma sœur. Ils le saluèrent avec des gestes pompeux. Il les ignora – comme nous le faisions toujours – et alla s'installer aussi loin que possible. Dès lors, je ne le perdis pas une seule seconde du regard, même quand il détournait le sien pour observer avec une attention très relative les élèves défiler sous le vieux chapeau rapiécé.

Oh, par le slip de Merlin, que le temps s'accélère…


(Et toi ?)

– VALMONT IPHIGENIA !


Lorsqu'enfin ce fut mon tour je me redressai et, avec un sourire assuré, m'avançait vers le tabouret en faisant voleter mes longues mèches bouclées derrière moi. J'avais bien conscience de mon petit effet. Toutes ces filles avaient la trouille, mais moi je n'avais pas peur ! Voilà pourquoi je n'aimais pas les filles. Toutes des tapettes. Chiche, me dis-je, avant de poser le truc moche sur ma tête. De toute façon, je devais bien reconnaître que j'adorais ça. Me faire belle exprès pour me salir. Combien de fois ma mère avait-elle pester après que je fus rentrée, ma nouvelle robe couverte de boue et d'immondices provenant du bois voisin ? Et cette fois où j'étais tombée dans la rivière Éden ! Ace et moi étions rentrés complètement trempés.

Le Choixpeau était en train de dire des trucs dans mon oreille mais je n'écoutais pas. Je cherchais Ace du regard. Je l'avais perdu ! Mon regard s'attarda sur les visages des élèves de Serpentard, les examinant un par un. Aucun d'eux ne me semblait sympathique. En fait, ils avaient même l'air franchement mauvais, du moins une partie d'entre eux. Une grosse partie. La plus désagréable et hautaine de mes sœurs était à Serpentard. C'était vraiment trop bête qu'Ace y ait été envoyé, parce que je n'aimais pas cette Maison, vraiment.


– POUFSOUFFLE !

Quoi ? Attendez ! voulais-je m'écrier. Mais déjà on m'enlevait le chapeau de la tête, déjà les applaudissements à la table des Jaunes et Noirs m'abrutissaient et je me laissais entraîner vers cette marée qui m'accueillit à bras ouverts, bien plus franchement que les Serpentard ne l'avaient fait pour Ace. Ace ! Je le cherchais dès que je pus et distinguais enfin son visage dans la foule. Je savais, sans avoir besoin de vérifier, que nous avions exactement la même expression de pure horreur. Y'avait-il un moyen de changer de Maison ? Mes camarades secouèrent la tête. Non, pas ça ne s'était jamais vu.

C'était impossible, pourtant ! Ace et moi étions pareils. Virtuellement identiques. A tel point que les gens nous prenaient, sinon pour des jumeaux, au moins pour des frère et sœur. Nous avions la même curiosité, le même goût prononcé pour les choses interdites. Nous aimions les mêmes choses. Même physiquement, nous nous ressemblions : les sourcils larges (je les tenais de mon père, lui du sien), le sourire large et malicieux, les cheveux bruns et bouclés, les yeux clairs. Il était simplement très grand et élancé, alors que j'étais, moi, menue comme une souris (comme ma mère). Des fois, pour renforcer cette illusion de fraternité, je m'amusais à imiter son accent écossais. Ma mère, qui trouvait ça vulgaire, n'avait jamais pu se permettre de me faire une remarque devant Ace, de peur que celui-ci n'aille tout répéter à ses parents. C'était drôle de la faire tourner en bourrique.


(Iphigenia, répéta-t-il. C'est joli.

Elle avait aimé, d'emblée, la façon qu'il avait de prononcer son prénom, lentement, en avalant à moitié le « a » final. Elle ne lui avait pas dit qu'à la maison tout le monde l'appelait Effie parce que c'était plus rapide. Elle n'avait pas envie qu'on l'appelle « rapidement », elle voulait qu'on – qu'il prenne le temps de prononcer chaque syllabe. I. Phi. Ge. Nia.)


Au cours du repas, je parvins à mettre de côté ma mauvaise humeur. Mes camarades étaient gentils. Ennuyeux, mais gentils. Milly ne parlait à personne et me laissait tranquille, et j'avais pris soin de m'installer loin de Lizzie, dont toutes les copines gloussaient en répétant que j'étais « trop mignonne ». Je savais ça très bien. Lizzie me prenait pour son mini-moi parce qu'elle et moi étions les plus jolies de la famille.

Ensuite, on nous rassembla. Les Préfets devaient montrer le chemin aux première année, jusqu'à leur salle commune respective. La Préfète de Poufsouffle était une belle fille blonde qui parlait avec une voix douce. Je sentis mon cœur bondir dans ma poitrine en m'apercevant que nous suivions les élèves de Serpentard dans les sous-sols du château. En fait, je me moquais éperdument de voir la salle commune – je cherchais Ace.

Il me trouva avant que je ne l'eus trouvé. Sa main attrapa la mienne ; comme dans les bois et en un tourbillon de robes, nous disparûmes.

Ça y'est, songeais-je en courant et en riant, ça y'est, tout est à sa place. Les cachots étaient effrayants. Il m'entraînait derrière lui et je me sentais comme sauvée, comme emportée, comme j'aimais. Je me sentais comme quand on jouait à une de ces histoires, de dragons, de princesses téméraires et de chevaliers en armures magiques, sauf que cette fois, le décor était tellement convaincant et la menace pesant sur nous si réelle, que c'était encore meilleur.

Nous nous arrêtâmes enfin, trop épuisés pour courir d'avantage. J'espérais que nous avions semer nos poursuivants. Ils finiraient par nous retrouver, songeai-je, mais pour l'instant, nous étions ensemble. Son rire, son petit visage dans le noir me redonnait courage. Il mit soudain une main dans sa poche.


– Oh, le pauvre trésor ! m'exclamai-je en couvant d'un regard tendre Adam lorsqu'il émergea.

Techniquement, ce crapaud était la propriété d'Ace, mais nous avions passé tellement de temps à nous en occuper qu'il était un peu à moi aussi. C'était en quelque sorte notre mascotte. Où que nous allions, il n'était jamais très loin. Ma famille au grand complet haïssait les crapauds : celle d'Ace aussi. Ça ne nous avait jamais arrêté, vous me direz.


– Question de survie, Adam. Désolé, s'excusa mon ami auprès de l'animal.

Je complétais cela par un sourire navré mais ça ne changea rien : Adam était vexé de ce mauvais traitement et il allait nous bouder encore un moment.

Ça ne faisait rien. Nous avions des problèmes plus urgents. Apercevant une petite pièce qui semblait vide, dans la pénombre, je la désignai à Ace qui me suivit à l'intérieur. Nous nous assîmes face à face, fermant les yeux. Il attrapa ma main droite, j'attrapai la sienne, et nous restâmes silencieux le temps qu'il nous fallait pour nous ressourcer. Le rituel imposait une minute et vingt-six secondes, mais nous dûmes tenir plus longtemps cette fois. Ce silence, cette obscurité en aurait effrayé plus d'un, mais il me rassurait au contraire, car la seule chose que je sentais était sa présence près de moi.


– Qu'est-ce qu'on fait ?

J'ouvris les yeux. Ace n'était jamais sérieux qu'avec moi ; pourtant, je ne l'avais jamais entendu parler ainsi. Comme moi, il était en colère. C'était encore plus inquiétant dans son cas.

– Ce choixpeau est un abruti ! Tu crois qu'on pourrait le faire changer d'avis ? ajouta-t-il avec une détermination rageuse.

Malgré la gravité de la situation, j'éprouvai l'envie irrésistible de le serrer dans mes bras. Je me contins.


– On m'a dit que non, pendant le repas. Mais on peut essayer, répliquai-je en haussant les épaules, nonchalante. De toute façon, la salle commune, c'est seulement pour dormir, non ? Chiche de dormir dans mon dortoir ce soir, ajoutai-je en coulant un regard malicieux dans sa direction.

Je donnais toujours l'impression de tout prendre avec légèreté, même quand quelque chose me bouleversait. Normalement, je ne faisais jamais semblant avec Ace, mais là c'était juste trop. Il fallait que je m'amuse.
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Alistair Callaghan


Alistair Callaghan
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MessageSujet: Re: Une séparation [PV I.]   Une séparation [PV I.] Icon_minitimeSam 29 Oct - 1:56

Il n'y avait sur cette terre qu'Ivy pour qualifier Adam de "trésor", et pour le penser, qui plus est. Car Adam était un trésor au sens premier du terme, et quand je l'avais trouvé, dans une mare d'Écosse après une pluie diluvienne qui avait saccagé le toit de notre appenti, je m'étais senti comme le détenteur d'un bien rare et inestimable. Ce jour-là j'avais volé l'argent de poche mon frère aîné, Fergus, qui comme à son habitude m'avait agacé lors du repas. Pourquoi, je ne m'en rappelais pas exactement, et c'était d'ailleurs un détail bien inintéressant. Ce qu'il fallait retenir, c'est que Fergus était un être insupportable, qui non content de m'ennuyer avec ses agaçantes manies, se prenait en plus pour mon modèle spirituel, mon deuxième père. Il passait le plus clair de son temps à me donner des leçons et à me faire la morale. La meilleure des parades était de faire semblant de l'écouter pieusement et de lui rendre par la suite la monnaie de sa pièce. Combien de fois avais-je fait son lit en portefeuille? Combien de fois avais-je rempli ses chaussures de boue? Combien de fois avais-je malencontreusement versé du sucre dans son assiette à la place du sel? Combien de fois avais-je fouillé dans sa chambre, changé ses objets de place, cousu l'insigne de son uniforme à l'envers avant qu'il retourne à Poudlard? Je lui volais également souvent des objets ou de l'argent, tout d'abord parce qu'il en avait trop et moi trop peu, mais surtout parce que c'était ma façon à moi de lui donner des leçons. Bref, ce jour-là, je serrais dans ma main tout fièrement mes deux Gallions dérobés à Fergus. J'étais allé joué dehors parce que j'en avais assez des pleurs de Vanora, cette nouvelle arrivante qui me déplaisait beaucoup : elle pleurait, hurlait, bavait, POINT. Insupportable. Inintéressante. Broderick lisait, et moi, je m'ennuyais.

Il avait tellement plu que notre jardin au sol irrégulier était rempli de petites flaques, qui formaient comme un parcours sur le sol. Dans combien de flaques pouvais-je sauter à pied joint, en ne faisant qu'un bond entre chaque? Toutes? Challenge accepté. Floc, floc, floc, l'eau m'inondait les chaussures et le pantalon, mais je sautai un peu partout et consciencieusement histoire de passer au moins une fois par chaque flaque. Ce que je réussis. Je m'arrêtai et contemplai fièrement le champ de bataille : l'eau de chaque flaque était toute boueuse et beaucoup avaient débordé. Un crapaud croassa, pas loin, comme souvent. Je mis la main dans ma poche pour tâter mes deux jolis petits Gallions comme si ils étaient une récompense, et là, horreur : ils n'y étaient plus. Ils avaient jailli de ma poche. Évidemment.

Je détestais perdre quelque chose qui m'appartenait et je détestais par dessus tout perdre de l'argent. Furieux, je pataugeai dans les flaques, à la recherche de mes deux précieuses pièces.


CRÔOO-AAAAH, fit une nouvelle fois le crapaud. Il croassa si fort que je levai les yeux et le cherchai du regard. Il était un peu plus loin, entre deux flaques et... et tenait dans sa bouche MON Gallion! Il parut me regarder, sautilla un peu plus loin, posa le Gallion, plongea dans une flaque, ressortit le deuxième Gallion, le posa près du premier, et s'installa à côté comme une poule qui protège ses œufs. Et puis il croassa encore. CRÔOAA!

Impressionnant, me dis-je. J'étais réellement estomaqué. Je m'avançai vers l'animal et m'assis face à lui, sur le sol trempé.


- Ce sont MES Gallions, crapaud,
expliquai-je posément.
- Crôa-crôa, fit-il après un temps de réflexion. Il me regardait. Il était moche, immonde même, d'un noir-gris-marronnasse proche de la bouse de dragon, avec des pustules, et des yeux kakis et humides. Il bavait, aussi.
- Je ne compte pas te les laisser.
- ... CRRRÔA.
- Mais non. C'est moi le plus fort, de toute façon. Mais si tu veux, tu peux être mon ami. Je vois qu'on aime les mêmes choses.
- Crôa. Crôa. Crôaaaa.


J'appris par la suite qu'Adam croassait trois fois quand il était d'accord avec ce que je disais ou bien qu'il était heureux. En tout cas, pour conclure notre rencontre, je l'avais pris et posé dans ma main, puis rangé les pièces dans ma poche, en promettant de les partager avec lui, car dorénavant, ce qui était à moi était à lui. Nous avions passé tout le reste de l'après-midi à chasser des mouches, des vers, des larves et des insectes que je rangeais précautionneusement dans une boîte où ma mère gardait son jus de citrouille. Adam était bien meilleure que moi mais je m'étais confectionné une tapette et j'avais appris de sa manière d'agir. La chasse s'avéra fructueuse et me permit de garder Adam avec moi pour la nuit sans qu'il ait un petit creux.

Inutile de s'étonner de la réaction de ma mère. Quelques jours après - j'avais essayé de garder Adam discrètement, car ma mère avait une sainte horreur de la saleté - elle était venue dans ma chambre faire je ne sais quoi et elle avait glissé sur un ver échappé du garde-manger d'Adam. Elle était tombé les fesses sur mon lit - heureusement. Mais à moitié sur moi en même temps, et à moitié sur le coussin sous lequel j'avais vite poussé le crapaud.


- CRÔA - AH - AH - AH ! s'était indigné Adam, mais j'étais persuadé qu'il se moquait d'elle aussi. Il avait raison : la scène avait été risible.

Elle avait poussé un hurlement strident, mais par Merlin, Alistair, quelle est cette immondice, cet animal est affreux, que fait-il ici, tu vas me rendre folle, il salit tes draps, cette boîte... QUELLE HORREUR!, veux-tu bien le jeter dehors je t'en prie, fais-le, tout de suite, tu vas attraper des maladies!

Quelques sourires plus tard, je l'avais rassurée, je l'avais suppliée, je l'avais bernée, et Adam avait le droit d'être mon crapaud, à condition qu'il ne dorme pas avec moi et qu'il ne vienne jamais à table, ce qu'il fit tous les jours à compter de ce moment, bien entendu.

Son prénom m'était alors apparu de façon très logique. Adam me comprenait, sur tout. Il se moquait de ma mère, oh, il l'aimait bien, elle était gentille et faisait tout ce que je voulais, mais elle était un peu ridicule, un rien lui paraissait une montagne. Il détestait Fergus et lui piquait souvent de l'argent. Broderick, il s'en fichait, il l'embêtait un peu de temps en temps mais il avait compris qu'on ne pouvait trop rien en tirer. Et il râlait toujours contre Vanora, surtout la nuit quand elle nous empêchait de dormir en pleurant. Adam, ça le contrariait, et il l'exprimait d'ailleurs très clairement :

- Ouiiiiiiin.... CRÔAAAAA... Ouin, ouin, ouiiiiin... CROARFCROARGRR... Ouin... CRÔA-AAAH CRÔAAAH!!

Ces nuits-là, je ne dormais pas beaucoup.

Bref, ce crapaud avait plus de points communs avec moi que quiconque, ce crapaud était le premier qui me comprenait réellement, ce crapaud était devenu mon premier compagnon quoi que je fasse, ce crapaud était mon double, et surtout, il était le premier être sur cette terre à qui je m'étais attaché. Il était le seul digne d'intérêt. Le premier. Adam.

La première, c'était Ivy. La première et la seule, elle aussi. D'ailleurs elle avait été la seule à bien réagir à la vue d'Adam. Quand je l'avais rencontrée, après qu'on ait déménagé, je me rappelais de l'expression de son visage, alors qu'on se parlait au-dessus de la haie des voisins. "C'est mon crapaud", avais-je dis en attrapant Adam qui mâchouillait une mouche dans l'herbe. Cette phrase, je la disais généralement en valeur de test, guettant la réaction des gens, qui était toujours aussi ridicule que drôle. Du dégoût, de la peur, tout ça. Ivy - Iphigenia à l'époque - avait juste levé un sourcil, examinant Adam d'un air intéressé. "Il s'appelle Adam" avais-je répondu à sa question silencieuse, avant d'ajouter : "Il est magique". Je m'étais contenté d'un demi sourire satisfait et mystérieux. Si elle le méritait, elle apprendrait le secret d'Adam. Et j'avais été certain que j'allais lui dire très rapidement, car personne jusqu'alors n'avait considéré mon crapaud avec autant d'intérêt qu'elle.

Adam était devenu notre emblème, avec les années, et je savais qu'elle l'aimait autant que moi, et qu'elle aimait autant que moi le fait que personne n'aime Adam.

Ivy ouvrit les yeux dans le noir d'un coup, et m'accrocher à son regard me rasséréna un peu. J'étais toujours en colère, mais le simple fait qu'elle soit avec moi m'empêchait de perdre espoir. Elle était tout ce que j'étais et tout ce que je n'étais pas, elle m'apportait tout ce que je n'avais pas, tout ce que je voulais. Nos mains étaient l'une dans l'autre et si j'avais voulu tracer sans les toucher la limitation entre nos deux peaux, je n'aurais presque pas pu, tant je me sentais elle et je la sentais moi. Nous étions inséparables depuis nos 6 ans, et c'était pour tout le monde devenu une telle habitude que je n'étais pas persuadé qu'ils mesuraient la profondeur et la force du lien qui nous unissait. Il n'y avait qu'elle et moi. Et Adam.


– On m'a dit que non, pendant le repas. Mais on peut essayer. De toute façon, la salle commune, c'est seulement pour dormir, non ? Chiche de dormir dans mon dortoir ce soir?


Elle donnait souvent l'impression que rien n'avait d'importance et son calme apparent me fit un effet relaxant, tout de suite. Ma colère retomba et je pus prendre un peu de recul. Cette séparation était horrible, mais pas insurmontable - nous étions plus forts. Plus forts que tout. J'avais un peu envie de pleurer en me disant que nos deux maisons n'avaient pas le même nom, parce que je voulais être avec elle tout le temps, tout le temps, mais elle avait raison. C'était seulement pour dormir. Nous allions trouver des compromis.

- Chiche!
répondis-je alors, avec un sourire espiègle. A ces mots, Adam bondit sur les genoux d'Ivy avec un petit croassement tout calme, signe qu'il ne faisait plus la tête et signe aussi qu'il n'y avait pas de quoi s'inquiéter. Mais cette fois, essaye de ne pas piquer toute la couette, rajoutai-je très sérieusement. Ivy avait la détestable manie de s'enrouler dans la couette comme une chenille dans son cocon si bien que je devais me coller à elle pour avoir un peu chaud, quand elle ne tirait pas TOUTE la couette que je me retrouvai à devoir me lever pour chercher une autre couverture.

Je gardai sa main dans la mienne et me mis sur mes pieds, lui laissant le soin de porter Adam car il avait apparemment envie de lui faire quelques petits câlins. Il m'énervait quand il était comme ça, il faisait les yeux doux, et Ivy le couvait avec ce regard maternel et plein de douceur et je n'aimais pas trop ça. Je préférais qu'elle me regarde moi.

Nous cheminâmes à l'aveuglette dans les couloirs mais finîmes par arriver dans un boyau qui me paraissait familier. Je souris en pensant à Fergus qui devait me chercher partout, cet imbécile. Et Cassie qui devait faire son intéressante devant les première année. Après de longues minutes, nous sentîmes des odeurs de nourriture; nous n'étions plus vraiment dans les cachots, je ne savais pas où exactement. Des bruits nous provinrent de la droite, nous bifurquâmes, un bruit de porte qui se ferme retentit. Je contemplai Ivy, interrogatif, face à un immense tableau représentant - d'où l'odeur?! - une nature morte.


- C'est toi, la Poufsouffle, finalement, constatai-je un peu tristement toutefois. Ce "toi" me séparait d'elle, pour la première fois. Où peut bien être ta salle commune? Je l'interrogeai du regard comme j'essayais de réfléchir de mon côté, mais je n'en savais trop rien sur Poufsouffle et ses secrets. En tout cas, je gardais la main d'Ivy précieusement serrée dans la mienne.
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MessageSujet: Re: Une séparation [PV I.]   Une séparation [PV I.] Icon_minitimeSam 17 Déc - 0:51

Comme je l'ai déjà dit, les cachots étaient froids, humides et effrayants. Pour autant, je ne me sentais pas mal à l'aise – et je savais qu'Ace non plus. Le froid et l'humidité n'étaient pas choses à nous déranger. Il pleut beaucoup dans le Kent comme dans le reste de l'Angleterre – c'est même à la pluie que nous devons nos charmants jardins verdoyants. Ni lui ni moi ne nous étions jamais sentis chez nous dans les salons moquettés de nos manoirs voisins – tous deux grands et luxueux, abritant chacun une famille nombreuse et désireuse de se tenir à l'écart de toute population Moldue. Aux tapisseries et au feu de cheminée ronronnant dans l'âtre, je préférais le clapotement des flaques sous nos bottes, quand nous jouions sous la pluie, jusqu'à ce qu'il pleuve tant et tant que nos parents nous appellent à grands cris et qu'il ne fusse plus possible de faire semblant de ne pas les entendre.

Parfois, nous allions jouer l'un chez l'autre ensuite. C'est alors que je m'apercevais que ma maison – comme la sienne – était pleine de recoins, de cachettes où nous pouvions nous dissimuler et jouer à nos jeux d'enfants. Mais, à peine Ace rentré, je retrouvais ma morosité habituelle, et les lieux m'apparaissaient de nouveau sans intérêt, comme désenchantés. Sans Ace, au fond de ces cachots dans les sous-sols de Poudlard, j'aurais eu très peur. Avec lui à mes côtés, cette peur prenait une dimension de mystère très excitante et je me sentais prête à affronter n'importe quoi, malgré le choc que nous venions de subir.

– Chiche ! répondit Ace à ma provocation, comme je savais qu'il le ferait.

Les défis avaient toujours été au cœur de notre relation. Chiche de passer par-dessus cette barrière. Chiche de grimper à cet arbre. De découper un t-shirt hawaiien à Adam dans la robe de soirée de Cassie avec la baguette de Fergus. Parfois – souvent – les défis prenaient des proportions démesurées qui nous condamnaient à une punition. Les blessures physiques, chez nous autres sorciers, sont rarement un sujet d'inquiétude, mais nous redoutions surtout que nos parents nous privent de nous retrouver. Cela arrivait parfois, mais ne durait jamais longtemps.

Notre deuxième peur, c'était Adam.

(Il avait dit que le crapaud était magique mais elle avait du mal à croire que cette chose grise aie le moindre don. Il devait l'être pourtant, car elle l'avait aimé tout de suite, comme elle aimait toutes ces choses incongrues qui répugnaient sa mère et de ses sœurs. Je peux toucher ? elle avait demandé, et le garçon avait répondu, bien sûr, et avec ce sourire bizarre et nouveau lui avait tendu la chose et elle avait senti dans ses doigts la texture étrange, molle, visqueuse, froide, tellement différente qu'elle voulait la tirer dans tous les sens comme du porridge. Le garçon avait raison, ce crapaud était magique. Elle avait porté la bête à sa joue, sans oser l'embrasser – elle ne voulait pas qu'il se change en prince.)

Pauvre amour, sans cesse poursuivi de tous ! Nous craignions qu'un jour, un de nos frères et sœurs ne l'écrase par vengeance, à force de le retrouver partout, comme la signature de nos crimes. Adam était une part de nous, un être intelligent. Son coassement était notre cri de ralliement. Il nous prévenait des dangers plutôt que de nous prédire le temps qu'il allait faire. Il était plus utile que toutes mes sœurs réunies.

– Mais cette fois, essaye de ne pas piquer toute la couette, ajouta Ace avec sérieux, un air un peu râleur que j'adorais sur son petit visage.

Prise au jeu, je répliquai avec toute la vivacité naturelle qui seyait à nos disputes – elles pouvaient s'avérer très violentes :

– C'est TOI qui la piques tout le temps !

En vérité, nous nous battions souvent pour garder la couverture et je gagnais toujours, parce que j'étais plus forte que lui, ou parce qu'il me laissait gagner. Ce que j'aimais encore mieux c'était quand nous dormions têtes bêches : nous jouions à nous mettre les pieds dans la figure toute la nuit jusqu'à tomber d'épuisement et je me réveillai systématiquement le nez entre deux de ses orteils, suite à quoi, avec une grimace de dégoût, je m'empressai de repousser sa jambe et de le réveiller par une bataille d'oreiller. Ensuite, nous descendions déjeuner parce qu'il était midi et nous étions ravis de nous gaver de quartiers de viandes et de pommes de terre et de légumes sautés et de pudding juste au réveil, parce qu'à huit ans on est pas fragile, on avale tout plus vite que tout le monde pour sortir et jouer car si le temps passe lentement, il n'y a pas une seule seconde à perdre.

(Le deuxième jour, ils avaient vu l'arbre alors qu'ils se promenaient dans les bois entourant le village. Ils avaient monté les branches une à une, pour voir lequel arriverait au sommet le plus vite. Ils n'avaient pas encore eu l'idée d'en faire leur refuge. Cela viendrait plus tard. Ils avaient le temps.)

Cessant de dorloter Adam, je me concentrai un moment sur le visage d'Ace dont les yeux brillaient dans l'obscurité, sans qu'il y eut pourtant la moindre source de lumière. Cette brillance venait du plus profond de lui-même, je le savais.

– Viens, fis-je d'une voix douce, car je m'en voulais d'avoir crié.

Il me laissa Adam – le pauvre chou avait bien besoin d'encore un peu de tendresse – tandis que nous nous relevions pour chercher ma nouvelle salle commune. Ce que nous fîmes. Nous mîmes du temps à revenir sur nos pas – ou bien avions nous emprunter un chemin différent ? Nous cessâmes de marcher seulement lorsque nous eûmes atteint un couloir mieux éclairé, presque chaleureux, bordé de natures mortes qui semblaient respirer à la lumière des torches. Nous étions perturbés.

– C'est toi, la Poufsouffle, finalement, fit Ace, hésitant. Où peut bien être ta salle commune ?

Mais j'étais aussi perdue que lui. Ce “c'est toi” m'avait fait mal. Je me sentais vraiment coupée, pas seulement de Ace mais de moi-même – il était une part de moi et j'étais une part de lui, et nous séparer était aussi douloureux que d'essayer de nous arracher les jambes.

Quelle importance qu'Iphigenia Valmont aie été envoyée à Poufsouffle ? J'avais été Oreste dans les rêves de mon père, Ginny dans les bras de ma mère, Effie dans les bouches de mes sœurs ; j'avais été la quatrième pour les oncles et les tantes, l'enfant terrible pour les voisins, Valmont sur le pointillé des formulaires et ici, peut-être, enfin, serais-je Iphigenia. Mais il n'y avait qu'un nom auquel je répondais véritablement. Comme j'avais donné son nom à Ace, il m'avait donné le mien : Ivy. Et j'espérais qu'un jour, il le compléterait.

Avant que j'ai eu le temps de répondre, cependant, un cri retendit derrière nous. Ace et moi nous retournâmes d'un seul bloc pour voir Fergus, Cassie et Lizzie fondre sur nous telle une nuée de rapaces. Adam se recroquevilla sur mon épaule, et je pressai la main d'Ace dans la mienne. Soudain la peur était là, elle me glaçait jusqu'aux os. Je ne supporterais pas d'être emmenée quelque part tandis qu'il serait emporté ailleurs, j'en avais la certitude.
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MessageSujet: Re: Une séparation [PV I.]   Une séparation [PV I.] Icon_minitimeDim 8 Jan - 20:53

De la même façon, il n'y avait qu'Adam pour comprendre pleinement ce lien entre Ivy et moi. Je n'étais qu'un enfant - comme Fergus aimait le rappeler avec sa voix de Préfet qui se croit omniscient - mais pourtant je percevais les choses, bien plus de choses que mon aîné j'en étais sûr. Et depuis qu'Iphigenia Valmont était entrée dans ma vie - ce nom, j'aurais pu le répéter encore et encore et jamais je n'en aurais percé entièrement le mystère. Elle était la partie lumineuse en moi, elle était le moindre recoin de mon esprit, elle était cette forme qui se cache dans l'ombre de mes idées noires. Elle prenait bien des visages. Et je les aimais tous. - j'avais ressenti pleinement ce qu'était la vie. La vie au sens propre, le sang qui pulse dans les veines, la douleur, la beauté du monde, la faim, la soif, le bonheur, la joie, les rires, les pleurs, le vent qui souffle sur la peau, le soleil qui brûle, l'eau qui s'insinue sous les vêtements. Ivy m'avait donné naissance tout comme je lui avais insufflé pour la première fois de l'air dans ses poumons. Cette rencontre par-dessus la barrière avait marqué à jamais nos êtres, ils avaient fusionné pour donner naissance à une entité, seule et unique. Elle était moi et j'étais elle, elle était là toujours, que ce soit dans les ténèbres ou dans la lumière, elle était comme un ange sur mon épaule, celle dont je ne doutais jamais. Qui pouvait comprendre? Personne. Nos mères nous confondaient parfois, pestaient souvent de nos cris, de nos rires, de nos bêtises, de la boue que nous mettions partout, de nos chamailleries, de nos messes basses que personne ne savait interpréter. Mais plus que tout, elles étaient dépassées par leur propre progéniture. Il y avait une force qui émanait de notre union qui était dévastatrice, inébranlable, impénétrable. Ses sœurs et mes frères avaient également de tenter de s'y immiscer, sans aucun succès. Fergus avait beau mettre son nez partout, tout comme Cassie, Lizzy avait beau essayer de la jouer cool et de partager nos jeux, il y avait toujours un moment où un mur s'érigeait, car notre complicité excluait quiconque. Cette complicité était mon liquide vital; Ivy était le centre de mon monde, et mon monde ne contenait qu'elle, et Adam. Adam, le seul à mesurer ce qui se passait réellement, le seul à entrevoir la puissance de notre galaxie.

Je ne le cachais pas : le fait que nos maisons soient différentes ébranlait mon assurance pourtant infaillible. Qu'allais-je faire sans mon double, ma sœur de sang, la jumelle de mon âme, la moitié de mon cœur? Je revoyais ce moment où, perchés dans notre arbre - le plus haut, le plus gros, le plus noueux et le plus ancien du petit bois près de chez nous. Ivy et moi étions faits pour le meilleur. - nous avions incisé nos deux index. Elle avait tiqué alors que je ne la quittais pas des yeux tandis que je lui avais entaillé la peau avec le petit couteau en argent que j'avais volé à mon père. Tout au fond de moi il y s'était passé quelque chose de terrible quand j'avais vu le sang perler sur sa peau et que j'avais compris que JE lui avais fait mal. Puis elle m'avait coupé le doigt aussi et je n'avais pas bronché, parce que j'étais un garçon. Parce que la force qui émanait d'Ivy me rendait indestructible. Nous avions collés nos doigts l'un contre l'autre et, les yeux dans les yeux nous avions dit -
« Toi et moi, ensemble, à jamais ». Je n'avais jamais vu autant de gravité sur ses traits, jamais entendu autant de sérieux dans sa voix. C'était peut-être pour ça que je l'entendais encore, cette phrase prononcée par Ivy en même temps que moi. Jamais je ne l'oublierai.

– C'est TOI qui la piques tout le temps !

Adam émit une sorte de gargouillement parfaitement dégoûtant qui ressemblait au rot de Vanora quand ma mère venait de lui donner à manger. Ca, c'était le son qu'il émettait quand on se disputait et qu'il n'était pas content, pas content du tout. Piqué au vif je la dévisageais sans masquer mon énervement. Quel culot! Ivy était une princesse qui ne s'en cachait pas - elle avait donc des sales manies de princesse à qui tout était dû, ce qui lui seyait à merveille, je devais bien le reconnaître.

- MOI? Tu plaisantes! Quand tu dors, tu te prends pour un ver à soie dans son cocon! Je finis toujours la nuit sans couverture!


En vérité je me fichais, ces nuits-là j'avais froid et je pestais contre elle, mais au matin quand je voyais sa petite tête enroulée dans les couvertures et que j'entendais Adam ronfler par terre dans un de mes pulls que je lui avais donné et sur lequel il bavait sans relâche - signe qu'il était heureux - il y avait un soleil à l'intérieur de moi qui m'illuminait tout entier, et j'oubliais le reste. Mais j'aimais tout de même à lui rappeler. Je croisai les bras et la défiai du regard.

– Viens.

Mais elle avait ce don pour me fondre alors que personne ne le pouvait. Pour les autres j'étais une machine, indestructible, qui roulait dans un bruit du tonnerre vers son seul et unique but. J'étais un mystère pour mes parents, une épine dans le pied pour mon frère aîné, un ouragan pour le deuxième. Pour Ivy j'étais Ace. J'étais moi.

Je laissais dans la salle humide note dispute et entraînai Ivy ailleurs, vers cet endroit maudit, sa salle commune, qui scellait pour la première fois notre différence. J'avais mal dans mon cœur mais pour la première fois également je ne pouvais pas lui dire, je ne pouvais pas lui montrer ma faiblesse parce que je voulais qu'elle puisse s'appuyer sur moi, parce que nous allions surmonter cette épreuve. Après tout, nous avions grandi dans des foyers différents, bien que voisins. Ces salles communes n'étaient autres que nos maisons respectives, et nous étions les champions pour en défier les lois, alors ce n'était pas à Poudlard que notre petit manège allait cesser.

Hélas, ce n'était pas à Poudlard non plus que la présence polluante de nos aînés dans notre vie allait cesser. Avant même que nous ayons eu le temps d'étudier la tapisserie magique, des bruits de pas retentirent dans le couloir et nous retournâmes d'un seul mouvement. Soudain la pression de la main d'Ivy se fit plus forte et elle se rapprocha imperceptiblement de moi : je sentais sa peur dans tout mon être et la couvris d'un regard rapide et rassurant. Sa peur décuplait mon courage; ni rien ni personne ne pouvait faire planer des nuages sur son visage que je connaissais sur le bout des doigts.

- Ils sont là, remarqua Fergus sur un ton grandiloquent. Cette remarque était absolument dénuée d'intérêt puisque nous étions en plein milieu du couloir et eux aussi, par conséquent, ils nous voyaient parfaitement. Il était comme ça, tout dans le paraître, dans le néant, dans l'inutile. Il était comme ça parce qu'il brassait le vide qui l'emplissait en croyant être quelqu'un de génial.

- Sans blague,
ironisai-je en souriant, moqueur.

- Alistair, tu dois venir avec nous, susurra Cassie de sa voix mielleuse en me regardant d'un air sévère. Pourtant dans ses yeux brillait une intense satisfaction. Ce « tu dois venir avec nous » la réjouissais au plus profond de son être, cette garce, parce qu'elle avait le droit souverain de me séparer d'Ivy. Mes doigts écrasèrent ceux d'Ivy; de l'intérieur, je bouillais.

- Je vais m'occuper de toi, Effie! fit Lizzie en voletant près de nous et en tendant la main vers sa jeune soeur. Elle tournait une mèche de ses cheveux toujours impeccablement coiffés entre ses doigts et nous souriaient d'un air aimable - comme d'habitude, elle tentait d'être sympa, mais ne comprenait rien. Rien. Rien au drame qui se tramait.

- Oh, j'aurais adoré venir avec vous, mes seigneurs, mais voyez-vous, Iphigenia et moi avons d'autres projets que supporter vos sales bobines de vautours. N'y a-t-il donc pas de choses à faire plus intéressantes dans la vie d'un préfet que de traquer les premières années?
Je fis mine de réfléchir. Non? Je souris d'un air amusé. C'est bien ce que je pensais. J'eus une moue désolée. Dommage... Sarcastique, mon ton se fit plus dur.

Je reculai d'un léger pas. Ils étaient trois et je savais que Fergus ne nous laisserait pas faire. Mais Ivy et moi étions indestructibles. Et ce ne serait pas à Poudlard que tomberait notre bastion. Tant que nos coeurs battraient à l'unisson il resterait, à jamais, une étincelle d'espoir.
« Toi et moi, ensemble, à jamais ».
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MessageSujet: Re: Une séparation [PV I.]   Une séparation [PV I.] Icon_minitimeMer 11 Jan - 17:32


by the cracks of the skin I climbed to the top
I climbed the tree to see the world
when the gusts came around came around to blow me down
I held on as tightly as you held onto me

I held on as tightly as you held onto me



-

(Parce qu'ils étaient ensemble et parce qu'ils étaient là-haut perchés si loin du monde, l'endroit semblait sûr. Alors ils avaient décidé de bâtir leur refuge ici. A l'intérieur, il y aurait tout ce qu'il faut pour être heureux, et rien de ce qu'il faut pour faire semblant de l'être. Des assiettes et pas de couverts. Une nappe, et pas de table, ni de chaise. Un lit, pas deux, et une couverture. Ce serait leur cabane, leur château en Espagne. Pas d'adulte, pas de frère ou de sœur, personne – ni pour la construire, ni pour y vivre. A part eux. Et Adam.
Dans leur château, ça sentait le soleil.)


Dans les cachots, ça puait la mort. Quelque chose – plus d'un quelque chose – avait dû crevé ici, des élèves avaient dû se perdre peut-être et depuis leurs cadavres pourrissaient dans quelque recoin sombre. Et s'ils se relevaient soudain pour nous attaquer ?

C'était ce que j'espérais. Merlin, c'était tout ce que je souhaitais. Parce que des squelettes putréfiés auraient été préférables à ce qui nous attendait.
La chute.


– Ils sont là.


C'était dans ces moments là que je comprenais pourquoi Ace haïssait tant Fergus. Vous voyez, c'était toujours lui qui nous surprenait à faire des bêtises, qui venait nous chercher quand nous ne répondions pas à l'appel de nos parents, toujours lui qui venait fourrer son nez là où celui-ci n'était pas désiré. Lui et Cassie. D'ailleurs, un jeu très drôle dont Ace et moi nous amusions souvent consistait à deviner laquelle de mes sœurs Fergus épouserait. Cassie la vipère, Lizzie la pie, Melly le vilain petit canard ? Nous guettions le moment où Fergus se trouverait seul avec l'une d'elle – un geste un peu ambigu, et nous nous mettions à hurler « FERGUS ET… ASSIS DANS UN ARBRE… ! » et son beau visage se décomposait et alors je me demandais comment j'avais pu le comparer à celui d'Ace qui jamais, jamais, jamais ne se serait énervé au point de perdre sa beauté. Il était beau, mon Ace, avec ses cheveux tous fous et ses grands yeux et ses sourcils qui ressemblaient tant aux miens et son sourire qui transformait mes après-midis mornes et gris en aventures extraordinaires.

– Sans blague.

Même maintenant, il illuminait cet endroit répugnant, boyaux d'un château qui n'avait rien à voir avec le nôtre. Tant qu'il y aurait du rire dans sa voix, je savais qu'il y en aurait dans mon cœur.


– Alistair, tu dois venir avec nous.

Je soufflai très fort en fixant ma sœur d'un regard de haine. Cassie ne s'adressait jamais à Ace que quand elle y était obligée. C'était « Alistair, peux-tu me passer la sauce s'il te plaît ? » quand il était invité à dîner, et aussi « Alistair, ta mère vient de me dire que tu devais rentrer maintenant », ça elle ne s'en lassait jamais. Elle lui réservait ce petit air hypocrite, cette voix mielleuse qu'elle avait chipé à ma mère ; le simple fait d'entendre le nom de mon ami dans sa sale bouche suffisait à me donner des envies de meurtre. Comme si ELLE avait le droit de lui parler ! Je préférais encore qu'elle s'adresse à moi, pour me reprocher nos bêtises communes. Avant Ace, mes souvenirs étaient vagues, mais je savais que mes sœurs m'énervaient déjà. Depuis qu'il était arrivé, nos relations avaient empiré, et même, chaque fois que l'une d'entre elles (ou mes parents, pour ce que ça changeait) osait se montrer alors que nous étions tranquilles, tous les deux, tous seuls, ma haine envers elle se manifestait encore plus violemment. Je voulais qu'elles disparaissent, chacune d'entre elles – sauf les jumelles, qui ne nous dérangeaient jamais – je voulais qu'il n'y ait que nous au monde.

Et maintenant Cassie voulait emmener Ace dans ce « nous » abject dont je ne faisais pas partie, et ça m'était insupportable.


– Je vais m'occuper de toi Effie ! déclara Lizzie qui essayait de rendre la situation moins sinistre.

Je ne répondis ni à son appel ni à son geste de la main et détournai royalement le menton avec un petit « Hum ! » méprisant. Lizzie était tout aussi hypocrite que Cassie, tout aussi menteuse. Elle agissait toujours comme si elle se souciait de moi, me prenait pour son double, répétait à quel point j'étais mignonne à toutes ses copines et voulait toujours me coiffer et me pomponner comme une poupée. Alors qu'en réalité elle ne me connaissait pas. Elle se plaisait à faire croire à tout le monde que je la prenais pour modèle, qu'elle allait m'apprendre tout ce qu'elle savait. Mais c'était MOI qui l'utilisait, pas l'inverse. Si je voulais une nouvelle robe, je n'avais qu'à aller la voir pour faire du shopping. Si j'avais envie de me maquiller, elle me prêtait ses affaires. Mais dès qu'Ace apparaissait, elle n'était plus rien. Et pour le moment elle était moins que rien.

La main d'Ace, elle, était dans la mienne, et je la préférais de loin, merci.


– Oh, j'aurais adoré venir avec vous, mes seigneurs, mais voyez-vous, Iphigenia et moi avons d'autres projets que supporter vos sales bobines de vautour, répondit soudain Ace à toutes ces provocations.

J'eus un petit rire léger – d'abord parce que j'adorais qu'il prenne ce petit ton narquois, qui n'imitait rien ni personne mais qui pourtant parvenait à se moquer à la fois de mes deux sœurs et de son frère en même temps (il fallait voir leur réaction, je vous jure !) ; ensuite, parce que cette tranquillité apparente me rassurait, bien que je sus que c'était une façade. Nous étions aussi effrayés l'un que l'autre, mais plutôt mourir que de le laisser paraître.


– N'y a-t-il donc pas de choses à faire plus intéressantes dans la vie d'un préfet que de traquer les premières années ? continua Ace, faisant semblant de réfléchir.

Je pris une pose songeuse, échangeant avec lui un regard faussement interrogatif.


– Non ? C'est bien ce que je pensais, conclut mon ami, toujours moqueur.

Une fois de plus, je jouai le jeu en secouant la tête d'un air peiné, la bouche en cœur, en direction de Cassie qui me retourna un regard courroucé.


– Outch ! Touché, lui soufflai-je (avec un petit bisou en prime).
– Dommage…
– Maintenant ça suffit ! s'écria Cassie de sa voix de crécelle.

J'avais dû l'irriter une fois de trop car elle sortit sa baguette. Ace avait déjà reculé en me poussant derrière lui, et j'étais partagée entre lui lancer un regard sincèrement admiratif, et me libérer pour confronter ma sœur. J'avais six ans de moins qu'elle ? Et alors ! J'étais forte d'une amitié unique ; Cassie, elle, ne partageait son sale caractère qu'avec elle-même.


– Oh mon dieu, Alistair, elle va nous attaquer !! Qu'allons-nous faire ?? m'écriai-je en prenant un air faussement terrifié, avant de rire aux éclats.

Il tinta, léger comme un verre qui se brise.

– Personne n'a le droit d'être dans les couloirs à cette heure, Effie, insista Lizzie, douce et détestable.
– Vous allez aller dormir, chacun dans sa Maison, dans son dortoir ! ajouta Fergus qui lui aussi commençait à bouillir.

Il s'avança alors et avant que nous ayons pu intervenir m'arracha littéralement son frère, le traînant par le bras comme un vulgaire pantin tandis qu'il se débattait. Cette fois, aucun de nous ne riait et nous hurlions toutes les obscénités connues de notre jeune âge. Cassie me bloquait le passage et me tenait les poignets. Elle finit par me donner une gifle, qui envoya Adam, toujours accroché à mon épaule, rouler par terre. Je poussai un cri d'horreur mêlée de rage qui résonna dans les cachots et tentai de la griffer mais elle était plus forte que moi.


– ACE !! ACE !! ACE !! ACE !!!!

Il pleurait et je pleurais et ça faisait si mal, et quand son petit visage terrifié disparut à l'angle du couloir, ce fut comme si on m'avait arraché, non pas le cœur, mais quelque chose d'encore plus profondément enfoui en moi, comme si on m'avait arraché à moi-même, parce que j'étais à lui, toute à lui, et qu'il était à moi, rien qu'à moi – et maintenant je me sentais brisée et morte et vide.
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Âme soeur: Mon âme et ma soeur sont deux choses distinctes; mais en aucun cas je ne confierais mon âme à ma soeur.

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MessageSujet: Re: Une séparation [PV I.]   Une séparation [PV I.] Icon_minitimeMer 15 Fév - 18:06

Ne dit-on pas que le désespoir est une arme terrifiante, terriblement puissante? C'était vrai. Et il y avait bien longtemps qu'Ivy et moi l'avions compris. Contrairement à tous, à nos familles, à notre entourage. Je ne comprenais pas comment nos parents avaient pu engendrer de tels enfants, si différents. Nos mères, meilleures amies, nos pères, petits clichés du patriarcat dans toute sa splendeur; nos aînés, s'inscrivant dans les pas du premier-né modèle et qui n'étaient que l'ombre de ceux que leurs parents voulaient qu'ils soient. Ensuite, il y avait les autres, des spécimen plus ou moins dégénérés, comme des essais, un peu ratés, après le premier, mais avant le dernier. Il n'y avait qu'à voir Broderick : il paraissait s'excuser chaque seconde d'exister et ne parlait pour ainsi dire jamais, et en fait, lui avais-je déjà vraiment parlé un jour? Il ne m'intéressait pas. Il m'intéressait uniquement quand j'avais besoin de quelque chose et qu'il pouvait me l'apporter. Un peu comme Lizzie pour Ivy. Une balle pour un chien, un joujou qui parfois s'avérait utile pour passer le temps. Et puis il y avait nous, nous deux, si différents des autres, si semblable l'un à l'autre, si étrangement liés, contre tout et tous. Nous qui vivions dans un monde aussi parfait que mystérieux aux yeux de tous. Nos propres parents, alors que nous n'étions encore "que des enfants" ignoraient tout de nos jeux, de nos discussions. Ils ignoraient que nous avions déjà fait le mur pour aller à la ville alors que tout le monde dormait paisiblement dans nos deux maisons. Ils ignoraient que nous avions déjà fait tout ce qu'ils nous interdisaient, que nous les avions volé, que nous les avions épié, que nous avions sans doute osé bien plus de choses que nos aînés si conventionnels.

Il y avait quelque chose en moi dénué de toute peur, dénué de tout fatalisme, mais dénué de tout espoir aussi, quelque chose de plein, de fort, qui me laissait tout simplement croire que nous étions les plus forts quoi qu'il arrive. J'avais confiance en notre bonne étoile car jamais elle ne nous avait abandonnés - et je savais qu'il en était de même pour Ivy. Pourtant un petit quelque chose de désagréable me titillait, là, alors que nous étions soudain pris au piège par la brigade de nos aînés qui n'avaient rien de plus palpitant à faire de leurs vies que de briser celles de leurs benjamins car elles étaient bien plus belles que ce qu'ils n'auraient jamais.

Droite et fière, comme toujours, Ivy avait soufflé, les narines pincées et la bouche fendue en une moue pleine de mépris. Elle avait l'air d'une princesse courroucée qui n'apprécie pas beaucoup qu'on vienne piétiner les belles plates-bandes de son château et qui va d'un instant à l'autre punir les braconniers. Elle était si belle quand elle se mettait en colère que j'aurais pu cesser tout mouvement et la regarder agir immobile; mais je savais que derrière cette façade de glace, dure et aiguisée, il n'y avait rien d'autre que la jumelle de ma crainte, celle qu'on nous sépare, car ils avaient l'avantage du nombre.

Avais-je déjà vu Ivy perdre un jour de sa si belle contenance, face à ceux qui voulaient nous nuire? Jamais. Tout comme moi elle puisait une force, tout au fond de nous deux, que rien ne pouvait ébranler. Et si par malheur le vent soufflait et faisait frémir la flamme de notre courage, il y avait toujours l'autre qui prenait le relai, ainsi, nous ne flanchions jamais. J'avais peur, mais serrer sa main et la sentir tout aussi provocante et pleine de hargne à mes côtés me rendait invincible.


– Outch ! Touché,
glissa-t-elle de sa petite voix chantante, narquoise, en direction de son écervelée de soeur. J'eus un regard faussement désolé vers Cassie, puis un autre vers Ivy : nous faisions comme si nous étions sincèrement dépité pour eux, avec un talent d'acteur digne des plus grands comédiens. Jouer, tirer les ficelles de nos pantins, mener par le bout du nez les acteurs de nos histoires, c'était là notre domaine de prédilection. Les autres ne s'en rendaient pas toujours compte, mais ils étaient la plupart de nos manigances, de nos jeux de rôles, et nous mangeaient dans la main à l'instant précis, à l'endroit précis où nous le voulions.

– Maintenant ça suffit ! Cassie avait soudain haussé le ton et sorti sa baguette - oh! Voilà qu'elle trouvait la plaisanterie un peu trop longue, voilà que ces deux mioches qui leur tenaient les têtes alors qu'ils étaient trois, bien plus grands, et dans leur esprit bien supérieurs, voilà que ces deux mioches froissaient délibérément son égo et qu'elle allait tenter d'user de la force, de nous vaincre.

Pauvre sotte. Quoi qu'il arrive, quoi qu'elle fasse, quoi qu'ils mettent en œuvre, tous, pouvaient-ils espérer franchement nous séparer?! Il y avait dans mes veines la vie entière d'Ivy et inversement; il y avait entre nous et pour toujours un lien magique bien plus fort que tout ce qui pouvait exister sur cette terre.


– Oh mon dieu, Alistair, elle va nous attaquer !! Qu'allons-nous faire ??
- Je ne sais pas, tu crois qu'ils vont nous mettre une fessée?
continuai-je sur le même ton.

Son rire résonna tout en moi, jusqu'au plus profond de mes entrailles. Je l'aimais, ce rire; il m'était le plus beau, le plus doux, il me laissait imaginer la saveur que pourrait avoir le paradis - notre paradis.

Mais pour l'instant des ombres planaient sur notre route, et j'avais eu beau pousser Ivy derrière moi et me tenir d'avantage sur mes gardes, prêt à attaquer, ils avançaient tous les trois, tels des oiseaux de proie...

– Personne n'a le droit d'être dans les couloirs à cette heure, Effie.
– Vous allez aller dormir, chacun dans sa Maison, dans son dortoir !


- NON! m'époummonai-je alors, dans un dernier geste désespéré de résistance, alors que Fergus et ses muscles bêtes et méchants m'agrippaient sans ménagement. Je sentis la main d'Ivy s'échapper de la mienne et un hurlement de rage s'échappa de ma gorge alors que mon frère me coinça entre ses bras me laissant volontairement le champ libre pour observer la scène de Cassie qui envoyait sa main promener sur la joue de sa sœur. Le bruit de cette gifle me secoua les os et s'inscrivit dans ma chair, comme si on l'avait brûlée à vif. J'eus un regain de hargne et me débattis d'avantage, mais Fergus était grand, simplement plus grand, et si moi j'avais l'agilité et l'esprit en plus, c'était arithmétique, sa masse musculeuse gagnait forcément sur la mienne.

Je sus alors que pour ce soir nous avions perdu - et jamais en ce instant je n'avais autant haï Poudlard et son Choixpeau, Serpentard et Pouffsouffle, cette cérémonie de répartition, les cachots, cette tapisserie, nos salles communes respectives - respectives. Pas identiques.

Je frappai de mes poings chaque endroit que je pouvais atteindre alors que Fergus battait en retraite et me séparait un peu plus à chaque instant d'Ivy. Ses cris me déchiraient le coeur et je ne pouvais m'empêcher d'y répondre, me cassant la voix, me brisant les cordes vocales et m'essoufflant complètement, mais mon corps tout entier hurlait cette douleur, l'atrocité de cette séparation :


- IVY! IVY!! IVY!!


Je vis Adam éjecté dans la bataille, et il sautilla un peu plus loin; je reconnus à sa démarche, à ses petits bonds tout rapprochés qu'il était terrifié et qu'il tremblait. Ses yeux devaient être tout plissés et il devait avoir la bouche toute sèche - je le connaissais par coeur. Mon pauvre crapaud! Une bouffée de tendresse m'envahit - Adam, dommage collatéral des stupidités de nos aînés, Adam lui aussi souffrait de cette trahison. Avec qui allait-il aller?! Il savait que nous n'étions qu'un. Ce "un" dont il faisait partie, d'ailleurs. "Va avec elle, reste avec elle!" le suppliai-je par la pensée.

Malin petit animal : se faufilant le long du mur il sautilla à la suite de Lizzie et se faufila par la tapisserie, à mesure que Fergus m'éloignait. J'eus un rire fort et moqueur : au fond, ils n'avaient pas gagné. Ils ne gagneraient jamais. C'était toi et moi, ensemble, à jamais.


- TOI ET MOI, IVY!... lançai-je dans le couloir, avec force, et un mystérieux sourire sur les lèvres, adressé à elle, rien qu'à elle.

Fergus ne retint un cri alors que je lui mis un coup dans le tibia et me jeta sans ménagement contre le mur glacé du couloir qui menait à la salle des Serpentards. Mais je n'avais pas mal, je n'avais pas peur, et je m'en fichais. Il y avait au fond de moi une fissure douloureuse mais le seul fait de penser à Ivy et Adam en colmatait le fond. Nous étions plus forts. Et pour rien au monde je n'aurais montré à Fergus et Cassie qu'ils nous avaient blessé, profondément blessés - ce n'était qu'un premier jour parmi tant d'autres. Pourtant, en entrant dans la salle commune des Serpentard, je la trouvais morne, creuse, comme morte. Il manquait quelque chose - il manquait la princesse de mon royaume, et je sentis toute ma volonté s'effriter peu à peu.

Comment allions-nous faire pour survivre à ces chemins divergents, alors que nous étions un tout, une unité, une entité?... Demain était trop loin, six ans étaient un siècle. Une terreur sans nom naquit au fond de mes entrailles.
Mais c'était nous. A jamais.
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