[Sondage]Lou-Eden VS Daniel.

Une nuit froide. Banale. Echoué sur le bord d’un trottoir, tenant entre mes doigts engourdis une cigarette que je regarde se consumer. Les volutes de fumée qui s’en échappent ont des airs de démons sous la lumière crue du lampadaire. Lumière qui m’éblouit. Je m’élève avec peine au dessus du bitume. Marche vers l’obscurité. Le square désert baigne dans le silence. Heure morte entre la nuit et l’aube, l’agitation de la ville se cristallise en de lointains échos.

J’escalade la grille avec l’agilité d’un pachyderme. Me reçois comme tel de l’autre côté, c'est-à-dire sur le cul. Les cailloux de l’allée sont plutôt confortables. Mon cerveau abruti d’alcool tarde à me relever. Je me traîne avec peine jusqu’au banc le plus proche et m’endors sitôt que ma tête entre en collision avec le bois dur.

Je rêve. Des pas crissent dans les graviers, s’arrêtent à ma hauteur. Mes yeux s’ouvrent sur une silhouette floue accroupie devant moi. La mise au point se fait progressivement, facilitée par l’étrange lueur qui semble émaner de la créature et la nimbe d’un halo doré. Je crois que je savais avant même de le voir que cette chose n’était pas humaine. En effet, deux grands yeux d’une couleur indescriptible s’arriment soudainement aux miens, grands ouverts. Je me redresse lentement, comme hypnotisé.

Elle est d’une beauté surhumaine. Petite chose verte et ramassée sur elle-même, elle possède néanmoins une abondante chevelure rousse qui flotte au gré d’un vent qui n’existe que pour elle. Dans un état second, je tend la main et en arrache une poignée au vol. Elle ne bronche pas. Les secondes s’égrainent tandis que je respire, béat, les effluves de framboise que dégage sa peau granuleuse. Parler ne me vient même pas à l’esprit, ce dernier étant de toute manière bien trop embrumé pour faire une chose aussi compliquée. En guise de mots, je me baisse, la soulève doucement du sol pour l’installer sur mes genoux. Elle s’y love. Frotte un nez atrophié contre l’ourlet de ma chemine. Un étrange grondement résonne alors. Attendri, je comprends qu’elle ronronne à la manière d’un chat.

Soudain, elle se met à rire. Un rire dissonant, suraigu, qui résonne néanmoins à mes oreilles comme la plus belle des musiques. Le silence vole en éclat, et…

Je me réveille. Serrant dans ma main une poignée de cheveux roux

Le soleil s'était couché et une nouvelle nuit commença, une douce nuit d'automne sombre et silencieuse. J'étais entrain de marcher depuis une demi-heure déjà sans trop savoir où aller, je voulais juste me vider l'esprit, et oublier ma dispute avec ma petite amie.
Absorbé par mes réflexions, je n'avais pas remarqué que j'étais entré dans le parc, c'était déconseillé de s'y promener la nuit car il y avait beaucoup d'agressions, mais je décida de continuer quand même. Lorsque je suis arrivé devant la fontaine qui se trouvait au milieu du parc, je vis une étrange boule en métal survoler les environs. Au début j'ai sursauté, observant étonnement le silencieux déplacement de l'engin sphérique au dessus des aires de jeux. La boule mystérieuse semblait se déplacer avec une étonnante légèreté, ce qui me laissait perplexe, je connaissais très bien le fonctionnement d'un moteur à propulsion pour savoir que cet appareil n'en était pas doté. Mais rapidement, l'étonnement laissa place à l'anxiété, puis à l'inquiétude, et plus la boule s'approchait de la fontaine plus mon cœur battait plus fort.
Arrivé à une cinquantaine de mètres d'où je me trouvais, l'engin s'ouvrit pour laisser apparaître une petite créature pas plus grande qu'une chaise. L'obscurité environnante ne me permit de discerner que sa forme ronde et ses petite ailes qui battaient aussi rapidement que ceux d'une libellule. Ceci était déjà bien suffisant pour déclencher en moi une panique incontrôlée. Terrifié, je perdis connaissance.
A mon réveil, je vis que la sphère métallique était toujours là, flottante dans l'air. Juste devant moi la petite créature virevoltait de gauche à droite. Sans réfléchir j'ai essayé de me relever et m'enfuir le plus loin possible de cette chose bizarre, mais rien à faire, mon corps était pétrifié. Soudain j'entendis une voix :
- "N'aie pas peur humain, on ne vous veut aucun mal"
Il m'a fallu du temps pour comprendre que cette voix ne possédait aucun son.
- "N'aie pas peur humain", répéta la voix.
Cette fois j'en étais sûr, mes oreilles ne captaient aucun son, cette voix résonnait uniquement dans ma tête.
- "Nous sommes des êtres vivants venus d'une autre planète, et en effet, nous sommes entrain de communiquer avec vous à travers les pensées"
J'étais encore terrorisé, je me débâti de toutes mes forces mais rien à faire, mes jambes refusaient toujours de m'obéir. "ça ne servirait à rien de toute façon", me suis-je dit, "si je m'échappe ils me rattraperont facilement". J'ai alors fermé les yeux en essayant de mettre de l'ordre dans mes idées. Au début j'ai pensé aux récentes découvertes de la NASA avec ses sondes envoyées à Mars et à Jupiter, puis, aux romans de science-fiction, aux films de Steven Spielberg, et à tant d'histoires imaginaires en relation avec les ... extra-terrestres! oui c'était ça, des extra-terrestres!
Cette dernière pensée me fit frissonner, c'était trop étrange pour être vrai. Pourtant tout semblait si réaliste, non ça ne pouvait pas être un rêve, mais en même temps ça ne pouvait pas être réel, arrrgh, je sentais que ma tête allait exploser.
Quelques minutes plus tard -après que l'état de choc fut passé- j'eus une petite discussion avec ces... visiteurs venus d'une planète lointaine, ils m'ont révélé bien des choses sur les étoiles et les galaxies, sur l'espace et les êtres vivants qui le peuplent. Ces extra-terrestres étaient en fait des explorateurs qui se déplaçaient de planète en planète, de galaxie en galaxie à la recherche de savoir, à la recherche de nouvelles espèces. Mon esprit leur a offert une immense mine d'informations sur la race humaine, ses habitudes et ses connaissances actuelles.
Cependant, ils ont eux aussi des lois, comme l'interdiction d'influencer l'évolution de telle ou telle espèce, je n'avais donc pas le droit de garder les souvenirs de cette nuit, et c'était avec une déception amère et un ennuyeux sentiment d'avoir été utilisé que j'accepta en fin de compte, après tout, je ne pouvais pas faire autrement, ces aliens ne me laisseraient certainement pas le choix.
Dans quelques secondes j'aurai tout oublié, je me lèverai dans ce parc après avoir perdu connaissance, sans un souvenir de ce qui c'est réellement passé et je continuerai ma vie banale dans la routine la plus totale.
Au moment où la créature leva la main pour m'effacer les souvenirs de cette nuit je souris, car avec tout ce que je venais de voir, j'ai complètement oublié que j'avais une petite amie.