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~ Smoke filled room. [PV E.]

 
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 ~ Smoke filled room. [PV E.]

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Ruby Standiford-Wayland


Ruby Standiford-Wayland
Apprentie à Sainte Mangouste



Féminin
Nombre de messages : 2205
Localisation : Cachée.
Date d'inscription : 03/09/2011

Feuille de personnage
Particularités: « and from the rain comes a river running wild that will create an empire for you. »
Ami(e)s: Lizlor; « Maybe home is nothing but two arms holding you tight when you’re at your worst. »
Âme soeur: « Lover, when you don't lay with me I'm a huntress for a husband lost at sea. »

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MessageSujet: ~ Smoke filled room. [PV E.]   ~ Smoke filled room. [PV E.] Icon_minitimeDim 9 Fév - 2:54



« Then a woman, she screams
It's a terrible night
As the mood changes to dark from light
Tell the doctor what's become of me
So you can analyse, analyse my dreams
Of a smoke filled room
Of a smoke filled room

And then we kiss and his lips turn into sand
And the whole of him cascades through my hands
Making a castle on the floor
Then I'm alone again
No keys and three doors
And a smoke filled room

Now we're both in the room
And we're breathing the fumes

No doors this time, just a gap in the roof
Life floods in, heaven, we're blind
And slowly suffocating, we're dying. »


« Le vrai enjeu était ici. »

Mais quel était-il ? Je m’étais posée la question, une première fois, ce soir-là, en m’endormant dans le bras d’Ewan. Est-ce que l’enjeu de notre relation était d’être ensemble ? D’être heureux ? Et est-ce qu’être heureux rimait forcément avec être ensemble ? Et où notre relation allait-elle ? Je voulais rester avec lui pour toujours, mais le voulait-il lui aussi ? Le pouvions-nous seulement ? Qui avait-il ici, pour nous deux ? Qu’avais-je à lui offrir ? Je remontais le fil de notre relation, petit à petit, cherchant chaque bon instant, et chaque mauvais. Y en avait-il ? Avais-je refusé de les voir parce que j’étais amoureuse ? Où étaient tous ces signes à propos de l’Australie que j’avais refusé de voir ? J’essayais de me souvenir du regard d’Ewan sur moi, à chacun de nos rendez-vous. Les premières fois au bord, avant que nous soyons ensembles, la manière qu’il avait de toujours me tenir compagnie et rire de mes histoires… Puis, nos premiers baisers, ses yeux baissés vers moi lorsque j’étais dans ses bras, ses mains dans mon dos, dans ma nuque, ses doigts qui caressaient amoureusement ma peau. Est-ce que quand je repensais à tout ça, je saisissais les enjeux de notre relation ?

La question ne m’avait pas quitté par la suite. Partout où j’allais, à chaque instant, elle pouvait surgir, alors que je refusais de penser à tout ça. J’avais pris le soin d’enfermer dans un petit tiroir de mon esprit toute cette histoire, et j’avais choisi de passer au-dessus, de ne plus être triste, de ne pas tirer Ewan et moi vers le bas avec mes problèmes. Les choses avaient mis un certain temps, mais tout doucement, je sentais que les choses reprenaient leur cours comme avant, à quelques détails près. Ewan ne travaillait plus au bar, par exemple. J’essayais de ne jamais lui mentir, parce que je m’étais promis qu’il n’y aurait plus de secrets entre nous. Nous nous retrouvions, petit à petit, un peu plus à chaque soirée que nous passions ensemble dans les bras l’un de l’autre. Et puis, il y avait toujours des moments plus intenses que d’autres. Le week-end au cottage, nos baisers timides, mes confessions, la première fois que nous faisions l’amour à nouveau. L’anniversaire d’Ewan, où nous avions passé toute la nuit debout à cuisiner des gâteaux, à faire l’amour dans la cuisine, à rire et à se câliner jusqu’à tomber d’épuisement au petit-matin. Le soir du bal, où j’avais débarqué tard chez lui, le prenant par surprise, tournant sur moi-même pour qu’il admire ma robe alors qu’il était encore endormi. La dernière soirée avant les vacances et mon départ en Oregon, où nous n’avions presque pas dormi et que nous étions restés toute la nuit à parler et à nous embrasser, nos regards se perdant dans celui de l’autre, cherchant définitivement quelque chose auquel s’accrocher avant que je ne parte.

Mais chaque montée avait sa descente, et j’avais expérimenté la mienne durant les vacances – ou peut-être était-ce tout ce qui s’était accumulé en silence, en moi, depuis des mois, qui brutalement prenait forme. Pourtant, l’Oregon avait toujours eu ce pouvoir réconfortant sur moi, et la présence de Lizlor aussi. Nous avions retrouvés la plage, malgré la température plutôt fraiche et le vent qui battait les côtes, mais aussi la grande maison bleu qui abritait nos rires des étés passés. L’été dernier, d’ailleurs, ce lieu avait réussi à réconforter Lizlor suite à sa rupture avec Stephen, alors peut-être avait-il un pouvoir magique ? Pourtant, j’eus l’impression que c’était tout le contraire. La distance entre Ewan et moi me claqua au visage, comme un élastique que j’avais tendu trop longtemps, et la force du choc me poussa dans le trou noir que j’avais évité depuis trop longtemps, le couvrant maladroitement de faux-semblants. Je le savais, pourtant. Je n’étais pas passé au-dessus, pas passé au-delà de cette histoire. C’était là, tout en dessous, enfoui dans mon cœur. Et loin d’Ewan, je n’avais plus sa présence réconfortante pour me rassurer, pour me rappeler pourquoi je voulais être avec lui, pourquoi nous étions si bien ensemble. Loin de lui, il ne me restait plus que mes incertitudes. Et s’il changeait d’avis ? S’il me mentait encore ? Il était loin de moi, lui aussi, et que pensait-il ? Je savais que je lui manquais, il le disait dans ses lettres mais… Mais il me parlait aussi de ses soirées à Oxford, ou avec Joseph, de la cousine de Joseph qui était spécialisée en potions aussi, et chaque détail me faisait tiquer et me compressait le cœur. C’était ridicule, mais j’avais peur… Ou plutôt, j’étais terrifiée. Terrifiée qu’Ewan parte à nouveau, me mente, et je savais que je n’avais simplement plus confiance en lui. Pourquoi ? Pourquoi étais-je incapable de passer au-dessus ?

Et je savais que ce n’était pas le seul problème. Je savais, tout au fond, que ce qu’il avait fait été mal, mais je ne pouvais pas lui en vouloir. Il avait abandonné une vie pour en choisir une avec moi. Il avait sacrifié tout un projet qu’il prévoyait depuis des mois, des années, simplement pour ma petite personne, et il aurait fallu que je lui dise que je ne supportais pas ce qu’il avait fait ? J’avais besoin de lui, je lui avais demandé de rester. Je n’avais aucun doute sur ça. Mais… Mais je ne pouvais pas effacer ce qu’il m’avait fait. J’avais eu confiance en lui, une confiance aveugle, persuadée que jamais il ne me ferait du mal parce qu’il m’aimait. Mais il m’en avait fait. Pire, il m’en avait fait intentionnellement, tout en répétant qu’il m’aimait et qu’il ne voulait pas me quitter. Quelle était la logique dans cette histoire ? Qu’étais-je supposé penser, faire ?

Lizlor m’avait beaucoup écouté et conseillé, mais j’avais l’impression d’être dans une impasse. La situation était paradoxale, et vraisemblablement, bloquée. J’étais amoureuse d’Ewan, réellement amoureuse, et l’idée d’être sans lui me terrifiait. Mais je n’avais plus confiance à lui, et je sentais un espèce de déséquilibre en moi, en notre relation. J’avais peur, peur de trop l’aimer, peur d’avoir à nouveau mal. Peur qu’il parte. Peur que quelque chose soit cassé. Peur que je n’arrive pas à le réparer.

Peur que ça ne se répare pas.

Nous étions revenus d’Oregon juste avant la rentrée des classes, et j’avais revu Ewan dès le lendemain soir, avec un soulagement mêlé à une tristesse lourde qui avait enveloppé mon cœur. Mais cette tristesse, désormais partout, semblait entourer mon cœur et m’interdire de respirer correctement, de réfléchir décemment. Quand je la repoussais, c’était la colère qui faisait place. Et ce n’était pas la colère comme je l’avais toujours connu, froide et silencieuse, maitrisable. C’était une colère rouge, brûlante, vive, qui me donnait envie de crier, d’exploser en sanglots, de frapper les murs autour de moi, de me frapper moi. J’étais en colère contre moi, contre Ewan, contre la situation qui pourtant datait désormais : septembre était loin, l’aéroport aussi, et pourtant, quelque chose était encore accroché à mon cœur. Et ce quelque chose me tirait vers le bas et semblait me dire : tu n’y arriveras pas. Et je ne savais pas pourquoi ça revenait maintenant, alors que j’avais enterré ça. Je ne savais pas, et j’étais terriblement triste et en colère d’être aussi perdue.

Nous étions le premier samedi depuis mon retour d’Oregon, presque une semaine avant mon anniversaire d’ailleurs. J’allais avoir 18 ans, et je ne savais que trop bien ce que cela signifiait dans le monde moldu. Majorité. Héritage. Clairement, le passé qui refaisait surface. Je ne voulais même pas y penser… Ni en parler, malgré ma bonne résolution de ne rien cacher à Ewan pour que jamais plus notre relation ne prenne le tournant qu’elle avait prise il y a des mois de ça. Mais mon silence, depuis le retour des vacances, sur tous mes doutes et mes peines, s’était matérialisé en une irritabilité constante que je ne me connaissais pas. Le premier soir, pourtant, j’avais été si soulagée de retrouver Ewan que tout avait disparu en une seconde – j’avais retrouvé ses bras, ses lèvres, son corps contre le mien, son rire, ses mots doux, et je m’étais laissée envelopper par la douceur qu’il me prodiguait. Mais depuis, nous nous étions vus le mardi et le jeudi soir, et les choses avaient été bien différentes. Je n’étais simplement pas d’humeur, me rassurai-je. Mais quelque chose n’allait pas, et je ne pouvais même plus dire quoi, mais à chaque seconde qui passait, j’avais envie d’exploser, d’imploser, chaque détail, la moindre remarque, me rendait paranoïaque et susceptible. Pourtant, nous nous retrouvions, je devais être heureuse, n’est-ce pas ? Alors pourquoi est-ce qu’alors que la minute précédente, je tremblais d’amour sous les lèvres d’Ewan, la minute suivante, je frémissais de colère lorsqu’il mentionnait quelque chose qui me déplaisait. Et je savais que toutes ces choses qui me mettaient les nerfs en pelote, je ne les aurais même pas remarqué il y a un mois de ça. J’avais l’impression de perdre la tête, de perdre le contrôle.

Et ce n’était pas aidé par le fait qu’Ewan devait retrouver son père en Australie incessamment sous peu : les dates n’avaient pas été fixées, mais cela serait sûrement dans le courant de janvier. Je sais qu’il ne faisait pas exprès, c’était une urgence, quelque chose en rapport avec le bilan de la société d’édition ou quelque chose comme ça, mais je me demandais simplement… Comment allais-je encore tenir plusieurs semaines d’éloignement ? J’avais déjà l’impression de devenir folle, alors qu’il était là, juste à côté de moi, en train de couper les racines pour la potion que nous étions en train de préparer ensemble. Je le regardai discrètement, sous mes cils, me sentant étouffé par le silence étrange qui planait. Les choses s’empilaient, et j’étais sous les nerfs : son appartement était mal rangé, je n’avais pas eu le temps de finir mon devoir de métamorphose avant de venir, je n’aimais pas le garçon chez qui Lizlor allait faire une soirée ce soir, et en plus, Ewan coupait n’importe comment les racines ?! Je laissai échapper un soupir exaspéré.


- Tu coupes n’importe comment, m’indignai-je d’une voix basse, où l’on pouvait sentir la colère sous-jacente. Je poussai Ewan pour lui prendre le couteau des mains, et dans l’enchaînement, son coude heurta une fiole qui roula et s’explosa sur le sol. Mais fais attention, c’est pas croy…

Mais ma voix mourut à l’instant même où mon regard croisa celui d’Ewan. Il semblait si surpris de ma attitude, et profondément triste de me voir ainsi, que toute ma colère retomba pour laisser place à une tristesse qui m’étrangla. Je lâchai le couteau, et reculai de quelques pas, baissant les yeux.

- Je suis désolée, je peux plus. Les mots s’étaient échappés malgré moi, et je reculais avant de m’asseoir sur le canapé, plongeant mon visage dans mes mains. Je ne savais pas vraiment ce que j’entendais par-là, ou alors, j’avais peur de l’avouer. J’étais face à un mur, face à une porte fermée, et sans clef. Je suis en colère contre toi, Ewan. J’aurais dû le réaliser plus tôt, ajoutai-je, d’une voix profondément triste. Je ne peux pas te pardonner parce que je ne peux pas t’en vouloir, et je ne sais plus quoi faire. J’ai plus confiance en… En nous, achevai-je d’une toute petite voix.

Je me rappelai de ce soir-là où nous avions regardé les étoiles sur le toit. Je me rappelais avoir dit que les étoiles étaient si loin de nous que lorsqu’elles mourraient, elles brillaient encore. Et si… Et si nous étions telle une étoile ? Pouvions-nous encore briller tout en ayant disparu, depuis ce jour où Ewan avait osé dire que nous étions fini ?
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Ewan Campbell


Ewan Campbell
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MessageSujet: Re: ~ Smoke filled room. [PV E.]   ~ Smoke filled room. [PV E.] Icon_minitimeMar 11 Fév - 18:55

Quand la petite fiole roula sur la table et tomba sur le sol sans que je puisse la retenir, la seconde qui précéda l'impact me parut vibrer d'une intensité toute particulière. Comme si elle voulait me dire quelque chose - quoi d'autre, à part que la fiole allait se briser en mille morceaux et que je le savais ? Et que je ne pouvais rien faire ? Quoi d'autre ? J'avais beau chercher désespérément un sens plus positif, hélas, je ne trouvais que du vide. Je savais qu'elle allait se briser, et le bruit du verre sur le sol de mon salon fut étonnamment doux et cristallin pour une fin aussi inévitable.

- ... Mais fais attention, c’est pas croy…

Le regard de Ruby, lorsque je levai le mien pour elle, me parut si froid et si lointain à la fois que je me figeai et que mon coeur se contracta réellement dans ma poitrine, je le sentis devenir tout petit, et qu'un petit soupir m'échappa : oh. J'avais vu la chute, n'est-ce pas ? Je ne pouvais pas m'étonner que tout se brise enfin.

Si j'avais cru que nous étions repartis d'un bon pied, surtout depuis notre week-end au cottage où nous avions pu nous confier et nous retrouver dans les bras l'un de l'autre, j'avais hélas misé trop gros sur ma capacité à passer au-dessus de ce sentiment de culpabilité qui m'étouffait peu à peu. Il n'avait ni disparu ni faibli ; le pire étant qu'il était tout aussi présent chez Ruby, même si elle ne voulait pas le reconnaître. Elle m'avait pardonné, tout de suite, mais comment ? Comment alors que moi-même je ne l'avais pas fait ? Elle avait peur sans doute, et je la comprenais car j'avais peur tout autant, je crevais d'angoisse même, surtout les moments où j'étais tout seul et qu'elle était rentrée à Poudlard, et où je ne sentais plus rien comme avant, rien de cette certitude agréable et rassurante, rien de cette confiance aveuglante. C'était maintenant que j'avais pu constater combien il était facile de tout perdre, par ma faute, que je sentais cette perte toute proche de moi, bien plus qu'elle ne l'avait jamais été. Pourtant nous y mettions beaucoup du notre, et ce n'était en rien un calvaire : nous avions à nouveau partagé des moments merveilleux, Ruby avait organisé une surprise pour mon anniversaire que nous avions passé tous les deux et cela avait été mon meilleur anniversaire depuis bien longtemps - elle savait que j'avais du mal avec cette date, parce qu'il me semblait que je n'arriverais jamais vraiment à le fêter sans Jamie, sans me sentir un peu triste. Même si le temps ne s'y prêtait pas car la neige avait commencé à tomber sur Pré-au-Lard, nous nous étions promenés, nous étions sortis, nous avions renoué avec nos activités d'avant. J'étais heureux avec elle, là n'était pas le problème ; il était plutôt dans le fait qu'au moindre petit doute je n'étais plus sûr de rien, à la moindre hésitation de sa part, au moindre silence, à certains sujets que nous abordions, ma culpabilité et ma honte me retombaient dessus comme un coup de massue. Je n'étais plus sûr de rien, et même si Ruby me souriait et était là pour moi, je voyais bien dans ses yeux qu'elle n'était pas si sûre d'elle qu'elle le paraissait.

Etrangement, j'avais misé sur les vacances de Noël pour nous aider - la distance, pourtant difficile à supporter, ne nous aiderait-elle pas à mettre un peu de clair dans nos idées ? J'avais laissé partir Ruby le lendemain du soir où elle était venue me rejoindre après le bal, dans sa magnifique robe qui lui donnait l'air d'une reine, avec un sentiment mitigé : elle me manquait déjà, affreusement, mais une bulle se formait peu à peu autour de moi. Et si ces quelques jours loin de l'autre nous laissaient entrevoir que nous ne pouvions pas continuer ainsi, que nous ne pouvions pas nous éloigner, parce que nous ne pouvions tout simplement pas être l'un sans l'autre ? J'espérais, et mon espoir était tout d'un coup si fort qu'il me permettait de me raccrocher au peu de branches qu'il restait.

J'avais évidemment rejoint Oxford pour Noël, pour le passer chez ma mère - elle avait invité quelques proches avec qui je ne m'entendais pas spécialement bien, mais heureusement Bonnie et Matthew étaient venus passer la journée du 25 avec nous et j'avais été d'humeur plus légère. Nous avions discuté avec Bonnie, joué aux échecs, avant de faire la sempiternelle balade tous ensemble dans les environs d'Oxford, mais étrangement c'était la tradition que je préférais lors des fêtes de Noël. Il faisait beau et frais et je laissais ma mère faire ses mondanités, restant en arrière avec Bonnie et Matthew et discutant de choses beaucoup plus légères. Je m'étais efforcé de ne pas penser à Jamie car dans ces moments-là son absence était insoutenable, mais j'y arrivais plutôt bien, m'accrochant à cet espoir qui me portait en avant. Et puis, j'avais écrit à Ruby, lui faisant partager du mieux que je pouvais ces fêtes que nous passions loin l'un de l'autre. Par la suite, n'ayant aucune envie de passer des moments seul à seul avec ma mère (surtout qu'elle avait eu vent de l'histoire avec mon père et je n'avais pas la tête à en discuter avec elle), j'étais allé passer quelques jours chez mon oncle et ma tante où il y avait de la famille de Bonnie avec qui je m'entendais bien, puis j'étais rentré quelques jours à Pré-au-Lard. Le nouvel an était très vite arrivé et je l'avais passé avec Joseph, Esther, Jess et leurs amis ; j'avais même invité Rita et son ami à se joindre à nous et la fête avait été très réussie - je n'aimais pas forcément les fêtes de nouvelle année mais nous nous étions beaucoup amusés. Malheureusement, je m'étais senti si seul à minuit, si terriblement seul parce que la seule personne avec qui j'aurais voulu partager ce moment était à l'autre bout du monde, que cette absence avait apporté une ombre conséquente au tableau.

La rentrée était arrivée vite - mais pas tant que ça puisque je comptais les jours - et j'avais un peu tourné en rond dans mon appartement : Pré-au-Lard était bien désert, tandis que tous les écoliers étaient en vacances, et ce n'était plus qu'un petit village bien peu animé, surtout en ces périodes de fêtes. J'avais vu Ruby, enfin, juste avant la rentrée, et je l'avais serrée avec soulagement contre mon coeur, qui battait bien fort de toutes ces attentes, de tous ces enjeux. Peut-être que le déclic était là ? Je l'espérais de toutes mes forces.

... Pas vraiment. Oui, nous étions heureux, oui, nous avions nos vacances à nous raconter, mais les mêmes retenues, les mêmes hésitations étaient là, elles avaient subsisté... Et quand nous avions dormi ensemble et que nous avions fait l'amour, j'avais cherché cette petite étincelle qui s'allumait à ces moments-là, rien que pour moi, et je ne l'avais pas trouvée. La suite avait dégringolé doucement, mais sûrement... Et au fond de moi, même si je ne voulais pas le voir, je me rendais compte peu à peu que je l'avais attendu. J'avais même du lui dire que on père m'avait donné ses disponibilités, que je devais partir bien tôt passer deux semaines chez lui en Australie car je lui avais promis, que les dates n'étaient pas sûres encore mais qu'elles se précisaient, que je ne serais probablement pas là pour son anniversaire... Tout me retombait dessus une nouvelle fois, comme avant. Nous n'avions rien arrangé, rien démêlé. Qui plus est, je trouvais Ruby encore plus distante, encore plus renfermée par moments.

Son regard me renvoya tant ce que je ne voulais pas affronter et ce que je redoutais le plus que je me sentis réellement démuni, et que je posais les ustensiles que je tenais sur la table, abandonnant définitivement la potion que nous étions en train de préparer. Ruby, elle, s'était franchement reculée, avant de se laisser tomber sur le canapé.


Ne dis pas ça, s'il te plaît, la suppliai-je silencieusement.

- Je suis désolée, je peux plus. Je suis en colère contre toi, Ewan. J’aurais dû le réaliser plus tôt. Je ne peux pas te pardonner parce que je ne peux pas t’en vouloir, et je ne sais plus quoi faire. J’ai plus confiance en… En nous.

Je ne peux pas te pardonner. Je n'ai plus confiance. N'était-ce pas exactement ce que je craignais, ce que je ressentais ? Ce qui ne pouvait pas fonctionner, évidemment ?

Je m'approchai doucement, m'agenouillant tout contre elle, au pied du canapé (et cette position, tout d'un coup, me remémora une scène si pénible, que j'agrippai la main de Ruby pour me donner du courage), et cherchai son regard. Je voulais qu'elle me regarde, et j'attendis qu'elle sorte son visage de derrière ses mains, repoussant ses cheveux dorés qui lui tombaient devant les épaules.


- Je sais, murmurai-je après un temps silencieux. J'avais réuni toutes mes forces, toutes les dernières forces qui me restaient, et je lui lançai un petit sourire rassurant, sans doute un peu triste aussi. Et je ferais n'importe quoi pour regagner ta confiance, tu le sais ? Peut-être que tu aimerais me dire exactement pourquoi tu m'en veux, même si je le sais, peut-être que tu devrais dire ce que tu as retenu ? Je caressai sa main doucement, reprenant, sentant ma gorge se crisper alors que je ne voulais absolument pas montrer mon angoisse. Je m'en veux aussi, je... Je voudrais aussi me faire pardonner, conclus-je bêtement.

Je voulais me faire pardonner, regagner sa confiance... C'était bien joli, mais comment ? Et à quoi cela nous avançait-il ? Mon autre main se posa sur la cuisse de Ruby, comme si je cherchais à l'empêcher de s'en aller.


- Tu sais, j'ai eu la confirmation de mon père, je pars après-demain comme je t'avais dit, j'ai mes billets, mais ça ne veut rien dire, c'est seulement pour deux semaines, je ne veux pas que tu t'inquiètes... Si j'avais pu je t'aurais proposé de venir, mais tu as cours, essayai-je de me justifier maladroitement. Je suis désolé de manquer ton anniversaire, mais je me rattrapais en rentrant, d'accord ? On va y arriver... Laisse-nous un peu de temps, la priai-je avec un petit sourire.

Laisse-nous une chance, avais-je failli dire, mais je m'étais retenu à temps ; et j'eus une bref regard vers les débris de verre à terre un peu plus loin. C'était impossible, n'est-ce pas ? Je ne pouvais pas m'y résoudre, même si les battements terrifiés de mon coeur me laissaient entendre un tout autre message.
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Ruby Standiford-Wayland


Ruby Standiford-Wayland
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MessageSujet: Re: ~ Smoke filled room. [PV E.]   ~ Smoke filled room. [PV E.] Icon_minitimeMar 18 Fév - 15:58

J'avais l'impression d'arriver au bout d'un long tunnel. Et je l'avais tellement nié, ce tunnel, que je m'y étais enfoncée sans faire attention, guidée par mes pauvres espoirs auxquels je m'étais raccroché. Ils m'apparaissaient si vains à présent, mais l'étaient-ils vraiment? J'étais tant restée dans un état d'entre-deux qu'à présent, c'était comme s'il fallait un extrême pour ressentir quelque chose de tangible. C'était la vérité : j'étais perdue, complètement. Comment en étais-je arrivée là? Je m'étais laissée dériver, et c'était probablement ma première erreur. En m'accrochant à ce que nous avions, Ewan et moi, comme l'on s'accroche à une bouée, j'avais cru que le reste coulerait et ne me hanterait plus. Mais je n'avais pas songé que tout ça était simplement accroché à moi, un poids à ma cheville, et que je coulais aussi, entraînant Ewan et notre relation avec moi par la même occasion. Mais j'aimais Ewan, je le savais, et c'était peut-être là tout le problème. Je ne voulais pas lui en vouloir, je ne pouvais pas, parce qu'il m'avait choisi et que je savais qu'il était amoureux de moi. Je ne voulais pas non plus lui parler de ce que je ressentais, car à chaque fois, il se sentait un peu plus coupable, et il fallait qu'il se défasse de cette culpabilité, que nous puissions avancer. Je ne supportais pas de le voir se sentir ainsi. Je ne voulais pas lui faire du mal, alors comment lui dire que quelque chose s'était cassé en moi, en nous, et que j'avais l'impression que nous ne menions plus nulle part? J'avais peur, peur comme avant, peur de trop l'aimer et de trop dépendre de lui, lui qui avait pu envisager de me quitter et de m'oublier alors que, pour moi, la seule perspective d'être loin de lui durant les vacances me rendait malade. Est-ce que nous imaginions notre relation différemment? Disait-il tout le reste pour me rassurer? Et ma lettre qu'il avait lu... J'avais mis tous mon coeur entre les lignes, et à présent, je me sentais si vulnérable: il avait toutes les cartes en main pour me détruire en une seconde. Et le problème, c'est que je ne savais plus de quoi il était capable.

Lorsqu'il s'agenouilla face à moi, je sentis mon coeur se crisper un peu plus. Je n'avais pas oublié cette fois-là, ces mots qu'il m'avait dit. Je n'étais pas une distraction, il m'aimait, il avait été heureux... Mais il n'avait pas le choix. Il devait me quitter. Il était désolé, mais il ne pouvait pas faire autrement... Lui qui m'avait toujours appris que rien n'était figé, que je n'étais pas coincée par mes erreurs et mon passé, il m'était devant le fait accompli en me disant que cette fois-ci, non, il n'y avais pas d'issue? Et il m'avait menti, tout ce temps. Il ne m'avait même pas... Consulté, demandé, peut-être que j'aurais voulu essayer une relation à longue distance avec lui, pourquoi ne m'avait-il pas demandé? Depuis quand notre relation marchait ainsi, individuellement? Ewan prit ma main, comme il l'avait fait cette fois-là, mais ce n'était plus la détresse qui m'inspirait ce geste, mais une profonde tristesse qui me prenait à la gorge. Je ne voyais pas d'issue, cette fois-ci.


- Je sais. Et je ferais n'importe quoi pour regagner ta confiance, tu le sais ? Peut-être que tu aimerais me dire exactement pourquoi tu m'en veux, même si je le sais, peut-être que tu devrais dire ce que tu as retenu ? Je m'en veux aussi, je... Je voudrais aussi me faire pardonner.

Tu ne sais pas, pensai-je tristement. Moi non plus, je ne savais pas. J'étais dans le noir, le noir complet. Je m'étais laissée éclairer pour le passé, pour lutter contre la vision du futur qui me faisait peur. Comment pouvais-je le pardonner quand tout ce qu'il avait tenté de faire se résumer à sauver sa famille? Je ne pouvais pas lui en vouloir, le pardonner, je n'y arrivais pas dans tous les cas. En réalité, j'étais peut-être simplement déçue. Et c'était la pire des constatations, car malgré moi, j'avais placé dans d'espoir, de confiance et d'amour en Ewan, que cette déception n'en était que plus amère et difficile à admettre. Et comment lui dire tout ça? Comment lui dire je l'aimais mais que je ne savais plus quoi faire? Je savais qu'il était le seul à pouvoir soigner mes blessures, mes brûlures, guérir mes doutes et mes peurs, mais je ne voulais plus lui confier cette tâche. Je n'avais plus confiance. Je fermai les yeux, inspirant douloureusement de l'air qui ne sembla pas atteindre mes poumons.

- Tu sais, j'ai eu la confirmation de mon père, je pars après-demain comme je t'avais dit, j'ai mes billets, mais ça ne veut rien dire, c'est seulement pour deux semaines, je ne veux pas que tu t'inquiètes... Si j'avais pu je t'aurais proposé de venir, mais tu as cours. Je suis désolé de manquer ton anniversaire, mais je me rattrapais en rentrant, d'accord ? On va y arriver... Laisse-nous un peu de temps.

La réaction de mon coeur à ces quelques mots suffit à me faire comprendre ce que j'avais repoussé depuis trop longtemps. Je ne pouvais pas. Et pourtant je m'en fichais bien de mon anniversaire, ce n'était pas ça. Je savais que je ne pouvais pas tenir deux semaines encore loin de lui, dans ces doutes, dans ces non-dits. J'étais arrivée à un point de non-retour, et si je regardais la situation... Je pensais que j'allais mieux, que j'étais passé au-dessus, mais c'était faux. Que manquait-il, alors? Si ça ne marchait pas quand nous étions ensemble?...

J'avais lutté toutes les vacances contre cette idée, et pourtant, à présent, elle s'imposait naturellement. A peine s'imprima-t-elle dans mon cerveau que je sentis ma gorge de nouer, et les premières larmes brouillèrent ma vie tandis que, dans un réflexe vain, mes doigts serrèrent ceux d'Ewan un peu plus fort. Je ne voulais pas, et pourtant, quelque chose en moi me murmurait que j'étais au pied du mur. Je n'avais pas le choix n'est-ce pas? Parce que j'avais essayé autrement, et rien n'était parti, alors peut-être que c'était ainsi que je pourrais nous sauver? J'avais besoin de réfléchir, de comprendre, de me défaire de mes mensonges que je construisais pour me protéger. Et tout au fond de moi, je savais qu'il m'était impossible de faire ce travail si Ewan était là, parce qu'il avait toujours autant de pouvoir sur moi, et je niais tout en sa compagnie. Mais je ne voulais pas perdre ce que nous avions, c'était humain, n'est-ce pas? Et ce que je mettais en jeu, si j'osais parler enfin, c'était nous, et ça me terrifiait. Mais... Que pouvais-je bien faire d'autre?...

J'essuyai vainement mes larmes, le menton tremblant, et je gardai mes yeux rivés sur la main d'Ewan et la mienne, liées un peu désespérément.


- J'ai besoin de temps, murmurai-je d'une toute petite voix. Seule. J'avais ajouté ce simple mot dans un murmure, et je sentis un horrible silence s'abattre dans tout l'appartement. Puis, comme il ne se brisait pas, je sentis les sanglots monter, et lorsqu'un éclata, je ne pus me retenir et je me jetai dans les bras d'Ewan. Les miens l'enserrèrent avec force, tandis que je sanglotai de plus en plus. Je suis désolée, je suis désolée, répétai-je d'une voix brisée. Je ne voulais pas le lâcher, je ne voulais pas le quitter, et pourtant, je savais que... J'inspirai et je m'écartai, affrontant le regard d'Ewan. Je... Je ne peux pas vivre sans toi, mais je... Peut-être que... J'essayai désespérément de trouver les mots à poser sur ce qui me terrifiait moi-même. Tu m'as menti... Pendant tout ce temps tu m'as menti, je ne sais plus quoi penser de tout ça, j'arrive plus à... J'ai peur de ce que je ressens pour toi, et c'est malsain, expliquai-je tandis que les larmes coulaient toujours le long de mes joues. Je ne peux pas revivre deux semaines loin de toi comme ça, j'en deviens paranoïaque, et c'est pas... On ne s'aime pas comme ça, toi et moi, murmurai-je tristement. Quelque chose ne va plus.

Ma main n'avait pas lâché celle d'Ewan, et mes épaules s'agitaient toujours tandis que je tentai de trouver le regard d'Ewan que je fuyais malgré moi. Comment lui dire, comment continuer, quand je savais que tout n'était qu'une lame de plus que j'enfonçais dans son coeur? Je me retrouvai à la place à laquelle où il avait été, lui, avant son départ en Australie.

- J'ai besoin de réfléchir, de prendre du recul, dis-je d'une petite voix, mes yeux se baissant. Tu m'as déçu, admis-je, et un sanglot coupa ma voix. Je t'aime, mais tu m'as déçu. Je crois que... Que ces deux semaines sont peut-être le bon moment pour faire une... Pause.

La sentence était tombée, et mes épaules s'étaient tristement affaissées, comme si elles sentaient tout le poids de la décision que je venais de prendre. Je ne voulais pas, et pourtant, être loin de lui, sans lui, me semblait la seule option pour enfin y voir clair. Je l'aimais, je l'aimais tellement, et pourtant, je ne voyais plus aucune solution à part cette pause.

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Ewan Campbell


Ewan Campbell
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MessageSujet: Re: ~ Smoke filled room. [PV E.]   ~ Smoke filled room. [PV E.] Icon_minitimeMer 19 Fév - 18:42

Le silence, pour une fois, n'avait aucun poids, ne me faisait pas peur. Je m'y accrochais de toutes mes forces, parce que je n'étais pas capable d'entendre la suite, parce que je ne voulais pas que Ruby poursuive vers ce chemin-là. Parce que je savais, aussi, que nous n'avions pas d'autre choix que de nous y engager, et que ce silence-là était tout ce qui me restait avant la chute, la vraie, cette fois. J'avais peur, et plus que n'importe quand, cette peur me compressait tous les organes à l'intérieur de moi, et j'avais presque l'impression de physiquement manquer d'air tant elle m'oppressait, me terrassait.

Bien sûr que j'avais eu peur toutes les vacances, que je l'accepte ou non. Heureusement mes occupations m'avaient aidé, et les quelques jours que j'avais passé à voir Rita avant le nouvel an m'avaient également permis de me sentir un peu mieux - je ne me sentais jamais triste ou préoccupé bien longtemps avec Rita, parce que sa bonne humeur était aussi contagieuse qu'exubérante. Mais les soirs étaient les pires, et si je prenais garde à bien m'occuper toute la journée pour être fatigué la nuit venue, cela n'était pas toujours très efficace. J'avais du mal à dormir, un peu, et mon sommeil était plutôt agité, si bien que je me réveillais le matin avec l'impression un peu étrange de ne m'être pas reposé tout en ayant dormi, et avec un goût amer dans la bouche - celui de la perspective d'une nouvelle journée qui commençait qui, je le savais, ne serait pas plus sereine que la précédente. Mes peurs s'exprimaient principalement dans mes rêves, et si je n'avais pas été surpris de refaire mes vieux cauchemars particulièrement souvent pendant ces deux semaines... Il en avait été tout autrement quand
le cauchemar s'était transformé. Le fait même de passer un peu de temps à Oxford, avec ma famille, provoquait souvent trop de souvenirs de Jamie et donc le cauchemar de sa mort ; jusque là, rien de surprenant. J'étais habitué, presque résigné, à cette idée. Je rêvais encore et encore de ce soir-là, de la nuit, du bruit de la pluie et de l'orage, de la rivière en furie, de nos cris amusés, de mon inquiétude, du bruit de la braque qui râpait contre les pierres de la rive, de notre course dans les bois, de l'accident, de l'arrivée, de la barque brisée, du corps de Jamie inerte, coincé contre un rocher. Mais, juste après Noël, lorsque j'avais refait ce cauchemar, il avait été différent - le changement avait été insensible au départ. Mais lorsque je m'étais mis à courir le long du petit sentier boueux qui longeait la berge, en sentant mon coeur descendre jusque dans mes talons tant je craignais, tant je sentais la catastrophe, je m'étais rendu compte de quelque chose d'étrange et d'inhabituel : ce n'était pas Jamie que j'entr'apercevais à travers les branches. C'était des cheveux bien trop longs, une silhouette bien différente. Et lorsque j'étais arrivé au débouché du sentier, souhaitant de toute mes forces me réveiller parce que je ne voulais pas voir ce que je craignais de voir, c'était bien le corps de Ruby qui s'était échoué dans les flots en colère. Je m'étais réveillé d'un coup, me redressant dans mon lit, en sueur, le souffle court. J'avais mis longtemps à me calmer - c'était la première fois que mon cauchemar se transformait, et cette vision de Ruby noyée à la place de mon frère était incrustée dans ma rétine et refusait de s'effacer : ce n'était pas un simple rêve, c'était plus que cela puisque c'était la réalité, et la panique ne voulait pas me quitter.

J'avais toujours du mal, encore maintenant, des jours après, quand je repensais à cette image, au corps sans vie de Ruby qui flottait dans l'eau. J'avais particulièrement parce qu'encore une fois je ne pouvais rien faire - l'eau me filait entre les doigts, et j'arrivais trop tard...


- J'ai besoin de temps, finit-elle par dire la voix tremblante. Elle commençait à faiblir, à pleurer, et je ne pouvais que serrer d'avantage ses mains. Seule.

... Seule ?! Comment ça, seule... Quelque chose s'était coincé dans le flot de mes pensées, quelque chose qui refusait de les laisser filer, de les laisser se lier les une aux autres. Quelque chose qui refusait que je comprenne. Si Ruby voulait être seule, et qu'elle me le disait, cela ne laissait qu'une conclusion, une conclusion dont je ne voulais absolument pas, qui m'avait terrifié pendant tout ce temps, et que j'avais repoussée en fermant les yeux. Je ne sentis presque pas comment elle arriva entre mes bras et étouffa ses larmes contre moi ; mes yeux fixaient le vide, et je ne voulais plus rien voir, plus rien entendre, plus jamais.

- Je suis désolée, je suis désolée. Je... Je ne peux pas vivre sans toi, mais je... Peut-être que... Tu m'as menti... Pendant tout ce temps tu m'as menti, je ne sais plus quoi penser de tout ça, j'arrive plus à... J'ai peur de ce que je ressens pour toi, et c'est malsain. Je ne peux pas revivre deux semaines loin de toi comme ça, j'en deviens paranoïaque, et c'est pas... On ne s'aime pas comme ça, toi et moi. Quelque chose ne va plus.

Elle pleurait. Elle avait pleuré en me disant tout cela, mais plus elle pleurait plus j'avais l'impression que mon coeur s'écrasait sur lui-même, à l'intérieur de moi, se recroquevillait pour disparaître, et l'angoisse prenait toute sa place, balayait tout sur son passage. Je n'étais plus capable de rien. J'avais trop peur, et pour la première fois, je sentis réellement qu'il était possible que je la perde pour de bon, qu'il était possible que tout cela se termine, que Ruby elle même l'envisageait, que... Que je ne pouvais pas l'envisager ? J'avais bien trop besoin d'elle. Elle me regarda tout d'un coup, et quand mes yeux accrochèrent les siens, ce fut le coup de grâce : non seulement les larmes qui les baignaient et les rendaient encore plus brillants me touchèrent en plein coeur, parce que je ne supportais pas de la voir ainsi, mais parce que la gravité de la situation ne me laissait aucun doute. Instantanément, je sentis mes yeux s'embuer, et mon coeur implosa définitivement à l'intérieur de moi, me laissant le souffle court, avec l'impression atroce de n'avoir plus aucune force.

- J'ai besoin de réfléchir, de prendre du recul. Tu m'as déçu. Je t'aime, mais tu m'as déçu. Je crois que... Que ces deux semaines sont peut-être le bon moment pour faire une... Pause.

Une pause... Tu m'as déçue... Je t'aime, mais ? Ses phrases vrillaient mes tempes, et mon coeur papillonnait, mon sang bouillait, j'avais l'impression de trembler, de perdre le contrôle. Je ne voulais pas, je ne voulais pas. Par je ne sais quel miracle je bougeais enfin, et j'agrippai la taille de Ruby d'un geste désespéré pour la ramener contre moi, avant de l'entourer de mes bras.

- Mais tu ne peux pas, commençai-je, paniqué et perdu, tu ne peux pas faire ça, une pause, dans un couple, n'était-ce pas la pire chose qui pouvait arriver ? La presque certitude que le couple ne tiendrait pas ? Je serais déjà deux semaines loin de toi, ça suffira, non ?!

Cette fois, je tremblais réellement, et je posai ma main sur la joue de Ruby pour approcher son visage du mien, mon autre bras entourant ses épaules ; je l'embrassai avec l'énergie du désespoir, parce que je ne savais pas quoi faire d'autre. Comment lui montrer que je l'aimais plus que n'importe qui ? Que j'avais renoncé à changer ma vie pour elle, que je lui devais ce changement qui m'avait sauvé ? Qu'elle m'apportait plus de bonheur que je n'aurais pu l'imaginer ? Que j'espérais être à ses côtés encore longtemps, que malgré nos âges, malgré le fait que ce n'était que le début et que c'était incertain, je souhaitais que cela dure ? Que je n'avais ressenti aussi fort des sentiments qu'elle m'avait d'ailleurs appris, qu'elle m'avait fait découvrir ? Que je ne voulais qu'une chose : la rendre heureuse, et ne jamais la quitter ? Les mots ne suffisaient plus, les actes non plus. Je n'y étais pas parvenu, en tout cas pas assez... Ou peut-être n'avais-je pas les moyens de le faire, qu'elle avait raison. Quelque chose n'allait plus. Alors, je l'embrassai d'avantage, agrippant son visage, sa nuque, comme si c'était la dernière fois, et plus je l'embrassai plus je sentais mes forces faiblir ; et si le visage de Ruby était humide de ses larmes les miennes vinrent les rejoindre, car je sentis qu'elles débordaient de mes yeux et finissaient par couler elles aussi. Je ne voulais pas m'arrêter et tant pis si mon souffle se hachait de plus en plus, tant pis si j'explosais encore une fois. Mes lèvres cherchaient celles de Ruby avec force, ces lèvres que je dessinais du bout des doigts encore et encore et que je connaissais par coeur, qui contre les miennes provoquaient tant de sensations, du bout de mes lèvres jusqu'à l'intérieur de mon coeur. Je voulais qu'elles m'apportent tout ce qu'elles savaient me donner, je voulais que l'odeur de Ruby m'enivre et me fasse tout oublier, je voulais la serrer contre moi, fermer les paupières et poser ma tête dans son cou, contre son coeur, et ne plus craindre quoi que ce soit. Je m'écartai tout d'un coup, alors que je voulais l'embrasser encore et qu'elle me le rendait bien - c'était bien la preuve qu'elle le voulait aussi ?! - et je collai mon front contre le sien, ravalant mes sanglots, mais incapable de retenir quelques larmes qui me brouillaient un peu la vue.

- Tu avais promis, tu avais promis que tu ne me laisserais jamais, murmurai-je, la suppliant à moitié. Je sais que j'ai mal agi, et je te demande pardon, mais s'il te plaît ne fais pas ça, j'ai besoin de toi et je t'aime, je ne veux pas risquer de te perdre, je ne peux même pas l'envisager, tu comprends ?! Cherchant son regard, je me sentis encore plus mal, encore plus désespéré. Je sais que je dois me faire pardonner, mais je ne peux pas partir en risquant de ne pas te retrouver en rentrant, je ne peux pas... Pardon de t'avoir déçue, mais tu crois vraiment qu'une pause réussira à rattraper tout ça ? Je veux être là pour toi... Laisse moi être là pour toi, conclus-je, la gorge serrée, la voix presque étouffée. S'il te plaît, Ruby...

Et je la serrai de nouveau contre moi, enfouissant mon visage dans son cou. Je ne voulais pas de tout ça ; je ne voulais pas me relever et la voir me quitter pour que pendant deux semaines notre couple soit en « pause », je ne voulais pas prendre ce risque, je ne voulais pas en venir à la seule et unique conclusion que j'avais provoqué notre propre perte. Mes doigts s'agrippèrent dans son dos et mes yeux se fermèrent de toutes leurs forces, comme si j'allais ensuite me réveiller de ce bien mauvais rêve.
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Ruby Standiford-Wayland


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MessageSujet: Re: ~ Smoke filled room. [PV E.]   ~ Smoke filled room. [PV E.] Icon_minitimeJeu 20 Fév - 13:16



« Through the storm we reach the shore
You give it all but I want more
And I'm waiting for you

With or without you
With or without you
I can't live
With or without you. »



C’était comme si les mots avaient pris une forme, une consistance, et qu’ils occupaient toute la pièce, enveloppant Ewan et moi jusqu’à nous étouffer dans leurs syllabes. Pau. Se. Quand j’essayais de respirer clairement, le son mat du p me claquait dans les oreilles, puis le sifflement du s me faisait frissonner, et j’étais comme toute vulnérable, sous l’emprise de simples lettres qui une fois réunies, illustraient une réalité plus que terrifiante. Tout à coup, j’avais l’impression d’être cette petite fille sous ma couette qui craignait le monde entier, les monstres de mes cauchemars, de mon passé, de l’avenir ; cette petite fille qui tremblait et n’arrivait à trouver du réconfort et de la force nulle part. J’avais peur de ce que je venais de dire, de mes propres sentiments qui semblaient m’échapper… Je ne voulais pas qu’ils soient moins fort, l’idée unique de ne plus aimer Ewan me paraissait aussi impossible que douloureuse, mais plus mon cœur battait pour lui, plus je tremblais aussi, car je me sentais dépassée par l’importance qu’il avait pris pour moi. Etait-ce sain de ne pas pouvoir vivre sans quelqu’un ? Je me rappelais encore de toute la souffrance que j’avais endurée après avoir perdu mes deux parents, et comment il m’était apparu qu’aimer incluait des peines immenses. Pourtant, je ne m’étais jamais fermée à l’extérieur, ou du moins, j’avais abandonné après avoir essayé. J’aimais les autres, j’aimais le monde malgré tout, et surtout, j’aimais être aimé. Il n’y avait que l’affection qui avait su me redonner le sourire, la confiance en moi, et peu importe les risques, je ne pouvais pas me couper de ça. Mais aujourd’hui, je me demandai simplement si l’amour d’Ewan avait le bon effet sur moi. Je voulais croire en nous, mais je m’accrochais au passé, et je savais que ce n’était pas la bonne manière d’envisager notre couple. Avant, je croyais tant à un futur commun, qui m’apparaissait maintenant seulement comme une ombre floue et incertaine. Où étaient les étoiles qui avaient brillé seulement pour nous deux ?

Elles s’échappaient, cachées derrière les nuages, et je crois qu’Ewan le percuta enfin – les mots qui avaient gonflé avaient fini par exploser et le temps qui s’égrenait si lentement reprit soudain son cours. Je sentis la main d’Ewan attraper ma taille, avant de l’enserrer, me rapprochant de lui, et mon menton tremblait toujours un peu plus. J’étais toute petite, toute fragile entre ses bras, et sa présence me rassurait autant qu’elle me rendait triste, car si Ewan me réconfortait toujours, à présent chacun de ses gestes était teinté de quelque chose de plus sombre, de plus incertain, et parfois je me demandais : et si d’un geste il te brisait ?


- Mais tu ne peux pas, tu ne peux pas faire ça. Je serais déjà deux semaines loin de toi, ça suffira, non ?!

J’entendais la panique qui le gagnait au son de sa voix, et cela acheva de me crisper le cœur : je ne voulais pas qu’il soit triste, et j’étais désolée de lui causer tout ce souci, mais je n’arrivais à rien d’autre comme conclusion. Comprenait-il seulement pourquoi je disais tout cela ?... Deux semaines. Je laissai les mots m’envahir. Quand j’avais cru qu’Ewan allait partir pour de bon, ça avait été les jours les plus longs et les plus douloureux qui soient… Comment lui allait-il supporter deux semaines ? Mais c’était différent, je savais que peu importe l’issue, nous allions nous revoir, rien ne pouvait se déchirer de la sorte – nous nous aimions trop, de toute façon. Je ne voulais même pas songer à l’issue, je ne voulais qu’il y en ait qu’une, mais je ne pouvais plus le promettre. Je voulais rassurer Ewan, lui dire que jamais je ne le quitterais, mais le pouvais-je vraiment ? Je le voulais, mais je me sentais tellement perdue, toutes mes certitudes s’écroulant une à une. J’avais été si sûre que jamais Ewan ne me blesserait, et j’avais eu tort. Comment être sûre qu’être avec lui serait toujours la meilleure chose pour moi ?...

Les yeux d’Ewan s’étaient embués, mais je ne pus essuyer les larmes qui allaient rouler car l’instant d’après, il avait saisi mes lèvres entre les siennes, dans un baiser qui semblait si amoureux et si désespéré que je ne tentais même pas de lutter. Il avait toujours cette manière de me posséder toute entière quand il m’embrassait, attrapant mon âme au plus profond de moi pour l’unir à la sienne, et je frissonnai, mes mains cherchant sa nuque, ses cheveux… Je ne voulais pas, jamais, me séparer de lui, cesser de sentir qu’il m’aimait dans la manière dont il m’embrassait, me touchait, et pourtant je sentais le goût salé de nos larmes jointes se glisser jusqu’à nos langues, et je savais que je ne pouvais pas l’ignorer. Comment notre amour pouvait-il me rendre aussi heureuse, et à la fois, aussi triste ? Je n’osais pas m’écarter, et Ewan prolongeait ce baiser avec encore plus de tendresse, de force, de passion, et j’entendais nos souffles perdus se répondre, nos mains chercher nos corps tandis que je devinais que nos cœurs s’agitaient d’une même panique là, sous nos poitrines collées. La mienne se soulevait, cherchant l’air qui me manquait, mais je m’en fichais, car une toute petite voix me murmurait : peut-être que c’est le dernier baiser… Ewan s’écarta et colla son front contre le mien, et je voyais qu’il pleurait encore, j’entendais ses sanglots qui contractaient mon cœur et nourrissaient mes larmes.


- Tu avais promis, tu avais promis que tu ne me laisserais jamais. Un sanglot s’empara de moi et m’agita. Je n’avais pas oublié ce que je lui avais dit… Je ne te laisserai jamais mourir, Ewan. Et c’était encore vrai aujourd’hui, je ne pouvais pas l’imaginer triste, seul, sans personne pour lui – mais étais-je la bonne personne pour lui ? Je sais que j'ai mal agi, et je te demande pardon, mais s'il te plaît ne fais pas ça, j'ai besoin de toi et je t'aime, je ne veux pas risquer de te perdre, je ne peux même pas l'envisager, tu comprends ?! Je sais que je dois me faire pardonner, mais je ne peux pas partir en risquant de ne pas te retrouver en rentrant, je ne peux pas... Pardon de t'avoir déçue, mais tu crois vraiment qu'une pause réussira à rattraper tout ça ? Je veux être là pour toi... Laisse moi être là pour toi. S'il te plaît, Ruby...

Il m’entoura de ses bras, et je l’étreignis dans les miens aussi, sentant son visage dans mon cou, et ses mains pressantes dans mon dos, cherchant une prise. Je fermai les yeux, tentant de reprendre ma respiration, d’y voir plus clair… J’avais collé mon visage contre sien qui se perdait dans mes cheveux blonds, et je me mis à caresser son dos, d’un geste régulier, comme pour avoir un pied dans la réalité et cesser de pleurer. J’avais le cœur lourd, au bord des lèvres, mais je voulais d’Ewan comprenne… J’entendais ses mots, ses suppliques, et bien sûr que je n’y étais pas insensible, mais plus nous avions dans la discussion, plus je comprenais que je ne voulais plus que nous fonctionnâmes ainsi. Je ne voulais pas noyer les problèmes en imaginant qu’ils se feraient emporter par le courant. Je voulais que notre relation soit saine, sur des bases solides, de bonnes bases. Je voulais être heureuse d’être avec Ewan, pas être inquiète. Je ne sais pas combien de temps je restais à le câliner, mais je m’abandonnais aussi dans ses bras, ayant besoin désespérément de son amour aussi, de sa tendresse, et je respirai son parfum pour me donner le courage. Finalement, je m’écartai tout doucement, sentant les bras d’Ewan encore noués à ma taille, et comme des larmes coulaient toujours sur ses joues, je passai mes doigts dessus, puis mes lèvres, comme pour les essuyer – puis j’embrassai les paupières fermées d’Ewan, sentant qu’il se calmait un peu, et je lui fis face, sa nuque encore emprisonnée entre mes doigts.

- Moi non plus je ne veux pas te perdre, Ewan, et c’est pour ça que… Que j’ai besoin de faire ça, concluai-je d’une toute petite voix. Je ne pleurais presque plus, mais une larme s’échappa à nouveau, et je frissonnais, me collant un peu plus contre Ewan sans décrocher mon regard du sien. Parce que tu es tellement important pour moi et que je sais qu’on peut être tellement mieux, ensemble, que notre relation peut être tellement… Tellement bien, je ne veux pas qu’on continue comme ça, je veux me sentir bien comme avant, mieux même, parce que je sais que ça peut être plus, au fil du temps, continuai-je d’une petite voix. Je fermai les yeux, mon front contre celui d’Ewan, écoutant nos respirations. Et je veux du temps avec toi, mais pas comme ça, je souhaite de tout mon cœur régler ça à ton retour, mais… Je ne peux rien promettre, dis-je dans un murmure triste. Je veux être bien avec toi, et j’ai besoin de retrouver comment l’être. Juste… Donne-moi ces deux semaines et au retour, je… J’y verrais plus clair. S’il-te-plaît, juste… Attends-moi ? Demandai-je un peu tristement. J’avais peur. Ne trouve personne, dis-je d’une voix hésitante. S’il-te-plaît, je sais que c’est égoïste, j’ai juste besoin de temps, de réfléchir, parce que quand je suis avec toi, quand on parle… Je crois que ça m’empêche un peu de voir clair, parce que je t’aime trop, conclu-je.

Je n’avais pas reouvert les yeux, et je me nichai dans les bras d’Ewan, appuyant mon visage dans le creux de son cou où je déposai un minuscule baiser, qui pourtant, je l’espérais, transporterait tout mon amour.
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Ewan Campbell


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MessageSujet: Re: ~ Smoke filled room. [PV E.]   ~ Smoke filled room. [PV E.] Icon_minitimeMer 26 Fév - 17:36




I sit alone in this winter clarity which clouds my mind,
Alone in the wind and the rain you left me,
It's getting dark darling, too dark to see,
And I'm on my knees, and your faith in shreds, it seems

Corrupted by the simple sniff of riches blown,
I know you have felt much more love than you've shown,
And I'm on my knees and the water creeps to my chest

But plant your hope with good seeds,
Don't cover yourself with thistle and weeds,
Rain down, rain down on me,
Look over your hills and be still,
The sky above us shoots to kill,
Rain down, rain down on me




Mes yeux refusaient de s'ouvrir à nouveau - s'ouvrir c'était voir et constater que je ne rêvais pas, que tout cela était bien réel, et qu'il allait falloir quoi, se dire au revoir, accepter ? Je ne voulais rien de tout cela - et quand Ruby entreprit de me caresser doucement le visage, de ses mains, puis de ses lèvres, je me laissai bercer comme un enfant, immobile, goûtant chaque seconde comme si c'était la dernière. Je savais qu'au fond rien n'était définitif : j'entendais ce qu'elle disait, et je comprenais, elle avait besoin de temps, temps que j'étais forcé de lui accorder après ce que j'avais déclenché - je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. Je savais que cela ne signifiait pas expressément la fin ; mais cela signifiait un grand danger, qui me terrifiait réellement, parce que nous risquions tout de même quelque chose. Et si Ruby avait totalement perdu confiance en moi ? Et si j'avais vraiment tout brisé, et si ce mensonge que je n'avais pas voulu voir pendant des mois était effectivement la chose la plus horrible qui soit, et qu'elle nous avait brisés ? Quand les lèvres douces de Ruby caressèrent mes paupières, j'eus un nouveau frisson, et je me sentis encore plus vulnérable. Je n'avais jamais autant ressenti quelque chose d'aussi fort, quelque chose d'aussi puissant à l'intérieur de moi : tout mon corps s'arc-boutait contre la pensée que Ruby s'en aille et que cette pause ait définitivement lieu, tout mon esprit et mon coeur résistaient à cette idée, la refusaient en bloc. J'avais l'impression de n'être physiquement pas capable de la supporter. Je ne voulais pas ouvrir mes bras, je ne voulais pas me décoller des siens, je ne voulais pas que ce câlin prenne fin, et je me sentais désespérément amer, et un tout petit peu en colère, mais c'était une sensation qui allait grandissante : j'étais en colère contre la situation, en colère contre moi, en colère contre mon père, contre ma mère, contre la vie de manière générale, en colère aussi contre Ruby qui n'avait rien , même si je savais qu'elle n'y pouvait rien, en colère contre ces deux semaines que je devais passer en Australie alors que je n'en avais absolument pas l'envie.

J'avais beau retenir les larmes qui oppressaient ma gorge et mes poumons, il en coulait quelques unes sur mes visages, et quand je me redressai un peu, tandis que la main de Ruby caressait ma joue et que son regard cherchait le mien, je sentis quelques nouvelles larmes rouler de mes paupières, mais je serrai les dents pour retenir le reste. Je ne voulais pas non plus qu'elle ait pitié - avais-je eu pitié, moi ? Pas une seconde, et je m'infligeais cette violence et cette interdiction de me laisser aller comme une punition.


- Moi non plus je ne veux pas te perdre, Ewan, et c’est pour ça que… Que j’ai besoin de faire ça. Parce que tu es tellement important pour moi et que je sais qu’on peut être tellement mieux, ensemble, que notre relation peut être tellement… Tellement bien, je ne veux pas qu’on continue comme ça, je veux me sentir bien comme avant, mieux même, parce que je sais que ça peut être plus, au fil du temps. Mais pourquoi arrêter, alors ? Je comprenais sans comprendre, et mes mains serraient plus fort son dos, tout contre sa peau. Et je veux du temps avec toi, mais pas comme ça, je souhaite de tout mon cœur régler ça à ton retour, mais… Je ne peux rien promettre. Nos yeux se séparèrent un moment et même si elle avait murmuré ces paroles, j'eus l'impression qu'elle me les avait hurlées, et que je les avais reçues en plein coeur comme un sortilège de mort. Je veux être bien avec toi, et j’ai besoin de retrouver comment l’être. Juste… Donne-moi ces deux semaines et au retour, je… J’y verrais plus clair. S’il-te-plaît, juste… Attends-moi ? Ne trouve personne. S’il-te-plaît, je sais que c’est égoïste, j’ai juste besoin de temps, de réfléchir, parce que quand je suis avec toi, quand on parle… Je crois que ça m’empêche un peu de voir clair, parce que je t’aime trop.

Je n'avais presque plus de souffle et le sang tambourinait dans mes tempes. C'était bien ce que je pensais : nous ne nous quittions pas pour autant, mais nous n'étions sûrs de rien... Elle venait de le reconnaître elle-même. Je baissai les yeux tristement, laissant le silence nous envelopper.

- Pourquoi voudrais-tu que je trouve quelqu'un, c'est toi que je veux, répondis-je en haussant légèrement les épaules. J'étais las : il n'y avait rien que je pouvais faire, n'est-ce pas ? Tu es l'amour de ma vie, expliquai-je calmement en caressant sa joue de mes doigts, je sais qu'on est jeunes mais c'est comme ça que je le sens, je t'attendrais quoi qu'il arrive, je t'attendrais tout le temps qu'il te faudra, évidemment.

Je lui souris faiblement - le coeur n'y était pas vraiment. Il me paraissait tout fatigué, et j'étais à deux doigts de demander à Ruby de me laisser, de s'en aller, parce que tout était dit, parce que je devais faire ma valise, partir, il n'y avait plus que ça à faire, n'est-ce pas ? Mais je ne pouvais pas me résoudre à la lâcher, et quand bien même ç'aurait été mieux pour moi, je n'en étais pas capable.

- Tu me laisserais ton foulard ? lui demandai-je alors, et quand elle le défit, je suivis des yeux ses mains fines que j'avais toujours trouvé particulièrement gracieuses, et son parfum se répandit dans l'air pendant quelques instants. En retour elle me demanda mon pull et je lui donnai, un petit sourire aux lèvres, plus sincère cette fois, car j'étais amusé - elle aimait particulièrement m'emprunter mes pulls.

Je n'avais ni l'envie ni le courage de rester ainsi face à elle en sachant tout ce qui venait d'être dit, mais je n'avais pas plus l'envie de la serrer dans mes bras pour lui dire au revoir, alors je cherchai désespérément quelque chose à faire, à dire, pour la retenir encore quelques instants, pour croire que tout n'était pas terminé, ou pas maintenant... Mais mon appartement me semblait étranger, tout d'un coup, et la lumière faiblissait déjà par la fenêtre, et je me fis la réflexion qu'il faisait plus froid, qu'il fallait que j'allume le feu dans la cheminée - le jour tombait et je craignais la nuit qui allait venir, car je savais déjà qu'elle m'envelopperait de sa solitude. J'étais inquiet - qui s'occuperait de Ruby quand je ne serais pas là ? Elle avait Lizlor, bien sûr, et je savais que je pouvais compter les yeux fermés sur les Wayland mais... Mais j'avais besoin de savoir que j'étais là pour elle moi aussi, j'avais besoin d'être capable de la protéger de mes bras si il le fallait.

Quand Ruby eut un mouvement, léger, je compris qu'elle allait partir ; je compris qu'elle avait le courage que je n'avais pas, et je la regardai droit dans les yeux comme pour lui demander de ne pas le faire, mais je me retins. Je voulais respecter ses choix, même s'ils m'étaient bien douloureux.


- Tu... Tu ne veux pas rester ce soir, juste ce soir ? tentai-je tout de même en un geste un peu désespéré - je savais que ce serait encore pire et qu'il ne fallait mieux pas mais j'avais envie de simplement la serrer contre moi le plus longtemps possible.

Mais elle me fit un petit non de la tête, et nous nous embrassâmes une nouvelle et dernière fois devant la porte. Cette fois mon coeur sembla retrouver d'un coup toute sa vitalité, bien trop vite d'ailleurs, parce que j'eus l'impression qu'il explosait, et j'embrassai Ruby avec tout mon amour, la serrant contre moi comme si j'avais voulu qu'elle s'incruste dans chaque parcelle de ma peau. Je ne sais pas combien de temps dura notre embrassade mais Ruby finit par se détacher de mes bras et ouvrir la porte ; quelques secondes plus tard et elle était partie. Et la porte se refermait doucement sur elle. J'allai à la fenêtre, par habitude, c'était notre rituel : de là, quand elle fut descendue dans la rue, je la vis traverser et prendre la direction du sentir pour Poudlard, avant de se retourner et d'envoyer de sa main un baiser jusqu'à moi. J'eus un geste de la main, et je la suivis des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse.

Alors, je sentis un étrange vide s'emparer de moi, et après avoir agité ma baguette pour que le feu prenne dans la cheminée, j'éteignis les autres lumières de l'appartement et me laissai tomber dans le canapé, les yeux rivés sur les flammes qui naissaient peu à peu dans l'âtre. J'avais l'impression de vaciller moi aussi, et je n'étais capable de rien d'autre si ce n'était de me refermer sur moi-même et d'espérer que le temps s'arrête ou passe à la vitesse de la lumière - j'étais incapable de choisir.


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