
Ruby Standiford-Wayland Apprentie à Sainte Mangouste
Nombre de messages : 2201 Localisation : Cachée. Date d'inscription : 03/09/2011 Feuille de personnage Particularités: « and from the rain comes a river running wild that will create an empire for you. » Ami(e)s: Lizlor; « Maybe home is nothing but two arms holding you tight when you’re at your worst. » Âme soeur: « Lover, when you don't lay with me I'm a huntress for a husband lost at sea. »
 | Sujet: Undo this storm #Chuby6 Dim 23 Juin - 19:45 | |
| https://www.youtube.com/watch?v=wylkSUS9Ofs
Undo this storm Undo this storm Undo this storm And wait
I can't control Withering wonders Flowers that lose Their shape
(...)
I'll be the calm I will be quiet Stripped to the bone I wait
No, I'll be a stone I'll be the hunter A tower that casts A shade
I lie awake and watch it all It feels like thousand eyes I lie awake and watch it all It feels like thousand eyes
(...)
I am the storm I am the storm I am the storm So wait
C'était difficile, trop difficile. J'aurais dû le voir venir. Qu'avais-je cru, que les semaines précédentes allaient suffire pour me porter, me protéger ? J'étais toujours la même, pourtant, inlassablement. Je l'avais su dès j'avais suivi le mouvement régulier de la main de ma psychologue et qu'elle m'avait demandé de retourner à ce moment précis, ce jour où tout s'était fragmenté. Tout mon corps s'était crispé et avait refusé. Il avait fallu plusieurs essais, plusieurs séances, de nombreuses paroles rassurantes qui se perdaient dans le bureau aseptisé. Alors que j’avais réussi depuis plusieurs semaines à espacer mes coupures, elles étaient revenues, encore plus fortes, plus tentantes. Elles vidaient tout ce que mes mots refusaient d'expier. Ce n'était pas grave, m'avait-on expliqué, c'était normal. J'avais passé des années à tout enfouir et tout extraire était un exercice difficile. Mais je n'y arrivais pas ; je n'avais que cette phrase à la bouche dès que l'on essayait de dépasser les barrières. Pourtant, j'avais déjà raconté ce qui m'était arrivé, j'y pensais même souvent. Mais cette fois-ci.... Il fallait vraiment m'y plonger, y revenir.
Ma psychologue me l’avait bien expliqué : un traumatisme altérait la mémoire. Le cerveau refusait de de traiter le souvenir dans la mémoire à long terme, il restait bloqué et le moindre détail pouvait tout déclencher. C’était ça, un syndrome post-traumatique. Sans que je puisse vraiment mettre des mots dessus, il m’avait suivi toute ma vie, et sa force pouvait me ramener dans le passé en quelques secondes. Il s’accompagnait d’un tas de conséquences, et plus je me renseignais, plus j’avais l’impression de cocher toutes les cases. Insomnie et cauchemars, mutilations, dissociation physique, amnésie, anxiété, dépression, culpabilité, addictions et comportements à risque pour s’anesthésier. J’étais un parfait cas clinique, une liste de symptômes.
Pour les régler, il fallait repartir au début, retrouver l’enfant que j’avais été. Il fallait affronter ma mémoire pour protéger cette Ruby-là. Et plus j'essayais de la retrouver, plus la moi du présent semblait s'effacer. J’étais devenue légère, translucide. Je passais de longs moments contre Chuck, à l'écouter parler en souriant comme je pouvais, incapable de vraiment répondre à son enthousiasme. Il savait ce que je traversais et il n'avait pas lâché ma main. C'était ma prise qui se faisait plus faible.
Puis, j'avais réussi. Vraiment réussi. Tous les cadenas avaient sauté un après-midi. Le déluge avait suivi, lourd, brûlant, glacial, mes larmes terrorisées, l'impression que mon cœur allait imploser. Ensuite, le vide, la détente. J'avais flotté plusieurs jours, tout mon corps anesthésié. Un état second m'avait envahi, rassurant par son silence.
C’était peut-être ce vide qui m’avait permis d’enfin envoyer ma lettre à Lizlor. Les mots s’étaient empilés dans ma gorge mois après mois, pressés de sortir, toutes mes émotions et angoisses les retenant. Tout ce travail en thérapie m’avait laissée lessivée, les compteurs remis à zéro. Je me sentais vidée et étrangement démunie, Lizlor me manquait plus que jamais, son absence comme un immense gouffre au milieu de ma poitrine. J’avais besoin de lui parler, qu’elle sache que je l’aimais encore et toujours. Il fallait que je m’excuse de toute cette souffrance que je lui avais causée, j’étais trop épuisée pour avoir peur de son rejet. Alors j’avais écrit, j’avais osé, la main tremblante malgré moi. Une fois la lettre envoyée, je m’étais endormie sur le canapé, appuyée contre Chuck, et j’avais dormi trois heures en milieu de la salle commune animée. Je m’étais sentie en sécurité pour la première fois depuis un long moment.
- Lettre:
-
Lizlor,
J'ai écrit cette lettre de nombreuses fois, froissé des centaines de parchemins, chaque mot insuffisant.
Je te demande pardon, Lizlor, pardon pour tout le mal que je t'ai fait, que j'ai fait autour de moi.
Aucune phrase ne semble assez puissante pour t'exprimer combien je regrette, combien j'ai pensé à toi chaque jour depuis que je suis partie de ce premier centre. Tu ne m'as jamais quitté. Je sais que les mots sont trop faciles, que mes actions n'ont fait que te blesser, mais je voulais simplement te dire que pas un seul instant je n'ai voulu te perdre. J'espère qu'un jour, je saurais te le montrer mieux.
Je t'écris aujourd'hui car cela fait cinq mois que je suis sobre. Je suis dans un petit centre près de Bromley. J'y suis allée de moi-même, quelques mois après avoir quitté le premier.
Je suis désolée d'avoir disparu, désolée d'aimer autant boire, désolée d'avoir eu besoin de me détruire et d'avoir fait payer les gens autour de moi. Je suis désolée d'être alcoolique.
Je ne voulais pas t'abandonner... C'est moi que je voulais abandonner.
Mais vous m'aimiez si fort, je ne voulais pas que me voyiez ainsi, je ne voulais pas vous décevoir. C'est difficile d'expliquer ce qui s'est passé en moi, ce qui se passe encore parfois, quand tout à coup toute la réalité semble enveloppée d'un voile brumeux et je me sens loin de tout, loin de toi. Je me sens tellement malheureuse, comme si l'univers s'écroulait sur moi, je me sens impuissante, condamnée.
J'aimerais que tu puisses comprendre combien ça n'a rien à voir avec toi, avec combien je t'aime. Mais je sais que c'est compliqué à expliquer, à saisir, que c'est trop facile de dire ça et que ça n'ôte rien à ta souffrance.
Tu es la meilleure chose qui me soit arrivée dans ma vie, tu m'as apporté de l'amour, une famille, de la joie. Je suis désolée de ne pas avoir su en prendre soin, d'avoir paniqué. J'aimerais vraiment pouvoir me rattraper.
Sache qu'à mes yeux, tu es toujours ma soeur. Et je considère toujours Sara et Conrad comme ma famille. Peut-être que je suis juste le membre dysfonctionnel de la famille...
Je comprendrais totalement que vous n'ayez plus envie de me voir, ou si Sara souhaiterait annuler la procédure d'adoption. Je n'ose même pas lui écrire, après tout ce qu'elle a fait pour moi, je sais que j'ai tout gâché. J'espère dans tous les cas que vous allez bien, que tu trouves du bonheur auprès de tes amis, de tes perspectives professionnelles ; il ne se passe pas un jour sans que je me demande ce que tu fais, si tu es heureuse, de quoi est fait ta vie. J'espère un jour mériter d'en faire partie.
Sache que je travaille très dur. Je suis suivie par un médecin, une psychiatre, et je vais à des réunions de groupe tous les jours. Je me suis fait de nouveaux amis et retrouvé un ancien. J'apprends chaque jour à affronter mon passé, mes maladies et mes TOC. En ce moment, je fais beaucoup de séances de thérapie qui me permettent de "retourner dans le passé" pour enfin l'affronter et le régler.
J'essaie de comprendre que tout n'est pas faute, et prendre mes responsabilités pour mes erreurs. J'espère pouvoir ensuite les réparer.
L'une des premières étapes pour réparer ces erreurs, justement, est de te contacter. J'aimerais beaucoup te revoir, ou simplement t'écrire, si tu préfères. Je comprendrais si tu n'as pas envie, ou si tu as besoin de temps. Je le respecterais. Sache que je ne veux plus fuir, et que je t'attendrais. Que je vais essayer de continuer à me battre, pour moi, pour toi, pour nous, pour tout ce que j'ai perdu.
Je t'aime,
Ruby
Cette lettre, une fois envoyée, était devenue un véritable supplice. J’avais détaché un bout de moi pour l’envoyer dans une jolie enveloppe, condamnée à attendre une réponse en silence. L’angoisse qui s’était mise en pause ces derniers jours revenait doucement, insidieuse dans mes veines, prête à s’emballer d’un instant à l’autre. Combien de temps Lizlor attendrait-elle pour me répondre ? Et si elle ne me répondait tout simplement pas ? Combien de temps pouvais-je supporter une telle attente ?
Quelques jours passèrent, en dehors de tout, jusqu’à ce matin-là. La lettre fût déposée à ma table lors de la distribution du courrier, attirant les regards curieux. Je ne recevais jamais rien. Je reconnus l’écriture d’un seul coup d’œil, me figeant, Chuck inquiet à mes côtés. C’était maintenant, c’était ma réponse. Je voulais me lever, m’écarter des autres et pouvoir lire tranquillement, seulement en compagnie de Chuck qui pourrait m’ancrer et me protéger, mais mon corps entier était devenu une statue, lourde, visée sur ma chaise. J’ouvris la lettre en silence, glissant ma main dans celle de Chuck, serrant trop fort. Les mots dansaient devant mes yeux, je relus plusieurs fois la lettre avant de pouvoir les ajuster, retenant mon souffle. Je pouvais sentir le regard de Chuck sur moi, il m’interrogeait, je n’arrivais ni à pleurer ni à sourire.
C’est bon, me murmurai-je. Tout n’est pas terminé. J’inspirai pour la première fois depuis des mois, et de cette simple inspiration, tous les sentiments que j’avais retenus depuis des semaines retombèrent dans le fond de mes poumons.
Le reste fût flou et le temps distendu. Je desservis la table, il me semble. Je parlai à Chuck, à Lana. Il était question d’aller jardiner cet après-midi. Je me rendis même à la réunion quotidienne, où j’écoutai avec attention les autres, restant silencieuse, incapable de décrire la lave bouillante qui s’accumulait dans mes veines. Il fallait qu’elle sorte, me dis-je en aidant à la préparation du déjeuner, l’éclat d’un couteau brillant au coin de mon œil. J’avais envie de le prendre, de le planter dans ma cuisse, et les regards qui observaient mes gestes m’oppressaient.
Je prétextai une douche après mon déjeuner. C’était presque trop simple, pensai-je avec un petit sourire. L’eau glissait sur ma peau, tiède comme une caresse, claire puis doucement écarlate. J’expirai, mes yeux clos, le front contre le carrelage du mur. C’était tellement reposant. Tout s’arrêtait pendant un instant. J’oubliais pourquoi j’étais si brisée, si terrorisée, pourquoi j’étais incapable de gérer mes émotions comme une personne saine. Pourquoi n’étais-je pas heureuse de la réponse de Lizlor ? C’était tout ce que je voulais, tout ce dont je mourrais d’envie ; elle m’aimait encore !
Mais pour combien de temps ? Quand est-ce que j’allais tout ruiner à nouveau, d’un simple mouvement, d’un simple verre contre mes lèvres ?
Six coupures se suivaient sur chaque cuisse dans une symétrie rassurante. J’en rajoutai une septième, plus profonde, qui me fit grimacer. Je n’avais pas contrôlé mon geste et un épais filet de sang se déversa le long de ma jambe gauche.
C’était toujours ainsi, et j’allais finir seule. Je l’étais déjà. Comment avais-je pu l'oublier ?
Je l'avais toujours été, depuis mon enfance, j'étais ailleurs, séparée, insaisissable ; je n'en pouvais plus. Mon souhait le plus profond n'avait jamais été que ça, appartenir quelque part, qu'enfin on me comprenne, que le poids sur mes épaules se partage – huitième coupure, toujours plus profonde. Mais personne ne pouvait le prendre, le comprendre : comment auraient-ils pu ? Tout ce que je ressentais n'était qu'à moi, tellement emmêlé dans des années de souffrance, je n'avais pas le mot pour les partager, pas la force ni la confiance pour les partager à quelqu'un d'autre. Comment faire, de toute manière, comment parler quand tout ce qui m'agitait était permanent, lourd ; les gens ne voulaient pas savoir tout ça, tous mes problèmes. Je n'étais qu'un poids pour eux – deux coupures sur mes avant-bras que je ne m’autorisais jamais de toucher. Même Chuck finirait par s'en rendre compte, tout comme Hadrian et Ewan avant lui. Il ne pouvait pas m’aimer, c’était trop, j’étais incapable. Incapable parce que moi aussi je l’aimais, je ne voulais pas. Il se lasserait. Lizlor aussi. Elle ne voulait pas me voir, pas vraiment, je la ferais souffrir à nouveau. C'était toujours comme ça, toujours – une coupure – toujours – une autre –, toujours – encore une.
Ma tête commençait à me tourner, je m’agrippai au robinet pour rester debout, la petite vis tenant à peine dans mes doigts tremblants.
C’était toujours comme ça puisque je ne pourrais jamais échapper le passé. J’étais exactement où j’étais censée être, tout m’avait destiné pour ce centre, pour cet état. Une immense vague de fatalité m’happa et me fit vaciller, la tristesse infinie et trop lourde. Je n’étais pas réparable, pourquoi continuer d’essayer ? J’étais ruinée et j’avais tout empiré, j’avais trop bu, je m’étais trop coupée… J’avais laissé tous ces hommes me toucher, me salir… Je pouvais encore sentir leurs regards sur moi, parfois, comme des centaines d’yeux dans le noir de ma chambre. Je ne voulais pas d’eux, au fond.
Je n’avais jamais vraiment consenti, je n’avais pas pu…
Un cri éteint s’échappa de ma gorge lorsque je le réalisais, au plus profond de moi, combien je n’avais jamais voulu de ces actes-là, ce n’était que de la survie, de l’autodestruction, je les avais laissés me toucher et je voulais leur reprendre ce droit, ces expériences, me nettoyer, un coup de vis sur chaque endroit qu’ils avaient touché, mes cuisses, mon ventre, mes seins, mon visage ; je pensais à cet homme, un soir, qui m’avait tenu les avant-bras, il était encore là, je voulais qu’il me lâche, que mes bras se détachent, j’enfonçais la vis tellement profondément qu’elle se coinça dans ma peau et je m’écroulai sur le sol de la petite douche. L’eau continuait à couler mais je ne la sentais plus sur ma peau. Tout me brûlait et des petites étoiles dansaient devant mes yeux, je perdais le fil de mes pensées, de mes gestes, mon corps commençait à flotter très étrangement, et moi avec, comme si j’étais au-dessus de lui dans un enchaînement de nuages cotonneux sur lequel je rebondissais, je crois, je n’arrivais plus à articuler, à suivre…
J’étais en train de disparaître, pour de bon cette fois-ci. J’allais enfin réussir. Un rush d’adrénaline paniqué m’envahit comme un dernier sursaut et je me mis à rire, à pleurer, tout mon être soulagé. C’était enfin fini.
Un bruit sourd… Je n’arrive pas à distinguer devant moi, son ombre, sa présence, quelqu’un qui panique, il faut que je panique moi aussi, non, sinon je pars, mes mains s’accrochent à mon visage, il saigne, j’ai mal partout, j’ai peur tout à coup, je n’arrive pas à crier, mes mains, son bras, serrer, serrer fort, pourquoi toute ma poitrine se soulève si vite et si fort, je glisse, je glisse ????
- Je pars, je pars, mes dents se serrent tellement fort, j’ai mal à la mâchoire, ma lèvre saigne, tout saigne, rouge, rouge, dilué, épais, partout, sur ses mains à lui aussi, il me touche, je n’ai pas mal quand il me touche, je pars tout simplement, je glisse, glisse, rouge, partout, Chuck, rouge, lumière, noir. _________________ ★ Even Closer | ★ Forever Young | So Cold ★ | If Stars ★ « 'I feel things,' I said. 'I'm not a robot!' I stamped my foot and screamed. Then I burst into tears. I touched the wet little drops and held them toward her. 'See, I'm not a robot. This is proof.' » |
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