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Undo this storm #Chuby6

 
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 Undo this storm #Chuby6

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Ruby Standiford-Wayland


Ruby Standiford-Wayland
Apprentie à Sainte Mangouste



Féminin
Nombre de messages : 2205
Localisation : Cachée.
Date d'inscription : 03/09/2011

Feuille de personnage
Particularités: « and from the rain comes a river running wild that will create an empire for you. »
Ami(e)s: Lizlor; « Maybe home is nothing but two arms holding you tight when you’re at your worst. »
Âme soeur: « Lover, when you don't lay with me I'm a huntress for a husband lost at sea. »

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MessageSujet: Undo this storm #Chuby6   Undo this storm #Chuby6 Icon_minitimeDim 23 Juin - 19:45

https://www.youtube.com/watch?v=wylkSUS9Ofs


Undo this storm
Undo this storm
Undo this storm
And wait

I can't control
Withering wonders
Flowers that lose
Their shape

(...)

I'll be the calm
I will be quiet
Stripped to the bone
I wait

No, I'll be a stone
I'll be the hunter
A tower that casts
A shade

I lie awake and watch it all
It feels like thousand eyes
I lie awake and watch it all
It feels like thousand eyes

(...)

I am the storm
I am the storm
I am the storm
So wait





C'était difficile, trop difficile. J'aurais dû le voir venir. Qu'avais-je cru, que les semaines précédentes allaient suffire pour me porter, me protéger ? J'étais toujours la même, pourtant, inlassablement. Je l'avais su dès j'avais suivi le mouvement régulier de la main de ma psychologue et qu'elle m'avait demandé de retourner à ce moment précis, ce jour où tout s'était fragmenté. Tout mon corps s'était crispé et avait refusé. Il avait fallu plusieurs essais, plusieurs séances, de nombreuses paroles rassurantes qui se perdaient dans le bureau aseptisé. Alors que j’avais réussi depuis plusieurs semaines à espacer mes coupures, elles étaient revenues, encore plus fortes, plus tentantes. Elles vidaient tout ce que mes mots refusaient d'expier. Ce n'était pas grave, m'avait-on expliqué, c'était normal. J'avais passé des années à tout enfouir et tout extraire était un exercice difficile. Mais je n'y arrivais pas ; je n'avais que cette phrase à la bouche dès que l'on essayait de dépasser les barrières. Pourtant, j'avais déjà raconté ce qui m'était arrivé, j'y pensais même souvent. Mais cette fois-ci.... Il fallait vraiment m'y plonger, y revenir.

Ma psychologue me l’avait bien expliqué : un traumatisme altérait la mémoire. Le cerveau refusait de de traiter le souvenir dans la mémoire à long terme, il restait bloqué et le moindre détail pouvait tout déclencher. C’était ça, un syndrome post-traumatique. Sans que je puisse vraiment mettre des mots dessus, il m’avait suivi toute ma vie, et sa force pouvait me ramener dans le passé en quelques secondes. Il s’accompagnait d’un tas de conséquences, et plus je me renseignais, plus j’avais l’impression de cocher toutes les cases. Insomnie et cauchemars, mutilations, dissociation physique, amnésie, anxiété, dépression, culpabilité, addictions et comportements à risque pour s’anesthésier. J’étais un parfait cas clinique, une liste de symptômes.

Pour les régler, il fallait repartir au début, retrouver l’enfant que j’avais été. Il fallait affronter ma mémoire pour protéger cette Ruby-là. Et plus j'essayais de la retrouver, plus la moi du présent semblait s'effacer. J’étais devenue légère, translucide. Je passais de longs moments contre Chuck, à l'écouter parler en souriant comme je pouvais, incapable de vraiment répondre à son enthousiasme. Il savait ce que je traversais et il n'avait pas lâché ma main. C'était ma prise qui se faisait plus faible.

Puis, j'avais réussi. Vraiment réussi. Tous les cadenas avaient sauté un après-midi. Le déluge avait suivi, lourd, brûlant, glacial, mes larmes terrorisées, l'impression que mon cœur allait imploser. Ensuite, le vide, la détente. J'avais flotté plusieurs jours, tout mon corps anesthésié. Un état second m'avait envahi, rassurant par son silence.

C’était peut-être ce vide qui m’avait permis d’enfin envoyer ma lettre à Lizlor. Les mots s’étaient empilés dans ma gorge mois après mois, pressés de sortir, toutes mes émotions et angoisses les retenant. Tout ce travail en thérapie m’avait laissée lessivée, les compteurs remis à zéro. Je me sentais vidée et étrangement démunie, Lizlor me manquait plus que jamais, son absence comme un immense gouffre au milieu de ma poitrine. J’avais besoin de lui parler, qu’elle sache que je l’aimais encore et toujours. Il fallait que je m’excuse de toute cette souffrance que je lui avais causée, j’étais trop épuisée pour avoir peur de son rejet. Alors j’avais écrit, j’avais osé, la main tremblante malgré moi. Une fois la lettre envoyée, je m’étais endormie sur le canapé, appuyée contre Chuck, et j’avais dormi trois heures en milieu de la salle commune animée. Je m’étais sentie en sécurité pour la première fois depuis un long moment.



Lettre:


Cette lettre, une fois envoyée, était devenue un véritable supplice. J’avais détaché un bout de moi pour l’envoyer dans une jolie enveloppe, condamnée à attendre une réponse en silence. L’angoisse qui s’était mise en pause ces derniers jours revenait doucement, insidieuse dans mes veines, prête à s’emballer d’un instant à l’autre. Combien de temps Lizlor attendrait-elle pour me répondre ? Et si elle ne me répondait tout simplement pas ? Combien de temps pouvais-je supporter une telle attente ?

Quelques jours passèrent, en dehors de tout, jusqu’à ce matin-là. La lettre fût déposée à ma table lors de la distribution du courrier, attirant les regards curieux. Je ne recevais jamais rien. Je reconnus l’écriture d’un seul coup d’œil, me figeant, Chuck inquiet à mes côtés. C’était maintenant, c’était ma réponse. Je voulais me lever, m’écarter des autres et pouvoir lire tranquillement, seulement en compagnie de Chuck qui pourrait m’ancrer et me protéger, mais mon corps entier était devenu une statue, lourde, visée sur ma chaise. J’ouvris la lettre en silence, glissant ma main dans celle de Chuck, serrant trop fort. Les mots dansaient devant mes yeux, je relus plusieurs fois la lettre avant de pouvoir les ajuster, retenant mon souffle. Je pouvais sentir le regard de Chuck sur moi, il m’interrogeait, je n’arrivais ni à pleurer ni à sourire.

C’est bon, me murmurai-je. Tout n’est pas terminé. J’inspirai pour la première fois depuis des mois, et de cette simple inspiration, tous les sentiments que j’avais retenus depuis des semaines retombèrent dans le fond de mes poumons.

Le reste fût flou et le temps distendu. Je desservis la table, il me semble. Je parlai à Chuck, à Lana. Il était question d’aller jardiner cet après-midi. Je me rendis même à la réunion quotidienne, où j’écoutai avec attention les autres, restant silencieuse, incapable de décrire la lave bouillante qui s’accumulait dans mes veines. Il fallait qu’elle sorte, me dis-je en aidant à la préparation du déjeuner, l’éclat d’un couteau brillant au coin de mon œil. J’avais envie de le prendre, de le planter dans ma cuisse, et les regards qui observaient mes gestes m’oppressaient.

Je prétextai une douche après mon déjeuner. C’était presque trop simple, pensai-je avec un petit sourire. L’eau glissait sur ma peau, tiède comme une caresse, claire puis doucement écarlate. J’expirai, mes yeux clos, le front contre le carrelage du mur. C’était tellement reposant. Tout s’arrêtait pendant un instant. J’oubliais pourquoi j’étais si brisée, si terrorisée, pourquoi j’étais incapable de gérer mes émotions comme une personne saine. Pourquoi n’étais-je pas heureuse de la réponse de Lizlor ? C’était tout ce que je voulais, tout ce dont je mourrais d’envie ; elle m’aimait encore !

Mais pour combien de temps ? Quand est-ce que j’allais tout ruiner à nouveau, d’un simple mouvement, d’un simple verre contre mes lèvres ?

Six coupures se suivaient sur chaque cuisse dans une symétrie rassurante. J’en rajoutai une septième, plus profonde, qui me fit grimacer. Je n’avais pas contrôlé mon geste et un épais filet de sang se déversa le long de ma jambe gauche.

C’était toujours ainsi, et j’allais finir seule. Je l’étais déjà. Comment avais-je pu l'oublier ?

Je l'avais toujours été, depuis mon enfance, j'étais ailleurs, séparée, insaisissable ; je n'en pouvais plus. Mon souhait le plus profond n'avait jamais été que ça, appartenir quelque part, qu'enfin on me comprenne, que le poids sur mes épaules se partage – huitième coupure, toujours plus profonde. Mais personne ne pouvait le prendre, le comprendre : comment auraient-ils pu ? Tout ce que je ressentais n'était qu'à moi, tellement emmêlé dans des années de souffrance, je n'avais pas le mot pour les partager, pas la force ni la confiance pour les partager à quelqu'un d'autre. Comment faire, de toute manière, comment parler quand tout ce qui m'agitait était permanent, lourd ; les gens ne voulaient pas savoir tout ça, tous mes problèmes. Je n'étais qu'un poids pour eux – deux coupures sur mes avant-bras que je ne m’autorisais jamais de toucher. Même Chuck finirait par s'en rendre compte, tout comme Hadrian et Ewan avant lui. Il ne pouvait pas m’aimer, c’était trop, j’étais incapable. Incapable parce que moi aussi je l’aimais, je ne voulais pas. Il se lasserait. Lizlor aussi. Elle ne voulait pas me voir, pas vraiment, je la ferais souffrir à nouveau. C'était toujours comme ça, toujours – une coupure – toujours – une autre –, toujours – encore une.

Ma tête commençait à me tourner, je m’agrippai au robinet pour rester debout, la petite vis tenant à peine dans mes doigts tremblants.

C’était toujours comme ça puisque je ne pourrais jamais échapper le passé. J’étais exactement où j’étais censée être, tout m’avait destiné pour ce centre, pour cet état. Une immense vague de fatalité m’happa et me fit vaciller, la tristesse infinie et trop lourde. Je n’étais pas réparable, pourquoi continuer d’essayer ? J’étais ruinée et j’avais tout empiré, j’avais trop bu, je m’étais trop coupée… J’avais laissé tous ces hommes me toucher, me salir… Je pouvais encore sentir leurs regards sur moi, parfois, comme des centaines d’yeux dans le noir de ma chambre. Je ne voulais pas d’eux, au fond.

Je n’avais jamais vraiment consenti, je n’avais pas pu…

Un cri éteint s’échappa de ma gorge lorsque je le réalisais, au plus profond de moi, combien je n’avais jamais voulu de ces actes-là, ce n’était que de la survie, de l’autodestruction, je les avais laissés me toucher et je voulais leur reprendre ce droit, ces expériences, me nettoyer, un coup de vis sur chaque endroit qu’ils avaient touché, mes cuisses, mon ventre, mes seins, mon visage ; je pensais à cet homme, un soir, qui m’avait tenu les avant-bras, il était encore là, je voulais qu’il me lâche, que mes bras se détachent, j’enfonçais la vis tellement profondément qu’elle se coinça dans ma peau et je m’écroulai sur le sol de la petite douche. L’eau continuait à couler mais je ne la sentais plus sur ma peau. Tout me brûlait et des petites étoiles dansaient devant mes yeux, je perdais le fil de mes pensées, de mes gestes, mon corps commençait à flotter très étrangement, et moi avec, comme si j’étais au-dessus de lui dans un enchaînement de nuages cotonneux sur lequel je rebondissais, je crois, je n’arrivais plus à articuler, à suivre…

J’étais en train de disparaître, pour de bon cette fois-ci. J’allais enfin réussir. Un rush d’adrénaline paniqué m’envahit comme un dernier sursaut et je me mis à rire, à pleurer, tout mon être soulagé. C’était enfin fini.

Un bruit sourd… Je n’arrive pas à distinguer devant moi, son ombre, sa présence, quelqu’un qui panique, il faut que je panique moi aussi, non, sinon je pars, mes mains s’accrochent à mon visage, il saigne, j’ai mal partout, j’ai peur tout à coup, je n’arrive pas à crier, mes mains, son bras, serrer, serrer fort, pourquoi toute ma poitrine se soulève si vite et si fort, je glisse, je glisse ????


- Je pars, je pars, mes dents se serrent tellement fort, j’ai mal à la mâchoire, ma lèvre saigne, tout saigne, rouge, rouge, dilué, épais, partout, sur ses mains à lui aussi, il me touche, je n’ai pas mal quand il me touche, je pars tout simplement, je glisse, glisse, rouge, partout, Chuck, rouge, lumière, noir.
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Chuck Carlton


Chuck Carlton
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MessageSujet: Re: Undo this storm #Chuby6   Undo this storm #Chuby6 Icon_minitimeMer 22 Avr - 13:04

La désintox, c'est un chemin sans fin qui durera toujours, même quand on considère qu'il est terminé ; c'était ce que nous disait en substance tous les gens au foyer, quand certains s'enhardissaient un peu et se vantaient d'arriver au bout du chemin, d'être sur le pas de la porte de sortie. Ce qui ne saurait plus tarder pour moi, dans la suite logique des choses... Et qui me faisait flipper par la même occasion. Mais ce chemin sans fin, parfois, il me gavait prodigieusement. Il y avait des jours avec et des jours sans, évidemment. Sans surprises. Des jours plus faciles où je me réveillais plutôt content, où je prenais part aux activités, où les réunions me faisaient du bien, où parler à mon psy semblait plus simple. Et puis des jours plein de brouillards, mornes, n'en déplaise au soleil qui pouvait briller au-dehors. Ces putains de sessions de jardinage me les brisaient. Ces meetings interminables à la con m'insupportaient et si je devais me présenter une nouvelle fois en disant Moi c'est Chuck, je suis un addict, j'allais buter quelqu'un. L'odeur de la bouffe me soulevait le coeur. Et les gens, que j'adorais pourtant, me tiraient sur les nerfs. Alors, je faisais semblant. J'enfilais les vêtements du Chuck que j'étais aux yeux de tous, je mettais un sourire sur mes lèvres, des lunettes de soleil, j'allais fumer clope sur clope dans le patio en discutant de tout et de rien et en faisant le clown, c'était facile de faire rire les gens, facile de se cacher derrière soi-même finalement. Je l'avais toujours un peu fait au fond, pas vrai ?

Ce matin je m'étais réveillé avec la sensation de porter un semi-remorque de béton sur mes épaules. Même m'habiller, ça avait été un calvaire. Et croiser le regard bleuté de Ruby et son sourire toujours à la fois plein de tristesse et de douceur ne m'avaient pas aidé du tout. J'étais trop englué dans moi-même, quelque chose clochait, me retenait en arrière. J'étais ronchon et franchement, pas de chance pour Lana, mais quand elle renversa son verre de jus d'orange sur la table et qu'il goutta sur mon pantalon, honnêtement, j'avais ressenti tellement de haine à son égard que, j'en étais sûr, elle s'en était rendue compte. Et ça m'avait serré le coeur. Je détestais la vie, dans ces moments-là. Je mourrais d'envie de revenir quelques mois en arrière.

D'ouvrir la porte et de courir loin. De retrouver mes sensations. De me souvenir de ce que ça faisait de sentir mon esprit s'envoler loin de tout, mon corps brûler comme s'il avait été une turbine, et tout mon univers se reformer autour de moi comme une boule protectrice et isolatrice.

Mais non : il fallait couper ces putain de rosiers et faire comme si on en avait quelque chose à foutre de ces problèmes d'écoulement des eaux de pluie au fond du jardin, qu'un sortilège pourrait régler en deux minutes, pendant qu'on trimait à essayer d'enlever les feuilles amassées au fond des canalisations à la main. Super. J'en avais ma claque, de cette journée, et d'ailleurs Ruby avait disparu après le déjeuner donc elle devait probablement être dans le même esprit que moi...

... À moins que. Le râteau m'échappa des mains. Et ce n'était pas uniquement moi le problème aujourd'hui ? Et si ce matin quand nos regards s'étaient croisés et que j'avais senti quelque chose de bizarre, ce n'était pas moi ? Et si tous les efforts que j'avais faits pour capter son attention ou lui parler qui me paraissaient hyper compliqués, ce n'était pas moi ? Enfin, pas
uniquement moi ?

- Les gars, je reviens, j'ai plus de clopes.

Ce n'était même pas un mensonge vu que j'avais fumé un paquet dans la matinée, mais en tout cas ça ne plut pas trop à notre encadrant que je me barre comme ça, même s'il ne dit trop rien. De toute façon, je m'en foutais pas mal. J'avais une trop mauvaise intuition et alors dans ma vie, Merlin savait que j'en avais fait des conneries, mais mon intuition m'avait toujours clairement indiqué avec des grands signaux lumineux que c'était bel et bien des conneries : j'étais lucide. Elle ne se trompait pas. Et là, ce qu'elle me chuchotait à l'oreille me faisait carburer le coeur tellement fort que j'étais obligé d'appuyer dessus pour le calmer un peu. Je courus dans les couloirs déserts, montai à l'étage. Elle n'était pas dans sa chambre, et les meufs autour ne l'avaient pas vue. On me houspilla une nouvelle fois (qu'est-ce que tu fais chez les filles encore, toi !) et d'ailleurs ça me faisait penser que je m'étais pris une remarque à propos de Jane, on se doutait de quelque chose dans l'organisation, c'était interdit pourtant on le savait, c'était grave, très grave, et gnagnagna. Résultat des courses : un avertissement pour nous deux, et la prochaine fois c'était dehors. Je comprenais... Mais à moitié. Oui c'était dangereux de faire peser sa désintox sur quelqu'un, bien sûr. Mais là, c'était juste du cul. Ils étaient bêtes à ce point ? Ce n'était pas sur Jane qu'elle pesait, ma désintox...

- Ruby ?!

Mais où est-ce qu'elle s'était fourrée encore, celle-là ? J'étais même allée voir dans les cuisines, la fameuse fenêtre, réparée depuis... On ne sait jamais. Il restait un endroit, tout d'un coup, qui me sauta à l'esprit. Retour en arrière, direction l'aile des filles et plus précisément, les salles de bain. Alors là, si on m'y chopait...

Il y avait le bruit de l'eau qui coulait et je poussai la porte en priant pour que ce soit simplement elle, pas quelqu'un d'autre, pour qu'elle ait juste un coup de blues, pour que je m'excuse et reparte aussi vite que j'étais arrivé, mais le coeur plus léger. J'ouvris les yeux après que la port se soit ouverte. L'eau coulait et elle coulait rouge, dans le jour entre la porte battante de la cabine et le bac de douche. Rouge comme si quelqu'un s'était ouvert en deux pour se vider de tout son sang. Ma mâchoire se solidifia d'un coup et je fis un bond en avant, donnai un coup de pied dans la porte, la retins de la main pour qu'elle ne tape pas à l'intérieur, sur le corps tailladé et effondré par terre de Ruby — mais on n'aurait pas dit Ruby. Elle était toute blanche, presque bleue, sous les traînées rouges, ses bras et ses jambes s'étaient recroquevillées comme des serres, ses lèvres étaient grises, ses cheveux blonds trempés ne brillaient pas, elle avait l'air morte, elle était partie, sans moi, elle n'était plus là. Je l'entendais parler pourtant, je savais qu'elle respirait, mais elle était morte quand même au fond, pas vrai ? Je me jetai sur elle pour la prendre dans mes bras, la serrer, la secouer, je m'entendais l'appeler, je m'entendais crier, mais je n'étais plus là non plus. Pourquoi elle avait fait ça ?
Pourquoi tu m'as fait ça ? Je la secouai comme si j'allais faire tomber d'elle tout ce qui n'allait pas, nous débarrasser de nos chaînes, je pleurai et je hurlai et je sentis des mains me tirer en arrière, se ruer sur nous comme je l'avais fait quelques minutes auparavant. On m'ordonnait de me calmer, de la lâcher, de reculer, on me disait tu vas lui faire mal et même si c'était bien la dernière chose que je voulais, pourtant, une partie de moi se disait oui eh bien, je lui fais mal, elle me fait mal, on a mal de toute façon, qu'est-ce que ça change ?

Je chialai comme un bébé sans pouvoir m'arrêter. J'avais envie de vomir : le sol blafard de la salle de bain était recouvert de sang, plus ou moins dilué. J'en avais partout sur moi. Comme si Ruby m'avait contaminé avec ses délires de propreté, j'avais envie de m'arracher la peau et les vêtements pour tout effacer.


- Emmenez-moi avec elle, s'il vous plaît, suppliai-je à qui voulait bien m'entendre, mais je n'étais même pas certain qu'on m'écoute ou me réponde. Mais ce n'était pas moi l'urgence. C'était elle, et j'avais l'impression de m'effacer un peu plus tandis que ces mots tournaient en boucle dans ma tête.
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Ruby Standiford-Wayland


Ruby Standiford-Wayland
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MessageSujet: Re: Undo this storm #Chuby6   Undo this storm #Chuby6 Icon_minitimeVen 24 Avr - 11:55

https://www.youtube.com/watch?v=eHgNssQzvbE

There's tobacco in my sheets
I know you won't be proud
You always taught me not to be
the kind of woman that I seem to be becoming now

There's an empty bag of somethin'
On the table by my bed
Yeah, I know you wouldn't like it but
It's the only thing that gets him out my head

Oh mama, I hope you understand
'Cause when daddy broke your heart, I held your hand
I'm not a smoker or a drinker
Just a crazy overthinker
And I need a little medicine
I hope your broken heart, it understands




L'air était pâteux autour de moi, épais, comme un cocon tiède. Je distinguais le noir de mes paupières, je rêvais d'un vide sans fin dans lequel je tombais, rassurant par l'absence même qui faisait son essence. Tout s'était arrêté, cette fois-ci. Tous les bruits, les murmures, les battements, les cliquetis et les tocs, les spirales. Je n'entendais même plus ma respiration. Je tombais toujours un peu plus loin, réconfortée par la chute. Tant que je n'atterrissais pas contre le sol, pourquoi avoir peur ? Je n'avais pas mal. Mais j'étais seule, toujours, dans un immense trou noir de solitude qui m'avalait. C'était mieux ainsi, sûrement, plus solitaire, moins effrayant. Il faisait froid, il me semblait même qu'il neigeait, quelques flocons délicats qui brillaient contre le noir absolu. Je me rappelai de la neige contre les murs de Poudlard, quand j'étais dans le parc, avec Lizlor. Ses cheveux accrochaient toujours les flocons, comme de l'écume sur des vagues dorées, qui roulaient et roulaient le long de son dos. A l’évocation de son souvenir, une chaleur se répandit en moi, dans le vide ; j'aimais bien quand Lizlor habitait l'immensité. Elle brillait toujours dans la nuit.

Le vide se perça d'une lumière, d'une douleur propagée le long de mes doigts, mon dos, un kaléidoscope de sensations rapportées et fragmentées. Je ne tombais plus, quelque chose me retenait, m'enveloppait, une odeur de lessive et de propreté qui me piqua le nez, je tournai ma tête légèrement, surprise par la vague qui m'happait. Je battis plusieurs fois mes paupières, les souvenirs confus s'assemblant petit à petit et la fatigue s'étalant comme un immense poids sur ma poitrine. Oh... Oh, j'étais encore là. Je reconnaissais le parfum de l'hôpital.

Mais il y en avait un autre, plus difficile à saisir, mais que mon corps compris tout de suite. Au prix d'un effort sur-humain, je tournai ma tête engourdie, et la vit. Je sentis les larmes m'étrangler avant même que je puisse ouvrir la bouche, et je m'écroulai contre elle, dans ses bras.


- Je veux rentrer à la maison, murmurai-je, alors que Sara me berçait, m'enveloppant de tout l'amour maternel qu'elle avait toujours su me prodiguer.


***


Sara n’était jamais partie. Elle avait toujours su où j’étais, elle avait veillé de loin, attendant un signe de ma part. C’était ainsi qu’il avait pu la prévenir si rapidement de ma tentative de suicide ; elle avait transplané en un instant à l’hôpital. Moi qui pensais avoir semé ma vie d’avant, voilà que je découvrais qu’elle m’avait suivie, que Sara m’avait gardée dans son cœur, comme rien n’avait changé. J’avais demandé pour Lizlor aussi, est-ce qu’elle savait tout ? Oui, un peu moins que Sara, mais elle avait toujours su que j’étais dans un centre. Mais elle et Sara m’avaient cherchée, pendant les six mois où j’étais perdue. Elles n’avaient jamais cessé. J’en étais malade de honte et d’incompréhension devant un tel amour, mais bien trop fatiguée pour lutter. J’étais bien, quand Sara était dans ma chambre, sa voix était toujours calme et mélodieuse. Les quatre premiers jours, je dormais la plupart du temps, mais dès que je me réveillais, elle n’était pas loin, me couvant du regard. Ma psychiatre du centre était venue aussi, son regard inquiet mais composé, et elle avait posé sa main sur la mienne et m’avait dit qu’elle était soulagée que je sois encore là. Les gens s’inquiétaient pour moi, s’inquiétaient que je reste…. Et Chuck, les gens du centre, avais-je tout à coup pensé, paniquée. Est-ce qu’ils étaient soulagés, est-ce qu’ils savaient seulement que j’étais en vie ?! J’avais murmuré d’une voix pressée le nom de Chuck, puis de Lana, Viola et la psychiatre avait souri. Oui, ils savaient que j’étais à l’hôpital, il ne fallait pas que je m’inquiète. Lizlor le savait aussi. J’avais demandé d’une toute petite voix : elle pourrait venir me voir ?


***


Il y avait toujours eu plusieurs chemins. Je ne les avais toujours pas choisis, et certains me paraissaient inévitables ; que j’ai été joué dans cette grange ou non n’était qu’un détail sur un schéma plus grand qui m’échappait, m’entraînant jusqu’à l’horreur d’une manière ou d’une autre. Il y avait des évidences plus douces, comme celle que si je n’avais pas été dans le parc, ce jour-là, j’aurais tout de même fini par rencontrer Lizlor, puisque c’était écrit, forcément, quelque part, dans tous mes chemins. Je n’avais pas toujours choisi la direction à prendre, et je pensais souvent aux choix des autres, leurs impacts, mon impuissance face à cette fatalité. Ewan avait été à un carrefour et c’était lui qui avait choisi de partir, de me quitter. Je n’avais rien pu faire, projetée dans un futur insondable. Pourtant, j’avais pris mes propres décisions, ensuite, n’est-ce pas ? C’était souvent ce que me disait la psychiatre du centre… Je ne pouvais pas contrôler le choix des autres, mais je pouvais contrôler mes réponses à ces choix. Souvent, je me demandais de quoi aurait été fait ma vie si ce jour-là où Ewan avait pris un chemin loin de moi, j’avais choisi de ne pas prendre celui où je recommençais à boire. Cette seconde de bascule où j’avais acheté la bouteille de whisky dans cette boutique miteuse. Une simple seconde, un autre chemin.

Dans ce petit lit d’hôpital blanc, face à ma psychiatre et au docteur, six jours après mon réveil, je compris que j’étais à nouveau à un carrefour.

J’écoutais leurs mots sans pouvoir répondre, me concentrant sur ma respiration, sur la main de Sara dans la mienne. Ils m’expliquaient que mon corps était très fatigué, que malgré mes efforts au centre, j’étais encore en mauvaise santé. Ils parlaient à Sara, aussi, énonçant mes diagnostiques comme une liste de course infinie. Addiction. Dépression chronique. Anxiété généralisée. Syndrome post-traumatique. Suicidaire. Automutilation. Ma psychiatre, son sourire doux, m’expliquait que mon addiction et ma dépression s’amélioraient petit à petit, que je pouvais être fière de moi, mais que l’automutilation et l’anxiété étaient encore trop présents, trop dangereux pour moi.  Ils pensaient que c’était dans mon intérêt que de prendre des médicaments, pour m’aider, tout en y allant doucement, pour ne pas m’assommer, pour ne pas réveiller mes addictions. Juste le temps d’aider mon cerveau à se remettre, de mettre en place de nouveaux mécanismes plus sains.

Puis, les deux chemins. Je pouvais retourner au centre, mais il me faudrait être plus encadrée, multiplier les séances de thérapie et avec le médecin. Ils voulaient contrôler mon automutilation, vérifier mes cicatrices très régulièrement. Ou alors, je pouvais quitter le centre et partir dans un hôpital psychiatrique, qui serait plus spécialisé qu’un centre dédié à l’addiction. Ma psychiatre pourrait même continuer à m’accompagner. Le choix me revenait entièrement. Ma mâchoire se serra douloureusement et je fermais les yeux, épuisée, tandis que Sara parlait à ma place, demandant des détails, posant des questions dont je n’entendais plus les réponses. J’étais épuisée.


***


L’hôpital était silencieux, et j’apercevais la lune depuis ma fenêtre. Je pensais aux deux chemins, le centre, l’hôpital psychiatrique, mon futur incertain. L’alcool, lui, avait toujours brouillé les traces, les choix, j’avançais à l’aveugle, oubliant d’être anxieuse. Mais cette fois-ci, j’étais lucide. Et j’avais peur. Etrangement, j’étais consciente d’à quoi ressemblerait ma vie dans l’hôpital, je devinais l’isolement, la tristesse qui s’ancrerait, la silence qui envahirait les pièces, partout, mes organes aussi. Je pensais à Chuck. Mes souvenirs étaient flous, mais il me semblait qu'il avait été là, quand je m'étais été écroulée dans la douche... Etait-ce lui qui m'avait trouvée ? Mon coeur se contracta désagréablement. Je ne voulais pas lui avoir fait du mal, pas lui avoir ôté son sourire pétillant qui retournait mon estomac. Au moins, si je partais, je n’aurais pas à affronter tout ça, les sentiments, ses lèvres, son corps. Peut-être qu’à l’hôpital, je pourrais disparaître, parce qu’au fond je n’avais pas envie d’essayer de continuer. C’était peut-être un troisième chemin, je n’avais qu’à me laisser mourir dans une pièce blanche et aseptisée.

Chuck l’avait dit, un soir : nous ne nous devions rien. Après tout, rien ne me garantissait qu’il m’attendait. Peut-être qu’il avait quitté le centre…

Un énorme poids me coupa le souffle. Et si je revenais au centre et que Chuck n’y était plus ? Si je le perdais ? Ma respiration s’emballa en une demi-seconde, et je me mis à trembler de la tête au pieds, incapable d’avaler l’air nécessaire, mes pensées en une spirale infernale, une ancre qui m’attirait vers le fond, je suffoquais ; j’avais tout ruiné, il était parti, il ne reviendrait pas, je ne le reverrais plus jamais, qu’est-ce que j’allais faire si je ne le revoyais plus jamais, mon estomac allait recracher mon maigre diner, il fallait que je me coupe, que je parte, que j’aille chercher Chuck, et s’il n’était plus là, s’il était parti sans moi, sans moi, sans moi, sans que je le revois –

Je mis quelques secondes de trop à comprendre que l’infirmière était rentrée dans la pièce et m’aidait à respirer. Mes mains tremblaient tellement fort que je dus serrer fort les draps pour retenir les soubresauts.


- Là, voilà, inspire, ça va mieux, murmurait l’infirmière avec douceur. Je déglutis doucement, retrouvant petit à petit une respiration correcte. Est-ce que quelque chose a déclenché la panique ? Est-ce que je peux faire quelque chose ?

J’agitai la tête en signe de négation, mes mains toujours crispées.

- Je… Non, je pensais juste à… Mon petit-ami qui est resté au centre où je –

Je me stoppai, interdite, et ma respiration s’emballa à nouveau jusqu’à que j’ai l’impression de m’asphyxier : les mots m’avaient échappé, et je réalisai avec panique que si mon cerveau voulait s’arrêter, mon cœur était déjà parti beaucoup trop loin.


***

Je tombais, je tombais toujours. Le vide m'accueillait avec familiarité et je me laissais plonger, chutant à l'infini dans des étages et des étages d'obscurité. C'était comme toujours, l'infini, la solitude, la sécurité, le détachement profond que je ressentais. Il faisait toujours aussi froid, et j'étais comme nue, l'air s'infiltrait partout dans mes pores. J'étais incapable de bouger, de ne serait-ce que me tenir dans les bras, pour me réchauffer. Non, je tombais indéfiniment, attirée par une gravitée inconnue que j'oubliais presque, comme si je flottais. Mais au milieu de ce puit sans fond, je sentis petit à petit une chaleur émaner des murs, qui se répandait dans l'atmosphère, comme si une source de lumière s'était frayée un chemin contre les murs invisibles. Il faisait presque bon, cette fois-ci. Je n'avais plus l'impression de tomber seule. Il y avait quelqu'un, quelqu'un tout près de moi. Tout mon corps réagissait à son souvenir.

Je me réveillai, sentant qu'elle était là, j'en étais sûre, sa présence, je tombais dans ses bras, elle tombait dans les miens, ce n'était plus le vide ; je n'avais jamais été aussi entière. J'avais oublié combien elle complétait mon univers, réarrangeant toutes les pièces de mon puzzle, cette sensation que je n'avais qu'avec elle. J'avais toujours su, dès que je l'avais rencontrée : elle était différente, nous étions différentes. Nous provenions de la même étoile.


- Pardon, pardon, pardon, répétai-je en sanglotant. Les bras de Lizlor me serrèrent un peu plus fort. Pardon, pardon, je ne voulais pas partir, pardon, tu m'as tellement manqué, pardon, continuai-je, incapable de m'arrêter, incapable de la lâcher.

L'émotion me submergeait complètement, et je pensais à ces chemins, qui couraient tout autour de moi et que je ne savais jamais choisir sans souffrir, et cette fois-ci, dans les bras de Lizlor, je sentis qu’il n’y avait qu’un seul qui m’importait.
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MessageSujet: Re: Undo this storm #Chuby6   Undo this storm #Chuby6 Icon_minitimeMar 5 Mai - 22:31

- Ça ne va pas.
- Chaton, ça va très...
- Je te dis que ça ne va pas !!
- Alors, essaye avec ce t-shirt peut-être ?
- Ça n'ira pas non plus.
- Essaye...
- NON ! Tant pis, je serai moche, après tout, elle l'a bien mérité !


Ma main vint frapper, comme une punition, mon reflet dans le miroir. Derrière moi, sur le lit de Jay, s'entassaient des habits après avoir volé furieusement à travers la pièce. Ma baguette s'agitait nerveusement, mais rien ne me convenait. Je me laissai tomber alors sur le lit, en sous-vêtements, un profond soupir rageur jaillissant de mes poumons. Frustrée, mécontente, je supportais à peine le regard pourtant plein de sollicitude et un peu embêté de Jay. Même sa patience m'agaçait. J'avais envie de hurler, de casser quelque chose. Au lieu de ça, tout d'un coup, je fondis en larmes, me laissant happée par les bras réconfortants et enveloppants de celui que j'aimais.

C'était une telle souffrance, l'addiction. Pour elle comme pour nous. J'avais trop pleuré. Trop attendu. Trop espéré. Trop eu peur. Trop cherché dans le noir autour de moi, quand je rentrais la nuit, espérant découvrir une silhouette amaigrie et chancelante mais au moins
en vie. Trop cru voir un éclair blond dans la foule. Trop prié tout ce en quoi je croyais ou non que quelqu'un la sauve. Trop adressé de paroles en silence dont elle n'aurait jamais connaissance. Trop culpabilisé, aussi. J'étais venue à bout, alors que je l'aimais du fond de mon coeur et pour toujours, cette soeur surgit le long de mon chemin, tandis que nos destins s'entrelaçaient à jamais. À bout de forces. Je ne pouvais plus. Mais si je lâchais... Si on lâchait... Qu'est-ce qu'elle deviendrait ? Qu'est-ce que cela changerait ?

La vie avait continué, je n'avais pas eu le choix. Et au fur et à mesure des jours grossissait en moi une colère qui ne trouvait pas de limites. Oh, je la connaissais ma colère, je la connaissais ma peine aussi, elles m'avaient mise à bien rude épreuve après la mort de Papa, j'en portais encore les marques invisibles, elles avaient marqué ma chair à tout jamais. Mais au moins, aujourd'hui, j'avais de l'avance. J'étais en terrain conquis. Je connaissais chaque sursaut de mes nerfs, chaque larme salée, chaque mauvaise pensée dans ma tête. Et je pouvais avancer avec. J'avais Jay, soutien incommensurable le long de cette terrible route, j'avais Maman, j'avais Conrad. Nous étions un petit noyau plus solide que jamais, comme si un malheur créait forcément une petite bulle de bonheur quelque part, pour compenser de sa sale marque sur la fragile coque de nos univers. Poursuivre mes études, continuer à vivre, me faire des amis, pourquoi pas ? La petite Lizlor sauvage était loin maintenant, je pouvais un peu mieux me tenir, je pouvais plus donner le change, et si ma mauvaise humeur et mes coups de sang se faisaient de plus en plus présents, le reste ne se voyait pas forcément.


Je t'en veux tellement. Voilà où j'en étais... Voilà la vilaine amie que j'étais. En me redressant, poussant le rideau de mes cheveux en bataille pour respirer un bon coup, je vis mon visage dans le miroir, boursouflé de larmes et les yeux tout noir de maquillage. J'étais vilaine, dehors comme dedans.

Je me sens si seule. Tout me rappelait son souvenir, tout le temps (j'ai pris ton parfum de milkshake préféré, j'ai relu ce livre, j'ai mis ta robe, j'ai croisé cette personne, j'ai utilisé ce stylo, j'ai entendu cette blague, j'ai été marcher alors que la nuit tombait, je suis passée devant une boutique vintage, j'ai senti cette bougie au jasmin) et pourtant je m'évertuais à la chasser de mes pensées, de toutes mes forces. Sinon son visage apparaissait et je me sentais tellement malheureuse que la nuit tombait instantanément autour de moi.

Je suis si triste, j'ai peur. Peur de la moindre lettre de Maman qui m'annoncerait : on a retrouvé son corps dans une ruelle, la morgue de Sainte-Mangouste m'a appelée, on a trouvé ses papiers et des objets qui lui appartenaient, n'importe quoi. Peur des gens qui me demandaient de ses nouvelles, de nos nouvelles. Peur de devoir dire je ne sais pas où elle est, ça rendait les choses si réelles. Peur de ne plus jamais la revoir. Peur de la revoir, de voir que rien n'avait changé. Peur d'espérer une embellie et que tout recommence.

Comment pouvait-elle me faire ça ?

Dans cette tourmente, Maman était un véritable roc. Inlassablement elle suivait sa piste, allait voir toutes les personnes qui avaient été en contact avec elle, la traquait, utilisait même des sortilèges pour être sûre de ne rien louper, restait en contact. Et surtout, elle ne perdait pas espoir... Elle continuait à croire. Et quand je me rongeais trop les sangs voilà qu'elle redevenait toute maternelle et me berçait comme elle l'aurait bercée elle aussi, une main sur son épaule l'autre sur ses cheveux, les caressant doucement, murmurant
chuuut, ça va aller maintenant, c'est promis ma chérie, tout ira bien.

La lettre ? Oh, j'avais pleuré, ri, je l'avais serrée contre mon coeur, j'avais sautillé partout, j'avais emmené Jay se promener, on était allés boire un verre, on avait joué aux cartes, elle m'avait rendue si heureuse. Je la connaissais par coeur. Mais le risque était à la hauteur de l'onde de bonheur ressentie quand j'avais vu son écriture méticuleuse, jolie et un peu penchée et que j'avais compris : elle n'est pas morte.

Au final, j'avais mis un vieux short déchiré (regard désapprobateur de Maman), des baskets assez crottées, le t-shirt d'un groupe que j'aimais bien et par-dessus un immense sweat bordeaux, tout aussi immense que son propriétaire, qui couvrait quasiment tout mon short. Ça sentait bon Jay, et mes cheveux lâchés tout autour de moi faisaient comme un rempart. Pas de maquillage, à part quelques traces de celui que j'avais enlevé après avoir pleuré. C'était puéril, mais j'avais décidé de ne faire ostensiblement aucun effort, comme si c'était à moi de la punir. Je m'étais détachée de Maman et de Jay, me sentant rouler comme une bille sur un toboggan, sans rien pour la retenir, livrée à elle-même. Et j'écoutai sans un mot le discours des médecins, des encadrants, grignotant la manche trop longue de mon sieste, lunettes de soleil toujours baissées sur le nez, attitude retranchée, un peu boudeuse. Blablabla — oui, je connaissais ce discours par coeur, j'avais lu des tas de livres, j'avais été à des tas de réunions sur le sujet, parlé à des tars de spécialistes. Elle est encore très fragile, elle a besoin de temps, elle a besoin de toi, elle a besoin de vous, elle s'en veut, la culpabilité est très difficile à gérer dans ces moments-là, etc, etc. Je savais ses maladies, je savais ses problèmes, je savais tout ça. Non, je ne le prenais pas personnellement. J'avais tout essayé. Je m'étais rendue à l'évidence. On me conduisit à sa chambre.

Main sur la porte entrouverte, je respirai doucement pendant quelques secondes. Je savais que le choc qui allait suivre serait violent, mais mon coeur battait trop fort pour que je lui résiste. J'entrai, et sa pâleur et sa maigreur me soulevèrent le coeur. J'entrouvris la bouche.

- Ruby, murmurai-je simplement, dans un soupir de soulagement et d'émotions et d'amour et de chagrin et de lassitude, tout à la fois.

Je m'approchai et la pris dans mes bras le plus doucement possible, comme si mes gestes allaient la heurter, me rendant compte que je ne savais plus appréhender son corps si profondément abîmé, et manquai de fondre en larmes.


- Pardon, pardon, pardon. Pardon, pardon, je ne voulais pas partir, pardon, tu m'as tellement manqué, pardon.

Dans une imitation parfaite des gestes de ma mère, sans même m'en rendre compte, je m'installai un peu mieux pour la presser contre moi et caresser doucement ses cheveux avec une tendresse toute maternelle. À l'intérieur de moi, il y avait un immense vide plein de soleil et de lumière, et rien d'autre.

- Chhhhht, ça va aller, promis. Je sais. Tout ira bien, je suis là.

Les explications viendraient après, n'est-ce pas ? Pour le moment, tout ce qui comptait était ce précieux petit instant où je pouvais serrer Ruby contre moi. Une Ruby bien vivante, malgré les ombres qui planaient autour d'elle. Je la regardai et lui souris timidement.

- Tu ne pensais quand même pas que j'allais t'abandonner ? Je collai ma joue contre son front et fermai les yeux. Je t'attendrai toujours.

Je le savais, au fond de moi. Rien ne servait de lutter.
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Ruby Standiford-Wayland


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MessageSujet: Re: Undo this storm #Chuby6   Undo this storm #Chuby6 Icon_minitimeJeu 7 Mai - 18:30

Je crispai mes doigts dans son sweat, m’agrippant désespérément, mes avant-bras me lançaient mais je les ignorais, incapable d’imaginer lâcher Lizlor qui était enfin là. Je n’avais pas réalisé combien elle m’avait manquée. Bien sûr, je pensais à elle chaque jour qui passait, un immense creux dans ma poitrine, mais l’alcool et le mal-être avaient tant effacé en moi que j’avais presque oublié ce que je pouvais ressentir quand elle était là, cette vague d’amour tellement forte qu’elle emportait tout sur son passage. Comment avais-je pu vouloir perdre tout ça ? Comment avais-je pu croire que l’alcool serait plus doux ?

- Chhhhht, ça va aller, promis. Je sais. Tout ira bien, je suis là.

Je me mis à pleurer si fort que mes poumons se contractèrent douloureusement et ma respiration s’écroula dans ma cage thoracique. Pourquoi, voulais-je murmurer, pourquoi, comment, comment avais-je fait pour mériter un tel amour ? Ou plutôt…. Pourquoi avais-je passé tant de temps à me convaincre que je ne le méritais pas ? Un nouveau sanglot m’étrangla. Combien de fois avais-je espéré que ma mère me prendrait dans ses bras et me murmureraient tous ces mots qui m’auraient allégée ? J’avais tant subi, tout s’était brisé autour de moi, en moi, personne ne m’avait protégée et j’avais passé le reste de ma vie à me punir, j’étais en colère tout à coup, j’étais tellement triste, de tout ce que j’avais ruiné, cet amour que les Wayland m’avait offert et que j’avais fui. Je pensais à cette pauvre petite fille que j’avais été, mes larmes redoublèrent. Si elle avait su ! Si seulement quelqu’un lui avait montré ! Alors je pleurais, encore et encore, pour cet amour que je recevais enfin, pour ce privilège d’être aimée inconditionnellement.

Lizlor me laissa pleurer sans jamais me lâcher, comme si elle comprenait tout le temps qu’il me fallait. Lorsque finalement elle s’écarta légèrement, ce fût pour me regarder, et me sourire. Mon cœur se gonfla comme un ballon dans ma poitrine malgré mes larmes.


- Tu ne pensais quand même pas que j'allais t'abandonner ? Je t'attendrai toujours.

Je m’accrochais à elle, incapable de répondre, de parler, tant l’émotion me serrait la gorge. Il y avait tant de choses que je voulais lui dire, et surtout combien j’étais désolée qu’elle doive m’attendre et souffrir ainsi. Mais je n’avais pas la force de parler, de protester, je me laissais bercer, complètement vidée et épuisée, jusqu’à que mes yeux bordés d’océans se ferment et m’emportent.

J’entrouvris mes paupières lourdes et me sentis désorientée quelques secondes avant de me rappeler où j’étais. Assise au bout de mon lit, les vagues blondes de Lizlor semblaient agitées par une brise invisible - elle bougeait sa tête légèrement de droite à gauche, de ce petit mouvement qu’elle avait toujours lorsqu’elle devait rester assise trop longtemps. Elle était en train de parler avec Sara, débout près de la porte, et quelqu’un d’assis sur l’un des sièges inconfortables… Je reconnus sa voix, et compris que c’était son parfum que j’avais senti sur le sweat de Lizlor. Jay! Pendant un instant, je me pris à imaginer que j’étais à l’infirmerie de Poudlard, peut-être comme lorsque je m’étais réveillée de cette première tentative ratée. Tant de choses auraient pu être différentes, si j’avais fait d’autres choix. Mais je ne pouvais pas retourner en arrière. On nous le disait souvent, au centre, d’ailleurs. Il n’y a que le futur que nous pouvons contrôler.

Ils étaient en pleine discussion, murmurant à voix basse, mais j’entendais quelques bribes. Je restai immobile, observant un instant encore ce petit microcosme qui m’avait tant manqué. Sara fit une remarque à Lizlor, sur la façon dont elle était assise, une remarque qu’elle lui faisait souvent et qui était devenu un sujet de plaisanterie et d’imitation entre Lizlor et moi, à laquelle Liz répondit de son ton boudeur, m’arrachant un petit rire dans le fond de ma gorge - elles se tournèrent vers moi, remarquant enfin mon réveil, mais ce fût Lizlor que je regardai en premier. Nos yeux s’accrochèrent, la trace de mon rire accroché sur le bout de mes lèvres, et Lizlor y répondit en souriant doucement avant de s’approcher pour prendre ma main.

Je ne compris pas exactement pourquoi, ni comment, mais en cet instant, je sus. C’était peut-être ce rire silencieux que nous avions échangé, amusées d’une blague qui n’appartenait qu’à nous, ou la façon dont Lizlor prit ma main doucement comme si elle caressait un oiseau tombé du nid, ou ses yeux, son visage cerné. Ce n’était pas quelques nuits d’insomnies, c’était des mois, des années, je le reconnaissais puisque j’avais toujours eu le même. Ou peut-être que c’était peut-être le regard que Sara nous lança, son sourire maternel sur ses traits fatigués, et la façon dont mon cœur se serra doucement, apaisé. Je sus, de cette certitude que je n’avais jamais connue, que j’avais fait mon choix, que je n’avais plus de doutes. Je pensais à l’odeur du whisky, et je compris que c’était fini, pour toujours, que je ne voulais plus jamais être allongée dans un lit d’hôpital, que je savais pourquoi je voulais me battre et continuer. Peu importe la suite, peu importe le futur. Il serait sûrement difficile et semé d’embûches. Mais je ne ferais plus demi-tour. Pour la première fois, je ne trouvais pas simplement le sens à tout ça, je le compris. Je me mis à sourire.


- Merci d’être venue, murmurai-je à Lizlor. Je… Les mots s’empilèrent dans ma bouche, mais Lizlor me sourit, caressant le dos de ma main. Elle comprenait. C’était compliqué. Tu m’as manquée, ajoutai-je simplement.

C’était peut-être là, le sens.

***

Je restais quelques jours à l’hôpital, et les médecins mirent au point un plan à suivre pour mon retour au centre, assorti de quelques potions que je devrais prendre. La première, un liquide blanc et acide, m’avait plongé dans une fatigue pâteuse qui ne me plaisait pas trop, mais je savais qu’il faudrait un certain temps avant que mon corps prenne ses marques. Lizlor et Sara virent tous les jours, parfois accompagnées de Jay, et si j’étais parfois anxieuse, intimidée et un peu trop silencieuse, personne ne m’en tint rigueur. Je demandais à Lizlor de ses nouvelles, j’essayais de rester alerte et concentrée sur chaque détail qu’elle acceptait de me donner. Parfois, elle me lisait simplement la Gazette pour me tenir compagnie, et elle s’amusait à imiter la voix de chaque personne interviewée ou citée dans un article, et la première fois que nous eûmes un fou rire ensemble, mes poumons se remplirent d’une telle lumière que j’eus l’impression d’expirer du soleil pendant tout le reste de l’après-midi.

Mais aujourd’hui, je rentrais enfin au centre, et même si les Wayland allaient me manquer (bien qu’elles aient promis de venir me rendre visite), je n’étais pas mécontente de pouvoir rentrer dans un environnement familier et sécurisant - et surtout, surtout, retrouver Chuck, même si je ne me l’avouais qu’à moitié. Lizlor m’avait apporté une de mes anciennes robes pour que je ne rentre pas avec une tenue d’hôpital. Je pouvais voir qu’il faisait beau depuis la fenêtre, j’entendais presque les oiseaux chanter. Sara discutait avec un médecin hors de la chambre, tandis que Lizlor m’aidait à ranger la chambre et récupérer mes affaires. Par la fenêtre qui donnait sur le couloir, je croisai le regard de Jay, qui semblait revenir dans la chambre, mais il s’arrêta. Il avait compris, et je lui souris.


- Liz, dis-je tandis qu’elle s’apprêtait à sortir, et je posai ma main sur son bras. Tu sais, quand… Quand je serais prête, je voudrais qu’on parle. Je sais que tu m’en veux, et tu as le droit, et… Je veux t’écouter, moi aussi. Et je sais que mes promesses ne veulent plus rien dire mais… J’inspirai. Je vais tout faire pour ne plus jamais avoir à en briser aucune.

***

Sur le mur de ma chambre, dix jours de mon calendrier étaient vierges de leur croix habituelle. Je rangeai mes affaires rapidement, et sur le haut de ma petite commode en bois, je posai la première et unique photo qui décorerait à présent ma chambre. J’avais demandé à Lizlor de me l’amener. Dans un cadre noir, les visages de Sara, Conrad, Lizlor et moi me sourirent. Nous étions sur la terrasse de la maison en Oregon. Mon coeur s’illumina, et je me promis d’écrire une lettre à Conrad dès demain, puis à Sara, à qui je devais tant d’excuses et d’explications que j’avais été incapable de murmurer à l’hôpital.

En quittant ma chambre, je ne la fermais pas, consciente que le privilège d’une porte fermée ne me serait pas donné avant de nombreuses semaines. Je l’avais bien cherché. Je descendis les escaliers, tout à coup excitée et anxieuse, et m’approchai de la salle commune. J’espérais de tout mon cœur que Chuck y serait ; il était la première personne que je voulais voir, pour enfin calmer mon agitation.

Il était là. Assis sur le canapé, accompagné de quelques autres personnes. Ils étaient en train de regarder une émission à la télévision. Je franchis la porte, mes mains tordues nerveusement l’une dans l’autre, et le visage de Chuck se tourna, comme s’il avait senti ma présence, et l’instant d’après, je ne savais pas si j’avais couru ou si le temps s’était accéléré, mais il était là, je me jetai contre lui, et le serrai tellement fort que mes avant-bras me brûlèrent à nouveau. J’inspirai, mon cœur cascadant dans mon estomac. Il sentait bon, sa prise était rassurante, et je ne le lâchai que pour embrasser Viola, Lana, Jane, sourire aux autres, mes oreilles bourdonnaient et j’entendais à peine ce que l’on me disait. Ma main avait fondu dans celle de Chuck, je serrais si fort que ma paume en devint moite. J’avais trop peur de lâcher.

Les émotions, les médicaments, j’avais la tête qui tournait, et je fus soulagée lorsque tout le monde reprit ses activités, l’agitation retombant. Je suivis Chuck vers le canapé, et à peine assise, je me collai contre lui, il passa son bras autour de mes épaules et le mien vient entourer son torse, ma tête posée contre son épaule. Il me tenait si fort que j’avais envie de fondre en larmes. J’avais dû lui faire si peur… Sa main caressait mon bras, me retournant l’estomac.

Je me laissai bercer par les bruits, les discussions, les rires étouffés devant la télé - lorsque celui de Chuck résonna contre moi, je me collai instinctivement plus à lui et un sourire tira mes joues fatiguées. Qu’est-ce qu’il m’avait manqué…

Je perdis légèrement la notion du temps, somnolant, et lorsqu’enfin je sortis de ma torpeur, je me redressai légèrement, et un seul regard échangé suffit pour que Chuck comprenne. On se leva doucement, j’attrapai sa main de peur qu’elle m’échappe à nouveau, et nous remontâmes le couloir en silence jusqu’au jardin, jusqu’à notre petit coin sous le rosier. Son parfum m’avait manqué. On s’installa, toujours silencieux, allumant nos cigarettes, nos doigts entremêlés se cherchant à nouveau et se caressant tout doucement. Je regardai Chuck, je le regardai vraiment cette fois-ci, et il était tellement beau et tellement fatigué, mon cœur allait lâcher. Je me penchai et embrassai sa joue, lâchement. Je restai ainsi, mon front contre sa tempe, quelques minutes, ma cigarette se consumant entre mes doigts. Elle me faisait tourner la tête.


- Je suis tellement désolée que tu m’ait trouvé, je m’en veux tellement, je ne voulais pas… Murmurai-je finalement. Ma voix était basse, honteuse. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Mais j’ai eu tellement peur tout à coup, peur d’être irréparable, et je n’arrêtais pas de penser à… Tous ces mecs, ça me rendait malade, je n’ai pas supporté. Je baissai le visage. Mes mots étaient confus mais je savais que Chuck comprendrait. C’était égoïste, je suis tellement désolée, je ne voulais pas te faire ça, je ne voulais pas t’abandonner. Je portai la main de Chuck à mes lèvres pour embrasser le bout de ses doigts. Tu me manquais tellement, à l’hôpital. Je voulais juste te parler. Sara et Lizlor sont venues, tu sais, tu avais raison… Je me tus un instant. J’ai peur de ce que je leur ai fait, de ce que je t’ai fait. Excuse-moi, ajoutai-je une nouvelle fois avec l’envie terrible de pleurer.
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MessageSujet: Re: Undo this storm #Chuby6   Undo this storm #Chuby6 Icon_minitimeVen 8 Mai - 13:03

Ils avaient appelé Angie, qui avait répondu tout de suite. Ils lui avaient dit que peut-être ce serait bien qu'elle vienne en dehors des visites autorisées, que je n'allais pas fort, que j'avais besoin de soutien. Ça me faisait bien marrer : ils mesuraient leurs mots, ils les englobaient dans de la ouate, ils parlaient doucement, comme s'ils avaient peur qu'un mot trop fort ou trop dur brise le peu d'équilibre qu'il restait. Honnêtement, ce n'était même pas la peine de faire attention à tout ça : j'avais baissé les bras. Je m'étais mis en veille, comme une vielle machine trop fatiguée, trop dépassée. Je n'avais plus envie de parler, plus envie de faire semblant, plus envie d'amuser la galerie, plus envie de bouger, plus envie de faire des efforts, plus envie de faire les activités, plus envie de manger. C'était drôle comme plus je maigrissais plus je ressemblais à Coop, il n'y avait que le brun de mes yeux qui clochait, le reste : les cheveux en bataille et un peu bouclés, la peau trop pâle, le teint trop terne, les cernes trop marquées et la peau sur les os... On s'y croyait. J'y croyais. Et en sens, c'était logique. Coop était mort alors en mourant petit à petit, je ne pouvais que lui ressembler, pas vrai ? Quand Angie était venu on n'avait pas fait grand chose, j'étais resté prostré dans ses bras en silence, j'avais juste profité de ce petit abri familier mais temporaire. Elle ne baissait pas les bras, elle, jamais. Elle ne l'avait jamais fait, quoi qu'elle ait pu dire, malgré ses menaces ou ses coups de sang. Elle était comme moi et je le savais. Elle pouvait hurler et se mettre en colère et s'agiter dans tous les sens, au fond, son coeur était fidèle devant l'éternel.

Je n'avais même pas eu besoin de lui parler de ce qui était arrivé à Ruby, ils l'avaient mise au courant, tant mieux. Je n'avais pas eu non plus à expliquer ce qu'il y avait entre les lignes, elle avait compris. Tout le monde avait compris, ils faisaient juste semblant de ne pas relever, et ils s'attardaient juste sur le fait qu'il n'y ait aucun rapprochement physique, comme c'était la politique dans tous ces putains de centres. Mais ça ne risquait pas. Si j'en crevais d'envie, Ruby était tout sauf prête, et à aucun moment je ne voulais la forcer ou précipiter les choses. Elle remplissait mon coeur, alors je pouvais bien attendre des semaines, des mois, je m'en fichais. J'avais juste besoin d'elle à mes côtés.

Mais pas elle, visiblement.

Elle pouvait continuer sans moi, elle. Elle pouvait prendre des décisions qui changeraient tout, absolument tout, sans moi. Alors que moi, j'avais fait demi-tour pour elle ; j'avais combattu l'envie de rechuter, grâce à elle.

C'était que je n'étais pas assez fort, je le savais. Avant peut-être, sûrement même, le Chuck que j'étais aurais suffi, il aurait réussi, il n'aurait pas baissé sa garde, il aurait tout fait pour ne pas en arriver là. Mais je n'étais plus celui-là.

Coïncidence ou pas, après la TS de Ruby, il y avait eu plusieurs mauvaises nouvelles au centre : Jane avait disparu, du jour au lendemain, à quelques jours de sa sortie. Elle était retournée faire ce qui nous avait tous amené ici. Et un petit nouveau, Fergus, avait dû être interné à Sainte-Mangouste, il vrillait beaucoup trop et devenait hors de contrôle. C'était comme si on était un petit fort assiégé et que nos réserves s'épuisaient de plus en plus, à l'intérieur. Le moral n'était pas au top.

J'étais devenu un fantôme. Silencieux et obéissant et qui traînait ses chaînes tant bien que mal, mais rien que ça me demandait trop d'énergie. Les gens essayaient de me secouer un peu, les encadrants surtout, mais du coup je m'énervais, je les envoyais chier, ou bien je boudais, emmuré dans mon silence. Je n'avais pas envie, tout simplement. Et si on me rappelait encore cette connerie que la rémission ne devait reposer sur personne d'autre que nous-même, alors là, ça me rendait fou. Je serrai les dents et je fermai ma gueule mais dans ma tête, c'était la tempête. Que sur nous-mêmes, ah oui ? Mais comment on faisait quand on était incapables de se reposer sur nous-même, quand on était incapable d'agir seul ? On continuait à flotter, à se laisser dériver ? Mais jusqu'où, jusqu'à quand ? Pourquoi ne pas valoriser nos points d'ancrage ? Pourquoi repousser Ruby quand elle me faisait tellement de bien ? Pourquoi essayer de m'en sortir sans elle quand je n'en avais aucune envie ? Pourquoi m'en vouloir d'avoir envie de crever de la savoir si mal ? Pourquoi me retenir de chialer comme un bébé dans mon lit tous les soirs parce que j'étais loin d'elle et que je ne voulais qu'elle ? Et si le risque était justement ce qui était en train d'arriver — comme elle tombait, je tombais — pourquoi ne pas voir le problème à l'envers, pourquoi ne pas comprendre que c'était elle qui m'avait donné envie de me redresser ? Au centre, nous étions tous ensemble, mais personne n'était dupe : chacun, nous étions seuls. Mais moi, avec Ruby, j'étais le seul à ne pas l'être.

Le jour où on nous annonça son retour (je savais qu'elle allait mieux, qu'elle était à l'hôpital, tout ça), je ne ressentis rien. Parce que oui elle allait revenir, elle n'était pas morte, mais et alors ? On était trop cassés pour s'en sortir — combien de temps ça allait durer ? Mais le matin même, j'étais intenable. Il y avait un courant électrique dans mon corps qui s'agitait de partout, je ne tenais pas en place, je fumai, j'avais la nausée, je re-fumai, j'avais soif, j'avais même un peu faim. Il y avait une bonne ambiance, tout le monde était content de revoir un visage apprécié, même si tout le monde avait un peu peur. On savait à quoi nos amis ressemblaient quand ils ré-apparaissaient. On savait que tout se lisait sur leurs traits, et nous renvoyait à ce qu'on avait tous été.

Elle était pâle et amaigrie et cernée mais ça se voyait qu'elle était plus en forme qu'elle ne l'avait été, son visage portait encore les marques de ce qu'elle avait enduré. Elle paraissait nerveuse (le bout de ses doigts tremblaient) et ses yeux papillonnaient un peu partout, ne se fixant sur rien de précis. Tout le monde lui fit la fête et la serra dans ses bras et on avait sortit de quoi boire et grignoter, et je me joignis à la gaieté générale, la serrant contre moi aussi, lui balançant un :


- Bon retour au château, my Lady !

— avec un petit sourire et sur un ton enjoué, comme si j'avais en deux secondes endossé de nouveau mon rôle d'avant. On finit par s'installer dans les vieux canapés du foyer, tout le monde parlait avec tout le monde, Ruby s'était lovée contre moi, on se serrait dans les bras, ma main avait pris la sienne, et voilà. Comme avant. Mais j'avais le coeur serré et une boule compacte au fond de la gorge. Et je me mis un temps fou à me rendre compte que je ne serrai pas sa main, non : je la broyais entre mes doigts.

Elle était revenue, mais est-ce qu'elle était vraiment là ? Et est-ce qu'elle était vraiment là pour moi ? Je sentis une envie de pleurer monter, et je dus me concentrer et réunir toutes mes forces pour ne pas y céder. Je n'écoutai absolument rien des conversations. Et puis je croisai le regard de Ruby et je compris, alors je la suivis en silence.

Dehors il faisait bon et le jardin sentait les fleurs et le soleil, encore plus quand on s'approcha de notre endroit à nous, le parfum des roses était encore plus fort. J'avais allumé ma clope sans rien dire, je fumai en tirant beaucoup trop fort dessus, on s'installa côte à côte. Je n'arrivais pas trop à la regarder mais un petit sourire étira mes lèvres quand je sentis qu'elle embrassait ma joue et restait là un petit moment, contre moi.


- Je suis tellement désolée que tu m’ait trouvé, je m’en veux tellement, je ne voulais pas… Je ne sais pas ce qui m’a pris. Mais j’ai eu tellement peur tout à coup, peur d’être irréparable, et je n’arrêtais pas de penser à… Tous ces mecs, ça me rendait malade, je n’ai pas supporté.

Je haussai les épaules.

- C'est pas grave, je comprends, t'en fais pas.
- C’était égoïste, je suis tellement désolée, je ne voulais pas te faire ça, je ne voulais pas t’abandonner.
Je sentis les larmes monter une nouvelle fois. Tu me manquais tellement, à l’hôpital. Je voulais juste te parler. Sara et Lizlor sont venues, tu sais, tu avais raison… J’ai peur de ce que je leur ai fait, de ce que je t’ai fait. Excuse-moi.

Figé, je ne savais pas trop quoi faire, quoi dire. Elle ne voulait pas m'abandonner ? Mais tout disait le contraire. Et pourtant, je savais — c'était plus fort qu'elle, plus fort que nous. C'était notre maladie de merde, nos addictions, nos problèmes. Mais je m'étais rattaché à elle de toutes mes forces alors si elle plongeait, moi, je n'avais plus rien. Arriva ce que je ne voulais absolument pas : je me mis à pleurer, avec retenue et en silence, mais je ne pouvais pas lutter. Je me raidis et levai la main pour qu'elle ne fasse rien, je ne voulais pas de sa pitié, je ne voulais pas qu'elle me prenne dans son bras.

- C'est bon, ça va passer, lui dis-je entre deux sanglots étouffés. Recroquevillé sur moi-même, je jetai la fin de ma clope et pleurai pendant quelques minutes avant de souffler et de pester entre mes dents et d'essuyer mes joues, et de réussir à reprendre la main. J'inspirai et expirai un bon coup ; j'étais un peu calmé. Et les souvenirs des éclats de sang et de la blancheur glaciale du corps de Ruby, griffé de partout, s'estompaient peu à peu. C'est juste que je suis tellement seul, sans toi...

Nouveau soupir. Je me redressai un peu, passai une dernière fois mes mains sur mon visage puis dans mes cheveux trop longs. J'attrapai une cigarette et l'allumai, mes mains tremblaient.


- J'aurais tellement aimé suffire. Être assez fort pour toi, pour moi, pour toi et moi. Je sais que c'est con et je sais que ça ne marche pas comme ça mais le truc c'est que... Je relevai enfin le regard vers elle. Je ne sais pas, j'espérais qu'on ne se quitte plus jamais, tu vois ? J'ouvris mes bras pour qu'elle vienne contre moi. Mais je sais ce qu'on est et je sais qu'il y a des choses plus fortes que nous. Je ne t'en veux pas. C'était faux. Mais c'était plus compliqué que ça. Je voudrais juste qu'on y arrive tous les deux, qu'on s'en sorte. Je voudrais juste ne jamais te savoir loin de moi parce que c'est trop dur et que dès que tu n'es plus là je n'ai plus envie de rien. J'ai eu peur, et jusqu'au moment où je t'ai vue, je n'y croyais pas. J'avais peur que tu meurs et que je me retrouve seul pour toujours.

Voilà. Ce n'était peut-être pas très clair, mais au moins c'était sorti. Doucement, je me mis à caresser ses cheveux, après avoir déposé un baiser sur sa tête. Elle sentait bon le savon, mais les larmes aussi.

- Comment tu te sens maintenant ? Et avec les Wayland, c'est arrangé ? Raconte-moi, dis-je avec un petit sourire un peu faible. Je voulais tout savoir évidemment, même si je me sentais faible et mis à mal par tout ça. Je croisai son regard et souris enfin. J'avais envie de l'embrasser et de lui dire combien je l'aimais, mais je me contentai de fermer les yeux et de poser simplement mon visage contre le sien.

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Ruby Standiford-Wayland


Ruby Standiford-Wayland
Apprentie à Sainte Mangouste



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MessageSujet: Re: Undo this storm #Chuby6   Undo this storm #Chuby6 Icon_minitimeVen 8 Mai - 16:19

https://www.youtube.com/watch?v=AqqyENqRY-4

Despondent, catatonic suicide queen
By now I know a screw's loose or too few
Or worse there's too many
But of course, the dark horse
You bet all in stride
I hope I'm not a regret, I see sweat
I'll fight to the finish line, oh oh oh

And I get so stuck in my head
Lost in all the lies, nihilistic backslide
And when I can't get out of bed
And I see the edge I'm slipping from the ledge
And praying to gods I don't believe in for a sign
Some reasons not to die and there you are


Je sentis ses larmes arriver avant même qu’elles ne coulent, de la même façon dont parfois on pouvait sentir l’électricité dans l’air juste avant la tempête. Mais ce ne fût pas un orage, cette fois-ci ; la pluie sur les joues de Chuck était calme et lourde, régulière, épuisée. Il repoussa d’un geste de la main mon mouvement, et je restai immobile, silencieuse, le visage légèrement baissé. J’avais honte. Je savais très bien pourquoi il pleurait, je savais ce que j’avais fait, ce que je faisais toujours aux gens qui m’aimaient.

- C'est bon, ça va passer. Il pleura longtemps et je ne dis rien, ma gorge complètement nouée. C'est juste que je suis tellement seul, sans toi…

Il y avait quelque chose de terriblement injuste dans l’autodestruction, c’était tellement plus fort que nous que l’on voulait crier que ce n’était pas notre faute mais pourtant nos choix étaient là, nous les avions fait. Plus je me renseignais et plus je comprenais que tout ça me dépassait, que mon fonctionnement était altéré à jamais par mon histoire, altéré physiologiquement ; pourtant, ça ne suffisait pas. Nous devions des choses aux gens qui nous aimaient, je ne savais pas exactement quoi, mais je savais que blâmer l’addiction et les traumas ne suffisaient pas toujours. Mais j’aimais ces gens que je blessais, je les aimais vraiment. C’était difficile de leur faire comprendre.

Difficile de leur dire que si je voulais mourir, parfois, c’était pour eux, pour ne plus leur peser, que je ne voyais pas l’utilité d’essayer quand tout était perdu d’avance. Difficile de leur dire que l’alcool était plus simple, parfois, parce que je pensais qu’il m’aiderait et que je serais plus facile à vivre en retour. Mais ce n’était pas exactement ça, pas toujours. Parfois, c’était l’abandon. Je n’en pouvais plus de me battre, d’avoir mal, je voulais tout anesthésier, je voulais disparaître, je n’y arrivais plus. Comment dire à ceux que j’aimais que parfois leur amour inconditionnel ne suffisait pas à effacer des années de mal-être, des empilements de traumatismes qui restaient accrochés dans ma chair que je coupais pour m’en vider ?

Ma mère avait peut-être raison. J’étais égoïste, j’étais un monstre.

Je secouai la tête : non. Je ne voulais plus penser ainsi.


- J'aurais tellement aimé suffire. Être assez fort pour toi, pour moi, pour toi et moi. Je sais que c'est con et je sais que ça ne marche pas comme ça mais le truc c'est que... Je ne sais pas, j'espérais qu'on ne se quitte plus jamais, tu vois ? Ma mâchoire se mit à trembler, mais dès que Chuck m’ouvrit ses bras pour que je m’y cache, j’inspirai à nouveau et réussi à chasser les larmes. Je m’accrochai à lui comme à une bouée, je respirai son odeur qui me faisait tourner la tête. Mais je sais ce qu'on est et je sais qu'il y a des choses plus fortes que nous. Je ne t'en veux pas. Je voudrais juste qu'on y arrive tous les deux, qu'on s'en sorte. Je voudrais juste ne jamais te savoir loin de moi parce que c'est trop dur et que dès que tu n'es plus là je n'ai plus envie de rien. J'ai eu peur, et jusqu'au moment où je t'ai vue, je n'y croyais pas. J'avais peur que tu meurs et que je me retrouve seul pour toujours.

J’avais envie de vomir tant je me sentais responsable. La culpabilité était plus que jamais délicate à naviguer depuis que j’avais avancé dans ma thérapie. Prendre ses responsabilités sans se flageller, reconnaître ses erreurs mais les accepter… J’avais fait tant de mal à Chuck, c’était ma faute, il m’en voulait - peu importe ce qu’il disait pour me rassurer - et je m’en voulais aussi ; mais il fallait que je me comprenne, que je me pardonne, que j’avance. Il y avait tant de choses que je voulais dire à Chuck, je ne savais pas par où commencer, comment lui faire comprendre, lui faire croire ?!

- Comment tu te sens maintenant ? Et avec les Wayland, c'est arrangé ? Raconte-moi.

J’avais envie de pleurer, à nouveau, comme j’avais pleuré dans les bras de Lizlor. L’amour que Chuck me portait, sa force, sa résilience ; après tout ce qui s’était passé, ses premiers mots étaient pour moi, pour savoir comment je me sentais, comment j’allais. Au milieu de tout ce que j’avais souffert, je n’arrivais pas à croire que j’avais réussi à être si chanceuse. Quand je regardais les gens du centre, autour de nous, j’avais le cœur qui se serrait. Les enfants de Lana ne venaient plus la voir, Viola avait tout perdu après le décès de sa femme et sa tombée dans la drogue, le père de Jane ne voulait plus entendre parler d’elle. Moi, j’avais une famille, une famille qui m’avait attendu, une famille qui m’avait choisie en connaissant tous mes problèmes. Et j’avais Chuck, quelqu’un qui m’aimait, peu importe à quel point j’étais cassée.

Je l’aimais tellement que je sentis les larmes me monter aux yeux - j’étais terrifiée.


- Hm, ça va mieux. On a conclu qu’il fallait que je commence à être médicamentée pour gérer tout ça, alors je suis un peu dans le pâtée, mais je pense que c’est pour le mieux… J’ai l’impression que c’est admettre que je suis trop faible si j’y arrive pas sans, mais j’en ai marre de lutter, si ça peut m’aider, c’est mieux non ? murmurai-je en haussant les épaules. Les Wayland… Elles savaient que j’étais ici en fait, Sara avait retrouvé ma trace, c’est comme ça qu’elle a pu venir si vite. C’était… Réconfortant. J’ai de la chance. Je me suis vraiment dit que… Que j’en avais marre de ces cycles, finir tous les six mois à l’hôpital… Quatre tentatives en deux ans, ajoutai-je à voix basse, honteuse. Je voudrais vraiment changer. Pour les Wayland, pour moi. Pour toi.

Je jouais nerveusement avec une mèche de mes cheveux. Je voulais parler à Chuck de ce drôle de déclic que j’avais ressenti à l’hôpital, mais je ne me faisais pas encore assez confiance. A quoi bon mettre des grands mots sur une émotion, si c’était pour la trahir quelques semaines plus tard. Pourtant, c’était vrai, j’avais l’impression que quelque chose avait basculé en moi, comme si un poids avait changé d’organe, modifiant mon équilibre. Je le sentais au plus profond de moi. Je regardai ma main dans celle de Chuck. J’étais tellement bien contre lui.

- A l’hôpital, je pensais à toi, et j’avais peur que tu sois parti, toi aussi, que je me retrouve toute seule. Les médecins m’ont dit que je pouvais être transférée en hôpital psychiatrique, quitter le centre, mais… Je me sens en sécurité ici, avec toi. ça me rend malade de m’imaginer sans toi.

Je me collai un peu plus à lui, sa chaleur m’irradiant. Si seulement je pouvais arrêter le temps, rester là sous ce rosier quelques secondes de plus, si seulement je pouvais prendre Chuck et lui faire apercevoir tout ce qui se bousculait en moi, sous toutes les couches, et combien mon coeur brillait, combien j’étais désolée.

- Tu suffis, tu sais, tu suffis, c’est… C’est ça le problème, tentai-je d’expliquer, mais tout à coup je me sentais agitée et je m’écartai un peu de Chuck parce que sa présence me brûlait. Je serrai mon poing, anxieuse, secouant ma tête pour composer mes pensées. J’ai peur qu’on ne reste pas sobres, j’ai peur qu’on le reste et que tu partes quand même. J’ai tellement peur, peur de tout rater, peur que tu ne m’aimes plus, je me suis dit que c’était plus simple de juste… disparaître, pour ne pas avoir à faire face, parce que j’ai peur, j’ai peur d’être heureuse avec toi parce que j’ai peur qu’on me l’ôte, j’ai peur de ne pas y arriver si… Si tu pars, si tu m’abandonnes. On le sait, il ne faut pas faire dépendre son bonheur et sa sobriété sur quelqu’un, on le dit tout le temps mais… Moi c’est pas ça que je ressens. Et ça me fait tellement peur. Je t’aime tellement, je suis terrifiée, lâchai-je, me surprenant par les mots qui s’échappaient dans tous les sens.

J’avais vouté mes épaules comme si je cherchais à disparaître, ma main agrippait toujours celle de Chuck, et j’avais envie qu’il me touche, et peur qu’il le fasse et que je n’y arrive pas.


- Et je ne sais pas si je peux te laisser m’aimer comme tu le fais, je ne sais pas si je peux me laisser être aimée tout court, c’est tellement fort, j’ai essayé de me foutre en l’air la dernière fois que ça a raté, je… Je sais pas à quel point je vais paniquer et ruiner tout parce que je prendrais peur, je sais même pas si j’arriverais à te laisser me toucher sans… Alors que j’aimerais tellement t’embrasser, moi, te… Te serrer contre moi, mais ça va trop vite, j’ai besoin de temps, j’ai peur, m’embrouillai-je, les joues complètement cramoisies.


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MessageSujet: Re: Undo this storm #Chuby6   Undo this storm #Chuby6 Icon_minitimeLun 11 Mai - 17:00

Tandis que je prenais Ruby dans mes bras, mon cerveau se concentrait sur plein d'autres petits détails pour éviter de penser au principal — la fumée de ma cigarette, le bout incandescent que je devais tourner vers l'extérieur pour ne pas la brûler, le fait que contre moi elle était toute petite, toute fragile, encore plus que quand je la regardai, le fait qu'il ne fallait pas trop qu'on nous voit, sur l'emballage plastique un peu plus loin que quelqu'un avait laissé traîner et que Georgia, l'une des encadrantes, n'allait pas apprécier. Le jardin était son domaine, son petit protégé. Le reste faisait peur, alors je ne préférais pas y penser. À nous deux il faisait peur, c'était aussi pour ça que le silence nous suffisait, pour le moment. On se comprenait sans avoir besoin de parler. Pour dire quoi de toute façon ? Au fond rien n'allait , elle était en mille morceaux, sa peau littéralement avait été coupée de partout, et moi, ce n'était pas inscrit dans ma chair mais c'était là tout autant, j'étais seul pour toujours, et si je l'avais deviné depuis longtemps parce que la santé de Coop avait toujours été fragile, ça ne restait plus acceptable pour autant. Je n'avais pas les épaules, pas la carrure. Alors même si je pouvais rouler des mécaniques devant les autres pour leur faire croire le contraire, il n'en restait pas que quand la nuit tombait et que me retrouvais tout seul au fond de mon lit, c'était mon univers entier qui s'écroulait et se refermait sur moi. C'était une solitude immense qui prenait toute la place et qui me broyait les os un à un. Pas étonnant que mon cerveau se soit tourné vers l'addiction, comme porte de sortie. C'était plus facile, de ne pas souffrir, même si c'était complètement factice. Le bonheur et le faux ou bien le malheur et le vrai ? Le choix était vite vu.

- Hm, ça va mieux. On a conclu qu’il fallait que je commence à être médicamentée pour gérer tout ça, alors je suis un peu dans le pâtée, mais je pense que c’est pour le mieux… J’ai l’impression que c’est admettre que je suis trop faible si j’y arrive pas sans, mais j’en ai marre de lutter, si ça peut m’aider, c’est mieux non ? Je fis oui de la tête mais au moment même où elle avait dit médicamentée une lumière s'était allumée dans ma tête, moi aussi je voulais des médicaments, moi aussi je voulais les avaler et les écraser et les respirer... Ça me déclenchait une faim incroyable, comme si je n'avais rien avalé depuis des jours. Les Wayland… Elles savaient que j’étais ici en fait, Sara avait retrouvé ma trace, c’est comme ça qu’elle a pu venir si vite. C’était… Réconfortant. J’ai de la chance. Je me suis vraiment dit que… Que j’en avais marre de ces cycles, finir tous les six mois à l’hôpital… Quatre tentatives en deux ans. Je voudrais vraiment changer. Pour les Wayland, pour moi. Pour toi.

Elle parlait beaucoup, et moi j'étais un peu ailleurs. Loin de tout ça, loin des drames et de la dureté de nos quotidiens, loin du centre. Je n'étais nulle part, à vrai dire. Je flottais. Et un poids à mes chevilles me tirait vers le bas, me rappelait vers la terre ferme, vers la réalité, mais je résistai. Je n'avais pas envie. Je fermai les yeux de nouveau, poussai un soupir, serrai Ruby un peu plus contre moi pour m'accrocher à cet état hors de tout. Hors de moi, hors de nous aussi.

- A l’hôpital, je pensais à toi, et j’avais peur que tu sois parti, toi aussi, que je me retrouve toute seule. Les médecins m’ont dit que je pouvais être transférée en hôpital psychiatrique, quitter le centre, mais… Je me sens en sécurité ici, avec toi. ça me rend malade de m’imaginer sans toi.
- Parti ? Sans toi ? Impossible, dis-je avec un petit air qui se voulait chevalier servant, mais ma voix était rauque après avoir pleuré, et au final c'était plutôt triste qu'autre chose. Je n'y arrive pas sans toi non plus.

Pas besoin de cacher, déjà j'avais encore maigri, et de toute façon tout le monde au centre lui dirait, que je n'avais été que l'ombre de moi-même.

- Tu suffis, tu sais, tu suffis, c’est… C’est ça le problème. Elle se recula et tout d'un coup, mon corps me parut incroyablement lourd. J’ai peur qu’on ne reste pas sobres, j’ai peur qu’on le reste et que tu partes quand même. J’ai tellement peur, peur de tout rater, peur que tu ne m’aimes plus, je me suis dit que c’était plus simple de juste… disparaître, pour ne pas avoir à faire face, parce que j’ai peur, j’ai peur d’être heureuse avec toi parce que j’ai peur qu’on me l’ôte, j’ai peur de ne pas y arriver si… Si tu pars, si tu m’abandonnes. On le sait, il ne faut pas faire dépendre son bonheur et sa sobriété sur quelqu’un, on le dit tout le temps mais… Moi c’est pas ça que je ressens. Et ça me fait tellement peur. Je t’aime tellement, je suis terrifiée.

Doucement, j'avais fait oui de la tête. Je comprenais oui : globalement, on avait peur des mêmes choses. Sauf qu'au fond, on n'avait pas le choix, pas vrai ? Impossible de revenir en arrière et si notre sobriété ne reposaient que sur nous, individuellement, elle reposait sur nous aussi. J'attrapai une feuille sèche entre mes doigts, pensif. Elle m'aimait probablement autant que je l'aimais, si il y avait bien chose dont j'étais certain, c'était ça. Mais le problème, les doutes, les obstacles... C'était tout ce qu'il y avait autour.

- Si on avait su qu'on deviendrait amants maudits un jour... On aurait bien rigolé,
dis-je avec un petit sourire.
- Et je ne sais pas si je peux te laisser m’aimer comme tu le fais, je ne sais pas si je peux me laisser être aimée tout court, c’est tellement fort, j’ai essayé de me foutre en l’air la dernière fois que ça a raté, je… Je sais pas à quel point je vais paniquer et ruiner tout parce que je prendrais peur, je sais même pas si j’arriverais à te laisser me toucher sans… Alors que j’aimerais tellement t’embrasser, moi, te… Te serrer contre moi, mais ça va trop vite, j’ai besoin de temps, j’ai peur.

Je me redressai et, alors que son corps se courbait et que son regard me fuyait, je cherchai ses yeux en fronçant les sourcils. Non mais, elle me prenait pour une bille ou quoi ?! C'était presque vexant de l'entendre me dire ça, mon orgueil de mâle en était un peu touché.  

- Mais Ruby, ce que tu peux être bête, parfois. Tu crois que je ne sais pas tout ça ? Je te connais, mine de rien, fis-je en pressant ses doigts entre les miens. Je sais qui tu es et je sais ce qui te retient. Mais tu me connais aussi, pas vrai ? Et tu sais que je ne dis pas des choses en l'air, et je t'ai déjà dit que tout ça je le respecterai, que je t'attendrai. Moi aussi j'ai peur, moi aussi je sais que c'est dangereux, moi aussi je sais que me lancer dans n'importe quoi de nouveau et d'un peu trop intense c'est la porte ouverte à... À me donner des ailes de nouveau, à ce que je me sente tout permis, et la rechute sera trop tentante. Mais d'un autre côté, c'est grâce à toi que je tiens aussi. Tout seul, ce serait impossible. Et tu sais bien que je t'aime plus fort que ça malgré tout, parce qu'avec toi je n'ai pas à faire semblant, parce qu'avec toi je ne suis plus tout seul emprisonné dans ma tête et dans mon corps.

Je n'avais eu qu'à m'incliner un tout petit peu pour me retrouver front contre front avec elle, et quelques secondes passèrent comme ça. Le soleil rebondissait dans ses cheveux et sa peau translucide, à travers les feuillages qui s'agitaient tout doucement autour de nous. Je voyais le bas de son visage, le dessin de ses lèvres rosées, délicates. Le coeur me battait fort dans tout le corps, mais ce n'était pas du tout désagréable, loin de là. Et ça suffisait. Je desserrai doucement mes doigts qui avaient maintenus les siens, comme pour lui montrer que je ne la forçais pas, que je ne la retenais pas, et posai doucement ma bouche sur la sienne, emprisonnant doucement sa lèvre supérieure entre les miennes. Juste une seconde. Puis je me redressai en souriant, et caressai tendrement sa joue. Le bout de ma langue passa sur lèvres : elles avaient le goût de Ruby, ou celui du parfum des roses qui nous entouraient, je n'étais pas certain de savoir.

Et puis, le bruit de la porte qui claque, et je m'écartai vivement, repoussant à moitié Ruby en retenant un éclat de rire.


- Merde, merde ! Je pouffai dans ma main et fis une grimace coupable, croisant les doigts pour que personne n'ait rien vu. C'était peu probable vu qu'on était un peu cachés par un rosier, mais quand même. Je sortis une cigarette et l'allumai. Ayons l'air de rien, rajoutai-je avec un regard en coin, complice. De toute façon, je ne comptai pas aller plus loin... C'était juste pour te montrer, eh bien, que... Je haussai les épaules. Ça me suffit, et je t'attendrai, j'ai du temps devant moi. Personne ne te touchera tant que tu ne l'auras pas décidé. Ma main remonta doucement le long de son avant-bras, que je soulevais doucement comme s'il était fragile. Je portai sa main à mes lèvres et l'embrassai, plusieurs fois.
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Ruby Standiford-Wayland


Ruby Standiford-Wayland
Apprentie à Sainte Mangouste



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MessageSujet: Re: Undo this storm #Chuby6   Undo this storm #Chuby6 Icon_minitimeMar 12 Mai - 17:38

Malgré les frissons qui me traversaient et mon cœur qui remontait dans ma gorge, j’aimais ces moments où j’étais capable de parler sincèrement, où Chuck n’avait pas peur de ma vulnérabilité et qu’il m’écoutait en me regardant du coin de l’oeil, près à se révéler lui aussi, à m’offrir ses émotions sur un plateau. C’était quelque chose que l’addiction nous volait à tous : la vérité. Bien sûr, nous avions tous eu des épisodes où la dose de trop nous faisait vriller et pleurer, recrachant des sentiments enfouis et anesthésiés par une énième soirée. Mais on s’endormait, le lendemain, on prenait un verre, une pilule, et on repartait. Tous les addicts étaient différents sans vraiment l’être. Nous voulions juste fuir quelque chose. Alors quand j’étais capable de parler, de me redresser et d’affronter le regard de Chuck, je me sentais terrifiée, mais j’étais enfin entière. Je ne faisais plus demi-tour.

- Mais Ruby, ce que tu peux être bête, parfois. Mes joues se mirent à me brûler, honteuse. C’était l’une des blagues préférées de Chuck, me taquiner sur combien malgré mon côté Serdaigle, je pouvais être complètement obtus sur certains sujets. Tu crois que je ne sais pas tout ça ? Je te connais, mine de rien. Je sais qui tu es et je sais ce qui te retient. Mais tu me connais aussi, pas vrai ? Et tu sais que je ne dis pas des choses en l'air, et je t'ai déjà dit que tout ça je le respecterai, que je t'attendrai. Moi aussi j'ai peur, moi aussi je sais que c'est dangereux, moi aussi je sais que me lancer dans n'importe quoi de nouveau et d'un peu trop intense c'est la porte ouverte à... À me donner des ailes de nouveau, à ce que je me sente tout permis, et la rechute sera trop tentante. Mais d'un autre côté, c'est grâce à toi que je tiens aussi. Tout seul, ce serait impossible. Et tu sais bien que je t'aime plus fort que ça malgré tout, parce qu'avec toi je n'ai pas à faire semblant, parce qu'avec toi je ne suis plus tout seul emprisonné dans ma tête et dans mon corps.

Ses mots me transperçaient, et Chuck s’était rapproché petit à petit, son visage finalement contre le mien, son souffle sur le bord de mes lèvres. Il m’irradiait. Son parfum, son énergie, tellement forte malgré tout, qui se cognait contre la mienne et me piquait le bout de doigts. Chuck était proche, trop proche… Tous mes sens se mettaient en alerte. C’était terrible, tout ce qui me traversait, je me sentais presque impatiente, comme une adolescente timide, le cœur qui battait la chamade, mais pourtant, au fond, sous toutes les couches… C’était comme si j’étais un petit animal en cage qu’on avait acculé contre un mur. J’avais peur sans savoir comment l’expliquer. Lorsque Chuck desserra ses doigts, j’eus envie de fuir ; mais je ne bougeais pas. Trop tard.

Il m’embrassa seulement une seconde, tellement doucement que je me demandais si je n’avais pas rêvé. Peut-être que j’étais encore à l’hôpital et que tout ça n’était qu’un songe. Pourtant, j’avais le bout des lèvres qui brûlait, et des picotements le long de ma colonne vertébrale. Chuck s’était écarté, mais je restais immobile, mes paupières closes. Ce ne fût que lorsqu’il caressa ma joue, dans un geste si doux, que je compris enfin ce qui venait de se passer et que mon cœur tripla de volume, étouffant mes poumons, qui recrachèrent leur dernière respiration lorsqu’une porte claqua, me faisant sursauter.


- Merde, merde ! Ayons l'air de rien. De toute façon, je ne comptai pas aller plus loin... C'était juste pour te montrer, eh bien, que... Ça me suffit, et je t'attendrai, j'ai du temps devant moi. Personne ne te touchera tant que tu ne l'auras pas décidé.

Il avait son petit rictus mi-amusé, mi-coupable, et il me regardait d’un air entendu, tranquille comme il savait l’être, tandis que mes organes se repliaient petit à petit les uns sur les autres. Mes joues étaient brûlantes et mon regard se faisait fuyant. Je n’étais pas comme Chuck, moi, je n’étais pas capable de rire, j’avais envie de pleurer, parce que ça faisait trop tout à coup, et que depuis que j’avais commencé les médicaments à l’hôpital, mon cerveau tournait étrangement. Je sentais que je commençais à paniquer, que la vague montait et allait m’happer ; il fallait que je reste ancrée. Cinq choses, cinq sens. Le toucher, l’herbe sous mes jambes. L’odorat, le parfum de la rose. Le goût… Les lèvres de Chuck, restées comme un souvenir sur les miennes, et mon cœur s’emballa à nouveau.

Un bruit coupa mon flot de pensées : Georgia, l’une de nos encadrants, était sortie dans le jardin, et elle ramassa un emballage qui traînait au loin en maugréant, avant de se tourner vers nous et de nous sourire. Est-ce qu’elle nous avait vus, est-ce qu’elle faisait semblant de ne rien voir ? Pourquoi est-ce que tout le monde se comportait comme s’ils ne voyaient pas ce qui se tramait sous leur nez depuis des mois ?


- On est content de te revoir Ruby, tu nous as manqué au jardin. Heureusement que Chuck a veillé sur le rosier, ajouta-t-elle avec un sourire entendu à l’adresse de Chuck. Il s’en est bien occupé.

Je lançai un regard en coin à Chuck, qui souriait de son petit air de Mister Gryffondor qu’il avait parfois quand on le complimentait. Pourtant, je voyais bien qu’il essayait de garder la face - les cernes sur ses joues amincies ne mentaient pas.

- Oui, j’ai de la chance, il s’occupe bien des choses, répondis-je avec un petit sourire en coin, et je serrai la main de Chuck dans la mienne.

Georgia fit le tour du jardin pour récupérer quelques affaires, et je restai immobile, comme si j’avais peur de faire un mouvement trop brusque, de nous trahir. Finalement, elle rentra dans le centre après nous avoir adressé un petit signe de la main. J’inspirai, toujours incapable de regarder Chuck dans les yeux.

Pourquoi ne pouvais-je pas me tourner vers lui et l’embrasser en retour? Tout ce qu’il m’avait dit, je savais qu’il était sincère, qu’il ne me mentait pas, je savais qu’il m’aimait, je l’aimais aussi, j’en étais bien consciente à présent.

Mais je ne lui faisais confiance. Ni à lui, ni à moi. Ni à personne, d’ailleurs. La brutalité d’une telle pensée me contracta l’estomac.

Je voulais, pourtant. Je voulais croire que Chuck serait patient, qu’il m’attendrait, que les Wayland m’aimaient inconditionnellement et ne me quitteraient jamais, que j’avais une certaine force en moi et que je pouvais y arriver. Mais je n’y arrivais pas, pas vraiment. Je le savais, objectivement, mais quelque chose se bloquait en moi dès que j’essayais de franchir les murs que j’avais construits. Le visage d’Ewan traversa mon esprit, électrisant mon cœur. Il était la dernière pièce de ce grand puzzle, la dernière personne contre laquelle je m’étais jetée, cassant mes barrières, ouvrant grand mes bras. Je lui avais confiance, il m’avait dit tout ces mots que Chuck auraient pû me dire aussi aujourd’hui. J’y avais cru jusqu’à que tout se brise en une seconde. Sans me prévenir, sans faire de bruits. Comment savoir que le reste serait différent, maintenant que je savais que du jour au lendemain, on pouvait me quitter, comme ma mère, comme Ewan, tous ces gens qui devaient me protéger ? C’était plus simple que je parte, de mon propre gré. N’était-ce pas ce que j’avais imposé aux Wayland ? Ce que j’essayais d’imposer à Chuck ?

Alors pourquoi n’étais-je pas capable de lâcher sa main, pourquoi est-ce que mon corps se rapprochait toujours plus du sien, cherchant sa prise ? Je m’appuyai contre Chuck et le laissait me serrer contre lui. Il sentait bon, comme si j’étais à la maison.


- C’est vrai que j’ai de la chance, murmurai-je. Mais j’aimerais bien pouvoir retourner en arrière et dire à la Ruby d’avant qu’elle a le droit de décider.

J’haussai les épaules, dépitée avant de me redresser et d’embrasser la joue de Chuck sans vraiment réfléchir avant de plonger mon visage contre son cou. Je pouvais sentir sa veine qui palpitait, dans le creux, comme si son cœur battait plus vite.

- J’aimerais bien aussi pouvoir retourner en arrière et te montrer au Chuck qui est arrivé au centre et qui se sentait incapable de tenir. Regarde-toi, maintenant… Capable d’être vulnérable, de m’aider comme tu le fais, de… De m’aimer comme tu le fais. Je suis sûre que ce Chuck ne me croirait même pas. J’inspirai, mon sourire caché contre Chuck. Mes émotions retombaient petit à petit et je me sentais épuisée. Je suis fière de toi et… Je suis désolée de t’avoir causé autant de souci, répétai-je d’une petite voix honteuse et cotonneuse.

Je me laissai fondre contre Chuck, les rayons de soleil chauffant mes joues, mes poumons, mon cœur fébrile qui pourtant chantait une mélodie toute douce. Est-ce que Chuck l’entendait, lui aussi ? Est-ce qu’elle suffirait à le rassurer et à le rendre patient ? C’était tout ce que je voulais, au fond… Lui faire confiance. Me faire confiance. Faire confiance au futur.
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