"Just say you're Sorry." [A.]

"Hang from your tightrope above the mess,
Just say you're sorry, no more no less."

♪ Say you're Sorry - Sara Bareilles

Je la sentais bien cette journée. Déjà il faisait beau, et ma mère me disait toujours que du soleil en hiver, c’était un bon signe. Le mois de décembre était arrivé plus vite que je ne l’aurais cru, et j’avais presque hâte d’être les vacances pour retourner chez moi. Je n’aimais pas trop ma maison de Liverpool et maintenant que j’avais goûté au lit douillé de Poufsouffle, je n’étais pas sûre que ma chambre humide me plaise de nouveau. D’ailleurs elle ne m’avait jamais plu, je m’étais plutôt habituée. Batailler contre sa propre maison était un peu lassant. Et puis, j’avais décoré tous les murs à mon goût, mis des draps roses, bref j’en avais fait mon cocon. Sauf que j’avais enlevé la plupart des photos pour les prendre avec moi à Poudlard. Celle de ma famille au complet, même si je n’aimais pas trop mes sœurs, celle de Serghei et moi que Maman avait pris un après-midi de mai. J’avais aussi un poster de mon film préféré, Mon Voisin Totoro. Serghei m’avait expliqué rapidement comment fonctionnait un film d’animation. Des milliers d’images mises à la suite et qui défilaient très vite. Je trouvais ça fascinant et comme j’avais toujours bien aimé gribouiller un peu partout sur mes cahiers, les beaux dessins ça me parlait. Oh moi, j’étais nulle ou du moins pas assez patiente pour m’appliquer. Je préférais cache-cache mais là encore il valait mieux que je sois celle qui cherche parce qu’attendre dans un coin, ça me soulait rapidement.

Mon petit-déjeuner se déroula aussi bien que j’aurais pu l’imaginer. Nous étions vendredi matin et tout le monde attentait avec impatience le week-end, et c’était d’ailleurs le sujet de discussion principale ce matin. Les troisièmes années se vantaient de pouvoir aller à Pré-au-Lard et une fille de mon âge ajouta qu’elle y était déjà allée avec ses parents pendant la Toussaint. Je les enviais parce qu’avec Maman et Papa, je pouvais faire une croix sur les balades dans tout ce qui touchait à la magie. Même le chemin de traverse, j’y avais été avec Kathleen. Papa était moldu et n’aimait pas trop la magie ou du moins, ça l’effrayait un peu. Compréhensible me direz-vous. Quant à Maman… C’était une cracmol. Et généralement, ce n’était déjà pas très bien vu chez les sorciers mais surtout pour la personne elle-même, fréquenter des sorciers n’étaient pas très agréable. Je voyais bien que ma mère jalousait un peu nos pouvoirs, parce qu’elle avait fait quatre filles dotées du don qu’était la magie. Ça devait lui rappeler sa sœur à elle, ma Tatie Sara, qui était très douée en sortilèges et travaillait en Suède au ministère magique de là-bas. Ma Maman était malheureusement un peu à part dans sa famille et d’ailleurs nous ne les voyions pas souvent. Le déménagement n’avait pas aidé non plus à garder contact.

Je pouvais toujours sortir avec mes sœurs parce que je pense que les parents nous auraient laissés aller à Pré-au-Lard avec de la poudre de cheminette. Sauf qu’il aurait fallu que Kathleen vienne parce que c’était la plus grande et la plus mature… Et qu’elle, elle ne sortait jamais. On n’était même pas vraiment soudées toutes les quatre. Au pire, j’aurais pu sortir dans Liverpool avec Alex et Caro mais comment vous expliquer ? Déjà, je n’étais pas la bienvenue et de deux, même si je l’avais été, jamais je n’aurais mis les pieds dans une boutique ou un café avec elles. Elles riaient fort, commentaient les garçons et critiquaient les filles et en plus elles auraient trouvé le temps de se moquer de moi au moins toutes les dix minutes. Alors je préférais jouer dans mon jardin en comptant le jour où enfin je verrais cette incroyable confiserie dont on me parlait, Honeydukes. Quant au magasin de farces et attrapes je ne vous en parlais même pas, j’avais carrément trop hâte ! Je pourrais faire plein de bêtises et ennuyer Serghei avec des « gamineries » d’après lui n’est-ce pas. Mais bon ce n’était pas à l’ordre du jour et pour le moment, j’avais intérêt à me concentrer sur mon sort de lévitation parce que c’était sur ça que portait mon prochain cours et Woodley nous avait dit qu’après les plumes, on allait s’entraîner entre nous… !

En arrivant dans la salle, la mégère avait d’ailleurs un immense sourire. C’était un cours à risque qu’elle disait. Elle nous expliqua d’un ton un peu ironique les consignes. Nous allions être par binôme installé sur de grand tapis disposé dans la salle, fait pour assurer notre sécurité (elle eut un petit rire à ce mot, sérieusement c’était flippant). Ensuite, on se lançait le fameux sortilège comme on l’avait appris lundi dernier sur les plumes, tout en concentrant pour mentir droit dans les airs notre adversaire. Et ensuite on abaissait délicatement la baguette pour le reposer à terre, tout ceci en gardant notre calme et notre concentration. Sinon, pouvait y avoir des dégâts. Jusque-là, je suivais très bien et ça ne me paraissait pas trop dur. J’avais plutôt bien réussi avec la plume ! Mon petit problème je devais l’avouer c’était de ne pas laisser mon esprit papillonner parce qu’avec moi ça allait assez vite. Dans mon esprit, je balançais d’un sujet à l’autre en quelques secondes alors pour un sort, fallait que je fasse un gros effort. Mais j’étais motivée aujourd’hui et de bonne humeur, et j’avais hâte de moi-même être décoller dans les airs. Ça promettait d’être fun ! Enfin, c’est ce que je croyais jusqu’à que les binômes soient annoncés. Woodley voulait qu’ils soient accordés selon la corpulence des gens, parce qu’une crevette comme moi soulevé un gros musclé comme Taylor, c’était un peu galère. Elle me prit d’ailleurs très délicatement comme exemple, soulignant bien que la « Petite Apple » ferait mieux de se mettre avec quelqu’un pas trop lourd….

- Comme Monsieur Marshall qui fait l’imbécile au fond tiens. Oui oui, vous, venez donc vous mettre avec notre chère Apple.

Sa voix cruelle raisonna dans mon esprit et je sentis mon visage se crisper un peu tandis que le Serdaigle émergeait du groupe et que nous nous dirigeâmes dans un coin de la pièce. Pendant que les autres binômes se formaient et s’éparpillaient dans la salle, je pris bien le temps de refaire mon lacet pour ne pas regarder en face Aaron. Ça faisait exactement un mois que nous ne nous parlions plus, depuis cette dispute qui m’était restée en travers de la gorge. Je grimaçais en me relevant, la baguette dans ma main, et je me décidais finalement à croiser le regard du garçon. La voix de Woodley au loin nous annonça que nous pouvions commencer. Ne prononçant même pas un bonjour, je lançais un sortilège d’une voix un peu brouillonne et Aaron fût envoyer dans les airs un peu brusquement. Bon jusque-là, je m’en sortais… Sauf que je n’arrivais pas à calmer ma colère. Je sentais ma concentration s’embrouiller et soudainement, tout alla assez vite. J’entendis un bruit sourd, le rire de Woodley au loin, et Aaron était étendu sur le tapis où il venait de s’écraser mollement suite à l’échec de mon sort. Je restais une demi-seconde indécise, me rappelant qu’il refusait mon aide mais finalement ce fût plus fort que moi et je me précipitais, m’agenouillant à ses côtés.

- Oh Aaron, je suis vraiment désolé je pensais pas enfin, je pensais à autre chose, enfin non je pensais à toi tu vois mais je sais pas après je me suis embrouillée tu vois, enfin bref, je voulais pas te relâcher hein même si je suis un peu énervée contre toi, enfin beaucoup même je voulais pas me venger… Je me tus, reprenant ma respiration, réalisant le flot de stupidité que je venais de lâcher. Tu as mal quelque part ?

Nombre de messages : 252 Date d'inscription : 12/04/2012

J'aimais bien le vendredi soir, c'était la dernière journée de la semaine et la moins chargée en cours. On avait des cours plutôt intéressants comme Sortilèges ou Potions. Je faisais de mon mieux dans toutes les matières, mais les professeurs disaient souvent que je me dissipais ou que je ne faisais pas grand-chose en dehors de la classe. Ça m'agaçait plus qu'autre chose de devoir travailler sur mes leçons ou m'exercer sur des sortilèges. Le problème c'est que je commençais à accumuler du retard, sauf que les sorts c'était pas inné chez moi.
En plus en cours je pensais toujours à plein de choses à la fois. Je me tracassais pour ma dispute avec Apple, elle m'en voulait beaucoup. Elle ne venait plus à côté de moi pour manger ou pour travailler et je n'avais plus droit à notre petit salut américain qui nous faisait toujours rire. J'avais fais ma tête de mule, mais je comprenais pas pourquoi elle m'en voulait autant. Elle devait être super rancunière, parce que moi je lui faisais pas la tête – elle m'avait juste un peu énervé l'autre jour. Ça faisait plusieurs semaines qu'on se parlait plus et tous les vendredi les Serdaigle et les Poufsouffle avaient cours de sortilèges en commun. Je redoutais toujours cette heure.

Bien sûr, Apple n'était pas la seule raison de mon éparpillement en cours. Les vacances de Noël approchaient et j'avais hâte de retrouver le froid glacial de Chicago. Revoir tout mon quartier enseveli par la neige peut-être, ainsi que Junior et tous les autres qui me manquaient de plus en plus. Je ne pouvais rien y faire, j'avais l'impression d'être vide, d'avoir perdu ma coquille. Ça m'agaçait, car je perdais ma concentration juste en pensant à ce que j'aurais pu faire là-bas. J'espérais que Junior n'ait pas trop changé sans moi. D'habitude on faisait tout ensemble et me retrouver séparé de lui par tous ces milliers de kilomètres, c'était dur de ne pas évoluer différemment. Et puis maintenant j'étais un sorcier...

Un sorcier qui était assis tout au fond de la salle de sortilèges pour éviter de se faire interroger d'ailleurs. Aujourd'hui Woodley interrogeait des duos pour le cours sur la lévitation. C'était à peine si je me souvenais de la formule. Je m'étais précipité au fond, la table à côté de la fenêtre et m'était fait tout petit pendant la première partie du cours. Pour la partie pratique, j'avais fais semblant d'écrire, m'étais un peu couché sur la table pour qu'on ne me voit pas, mais hélas...

- Comme Monsieur Marshall qui fait l’imbécile au fond tiens. Oui oui, vous, venez donc vous mettre avec notre chère Apple.

Je me redressai et regardait Apple se lever et se présenter devant le tableau – c'est-à-dire devant tous les élèves de première année.
Mais oui, quelle bonne idée ! Allez vous mettre avec Miss Hunt, vous le cancre de la classe, histoire que tout le monde rigole de votre gaucherie innée Monsieur Marshall !
Je soupirai, puis me levai, rouge comme une tomate et marchai vers le tableau les pieds traînants.
Une fois posté devant Apple, le dos voûté, je me permis de lui adresser un regard mais elle se baissa pour refaire ses lacets – comme par hasard.
Je vis Apple lever sa baguette vers mon torse et je jetais un regard apeuré vers Woodley. C'était pas sur des plumes qu'on s'exerçait d'habitude ? Je me sentis flotter dans les airs pendant quelques secondes, ne comprenant rien de ce qui se passait. Puis, Apple semblait oublier que je volais à presque un mètre du sol. Elle rompit le sortilège et je m'écroulai lourdement sur le sol, retenant un long grognement sourd entre ma mâchoire.

- Oh Aaron, je suis vraiment désolé je pensais pas enfin, je pensais à autre chose, enfin non je pensais à toi tu vois mais je sais pas après je me suis embrouillée tu vois, enfin bref, je voulais pas te relâcher hein même si je suis un peu énervée contre toi, enfin beaucoup même je voulais pas me venger…

Je me levai péniblement, réalisant soudain que la moitié de la classe se payait ma tête. Tu parles qu'elle voulait pas se venger oui ! J'essayais de garder mon calme contre la fillette blonde car je savais que lui crier dessus n'arrangerait pas notre amitié (qui étais déjà un peu bizarre quand même). Je me dit au final qu'avec Junior j'en avais vu des pires que ça, c'était pas un petit choc qui m'avait explosé le bras qui allait me tuer. N'est-ce pas ?

- Tu as mal quelque part ?

Je lâchai un petit rire gêné et fit d'une voix basse et ironique :

- Tu m'as pété une dent non ?

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Just say you're sorry, no more no less."

♪ Say you're Sorry - Sara Bareilles

Sérieusement, ce n’était vraiment pas de chance ! La journée s’était pourtant bien déroulée et il fallait maintenant que Woodley vienne gâcher mes plans. Sans le vouloir, elle avait formé un binôme plutôt électrique, du moins pour ma part. Parce que ce que ressentais Aaron en fait, je n’en avais strictement aucune idée. Peut-être qu’après tout, il s’en fichait peut-être d’être fâcher avec moi. Si ça se trouve, il ne se considérait même pas comme fâcher ! Pfeu. Moi, je n’allais pas me mentir, ça m’énervait. Parce qu’Aaron, je le trouvais super chouette, et j’avais l’impression de m’être fait un peu arnaquée avec cette histoire en fait… Mais c’était un garçon, ça me paraissait logique au final qu’il soit comme ça. J’veux dire, ce n’est pas nouveau, c’est bien connu que les mecs ils s’en fichent un peu de tout ça alors que pour les filles, l’amour et l’amitié, c’est sacré. Et pour une fille de Poufsouffle, je vous laisse imaginer le résultat. En attendant, je devais donc être énervée, fachée et déçue d’Aaron alors que lui… Bon ben voilà, j’étais la mignonne petite Apple qui prenait les choses un peu trop à cœur. C’était un fait, et ça ne risquait pas de changer de toute manière.

L’amitié avait toujours été sacrée chez moi. Surtout que je connaissais maintenant la distance avec ceux que l’on aimait qui peu à peu, ne devenaient que des souvenirs. Oui, avec mon départ de la Suède, j’avais dit au revoir à beaucoup de mes copines. Bien sûr, j’étais un peu petite alors forcément, la séparation n’avait pas été si douloureuse. Ou plutôt, j’avais cru que je garderais contact avec les filles de là-bas. La réalité était différente… En fait, je ne retournais que très rarement dans mon pays natal et c’était simplement à ces occasions que je revoyais mes amies d’avant (je les appelais comme ça maintenant) car outre Emma, ma voisine de là-bas avec qui j’entretenais une correspondance plutôt régulière… J’avais perdu le contact avec les autres. Nous étions trop petites, trop loin. Mon père disait toujours qu’à mon âge de toute manière, on changeait d’ami comme de tee-shirt et que j’allais me faire un tas de nouveaux copains à Liverpool. Il n’avait pas tort. Mais il ne réalisait que j’attachais une importance réelle aux gens que j’aimais, et m’en séparer me faisait toujours très bizarre. En général, lorsqu’on était ami avec moi, c’était pour la vie !

Même si j’étais énervée contre le Serdaigle, je n’avais jamais été très rancunière. Je considérais de toute manière que personne n’était méchant pour s’amuser, et qu’il y avait une explication à tout. Et qui dit explication dit pardon chez moi. Si elle était plausible, la raison, bien entendu. Bon après, on n’allait pas se mentir, il y avait des gens qui n’avaient rien de mieux à faire dans leurs petites vies minables que de se moquer des autres. Je voyais bien certains Serpentards, désolé pour les clichés, rire de ma petite taille ou du fait que je parlais toujours en agitant les mains. Mais ça, ça m’était égal parce que ce n’était pas mes amis. Je pardonnais donc mes amis parce que je considérais que si justement ils faisaient partie de cette catégorie, c’est qu’ils le méritaient. Et c’était bête de se disputer jusqu’à la fin des temps pour des malentendus alors qu’au départ, on s’entendait bien. C’était comme ça que je percevais, personnellement, ma relation avec Aaron. Alors bon, tout ce que j’attendais, c’était un minimum d’excuse… Je ne sais pas, ou qu’il se manifeste, un truc du genre. A la place, le destin nous avait réunis sur ce tapis, et avait voulu que je manque de lui briser le cou. Bon, comme retrouvailles, il y avait mieux.

Si seulement j’avais pu être en binôme avec Serghei ! En plus, il était super fort en sortilèges, et délicat : je n’aurais aucune peur à le laisser me faire voler. Avec Aaron maintenant, autant vous dire que je n’avais aucune envie de décoller du sol ! J’avais un peu peur de ses représailles même si maintenant de toute manière, il n’était plus trop en état de lancer des sorts. Bon, il n’avait pas l’air trop mal, ni blessé… Mais bon. Je jetais un coup d’œil autour de moi, cherchant désespérément Serghei du regard. Je lui avais dit que j’étais fâchée contre Aaron et là, c’était exactement le moment où j’avais besoin de l’aide de mon meilleur ami. Mais une foule s’était formé autour de nous, d’élèves curieux qui riait de notre mésaventure qui, moi, ne me faisait pas rire du tout. Evidemment, Woodley dissipa la foule d’un coup de baguette et ne s’enquerra pas le moins de monde l’état de mon compagnon : rien n’avait l’air cassé, ça allait, nous n’avions qu’à nous débrouiller. Cette femme était un véritable modèle d’amour et… Non, je déconne.

- Tu m'as pété une dent non ?

Oh non ! Putain ! Je n’avais jamais été très adroite mais là, c’était le pire. Je m’approchais du garçon, l’observant. Il n’avait pas l’air fâché en tout cas, au contraire, il riait… Ce n’était pas drôle punaise ! Bon, voilà que j’étais de nouveau énervée contre lui. Ça va sinon, je n’avais pas des sentiments trop contradictoires ! Je ne savais même pas quoi répondre. J’avais juste envie qu’on fasse la paix comme je faisais quand j’avais six ans et que je me disputais avec mes copines pour des histoires de bracelets et de billes.

- C’était peut-être une vengeance divine pour te punir ?

Je ne plaisantais qu’à moitié. Honnêtement, j’attendais un peu des explications concernant son comportement de la dernière fois… Sauf que visiblement, il avait vraiment la dent amochée et cette vision me remit en panique.

- Mince alors ta dent a vraiment pris un coup, attend je vais la réparer j’ai un sort pour les faire pousser je crois ! Bon par contre je promets rien, Maman dit toujours de pas faire de magie quand on est sur les nerfs ! Expliquai-je en toute innocente, pointant ma baguette sous le nez d’Aaron.

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J'avais beau être affalé par terre en me tordant de douleur, j'étais très heureux qu'Apple se soit précipitée vers moi. Même si elle m'avait dit franchement qu'elle était énervée contre moi, je me disais qu'elle était sincère. Si nous n'avions pas été copains, elle n'aurait pas bougé le petit doigt. Je commençais à regretter de m'être emportée contre elle l'autre jour. J'avais été stupide de lui crier dessus. Je me disais qu'au fond ce n'était pas grave, mais je voulais qu'Apple retourne déjeuner avec moi le mardi et qu'on passe du temps à lire des livres sur l'Amérique le week-end, comme avant. Sans elle, je m'ennuyais. C'était peut-être la seule personne qui n'avait pas peur de me parler. En plus, Apple était drôle et toujours de bonne humeur – sauf quand on se fâchait. Elle avait aussi un sacré caractère !
Quelque part, Apple me rappelait Junior, mon meilleur-ami des banlieues de Chicago. Il y avait cette différence notoire entre un garçon et une fille qui parfois créait des barrières. Je savais très bien qu'il était impossible que j'évoque certains sujet avec Apple, mais c'était ce mur que je trouvais intéressant. Je n'avais jamais parlé aussi longtemps avec une fille. Je ne passais pas tout mon temps avec Apple, mais elle faisait partie des gens que je côtoyais le plus avec Hannah par exemple. Hannah, c'était encore autre chose : elle avait plusieurs années de plus que moi, elle était beaucoup plus mâture. J'avais hâte de me trouver un ami garçon, avec qui je pourrais jouer au baseball ou découvrir le Quidditch, se coucher après le couvre-feu et rire auprès de la cheminée de Serdaigle.
Chaque chose en son temps. C'est ce que je me répétais jour après jour. Sauf que j'étais déjà en deuxième année...

Apple semblait affolée. Elle avait pris ma blague au pied de la lettre et je voyais qu'elle ne savait plus quoi faire. Elle était fâchée contre moi, mais son bon cœur lui disait de me porter secours – ce qu'elle aimait faire à chaque fois que j'étais dans le pétrin.

- C’était peut-être une vengeance divine pour te punir ? fit-elle, d'un ton cassant.

Je baissais la tête, l'air coupable. Mon sourire s'était effacé. Elle était bel et bien encore énervée contre moi. Il fallait que je lui présente mes excuses ? Je n'osais pas. C'était plus fort que moi, j'étais trop fier pour m'excuser auprès d'elle.

- Mince alors ta dent a vraiment pris un coup, attend je vais la réparer j’ai un sort pour les faire pousser je crois ! Bon par contre je promets rien, Maman dit toujours de pas faire de magie quand on est sur les nerfs !

Je louchai sur la baguette qu'elle avait pointé sur ma bouche. Ne pas faire de magie quand on est sur les nerfs disait-elle ? Et bien justement, c'était sûrement pas le bon moment !
Je lâchai un petit cri aigu, les yeux écarquillés de peur, crispé comme une statue de pierre et attrapa son poignet pour diriger sa baguette vers un autre endroit.

- Non merci Apple ça ira ! m'exclamai-je, des sueurs froides me donnait des frissons dans le dos. Et puis regarde, ma dent n'a rien ! J'ouvris la bouche pour qu'elle observe. C'est juste un peu de sang qui coule de ma lèvre !

Je portais ma main sur ma bouche pour regarder si du sang coulait vraiment. Ce n'était pas très grave. J'avais surtout éviter le sortilège d'Apple qui aurait pu empirer la chose. Et si jamais ma dent était cassée, j'irais voir tout seul l'infirmière.
Je me levai douloureusement, je sentais déjà les hématomes arriver sur mes genoux. J'inspirai une grosse goulée d'air et tendit ma main vers Apple, le regard fuyant, de peur d'affronter le sien :

- On fait la paix ? dis-je d'une petite voix.

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Est-ce qu’Aaron s’était vraiment fait mal ? Je veux dire, techniquement, c’était un garçon. Et les garçons, ça ne se faisait pas mal, pas vrai ? Enfin, bien entendu Serghei m’avait déjà dit que ce n’était qu’une illusion parce qu’ils avaient aussi des récepteurs pour la douleur et tous ces trucs compliqués. Mais il était plus rare de voir un mec pleurer pas vrai ? Je me souvenais très bien qu’à l’école primaire, on nous traitait toujours de chochottes, nous les filles. Enfin, mes copines car moi, grimper dans les arbres, déchirer mes robes et écorcher mes genoux, ça ne m’avait jamais dérangé. C’était probablement également pour cela qu’Alex et Caro ne s’entendaient pas avec moi. Il faut dire que pour le coup, elles étaient de vraies « chochottes ». Je me souvenais avoir passé mon enfance à me demander ce qu’il y avait de si terrible à se casser un ongle. D’ailleurs je ne comprends toujours pas vraiment vu que je passe mon temps à ronger les miens, alors. De toute manière, j’avais toujours de la terre dessous, alors ce n’était pas très pratique de les avoir longs ! Bref, mes grandes sœurs, outre Kathleen qui elle de toute manière ne parlait jamais, passaient leurs temps à faire attention à leurs robes, leurs coiffures, comment il fallait parler ou agir avec des garçons. Dès qu’il y avait une araignée, elles se mettaient à hurler, ce qui était dommage d’ailleurs parce qu’un jour j’avais trouvé une faucheuse qui aimait bien se balader sur mes mains et j’avais voulu l’adopter et l’appeler Evana. Alex l’avait écrasé d’un coup de chaussures alors qu’elle jouait sur mon bureau. Honnêtement ? Les chochottes, c’était insupportable !

Mais Aaron était un garçon et, de ce que j’avais vu, plutôt un dur ! Alors laissez-moi rire, lui se faire vraiment mal ?... Pourtant, il n’avait pas une très jolie tête et je commençais à me demander si… Je veux dire, un être humain qui tombait de quelques centimètres, voir mettre, sur certes un tapis, mais de manière assez brutal, ça ne devait pas faire que du bien. Je m’approchai de lui, mais j’étais toujours un peu énervée et j’avais du mal à contrôler ce que je faisais ou disais. Je ne voulais pas qu’il ait mal mais d’un côté je ne voulais pas m’apitoyer sur lui, c’était trop facile ! Je grognai un peu, sortant ma baguette pour le soigner, ou plutôt tenter. Mais là, Aaron se mit à faire une tête encore pire et j’envisageais sérieusement de lui demander si c’était un vrai mec ou pas. Mais bon d’un côté, j’étais habituée à Serghei et ce n’était pas le genre gros dur non plus donc je ne me moquai pas. Sauf que bon, mon cher American je l’avais vu se battre, s’énerver, alors je m’attendais pas à ce qu’il devienne tout pâle comme ça. Encore moins à ce qu’il pousse un petit cri et dévie mon poignet, l’air terrifié.

- Non merci Apple ça ira ! Et puis regarde, ma dent n'a rien ! C'est juste un peu de sang qui coule de ma lèvre !

Je fronçai les sourcils, regardant ses dents qui en effet, me semblaient intactes. Bon, je n’étais pas dentiste tout de même et peut-être fallait-il que je demande à Serghei ce qu’il en passait ! Une dent pouvait-elle se casser de l’intérieur ? Quels étaient les risques d’une chute telle qu’il venait de faire ? Je veux dire, ce n’était pas mortel pas vrai. ? Bon en tout cas, Aaron pouvait se relever et c’était l’essentiel ! Je me levai aussi, lui faisant face, au milieu de la salle de classe qui petit à petit s’était dispersée sous les ordres de Woodley. Elle n’était nullement inquiète pour le Serdaigle, au contraire je l’avais même entendue rire lorsqu’il était tombé. Ça ne m’étonnait même pas d’elle, mais bon. Malgré tout ce que je disais moi, je tenais à lui-même si j’étais fâchée avec . C’était mon ami avant tout et j’espérais qu’il sente pareil pour moi, parce que je n’aimais pas les disputes qui s’éternisaient. Et puis finalement, le garçon me tendit sa main, détournant le regard, tout gêné.

- On fait la paix ?

… Ah ? Je fixai sa main, ne réagissant pas tout de suite. Bien sûr que je voulais faire la paix, c’était une question bête. Je n’aimais pas faire la tête. Ça ne me ressemblait pas. Quand j’avais dit à Serghei ce qui s’était passé avec Aaron, il avait ouvert grand les yeux, et m’avait demandé si j’étais vraiment fâchée. Pour lui, il y avait de quoi. C’est vrai que je me souvenais encore de sa colère contre moi que je ne comprenais pas…

- Alors dis moi pourquoi tu t’es énervé contre moi ! Répliquai-je, parce que c’était donnant-donnant. Et regarde moi dans les yeux, je verrais si tu mens ! Ajoutai-je en riant parce qu’au fond pour moi, c’était déjà pardonné. Mais je voulais qu’Aaron ait le courage d’assumer ce qui s’était passé parce que moi, ça m’avait blessé tout de même. Et puis, parce que je ne voulais pas qu’il soit trop mal à l’aise non plus, au lieu de lui serrer la main, je la tapai et fis notre fameux « high five » américain qu’il m’avait appris. C’était celui qu’on avait l’habitude de se faire quand on se voyait les matins, avant qu’on se dispute. Mais bon, pardonné Monsieur Marshall !

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Toute la classe de Sortilèges nous observait. Je me sentais piquer un fard et il ne fallut pas longtemps que je me sente mal et que je me mette à transpirer. La classe de Poufsouffle était vraiment étrange, ils paraissaient gentils mais un peu perchés. Ils rigolaient pas forcément aux mêmes blagues que les Serdaigle – qui eux étaient parfois un peu coincés – ce qui rendait l'ambiance parfois un peu plate.
Mais je ne parlais qu'avec des Poufsouffle, ils étaient moins rentre-dedans et un peu plus respectueux de mes silences. Je n'avais jamais eu l'habitude de me retrouver dans une école aussi grande et aussi loufoque. Même après un an, j'avais encore du mal à me faire à cette ambiance pourtant chaleureuse, mais qui ne ressemblait pas. J'avais pourtant fait des progrès en magie ! Je savais lancer le sort Wingardium Leviosa à peu près correctement, mais j'abandonnais vite mes devoirs pour aller flâner dans les couloirs. Lorsqu'une formule me résistait, je désespérais en me disant que de toute façon je n'étais pas fait pour être un sorcier.

Lorsque je regardais Apple, je me disais qu'elle allait devenir peut-être encore plus belle, plus intelligente et plus gentille chaque jour. Cela ne me dérangerait pas d'être dans son ombre, parce que je serais toujours avec elle. Je me rendais que je l'aimais bien et que ça me faisait plaisir d'être avec elle (même si elle parlait trop).
J'étais un peu moins crispé à côté d'elle et même si je lui avais menti sur ma condition, je sentais qu'on pouvait se dire des trucs ou des secrets. Mes sentiments n'avaient presque pas changés depuis la première fois qu'elle m'avait parlé, mais je savais que maintenant je n'avais plus peur de parler en sa présence ou de lui couper la parole.

Mais je m'étais mal comporté avec elle et j'en avais bien conscience. La solution aurait été de s'excuser, mais ma fierté m'empêchait de faire le premier pas. Je lui avais quand même tendu une main un peu tremblante devant tous les élèves de la classe qui n'étaient pas très concentrés par les travaux pratiques.

- Alors dis moi pourquoi tu t’es énervé contre moi ! dit Apple, un sourire aux lèvres. Et regarde moi dans les yeux, je verrais si tu mens !

Je m'étais redressé et avait levé ma tête un peu maussade vers elle. Ses yeux bleus m'avaient transpersés et les mots butaient dans ma bouche. Après un balbutiement incompréhensible, j'inspirai un bon coup et lui marmonna, la tête penchée, mais les yeux toujours tournés vers son beau visage.

- Je... J'étais pas content que tu t'occupes de cette bagarre à ma place... Puis je réalisai que sans Apple, j'aurais fini en chair à pâtée, alors je repris très vite : Non et puis... Je n'ai pas l'habitude qu'on prenne ma défense. Je me suis emporté...

Les excuses restaient encore bloquées dans ma gorge, j'avais l'air d'un parfait idiot. Mais Apple semblait déjà avoir oublié car elle me tapa fort dans la main et je fus surpris de sa réaction.

- Mais bon, pardonné Monsieur Marshall !

Je fus tellement soulagé que je ne pus m'empêcher de sourire bêtement. Alors Apple et moi regagnâmes nos places. Avec le bazar des travaux pratiques, de petits groupes s'étaient formés. J'en avais profité pour me glisser à côté d'Apple pour lui parler.

- Tu sais, on me dit que je suis souvent agressif, marmonnai-je. Mais je voulais pas être bête comme ça l'autre jour. Je fis une pause pour la dévisager, et soupirer. C'est... C'était pas ta faute !

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Just say you're sorry, no more no less."

♪ Say you're Sorry - Sara Bareilles

Maman m’avait toujours appris à pardonner aux autres, et en matière d’amitié, je devais dire que je lui faisais confiance aveuglement… Même si, d’une façon assez triste, elle n’avait pas trop d’amis à Liverpool. Elle gardait bien contact avec les gens en Suède, mais nous n’y revenions presque jamais, elle un peu plus, mais c’était bien trop cher, et puisque c’était une cracmol, elle n’avait même pas l’avantage d’utiliser la poudre de cheminette ou ce genre de choses. J’avais vraiment de la peine pour elle, et j’en voulais un peu à Papa qui l’enfermait entre ces murs humides de notre maison de banlieue, alors que tout ce qui l’amusait et ceux qui l’aimait se trouvaient à des milliers de kilomètres. Malgré ça, je savais qu’elle était plus douée dans les relations que Serghei, qui était pourtant ma référence. A vrai dire, ils étaient tous les deux mes modèles, pour des choses bien différentes, parce qu’ils n’avaient pas tout à fait la même vision des choses, et pourtant… J’aime l’optimisme de Maman, sa manière d’être douce et gentille, de toujours me rappeler de l’être, et le côté bien plus réaliste de Serghei, comment il réussissait à cerner de nombreuses situations tout en étant incapable de comprendre que les êtres humains ne se définissaient pas par des algorithmes. J’aimais prendre les meilleures parties d’eux, tout ce qu’ils pouvaient m’enseigner était tellement utile, sous bien des aspects, que dans une situation comme celle que je traversais avec Aaron, je voulais me fier à ce que Maman et Serghei m’avaient appris. Je ne pensais pas que cela soit être influençable, je veux dire, pourquoi refuser un bon conseil quand il est face à soi ? J’étais persuadée, ou du moins je l’espérais très fort, que je pouvais leur en donner aussi.

J’étais donc prête à voir ce qu’Aaron allait dire pour se défendre, lui. D’après Maman, les gens avaient souvent une raison de blesser les autres. Elle ne croyait pas, à l’instar de Serghei, que l’on puisse être mauvais par nature. Je ne savais pas trop où me placer, mais j’étais assez d’accord avec elle. Je ne voyais surtout pas pourquoi le Serdaigle, avec qui j’avais été ami, pouvait tout à coup basculer ainsi, être désagréable et violent. Je lui en voulais, certes, mais gâcher une amitié pour cela, c’était peut-être un peu… Exagéré. Souhaitait-il une deuxième chance ? S’il s’excusait, c’était bien que oui ! Et ça tombait bien, puisqu’il m’avait manqué, à moi.

- Je... J'étais pas content que tu t'occupes de cette bagarre à ma place… Non et puis... Je n'ai pas l'habitude qu'on prenne ma défense. Je me suis emporté...

J’hochai la tête, en plissant un peu les yeux. Je comprenais sa logique, totalement stupide, je devais l’admettre, mais c’était une logique masculine. Être le meilleur. Être le plus fort. Forcément, se faire aider par une petite blonde qui faisait trois pommes et trois kilos, ça pouvait être gênant. Mais attendez, lui qui venait de ses quartiers riches de Chicago, ça m’étonnerait qu’il sache se bagarrer ! Moi j’avais enduré les garçons à l’école primaire, et mes sœurs aussi – même si nous en venions très rarement aux mains. Mais moi je n’avais pas peur de déchirer mes robes que je récupérais de toute façon de mes sœurs, et qui ne m’allaient pas, si de m’écorcher les genoux. Je n’étais pas sûre qu’escalader les arbres étaient bien vu par les parents d’Aaron ! Ce qui me faisait penser que je devrais lui demander ce qu’ils faisaient comme métier ! Maintenant que je lui avais pardonné en tapant dans sa main – mais je n’avais jamais été vraiment très fâchée, juste un peu vexée - notre amitié pouvait repartir de plus belle, et j’étais impatiente de passer à nouveau du temps avec lui, loin d’ailleurs de Woodley et des autres élèves qui nous avaient observés. Maintenant, tout le monde était retourné à son occupation, et je retournai en souriant dans les rangs avec Aaron, laissant un grand sourire au passage à Serghei.

- Tu sais, on me dit que je suis souvent agressif. Mais je voulais pas être bête comme ça l'autre jour. C'est... C'était pas ta faute !

Sur le coup, je ne pus m’empêcher de rire. La manière dont il essayait vainement de se débattre avec ses excuses était touchante, et il se donnait un peu du mal pour rien. Pour ma part, c’était déjà oublié, et je ne voulais pas que nous restions bloqués sur cette histoire. Je préférais oublier en même temps que pardonner, même si Serghei me disait toujours qu’il fallait apprendre de son passé. Moi, je voulais éviter les vieilles tensions toujours présentes, et j’avais confiance en Aaron. Il avait compris la leçon n’est-ce pas ?

- T’inquiète pas, maintenant c’est oublié ! La prochaine fois, dis moi ce qui va pas ! Plus de mensonges entre nous, d’accord ? Dis-je avec un grand sourire. Et je me penchai pour déposer un baiser sur sa joue en riant, avant d’écouter à nouveau le cour et observer les uns faire léviter les autres.

(Terminé.)