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You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé)

 
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 You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé)

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AuteurMessage
Ewan Campbell


Ewan Campbell
Vendeur chez l'Apothicaire



Masculin
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Localisation : Dans mon trou. (well, c'est glamour ça)
Date d'inscription : 14/11/2012

Feuille de personnage
Particularités: J'ai un énorme bagage à main (et ma copine a des gros boobs).
Ami(e)s: Phil et Rita et les boobs (mais surtout les boobs) :)
Âme soeur: “And she kissed me. It was the kind of kiss that I could never tell my friends about out loud. It was the kind of kiss that made me know that I was never so happy in my whole life.”

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MessageSujet: You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé)   You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé) Icon_minitimeJeu 31 Jan - 15:46



You've been acting awful tough lately
Smoking a lot of cigarettes lately
But inside, you're just a little baby
It's okay to say you've got a weak spot
You don't always have to be on top
Better to be hated than love, love, loved for what you're not

You're vulnerable, you're vulnerable
You are not a robot
You're lovable, so lovable
But you're just troubled



Il y avait bien moins de neige qu'à Noël, mais ce qu'il en restait saupoudrait les toits et le sol de Pré-au-Lard comme un peu de sucre glace, et la comparaison n'était pas exagérée : les petits flocons avaient la froideur et la dureté de la glace, et depuis le début de la semaine, il soufflait un vent terriblement puissant et glacial, qui faisait tourbillonner les restes de neige et sur ma peau ils arrivaient comme des petites aiguilles qui me fouettaient et me glaçaient le visage. Je n'avais pourtant pas loin à aller de mon petit appartement au coin de la rue principale jusqu'à au magasin de l'Apothicaire, ou bien jusqu'à la taverne de la Tête de Sanglier où je travaillais les soirs de week-end, mais pourtant j'étais obligé de m'emmitoufler chaudement pour me protéger de ce vent polaire.

Le froid ralentissait les affaires - heureusement que j'avais ce petit pied à terre à la Tête de Sanglier pour maintenir un minimum de business, sinon, j'aurais dû faire face à une période creuse qui n'était pas de très bonne augure pour mes finances. Après l'épisode du Felix Felicis, particulièrement navrante, mais bien rattrapée heureusement, je m'étais arrangé pour que tout soit d'avantage organisé. Le lendemain de la soirée où nous avions terminé rapidement la potion de secours avec Ruby - elle m'avait d'ailleurs été d'une aide précieuse, et je ne regrettais rien, au contraire. Les souvenirs de nos discussions, de son avenir à minuit, de notre chemin vers le château et de la manière dont elle m'avait dit au revoir dans la pénombre du souterrain m'apparaissaient comme un rêve. Un rêve particulièrement doux et aérien, comme une pause dans la tourbillon de ma vie. - j'avais renouvelé mon rendez-vous, donné la potion à mon client, et l'échange avait été plutôt sec, de ma part comme du sien. Il m'en voulait pour je ne sais quelles raisons - il n'avait rien perdu, si ce n'est un jour - alors que moi j'avais perdu de la potion, du temps, et j'avais été mené en bateau, car il avait trahi ma confiance. J'en avais touché deux mots à Phil quand il était venu chez moi pendant les vacances et quand je lui avais donné le nom du sorcier, il n'avait pas paru étonné : apparemment l'homme était plutôt connu pour être fauteur de troubles, ce qui ne me surprenait guère. Avec les vacances de Noël, j'avais eu une légère accalmie - l'apothicaire avait fermé quelques jours - et j'avais répondu très brièvement aux hiboux que m'envoyait ma mère pour m'inviter à revenir passer Noël à Oxford. Je n'en avais aucune envie, et je devinais entre les lignes son ton suppliant et désespéré, comme si elle savait par avance mon refus. Je ne voulais plus de contacts. Plus de contacts avec elle, avec Oxford, avec le passé... C'était terminé tout ça, sorti de ma tête, et je ne pensais qu'à l'avenir, à mon travail, à l'argent, au futur, à ce que je devais accomplir. J'avais un but tout tracé, et rien ni personne ne parviendrait à me dévier de mon chemin. Pendant les vacances, j'étais resté à Pré-au-Lard qui, à part les locaux, avait été bien calme, car il y avait moins d'élèves le week-end et les gens partaient aussi en vacances. Nous avions passé de bons moments avec Phil, plus insouciants qu'à l'habitude car les vacances nous y obligeaient, et j'étais content d'avoir pu passer quelques journées entières avec celui que je considérais comme mon meilleur ami. Et puis le travail avait repris et j'avais été submergé parce qu'on appelle le retour de la vague, encore plus violent que la vague elle-même : les affaires étaient reparties de plus belles, sur tous les fronts. D'un côté, cela m'arrangeait : je ne voulais penser à rien, et travailler comme un forçat ne me laissait pas l'occasion de penser à autre chose qu'à mon travail.

Seul élément étranger à tout cela, comme la première étoile qui brille dans le ciel sombre de la nuit pour guider les berges, il y avait Ruby, avec qui j'étais devenu ami, il me semblait. Cette soirée chez moi, totalement improvisée, et qui avait bien failli nous amocher sérieusement, avait tenu lieu de réconciliation, et il me semblait que l'échec de notre première rencontre avait été balayé. Je lui en étais reconnaissant, d'ailleurs, car je n'étais pas spécialement fier de la façon dont je m'étais conduit. Parfois, à trop me demander ce qu'aurait fait Phil à ma place, je voulais agir comme lui, et j'oubliais que tout simplement, je n'étais pas lui. Toujours était-il que depuis cette deuxième soirée, Ruby venait me voir régulièrement. Enfin : elle venait régulièrement dans le bar où je travaillais, pour me voir, mais pour boire aussi. Plus ça allait, plus je trouvais qu'elle buvait trop, vraiment trop, mais si je pinçai les lèvres, parfois, ou bien que j'essayais de lui faire comprendre en fin de soirée qu'elle avait assez bu et que je ne voulais plus la servir, je n'arrivais pas à lui dire clairement ce que je pensais. Car qui étais-je pour l'en empêcher, ou pour lui demander ce qu'elle noyait bien dans ce trop-plein d'alcool? Si je faisais ce pas, ce pas en avant, je savais qu'ensuite, je ne pourrais plus reculer... Et j'appréciais Ruby, mais ça m'était impossible. Je ne
pouvais plus revivre cette histoire-là.

Mais nous passions de bonnes soirées : elle égayait les miennes, car les soirées de la Tête de Sanglier n'avaient rien d'exceptionnelles, et en échange j'essayais d'égayer les siennes comme je le pouvais. Nous discutions assez, nous riions beaucoup, je lui offrais de nombreux verres, nous jouions presque à chaque fois à ce jeu qui avait scellé notre amitié. Un soir, elle était même venue avec une de ses amies - Lizlor, sa meilleure amie, comme elle me l'avait présentée, et elle m'en avait beaucoup parlé. Nous nous étions bien amusés, et l'amie de Ruby était plutôt drôle et sympathique. Évidemment, leur venue avait fait jaser : déjà que la présence quasi-hebdomadaire de Ruby faisait parler, dans le bar, la venue de deux jolies jeunes filles blondes et bien faites avaient pour ainsi dire créer un mini tsunami. Je m'étais retenu de décrocher un coup de poing à Ed, le patron, car je l'avais entendu se féliciter lui-même, et devant moi, d'avoir embauché un "petit jeune avec une belle gueule car il attirait de jolis brins de filles" et le seul souvenir de la façon dont il se rinçait l’œil sur Ruby me donnait envie de vomir de dégoût. Mais, comme toujours, je laissais couler, je serrais les dents, je continuais mon job, et la bêtise des autres glissait sur moi comme de l'eau. Un soir, il s'était mis à tomber de la neige comme jamais, et Ruby avait du rester plus longtemps, alors que le bar était sensé être fermé, et j'avais passé une demi-heure assis à côté d'elle et pas à lui parler de derrière mon comptoir pour une fois. Je lui avais même ordonné de prendre mon écharpe, car elle n'avait pas prévu de se couvrir assez chaudement, et que son chemin jusqu'à Poudlard était bien plus long que celui jusqu'à mon appartement. Malgré moi, j'avais également noté la façon dont elle buvait, le nombre de verres dont elle avait besoin pour décrocher complètement, et d'ailleurs, il en résultait quelque chose d'assez amusant : quand elle buvait plus que de coutume, elle était bien plus expansive, et me faisait toujours la bise pour me dire au revoir. Les quelques autres fois où elle buvait moins, ou elle partait plus tôt aussi, elle me disait simplement au revoir en me souriant et en me faisant un petit signe de main par-dessus le comptoir, et dans ces moments-là, j'avais toujours le ventre qui se serrait, parce que sa beauté solaire m'éblouissait toujours quand je m'y attendais le moins. Bien sûr qu'elle me plaisait : il n'y avait pas un instant où je n'admirais pas son sourire, ses yeux, ses cheveux, son corps bien fait, son décolleté, sa silhouette. Mais encore une fois, c'était une route que je ne devais pas - que je ne pouvais pas emprunter.

Ce soir-là, vendredi, elle m'avait promis de venir, car je lui avais dit que j'avais plus de temps à lui consacrer que le samedi, quand le bar était parfois bien plus rempli. Je l'attendais, donc, sans savoir à quelle heure elle serait là exactement. Et le fait de l'attendre, alors que je lavais quelques verres distraitement, observant les quelques clients disséminés das la taverne, me poussa à réaliser que sa venue devenait une habitude dont je n'aurais su me passer... J'avais envie qu'elle soit là, de temps en temps, et que son sourire m'illumine.

Ed avait eu la mauvaise idée, avec l'un de ses fidèles comparses, aussi mou, bête et bedonnant que lui, de me demander un peu plus tôt "quand ma petite-amie allait pointer son joli petit cul" tandis que l'autre homme avait éclaté d'un gros rire gras. A part un long regard glacial et assassin, et un sec "elle n'est pas ma petite-amie", je n'avais réagi d'avantage, mais je sentais mon sang me brûler, encore une fois, car je ne supportais pas le manque de respect qu'il portait aux gens et la façon scabreuse dont il parlait de Ruby, ou de son amie.

Une bonne demi-heure plus tard, quand j'entendis le cliquetis de la porte, je tournai la tête machinalement, alors que j'étais occupé à remplir les bouteilles dont j'avais besoin pour le service, à l'aide des fûts de réserve, elle entra. Un courant d'air frais se propagea jusqu'à moi et je devinais que dehors le vent n'avait pas faibli. Quand elle desserra mon écharpe de son cou - depuis, elle la portait, mais comme cela ne me dérangeait pas de lui prêter, je lui laissais volontiers - ses longs cheveux alors libres s'étalèrent sur ses épaules et dans son dos, et la courbe de celui-ci m'apparut un instant, sous ses vêtements, et je sentis ma gorge s'assécher, mais je tentai de masquer mon trouble. J'étais heureux de la voir et je l'accueillis avec un grand sourire :


- Il ne manquait plus que toi ! Comment ça va? fis-je gaiement, et ce-disant, je déposai deux verres sur le comptoir, dans lesquels je préparais un cocktail volontairement léger - c'était la technique que j'employai pour qu'elle boive un peu moins.

Contrastant avec cette chaleur qui gagnait ma chair, je notai alors sa froideur latente, et ses sourcils plus froncés qu'à l'habitude.


- Oh, laissai-je échapper, pantois. ... Un petit jeu pour te remonter le moral?

Et je fis glisser le verre vers elle, sur le comptoir, espérant que nos petites habitudes parviendraient à chasser ses idées noires.


Dernière édition par Ewan Campbell le Sam 16 Fév - 16:19, édité 1 fois
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Ruby Standiford-Wayland


Ruby Standiford-Wayland
Apprentie à Sainte Mangouste



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MessageSujet: Re: You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé)   You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé) Icon_minitimeJeu 31 Jan - 21:39



"Oh, but I know you care
I know it is always been there
But there is trouble ahead I can feel it
You were just saving yourself when you hide it
Yeah I know you care
I see it in the way you stare
As if there was trouble ahead and you knew it
I'll be saving myself from the ruin

I know it wasn't always wrong
But i've never known a winter so cold
No I don't warm my hands in your coat
."


L’eau chaude glissait sur ma peau tandis que, assise sur le sol, je sentais la dureté du carrelage. Ecartant les mèches plaquées sur mon visage, je saisis le rasoir que j’avais laissé à côté de mon shampooing. Ma vue était plus floue que je ne l’aurais cru et, clignant plusieurs fois des yeux, je me concentre pour le passer le long de mon mollet sans grand succès. Une grimace plus tard, je regardais une petite entaille qui venait de se forme au-dessus de ma cheville, d’où un peu de sang s’écoulait, disparaissant dans les gouttes d’eau qui roulaient le long de ma peau. Je restais quelques secondes sans bouger, avant de reposer le rasoir sur ma cheville et tout doucement, en appuyant un peu plus fort, je le déplaçai horizontalement. Rien. Passablement énervée, l’alcool dans mes veines me faisant perdre la notion de mes actes, j’appuyais plus franchement la lame sur ma peau et sentis soudain une douleur étrange –et quelques gouttes de sang perlèrent avant de disparaitre, lavées une nouvelle fois par l’eau. Mais cette fois, l’entaille était plus franche et l’eau se teinta de rouge. C’était une douleur étrange, vraiment étrange. Ça me faisait mal mais à la fois, un sentiment était en train de naître et je ne le connaissais que trop bien car je l’appréciais ; le contrôle, ce cher sentiment de contrôle. Je le fuyais tout autant que j’en avais besoin, et cette possibilité d’être la seule responsable de ma douleur me donna une force obscure. L’esprit embué par la chaleur ambiante et le whisky que j’avais bu, je n’hésitais pas une seconde de plus. Sans réfléchir, je fis une deuxième entaille juste au-dessus de la première, parfaitement alignée et alors que je sentis des larmes me monter aux cils, j’eus un sourire un peu dément et en fit une troisième. Elles n’étaient pas très larges ni profondes, mais elles saignaient et me picotaient la peau. Combien en fis-je ? Plusieurs, pas toujours assez profondes pour saigner mais ma peau rougissait de ma propre attaque et ça me faisait autant de mal que de bien. Au bout d’un moment, réalisant un peu ce que je faisais, j’envoyais le rasoir valser plus loin et je m’appuyais contre le mur de la douche en fermant les yeux. Ça faisait mal… Là, ça avait un sens, c’était physique. Je choisissais. Je contrôlais.

Il fallut pourtant bien sortir au bout d’un moment qui, ayant duré beaucoup trop longtemps pour une douche habituelle, me sembla si court. En me relevant, j’eus un instant de faiblesse et manquai de glisser –l’eau, l’alcool qui m’embrouillait mais surtout la douleur à ma cheville qui me surprit. Je m’appuyais contre la porte, secouant un peu la tête avant de réussir à reprendre mes esprits. Dans la petite cabine, je m’essuyais et surtout remis mes vieux habits pour cacher les petites entailles qui ne saignaient presque plus. De retour dans le dortoir, j’y trouvais Ophelia qui dormait dans son lit et celui de Prudence qui était vide mais je détournais vite les yeux –qu’elle soit là ou pas, il désormais toujours vide à mes yeux. Mais il y avait quelque chose sur la couette bleu et argenté, et la couverture me fût directement familière. Le Daily Poudlard. Edition spéciale pour un jour spécial… La Saint Valentin. Je ne l’avais pas lu ce matin, mais je me doutais bien qu’en ce jour des amoureux, les rédacteurs allaient s’en donner à cœur joie. M’approchant doucement, éclairée de ma baguette pour ne pas réveiller la jolie princesse blonde de l’autre lit, je saisis le journal et m’asseyant sur mon lit, j’en tournais les pages jusqu’à celles spécialement consacrées à… Oh, les histoires d’amour de cette année. Je savais très bien ce qui m’attendait, il fallait que je repose ce foutu magazine, mais je ne pouvais pas m’en empêcher. Quelques pages plus tard, une magnifique photo d’Hadrian et moi nous embrassant à Pré-au-Lard s’affichait, suivit d’un texte sur notre idylle et surtout sa fin. Je me mis à pleurer avant d’avoir fini de le lire et il me fallut un effort surhumain pour me relever et le poser à sa place initiale avant de me laisser tomber sur mon lit une nouvelle fois, étouffant mes sanglots pour ne pas réveiller Ophelia.

Tout doucement, je me levais pour aller chercher dans le fond de ma commode un album photo que j’avais fait après l’été. S’il contenait beaucoup de photo de Liz, je les avais toutes enlevées pour les mettre dans un album à part que je pouvais regarder à longueur de journée sans que ne surgisse le visage d’Hadrian sur des clichés brillants et animés. J’en tournais fébrilement les pages, découvrant ces photos que je connaissais par cœur. Je sentis un tel trou se former dans ma poitrine que je ne pus continuer et je le reposais à sa place, sortant du tiroir d’en-dessus une bouteille de whisky. J’avais vidé ma flasque toute à l’heure, et je n’étais pas en état pour la remplir à nouveau. Attaquant donc directement au goulot, je sentis le liquide ambrée et amer dévaler le long de ma gorge tandis que je plissais les yeux sous l’effet brûlant qu’il répandait malgré mon habitude à celui-ci. Doucement, je remontais le bas de mon jean pour révéler à la lumière de ma baguette les petites cicatrices qui s’étendaient désormais sur ma cheville. Toutes alignées, de ma taille, droites, pour les plus visibles du moins. Du reste, il y avait de petites traces fines et à peine marquées que je pouvais tout de même sentir sous mes doigts que je passais sur ma peau meurtrie par mes propres soins. Elle était sensible et je grimaçais, mais j’avais l’étrange envie de recommencer. Ça m’échappait, comme tout, et à la fois ça me paraissait tellement logique –que la douleur soit réelle, physique, que je la contrôle et la subisse à la fois.

Je finis par me relever en essuyant les larmes, toujours cependant emplie d’une tristesse étrange mêlée à une certaine colère contre moi-même et… Et les autres. Ce genre de sentiment un peu incontrôlable, qui n’avait comme source que mon propre mal être que je repoussais sur ce qui m’entourait. Je me changeais rapidement, enfournant dans un petit sac mes cigarettes, ma baguette et un peu d’argent. Je savais où je devais aller… Après tout, je
lui avais promis. Ewan. J’attrapai son écharpe qui était restée à côté de son oreiller, songeant que j’avais peut-être dormi le visage fourrée contre celle-ci, et je l’entourais autour de mon cou. Instantanément, son parfum m’envahit, il avait commencé à s’estomper au profit du mien mais je sentais encore les notes de vanille et de réglisse sur lesquelles je m’étais concentrée dès que j’avais commencé à la porter, fourrant mon nez dans le tissu pour me protéger du froid mais surtout, m’embaumer de son odeur. Elle me réconfortait d’une drôle de manière, même si ce soir j’eus l’impression que l’effet ne fonctionnait plus, peut-être parce que j’étais… Trop… Peu importe.

Cela faisait déjà plusieurs semaines que je venais le voir, la plupart de mes soirées du week-end en fait. Je m’asseyais derrière le comptoir, et nous parlions tandis qu’il servait de temps à autre les clients du bar qui n’étaient jamais très nombreux. Il n’y avait personne de Poudlard déjà, et c’était un réel réconfort car mes soirées là-bas n’étaient jamais été dans le Daily, j’avais la paix entre ses murs austères de pierres humides et salies qui me protégeaient presque de l’extérieur. Là-bas, je pouvais boire en toute tranquillité et puis… Et puis, je ne pouvais pas mentir, il y avait Ewan. Aussi indéfinissable que ça pouvait l’être, j’appréciais réellement sa compagnie –trop à mon goût, parce que c’était trop rapide, trop dangereux. C’était d’ailleurs sûrement l’une des personnes qui en savaient le plus sur moi sans même le réaliser, sans comprendre que ça ne me ressemblait pas de parler de ma vie aussi ouvertement, en taisant certes beaucoup de choses, mais en parlant d’autres que la moitié de Poudlard ignorait. Mais je ne sais pas, j’avais l’impression que le jeune homme m’écoutait, il me faisait toujours rire quand j’en avais besoin. Et quand j’avais bu, forcément, j’étais bien plus ouverte et ça me paraissait plus simple d’être avec lui, de lui parler, ou simplement de me laisser vivre. Je lui avais même présenté Lizlor, et ils s’étaient tous les deux appréciés, ce qui me rassurait d’une certaine façon. Mais pourquoi ça me rassurait hein ? Pourquoi est-ce que je voulais que Lizlor l’apprécie, et vice-versa ?

Je connaissais la réponse d’une certaine manière, mais je refusais de m’y attarder, car je ne voulais pas, je ne pouvais pas –non, non, non !

Mais il existait une ombre au tableau, et elle me pesait de plus en plus. Ce soir, accentuée par l’alcool que j’avais bu, je me sentais en colère contre lui, contre tout le monde de toute manière et j’hésitais réellement un instant à venir le voir. Parce que je savais ce qui se passerait dans ce cas. Mais je n’avais presque plus de whisky, et j’adorais son cocktail, j’avais vraiment envie de boire encore un peu. Quelques bonnes minutes plus tard et une cigarette sur le chemin, je poussai la porte du bar en secouant un peu mes cheveux sur lesquelles s’était déposée de la neige et je m’avançai jusqu’au comptoir derrière lequel se tenait Ewan –il me fallut quelques secondes pour ajuster ma vue un peu floue et que son visage se dessine nettement.


- Il ne manquait plus que toi ! Comment ça va?

Il souriait. De son sourire habituel, dont je commençais à connaître les moindres détails, qui me réchauffait toujours habituellement. Il avait déjà servi les verres et semblait tout content de me voir débarquer. Etonnement, ça ne fit que redoubler mon agacement, non pas contre lui, mais contre moi-même. Pourquoi étais-je dans cet état ? Pourquoi ne pouvais-je pas me sentir contaminer par sa joie qui m’était si chère ?

Et cette colère contre moi-même grandissait, refusant de se calmer, je ne pouvais pas me faire mal ici, je ne pouvais rien faire, je me sentais soudainement oppressée et j’attrapai le verre qu’Ewan fit glisser jusqu’à moi presque fébrile, les sourcils toujours froncés.


- Oh... Un petit jeu pour te remonter le moral?

Il voyait que ça n’allait pas. Il pouvait le voir. J’étais vulnérable… Encore une fois, ça ne fit qu’empirer mon état, je sentais que le whisky du dortoir avait fini par monter un peu violemment mais pas dans le sens attendu –au contraire.

- Et si je pose les questions, tu vas répondre ?

Il fallait que je me taise, je le savais. Mais c’était sorti tout seul, comme un venin qui me brûlait la langue que j’avais besoin d’expier. Parce que voilà la seule ombre de notre tableau : Ewan lui, ne se confiait pas. Très rarement. Dès qu’on s’arrêtait sur lui, il déviait presque le sujet et ça me faisait mal de voir qu’avec tout ce que je lui donnais j’avais l’impression de ne rien recevoir. Son adolescence à Poudlard m’était très floue, comme s’il refusait de me dire quelque chose, j’avais l’impression qu’il manquait une immense pièce du puzzle. Parfois, il commençait une anecdote et s’arrêtait en chemin, la mine soudain grave et il changeait de sujet. Pourquoi ?

Je bougeais mes jambes et ma cheville se mit à me brûler –j’eus une grimace plus ou moins contenue, sentant que tout remontait trop rapidement.

J’aurais dû partir. Mais à la place, je portais le verre à mes lèvres, sentant ce cocktail désormais connu couler dans ma gorge. Si connu que je sentis rapidement qu’il n’était pas aussi chargé que d’habitude, et me mis à froncer plus franchement les sourcils. A côté, je sentais les regards du patron et ses amis à qui j’adressais un regard en retour, noir et vraiment pas très accueillant, me retenant pour ne pas leur envoyer un joli doigt d’honneur –je voulais mon verre, pas d’ennuis, mon verre.


- Sérieusement, ils ont jamais vu de filles ou quoi ? Qu’est-ce que ça me gave ! Dis-je d’une voix un peu trop forte qu’ils auraient pu entendre, mais je m’en fichais. Pourquoi t’as moins mis d’alcool que d’habitude ? Pour que je boive moins c’est ça ? Je m’entendais attaquer Ewan sans comprendre ce que j’étais en train de faire réellement. Je suis assez grande pour boire, ça va ! Les phrase s’enchaînaient, et ça empirait dans tout mon corps, la frustration, la douleur de ma cheville, ce maudit jour de la saint Valentin que je passais dans un bar miteux pendant qu’Hadrian devait sûrement être avec une énième fille et j’allais lire leur soirée demain dans le journal, et puis l’impression que l’alcool ne m’apportait pas ce que je voulais ce soir. Tout m’insupportait soudainement. Ou alors c’est pour ça que tu me dis jamais rien ? Parce que je n’ai que 17ans c’est ça ? Tu sais, les relations entre deux personnes se basent sur l’échange. Je fis un geste de ma main qui nous désignait tour à tour, manquant de renverser mon verre que je rattrapais de justesse me maudissant d’avoir montré ma maladresse qui, si inhabituelle chez moi, prouvait que j’avais déjà trop bu. Tu crois que je ne pourrais pas comprendre ? Derrière ma voix qui claquait, je sentis ma propre inquiétude qui montait, parce que j’avais peur des réponses tout autant que des conséquences de ces questions.

Qu’est-ce que j’étais en train de faire ?

Je ne le savais même pas, mais j’avais besoin d’évacuer quelque chose. Peut-être mon propre dégoût depuis que j’avais compris que je buvais autant que l’avait fait ma mère, cette frustration grandissante sur mon impuissante face à la tristesse, ma honte de mentir à ma meilleure amie, de me disputer avec les autres, et cette affection grandissante que je portais à Ewan qui me faisait peur –oh, oui, surtout ça !...

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Ewan Campbell


Ewan Campbell
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MessageSujet: Re: You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé)   You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé) Icon_minitimeSam 2 Fév - 23:49

« Souvent femme varie », dit-on, et je pouvais affirmer que Ruby n'échappait pas à cette règle proverbiale. Elle avait beau manier à la perfection l'art de se cacher derrière un joli sourire, pour l'avoir vue plusieurs fois maintenant, il y avait des soirées où son humeur était plus froide, plus douce, plus mélancolique ; d'autres où elle riait sans cesse et ne semblait pas perturber outre-mesure par ce qui pouvait bien la tracasser. Elle n'était pas constante sur ce point et sans doute c'était ce qui me plaisait aussi, parce que je savais que chaque fois serait différente de la précédente, et malgré moi je me préparais toujours au moment où elle apparaissait dans l'encadrure de la porte, pour savoir comment j'allais devoir me comporter, si c'était simplement pour lui tenir une compagnie aussi agréable que la sienne, ou bien s'il allait falloir que je sois plus enjoué et plus bavard qu'à l'accoutumée pour lui éviter de noyer ses idées noires dans un trop plein de whisky, qu'elle appréciait bien trop, à mon goût. Ce n'était pas mes affaires et je me le répétais sans cesse, mais ce n'était pas parce que je m'interdisais consciencieusement d'aller plus loin dans une relation qui aurait pu me plaire que je ne pouvais pas avoir de l'attention pour elle. Au contraire, lui proposer une amitié dans ces moments où visiblement elle était un peu perdue me paraissait la meilleure des cures aux blessures qu'elle gardait en elle. Phil aurait sûrement trouvé cet état d'esprit bien trop romantique à son goût, et il n'avait pas tort, mais je n'avais rien à donner si ce n'était ça, alors je préférais agir de la sorte, plutôt que d'être ce pantin bien joli en apparence, ce pantin parfait qui au fond ne cachait rien, comme une coquille vide, à l'image de mes parents et de la vie qu'ils avaient construite sur notre dos. Jamie aurait approuvé - j'aimais me dire qu'il l'aurait fait, me rattrapai-je tristement, car lui vivant jamais je ne m'étais retrouvé dans cette situation, aussi, j'ignorais quelle aurait pu être sa réaction, et quand j'essayais de l'imaginer, je le voyais tout simplement rire ou me parler dans mes souvenirs, et ces souvenirs si criants de vie et de quelque chose qui ne serait jamais plus me serrait trop le cœur pour que je continue.

Quand Ruby entra dans le pub, donc, je compris nettement qu'elle n'était pas dans son meilleur jour, et encore plus quand elle s'approcha, les sourcils froncés. La façon dont elle se saisit du verre me laissa espérer qu'elle allait se laisser amadouer par ce cocktail que je ne faisais plus qu'à elle, parce qu'ici les clients n'étaient pas friands de ce genre de boisson un peu élaborée et elle seule savait l'apprécier, mais visiblement...

Ce n'était pas son jour. Et j'avais la désagréable impression que, pour ma part, ça allait être ma fête.


- Et si je pose les questions, tu vas répondre ?

Je me raclai la gorge, gêné, jetant un coup d’œil aux alentours. Ed et son gros copain avaient arrêté de parler et nous dévisageaient, se demandant, j'imagine, comment cette fort jolie demoiselle sur laquelle ils louchaient désespérément pouvait s'adresser à moi, qui lui offrait ses verres, d'une manière si désagréable. Stupéfait moi-même, et parce que si je m'étais préparé à ce que Ruby soit de mauvaise humeur je ne comprenais pas pourquoi j'en pâtissais moi, je ne trouvais rien à répondre, perturbé par ce retournement de situation.

- Sérieusement, ils ont jamais vu de filles ou quoi ? Qu’est-ce que ça me gave ! continua-t-elle, acerbe, ses yeux ayant apparemment suivi le même chemin que les miens, puisqu'elle venait de fusiller Ed et son ami du regard.

De mon côté, j'en fis de même, mais mon regard fut plus long et plus froid, pour leur faire clairement comprendre qu'ils n'avaient pas à se mêler de ce qui était en train de se tramer, et que si jamais j'entendais un seul de leur ricanement, j'étais capable d'aller leur dire personnellement et avec sans doute moins de formes qu'à l'habitude ce que je pensais d'eux, de leur absence d'intelligence, de leur bar miteux et de leurs vies misérables. Quand je me tournai à nouveau vers elle, elle n'avait pas baissé la garde et plus je la regardais plus je trouvais ses yeux plus agrandis qu'à l'accoutumée comme si elle avait voulu m'assassiner avec. Sa main était crispée sur le verre et j'aurais juré que si elle n'avait pas pu s'appuyer au comptoir, elle aurait tangué sur ses pieds, et j'en viens rapidement à la conclusion qu'elle avait bu avant, comme parfois, et pas qu'un peu.


- Ruby, commençai-je doucement, pour la prier de se calmer. Elle comme moi, nous n'avions pas envie de nous donner en spectacle, surtout ici au milieu de tous ces gens déplaisants, et en plus sur mon lieu de travail.

Mais elle ne l'entendait pas de cette oreille.


- Pourquoi t’as moins mis d’alcool que d’habitude ? Pour que je boive moins c’est ça ? Je suis assez grande pour boire, ça va !

La moutarde commençait à me monter au nez, et même si je savais, pertinemment, qu'il ne fallait pas que je rentre dans son jeu et que je nous enferme dans une spirale de colère, je sentais que je n'avais pas beaucoup d'options pour m'en sortir. Et je crois qu'une infime partie de moi lui en voulait de me faire ça, maintenant, sous les yeux de mon patron, maintenant, alors que ces moments que nous passions ensemble était les seuls de ma vie réglée à la minute prêt pendant lesquels je ne pensais à rien de spécial et je m'amusais bien, maintenant, alors qu'elle m'offrait sur un plateau d'argent de quoi la contre-attaquer. Et je ne le voulais pas : selon une espèce d'accord tacite je ne lui disais pas qu'elle buvait trop et qu'elle ne réglait pas ses problèmes comme il le fallait, tandis qu'elle n'insistait pas quand je ne parlais pas de ce qui était difficile pour moi.

- Tu es assez grande pour savoir que tu bois trop et je suis assez grand pour savoir que je ne devrais même pas te servir de l'alcool, ça te va comme réponse? sifflai-je entre mes dents, à mi-voix. C'était ce qu'elle voulait entendre, après tout, si je suivais où elle voulait en venir?!...

Je regrettai instantanément mes paroles. Mon regard se baissa un instant, parce que j'avais croisé le sien et Dieu qu'ils étaient beaux, ses yeux bleus parsemés d'étoiles, même quand elle était en colère - j'eus honte et je sentis de l'acidité naître dans mon ventre. Je m'appuyai au contraire, posant plutôt brutalement mon habituel torchon gris de crasse et de poussière. Ce n'était pas contre elle que j'étais en colère : c'était contre ma mère, mon père, contre la vie qui m'avait pris mon frère, contre ce bar stupide fréquenté par des sorciers stupides, mais pas elle...


- Ou alors c’est pour ça que tu me dis jamais rien ? Parce que je n’ai que 17ans c’est ça ? Tu sais, les relations entre deux personnes se basent sur l’échange. Tu crois que je ne pourrais pas comprendre ?


Fatalement.

Fatalement, on en venait là, sur ce chemin que je ne voulais pas emprunter, au milieu de ces non-dits que pourtant je semais avec talent, parce que j'évitais toujours le "on" ou le "nous" qui me venait naturellement quand je parlais du passé, parce que je prenais toujours garde à laisser flou ce qui devait le rester, à éviter les questions trop directes au sujet de la famille. Elle savait, pourtant, certaines choses - elle savait la séparation de mes parents, Oxford, mes origines écossaises, mon éducation en bonnes et dues formes, Poudlard, Serdaigle, et tout ce qui constituait de près ou de loin ma vie. Tout, sauf une seule chose, une seule pièce qui les reliait toutes, mais que je prenais bien soin de camoufler. Et pourtant elle était perspicace et souvent je devinais où elle voulait en venir, mais je bifurquais. Je pensais qu'elle le respectait vraiment ; tout comme je respectais vraiment ce qu'elle me disait, ce qu'elle taisait au sujet d'Hadrian, ou de ses familles d'accueil.


- Comprendre quoi? répondis-je très calmement et avec beaucoup moins d'agacement que précédemment, simplement parce que je savais que c'était maintenant, ou jamais, que je devais me recomposer un air placide pour lui faire croire que je ne comprenais pas de quoi elle parlait, pour lui faire croire qu'elle se trompait, et que je n'avais rien à cacher.

Je repris mon torchon, pour me donner une contenance, mais il m'apparut très rapidement que je n'avais rien à en faire. Alors, je le balançai sur mon épaule, et posai mes deux mains sur le comptoir pour m'y appuyer. Elle venait de manquer de renverser son verre dans un geste d'humeur, ce qui ne gageait rien de bon pour la suite, mais j'étais prêt.


- Assieds-toi, dis-je d'une voix douce, qui en réalité masquait un "s'il-te-plaît" plus qu'autre chose. Je m'en fiche, de ton âge, tu le sais bien, continuai-je, me maudissant car justement j'avais un peu plus tôt marqué cet écart entre nous en prononçant pile les mots qu'il ne fallait pas. Pourquoi tu t'énerves contre moi comme ça? ... Qu'est-ce que tu veux savoir?

C'était faux, c'était faux, me dis-je avec désespoir, et j'en fus surpris moi-même, car cette intensité était plutôt inattendue. Je ne voulais pas lui mentir, pas à elle, j'avais l'impression de, déjà, lui devoir tellement, alors je ne pouvais pas lui mentir ; mais je venais personnellement, en espérant la calmer, lui ouvrir en grand la possibilité de poser des questions qui pourraient être pertinentes et m'obligeraient à mentir, parce que cette fois, il n'y aurait pas de détour possible. J'avais la gorge sèche tout d'un coup, et je portai mon verre à mes lèvres : cette fois, le cocktail me parut bien fade, bien neutre, comme si la magie de sa saveur unique s'était brusquement envolée et laissait une seule petite touche amère et persistante contre mon palais.
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Ruby Standiford-Wayland


Ruby Standiford-Wayland
Apprentie à Sainte Mangouste



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MessageSujet: Re: You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé)   You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé) Icon_minitimeLun 4 Fév - 21:11

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"Ce que l'homme redoute le plus, c'est ce qui lui convient."



Peut-être que finalement, Ewan avait raison : je n’étais qu’une gamine. N’était-ce pas ce que j’étais en train de faire en cet instant même, un caprice ? Pourquoi n’étais-je pas capable de gérer mes problèmes et mes relations avec les autres comme quelqu’un de normal ? C’était incroyable à quel point ce mot me pendait à la bouche, normal ; ce que je ne serais jamais. Pourquoi avais-je besoin d’expier ma colère sur lui ? Le méritait-il autant que je le voulais ? La vérité, peut-être, était simplement que je voulais voir ce qu’il avait dans le ventre, dans tous les sens du terme. Je désirais trouver ce qu’il enfouissait, me cachait car je sentais qu’il y avait tout un pan de sa vie qui me glissait entre les doigts Mais à la fois, n’était-ce pas un test que je faisais ? Oui. Je voulais voir jusqu’où il pouvait aller, je n’arrivais pas vraiment à expliquer cette peur qui me prenait quand je sentais qu’il refusait d’être honnête avec moi. Probablement était-ce la peur de donner trop, ou de m’engager dans une impasse que j’avais créée dès le premier soir. C’était ce que je voulais, pourtant, l’impasse. Parce que sûrement était-ce plus simple. Mais au fond, une partie de moi voulait savoir ce qu’il pouvait faire si je lui demandais, s’il était capable de me fournir la vérité mais surtout d’affronter cet autre visage que je possédais, celui d’une Ruby bien moins agréable. D’une certaine manière, je le mettais en garde et je cherchais à me dire qu’il fallait qu’il s’énerve. Là alors j’aurais eu non seulement une raison de l’écarter, mais lui aurait vu à quel point j’étais malsaine pour n’importe qui de censé. Oui, encore une fois, c’était un test. Serait-il capable de rester s’il me voyait ainsi ?

C’était comme lorsqu’on lançait une pièce dans l’air pour prendre une décision. Une fois la pièce dans l’air, disait-on, on savait exactement de quel côté on voulait qu’elle retombe. Alors, que voulais-je ? Qu’Ewan s’énerve et abandonne ? Ou qu’il me laisse s’approcher ?


- Ruby.

Et je détestais lorsqu’il prononçait mon prénom. Non, en fait, c’est moi qui me détestait pour apprécier la manière dont il assemblait mes deux syllabes pour les faire sonner comme une douce mélodie, bien plus douce que je ne l’étais vraiment.

Je ne pouvais pas le laisser me voir ainsi, comme cette Ruby qu’il aurait voulu, celle du premier soir qu’il avait tenté d’embrasser –souvent, je frissonnais en repensant à ses secondes où il avait attrapé mes lèvres. Ce n’était pas juste pour lui de le laisser se bercer dans ses illusions qu’avec moi, il pourrait avoir une relation normale, et par relation je n’entendais pas –forcément- plus qu’une amitié. J’étais plus perspicace que je ne l’aurais voulu et j’avais simplement peur de ce qui pouvait naître si je le laissais prendre ce chemin, et pourtant il était moins ardu que je ne l’aurais cru, mais chaque pas me rapprochait de tout ce que je fuyais. Pourquoi, je n’arrêtais pas de me le demander, pourquoi était-ce si confus dans mon esprit pourtant si ordonné d’habitude ? C’était tellement compliqué, parce que je ne cessais de penser à Hadrian et d’en souffrir, tout comme je me maudissais de sentir mon cœur grésillait lorsque mes lèvres effleuraient la joue d’Ewan –je mettais ça sous le compte de l’alcool à chaque fois. Et en laissant mon esprit y penser, je ressentis soudain toute la colère revenir parce qu’elle se nourrissait de ma peur, car plus que des reproches je voulais réellement le faire fuir.


- Tu es assez grande pour savoir que tu bois trop et je suis assez grand pour savoir que je ne devrais même pas te servir de l'alcool, ça te va comme réponse?

On n’est jamais assez grand pour savoir que l’on boit trop. Mon esprit, traite, avait dérivé en une seule pensée vers ma mère. Les souvenirs me paraissaient encore concrets, comme si je pouvais sentir le tabac froid qui envahissait mes narines lorsque je m’asseyais dans l’escalier et que je passais mon visage à travers les barreaux de la rampe pour l’observer… Allongée sur le canapé, devant la télé presque toujours éteinte, il n’y avait pas un verre mais bien une bouteille sur la table basse –ou contre elle, comme un trophée, là où aurait dû être ma place sûrement. Je me souvenais parfaitement de ses lamentations, de mon regard embué de larmes d’incompréhension et de culpabilité. Je sentais encore mes sourcils s’arquer lorsqu’elle reprenait un peu d’alcool, du whisky en général –ce parallèle me trouait la poitrine. Je m’entendais encore gémir devant ses plaintes et ses insultes lorsqu’elle levait le visage vers moi, tout comme ces moments volés où elle me prenait dans ses bras et m’appelait sa « petite chérie ». Je me rappelais de ces midis où je tentais de cuisiner quelque chose de potable pour lui laisser sur la table parce qu’elle ne mangeait rien, et ces après-midi où l’assistance sociale venait. « Tiens-toi bien, petit monstre. » et la suite, ce n’était que sourire et mensonge. Et dès que l’assistance partait, ma mère s’affalait sur le canapé et se remettait à boire. Combien de temps ça aurait pu durer, cette comédie, avant que quelqu’un ne s’alarme ? Avant qu’elle ne réalise qu’elle buvait trop ?

L’aurait-elle seulement réalisé ? Est-ce qu’on pouvait être assez grand pour le réaliser ?


- Je ne bois pas trop. Répondis-je d’une voix basse et coléreuse, dans laquelle j’entendais gronder tous mes remords et mes mensonges.

Je contre-attaquais piteusement, mais je n’avais pas dit mon dernier moi car je n’étais pas là pour mon procès, mais bien pour faire le sien –comme si je n’avais rien à me reprocher moi, tiens !... Il avait osé répondre, d’une voix plutôt sèche et encore une fois j’en éprouvais deux sensations totalement contradictoires. D’un côté, je me haïssais d’agir ainsi et de l’autre, je me félicitais de nous protéger tous les deux en nous éloignant volontairement. Mais pourquoi alors avait-il baissé les yeux ? N’était-il pas capable de tenir tout le long de la bataille ?


- Comprendre quoi?

Sa voix s’était radoucie, comme s’il abandonnait déjà. Devais-je réattaquer ? Je le voyais bien qu’il me mentait et qu’il était incapable d’assumer ce que je savais déjà. Je ne savais pas si je l’avais observé, ou senti, mais tous les indices me menaient vers la même conclusion : il n’était pas honnête avec moi. Je ne pouvais supporter qu’il se cache de moi, parce que la confiance était bien trop importante à mes yeux pour accepter d’avoir l’impression qu’on ne me l’accordait pas en retour. Je ne cessais de me demander ce que j’avais fait, ou comment j’agissais pour qu’il soit si réticent au sujet de sa vie. Encore une fois, je me trouvais fautive sans réellement savoir de quoi et je devais creuser, comprendre ce qu’il y avait de mauvais. Etait-ce parce que j’étais trop jeune ? Ou parce qu’il ne voulait pas se lier de trop près avec moi ? Qu’est-ce qu’il retenait ? Qu’est-ce qu’il cachait ? Les questions, les peurs, tout tournait en boucle dans mon cerveau et ne faisait qu’empirer ma sensation de rage déjà trop présente. Je tentais de boire pour me calmer, mais je tanguais déjà trop sur mes pieds et je m’entendais gémir tout doucement parce que j’avais mal à la cheville, mal partout et que je voulais juste que ça s’arrête.

- Assieds-toi. Je m'en fiche, de ton âge, tu le sais bien. Pourquoi tu t'énerves contre moi comme ça? ... Qu'est-ce que tu veux savoir?

J’obéis, me laissant tomber sur le tabouret trop haut, en tanguant. Je sentais que l’euphorie habituelle de l’alcool s’était évaporée, pour laisser place à une amertume bien plus prononcé et ancrée, bien moins volatile. J’entendais ma respiration légèrement intensifiée se calmer un peu, et je fixais les yeux d’Ewan éclairés dans la pénombre par les bougies des murs. Je m’accrochais étrangement à ses iris d’un bleu délavé, presque usé tout comme lui, avec des notes de vert qui m’étonnaient à chaque fois qu’elles surgissaient… Et ses pupilles, d’un noir plus intense me semblait-il, comme un reflet de ce qu’il retenait prisonnier en lui. Je n’arrivais pas à me décrocher de son regard, non, je voulais tant savoir ce qu’il voyait quand il me regardait lui, ce qu’il me renverrait comme reflet. Mais comme toujours, ça me semblait fermé, comme à chaque fois que le terrain devenait glissant. Cependant, Ewan me donnait une possibilité d’emprunter ce chemin, de creuser. Mais m’en laisserait-il vraiment l’opportunité ?...

- Tout. M’entendis-je souffler malgré moi. Je n’avais pas pu le retenir, et je m’en effrayais moi-même. Mais ce n’en était pas moins vrai… Pourquoi tu… Tu retiens les choses ? Ma voix s’était fait plus basse, peut-être plus douce, parce que je ne voulais pas que tout le bar nous écoute. Cependant, elle n’avait pas perdu son accent de sérieux, elle claquait presque de tout le désir qui m’animait d’enfin comprendre ce qui m’échappait. Pourquoi tu ne t’entends plus avec tes parents, et pourquoi tu n’en parles jamais ? Je me mordis l’intérieure de la lèvre, me maudissant d’avoir parlé trop vite car j’étais la première à ne jamais aborder ma famille. Bon. Pourquoi tu es barman ici alors que tu viens d’une bonne famille ? Pourquoi tu travailles autant ?

J’entendais mes questions qui fusaient sans que je puisse les retenir. Toutes ces interrogations que j’avais retenu pour ne pas apeurer Ewan avec ma curiosité maladive, mais j’avais l’impression que c’était plus cette fois. J’avais besoin de le connaître. Un besoin trop fort, trop effrayant.

- Je suis énervée contre toi parce que j’ai l’impression que je ne te connais pas… Ma main s’était animée et doucement, mon index s’était posé sur son torse, pointant son cœur. Pas vraiment.

Parce que je voulais savoir ce qu’il y avait derrière cette poitrine, dans ce cœur. Est-ce qu’il manquait un battement lorsque je l’effleurais, tout autant que le mien sursautait lorsque j’osais sentir sa peau sous mes doigts ?

Qu’il abandonne ou s’accroche ? J’avais lancé la pièce dans les airs. Et l’adage disait vrai. Je savais déjà de quel côté je voulais qu’elle retombe.
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Ewan Campbell


Ewan Campbell
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MessageSujet: Re: You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé)   You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé) Icon_minitimeJeu 7 Fév - 15:49

C'était bien le dernier de mes soucis, qu'on me considère comme un lâche, mais je savais très bien qu'il aurait été juste, quelque part, qu'on me dise que je l'étais. Sans doute pas ceux qui me connaissaient vraiment - ou plutôt celui, Phil - mais le reste... Je savais que mes parents, les premiers ne s'en privaient pas. Comme ma mère devait me casser du sucre sur le dos, là-bas, alors qu'elle était restée bien à l'abri de tout dans sa petite maison d'Oxford qui brillait en apparence et cachait tous ses horribles secrets derrière des haies bien taillées et des jolis tableaux accrochés au mur! Je savais qu'elle disait "d'abord mon mari et ensuite Ewan, il est aussi lâche que son père, il a fuit, il m'a laissée...". Et c'était bien inutile de tenter de lui mettre la vérité sous les yeux, parce qu'elle n'aurait jamais la force de l'affronter. Pourtant je me rappelais parfaitement - comment aurais-je pu l'oublier - ce moment où, quelques mois après la mort de Jamie, alors que je m'étais remis tant bien que mal du choc physique que cela m'avait causé et que je reprenais petit à petit un peu d'énergie, où en rangeant notre chambre qui désormais n'était plus que ma chambre, j'étais tombé sur un vieux cahier de Jamie où il avait écrit quelques pensées. Je savais qu'il écrivait parfois, là-dedans, je l'avais vu faire plusieurs fois, mais je n'avais jamais lu, par pudeur et pas respect. Il aurait été à ma place qu'il aurait voulu savoir ce que j'écrivais, mais je n'avais pas ce besoin comme lui de tout savoir sur moi et d'assurer ma possession, et au contraire, je trouvais cela normal qu'il ait ses secrets et que j'ai les miens, malgré tout. Le cahier avait dû glisser le long de son lit quand j'avais, sûrement, rangé et fait du tri dans nos affaires pour enlever celles qui m'étaient trop douloureuses... J'étais resté de longues minutes assis sur son lit, le cahier entre mes mains, sans l'ouvrir, et j'avais senti les larmes monter parce que ce n'était pas un fichu cahier que je voulais retrouver, ce n'était pas les pensées qu'il avait couchées sur papier et que j'ignorais, c'était lui, simplement lui, et que ce n'était pas possible... Pile à ce moment-là ma mère était rentrée dans la chambre pour ramener du linge propre, il me semble, et elle s'était arrêtée net en me voyant pleurer. J'avais levé le regard vers elle et j'avais ressenti une colère immense m'envahir, car elle, et lui non plus, ils ne pleuraient jamais, ils ne parlaient plus jamais de lui, ils évitaient tout, ils fuyaient, c'était eux, les lâches! J'avais bien senti combien elle avait été mortifiée sur le coup, mais en quelques secondes elle s'était recomposé un visage, un sourire, le même qu'elle offrait lorsqu'elle gagnait ses concours de ménagère, factice et superficiel. Je lui avais demandé avec violence "Pourquoi tu ne t'autorises pas à être triste, au moins une fois?!" et elle avait évité la question, déposé les affaires, et m'avait jeté un regard comme si j'étais encore le petit enfant que j'avais été et qui signifiait "ne me parle pas sur ce ton, cesse de dire des bêtises". Je lui avais rétorqué que j'avais besoin de parler de lui, mais déjà, elle était partie. Comme toujours. C'était elle la lâche, et mon père aussi, parce qu'il courbait le dos et il acceptait tout, et j'étais seul avec mon désespoir et si je voulais simplement l'épancher un peu en en parlant, simplement... Je ne pouvais pas, car il n'y avait personne pour m'écouter.

Si bien que j'avais appris à vivre avec ça, j'avais tout avalé, tout enfoui, et je m'étais fait une raison : le passé appartient au passé. Rien de tout ce qu'aurais pu entreprendre, de toute façon, n'aurait pu faire revenir Jamie.

Alors, en ce sens, qui était lâche? Je ne faisais que me débrouiller comme je pouvais de ce qu'on m'avait appris. Mais j'en voulais toujours terriblement à mes parents d'avoir fuit et de s'être éteints, de n'avoir même pas compris que s'ils avaient perdu un fils il leur en restait un, et qui avait bien besoin d'eux. Enfin, qui avait eu besoin d'eux. Dorénavant, j'avais tiré un trait sur eux, et je m'en portais mieux.

Je m'étais reconstruit un semblant de vie et à part Phil, rien ne me rattachait à l'ancienne. C'était sans doute aussi pour cette raison que Ruby avait un rôle tellement solaire dans les rouages de mes journées. Quand elle apparaissait, elle était dénuée de tout souvenir horrible et de tout ce chagrin que je traînais malgré moi, elle était une respiration fraîche et pure, dans la grisaille quotidienne. Et pourtant... Et pourtant je n'avais pas été malheureux, avant tout ça, non, et si mon enfance n'avait pas été parfaite à bien des égards, nous n'avions pas souffert à proprement parler. Mais la mort de mon frère avait tout bouleversé, et petit à petit, la vérité, vicieuse et presque monstrueuse, apparaissait dans chaque recoin de mes souvenirs, comme pour me rappeler que tout, jusqu'au bout, n'avait été que mensonge et faux-semblants.

- Je ne bois pas trop.

Malgré moi j'eus un léger sourire tandis que mon regard se posa sur le verre qu'elle tenait. Bien sûr. Tu ne bois pas trop. Et moi, je ne cache rien. C'était tellement plus simple de nier, et non pas de nier devant les autres mais devant soi-même!

Elle me touchait bien plus qu'il ne l'aurait fallu, et pourtant, j'avais mis des barrières, très vite. Peut-être parce que j'avais été aveuglé par son éclat, justement, et qu'il m'avait pénétré avec d'avantage de forces que je ne l'avais autorisé? Ah, je détestais cette sensation - celle de savoir que j'allais mal agir, celle de choisir délibérément quelque chose qui ferait mal, des deux côtés. Mais je ne pouvais pas agir autrement, je ne pouvais simplement pas donner à Ruby ce qu'elle demandait... Pour la simple et bonne raison que j'avais construit un mur autour de moi et qu'elle me demandait de lui donner les brique du dessous, les fondations, remettant alors en branle tout l'édifice. Et elle? Que contenaient ses briques? Elle non plus ne les évoquaient pas, et puisque je respectais son silence, pourquoi s'en inquiétait-elle tout d'un coup? Je ne la quittai pas du regard, après que nos regards assassins respectifs aient fait détourner les regards d'Ed et de son complice. J'espérais juste qu'elle garde un ton correct pour que tout le bar entier n'en profite pas, mais sinon, le reste m'importait eux. Sans doute fallait-il que nous passions par là... Et je n'étais vraiment pas certain de l'issue de cette petite discussion.

A contrecœur, je lâchai tout ce que j'étais en train de faire pour m'appuyer au comptoir face à elle, avec la vague certitude que cela pouvait être la dernière fois que je la voyais ici.

Elle ne buvait pas trop mais rien que s'assoir sur le tabouret lui demanda un effort visible ; elle ne buvait pas trop mais ses gestes étaient maladroits ; elle ne buvait pas trop mais l'éclat de ses yeux si étrangement teintés d'étoiles quand elle me regardait ou quelle riait était comme voilé, comme estompé par les vapeurs de l'alcool, et même se bouche semblait plus tristement inclinée...


- Tout. Pourquoi tu… Tu retiens les choses ? Pourquoi tu ne t’entends plus avec tes parents, et pourquoi tu n’en parles jamais ? Pourquoi tu es barman ici alors que tu viens d’une bonne famille ? Pourquoi tu travailles autant ?

Touché, avais-je envie de lui répondre. Quelle perspicacité - mais cela ne m'étonnait pas, de ce que je connaissais d'elle elle était à la fois assez vive et subtile pour deviner ce qui tramait dans le cœur de certaines personnes. Comment interpréter le fait qu'elle lise en moi ainsi... En bien ou en mal? Tout, elle avait tout pointé du doigt, et ma première réaction fut de redresser la tête et de la jauger du regard, d'un air de dire : par quel miracle me comprends-tu si bien?

- Je suis énervée contre toi parce que j’ai l’impression que je ne te connais pas… Pas vraiment.

Pour couronner le tout, elle avait levé sa main et, puisque seul le comptoir nous séparait, elle avait pointé son cœur de mon doigt, et cette fois son geste ne trembla pas. Mon cœur, lui, si, et quand elle l'effleura je sentis qu'il tambourinait un peu trop fort entre mes côtes. Trop tard, semblait-il vouloir dire, ce à quoi toute ma volonté répondait : il n'est jamais trop tard, ne prend pas tes désirs pour des réalités. Alors, j'attrapais sa main comme si elle me brûlait le cœur et sans doute un peu trop sèchement, je saisis son poignet et l'éloignai de moi, avant de réfréner mon geste pour ne pas paraître irrespectueux et reposer doucement sa main sur le comptoir. Là où elle devait rester.

- Mais à quoi ça t'avancerait, de savoir tout ça? demandai-je alors, pour elle comme pour moi. Je ne me suis jamais trop entendu avec mes parents - faux, mais vrai dans l'absolu - et je n'ai pas envie de parler d'eux parce que je n'ai rien à dire sur eux, de la même manière que toi tu ne parles pas de tout quand tu me parles de tes familles d’accueil, n'est-ce pas? Je ne voulais pas paraître désobligeant : je voulais juste lui faire comprendre que ce n'était pas à elle que je ne voulais pas parler mais... je ne voulais juste pas parler tout court. Et puis, mon père a des soucis avec sa boîte, donc il vaut mieux que je gagne de l'argent de mon côté. Ce n'est pas un crime, que je sache? conclus-je avec sans doute un peu trop d’agressivité.

Et voilà : j'avais la triste sensation que tout venait de se briser - qu'elle venait de tout briser?... Pourtant, je ne pouvais pas lui en vouloir totalement.


- Est-ce que ça valait vraiment la peine de se mettre dans cet état? prononçai-je en continuant dans ma lancée alors que je savais que je jouais avec le feu, et que plus je parlais plus j'augmentais la distance que j'imposais entre nous.

Volontairement, je ne relançai aucune question - alors que j'en avais, à son sujet, moi aussi. Mais c'était tacite et nous l'avions scellé, cet accord, pourquoi ne le respectait-elle pas! Mais j'avais beau paraître calme et sûr de moi, au fond, mon cœur palpitait faiblement et je me sentais bien peu solide : est-ce que j'étais en train d'agir comme si mon histoire, mon frère, n'en valaient pas la peine?... Et surtout, comme si... Comme si Ruby n'en valait pas la peine?... La réponse, j'avais bien peur de la connaître, et parfaitement, mais je tentai de l'enfouir un peu plus loin, avec tous ces souvenirs qui, et c'était d'une ironie grinçante, se débattaient dans les eaux troubles de mon esprit pour remonter à la surface.
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Ruby Standiford-Wayland


Ruby Standiford-Wayland
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MessageSujet: Re: You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé)   You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé) Icon_minitimeMar 12 Fév - 16:08

"Qui craint de souffrir, souffre déjà de ce qu'il craint."
Montaigne




Une part de moi s’en voulait. D’être hypocrite, peut-être, car il m’était si facile de demander tout ça à Ewan alors que je gardais précieusement mes propres problèmes et mon passé. Je tentais de me dire que j’avais des raisons moi de le cacher, mais n’était-ce pas facile de lui faire cette morale tandis que je ne m’y tenais même pas ? Je n’étais pas logique –et ça m’était égal. Quoi que me dise le jeune homme, je n’allais pas le juger mais je savais que le contraire ne pouvait pas être assuré. Non pas que je le croyais capable de juger quelqu’un, mais je n’étais pas quelqu’un et c’était tout le problème. Mon histoire n’était pas celle des ragots de couloirs, à vrai dire je me demandais parfois si certains pouvaient imaginer ce genre de choses. J’avais parfois moi-même bien du mal à croire que oui, tout ça m’était arrivé, et je refusais cependant de m’y accrocher comme si ça allait me donner une quelconque identité, pire, une personnalité, d’être cette fille qui avait un passé douloureux. Et je refusais que quelqu’un me voit ainsi, en fait. Et puis, pensez-vous vraiment que je pouvais l’expliquer ainsi, au premier venu ? Je faisais confiance à Ewan, trop justement, mais je ne pouvais simplement pas. Je ne pouvais pas imaginer lui raconter, et voir soudain dans ses pupilles noires un bref éclair se consumer, se transformer, et me renvoyer soudain cette image que je connaissais que trop bien et qui semblait vouloir dire « Oh, pauvre petite. » sans pour autant pour totalement effacer une autre image, bien plus véridique, qui me criait que c’était de ma faute. Je ne voulais pas qu’il me voit comme ça, je ne voulais que personne le fasse au fond… Et puis, je lui confiais des choses, moi ! Je ne lui avais peut-être pas dit la manière dont mes parents étaient morts mais le contraire n’était pas envisageable, cependant j’avais été lui moi-même, plus que je ne l’avais été durant mes six années d’études à Poudlard. Il savait même que j’avais un peu enchaîné les familles d’accueils, sans vraiment le préciser mais à la fois, lui non plus ne le demandait pas! Il ne posait que peu de questions, comme par respect et j’appréciais ce recul et cette douceur. Mais c’était comme une distance, une vitre entre nous, une vitre teintée qui modifiait ce que l’on voyait. S’il m’avait posé les bonnes questions, lui aurais-je dis ?... Oui, sûrement.

C’était bien ça le problème.

Nous étions trop proches. Je ne savais pas dans quel sens, quelle définition j’aurais associé ce mot à notre relation, mais c’était un fait. Comme si quelque chose nous attirait l’un vers l’autre, je le sentais et je me faisais violence pour ne pas le sentir justement. Ce n’était simplement pas envisageable, j’essayais de me dire que nous n’étions qu’amis mais pourtant quelque chose ne me plaisait pas dans cette étiquette, comme si elle me paraissait illusoire. Mais c’était ce que je voulais ! Je m’accrochais à Hadrian, à la douleur que me procurait notre séparation comme pour me prouver que je l’aimais encore et qu’Ewan n’avait rien à faire dans mon esprit, que les frissons que me provoquait sa peau sous mes doigts n’étaient qu’une illusion. Ça l’était, ça l’était, ça l’était. Ce n’était que mon esprit embrumé dans l’alcool qui me donnait ces drôles de sensations. Pourtant, tout au fond de moi, je savais très bien que mes questions n’étaient qu’un test. Pour savoir si j’avais le droit de me rapprocher, si… Je ne savais pas trop comment le dire. J’avais simplement peur qu’il mette des barrières, qu’il ne me fasse pas confiance et que je comprenne alors que depuis le début nos soirées n’étaient d’un joli mirage et qu’Ewan n’attendait qu’une nouvelle opportunité pour m’embrasser, pour simplement m’avoir le temps d’une nuit parce que j’étais jolie –et j’en avais marre d’être jolie, simplement jolie, parfois, parce que ça ne m’avait pas attiré que du bon… Je voulais être plus.

Mais la pièce ne retomberait pas du bon côté. Je le compris à l’instant même où le jeune homme attrapa mon poignet dans un mouvement brusque, comme on se débarrasse d’un insecte nuisible qui vole trop près d’un point lumineux –mais il n’était pas ma lumière, ou refusait de l’être. Il sembla comprendre quelques secondes trop tard que son geste avait été presque violent et se radoucit en posant ma main sur le comptoir. Mon esprit sous les vapeurs de l’alcool interpréta cette ultime pirouette comme un geste vain pour sauver son image, pour être sûr qu’il me plairait encore après ça. Pour être sûr qu’un jour je craquerais, l’espace simplement d’une nuit –il ne voulait que ça, j’étais si stupide ! Mais le mal était fait, pensai-je amèrement, et les pièces du puzzle commençaient à se mettre en place d’une manière totalement différente que je l’avais fait jusque-là. Je détournais les yeux, soudain mal à l’aise des larmes de colères et de honte qui voulurent monter jusqu’à mes cils et que je retins en battant des paupières, énervée contre ma propre faiblesse. Pourquoi est-ce que je réagissais ainsi ? C’était ce que j’avais voulu, cette distance, dès le début, et maintenant elle revenait comme un boomerang qui me narguait, comme une claque qui brûlait ma joue pareille à celle que j’avais envoyé à Ewan le premier soir. Qu’est-ce que j’avais attendu hein ? Il fallait que je me réveille de mes illusions!


- Mais à quoi ça t'avancerait, de savoir tout ça? Je ne me suis jamais trop entendu avec mes parents et je n'ai pas envie de parler d'eux parce que je n'ai rien à dire sur eux, de la même manière que toi tu ne parles pas de tout quand tu me parles de tes familles d’accueil, n'est-ce pas? Et puis, mon père a des soucis avec sa boîte, donc il vaut mieux que je gagne de l'argent de mon côté. Ce n'est pas un crime, que je sache?

Ma tête tournait de tout le whisky que j’avais bu, et j’avais une étrange nausée comme si tout mon corps me suppliait d’arrêter parce qu’il était trop fatigué mais que pourtant, il en mourrait d’envie. Mon verre était déjà presque vide, et j’en voulais encore mais je ne pouvais plus demander à Ewan –je ne pouvais plus rien lui demander ! J’entendais mon cœur palpiter d’une colère malsaine devant les pseudos-confidences qu’il venait de me faire qui lui coûtait, il se retenait encore et je le voyais. J’avais été tellement stupide de croire qu’il me considérait assez grande, ou même qu’il me considérait tout court, pour se confier à moi et être franc. Il savait en plus, oh il le savait, que je voyais clair dans son jeu et ses mensonges! J’avais fini par comprendre sa manière d’esquiver les choses, tant dans ses paroles que dans ses gestes…

- Mes familles d’accueils me haïssaient, tu veux peut-être que je te raconte comment elles parlaient de moi aux docteurs et aux psychiatres ?! Laissai-je échapper furieusement entre mes lèvres, le regard noir avant de le détourner.

J’avais compris, moi aussi trop tard, ce que je venais de dire. Si j’avais fait comprendre à Ewan que je n’avais pas eu une enfance très joyeuse, je n’avais jamais précisé que j’étais suivie par un tas de gens en blouse blanche qui s’inquiétaient tous de ma santé mentale parce que je me mordais les poignets jusqu’au sang, que je restais des heures sous la douche, que je balançais des assiettes contre les murs avant de ranger ma chambre aussi proprement qu’un chambre stérile. L’alcool m’avait fait échapper cette information de trop, et je m’en voulais encore plus. Tout mon corps tremblait de colère, tandis que je me retenais de ne pas hurler toute ma vie à la figure d’Ewan, rien que pour lui montrer qui j’étais et en quoi je lui avais donné toutes les pièces pour résoudre mon propre casse-tête alors que lui, il s’était bien protégé et c’était facile dans ce sens-là hein !


- Me le dire n’aurait pas été un crime, que je sache. Ajoutai-je d’un ton ironique, reprenant ses propres mots en les appuyant, comme un couteau dans une plaie ouverte que nous nous amusions à ouvrir tour à tour.

J’aurais voulu lui demander pour son père, et ce qu’il prévoyait de faire, mais à quoi bon ! Il ne voulait pas se confier à moi, je le voyais bien, en fait il ne voulait rien du tout avec moi ! J’étais simplement mignonne et distrayante dans ses soirées sombres de barman, qui j’étais il s’en foutait pas mal ! J’avais eu raison de lui poser mes questions car je voyais désormais une vérité bien moins jolie que celle que j’avais cru –et j’avais eu tant raisons de m’en méfier et de garder mes distances ! J’aurais simplement dû mettre plus de barrières, comme je l’avais fait avec tout le monde depuis le début. Je m’étais rendue vulnérable tandis que lui, il s’était bien protégé, et maintenant c’était moi qui en souffrait, Ewan devait simplement être déçu de me voir filer entre ses doigts car ce n’était que ça qu’il voulait : moi, physiquement et pas de complications ! Comment avais-je pu croire qu’il avait eu de l’estime pour moi, mais quelle conne ! Finalement j’avais bien fait de boire, j’y voyais clair maintenant !


- Est-ce que ça valait vraiment la peine de se mettre dans cet état?

Et il faisait comme si de rien n’était, comme si je n’avais pas vu cette distance qu’il avait mis et clairement affiché ! Je lui en voulais encore plus, comme si ma colère augmentait avec mon ivresse, les deux se mêlant et s’influençant. Plus j’avais bu, plus j’étais en colère et plus cette haine alimentait mon ivresse et le voulait –plus d’alcool, plus !

- Oh, pardon ! Pardon de vouloir te connaître ! Répliquai-je soudainement un peu plus fortement, ne maquillant pas ma voix qui s’affichait clairement colérique et froide –autant que je le pouvais, car si j’étais froide, ça prouvait mon contrôle… Pardon d’avoir cru que tu en valais la peine ! Continuai-je en agitant mes mains, comme pour traduire la colère qui transportait mon cœur. Pardon d’avoir cru qu’on…

Mais mon « en valait la peine » ne put jamais être dit–et c’était sûrement mieux.

- Joyeuse Saint-Valentin les amoureuuuuuuuuuuuuuux !

J’avais sursauté en réalisant qu’un des angelots qui avaient arpenté Poudlard toute la journée était rentré dans le bar, sûrement échappé de chez Pieddodu. Et l’ironie avait continué, puisqu’il s’était très clairement adressé à Ewan et moi. Il ne me fallut que quelques secondes de plus pour comprendre que l’il n’avait pas l’air très frais non plus, il volait en zig-zag et je me demandais s’il n’avait pas clairement fini les fonds de verre de là où il venait, sentiment qui se confirma lorsqu’il manqua de s’écraser sur le comptoir à côté de moi. Je n’osais pas regarder Ewan, cependant je ne me gênais pas pour adresser un regard des plus meurtriers à ce stupide patron qui avait ris de la phrase de l’angelot –ah mais quel con celui-là aussi !

- Joyeuse… Joyeuse… Ohhh! Je reculai sur ma chaise devant le doigt qu’il pointait vers moi et je le jaugeais d’un air assez clair : si tu dis une connerie, je t’explose. Mais c’est la préfète ! Respire Ruby, respire, respire, respire, respire. Celle qui était dans le Daily ce matin !

Et l’ironie du sort voulait que même les angelots de la Saint-Valentin suivent l’édition du Daily pour leur jour fétiche.

Je ne lui laissais pas le temps de continuer, et tandis que le rouge me montait aux joues de colère et de honte, je saisis ma baguette et l’agitant rapidement, j’exerçais un sortilège de lévitation sur l’angelot qui soudain sembla retrouver ses esprits. Il n’eut pas le temps de répliquer ou de se débattre que je l’avais déjà expulsé jusqu’à la porte et pas en douceur vu l’état d’ivresse dans lequel j’étais, avant de l’ouvrir d’un coup de baguette pour le faire sortir avant même qu’il n’ait le temps de reprendre ses esprits.

Il y eut un silence dans le bar, et je pivotai à nouveau ma chaise face à Ewan, affrontant enfin ses yeux qui m’observaient avec étonnement.


- Quoi ?! Répliquai-je vivement, sentant ma colère se rabattre sur lui, et je tanguais un peu sur ma chaise autant que je tremblais.

Je finis mon verre d’une traite et le fis glisser jusqu’au barman avec un regard appuyé. Traduction ? J’en voulais encore. Et s’il ne m’en donnait pas, je n’avais plus aucune raison d’être ici –car il n’en était visiblement plus une.

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Ewan Campbell


Ewan Campbell
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MessageSujet: Re: You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé)   You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé) Icon_minitimeJeu 14 Fév - 15:46



Temptation, frustration, so bad it makes him cry
Beneath your perfume and make up
You're just a baby in disguise

Get out of here before you have the time to change your mind
Because I'm afraid you've gone to far

Don't stand, don't stand so,
Don't stand so close to me

Young girl you're out of your mind
Your love for me is way out of line
Better run girl, you're much to young girl



A quoi bon essayer? Tout d'un coup, je me sentais las. Quel con j'avais été de penser que je pouvais m'accorder un peu de bon temps, alors que je savais pertinemment que mon but était bien précis, et loin de tout ça. Mon travail chez l'apothicaire, ce boulot de barman en plus qui m'enchantait de moins en moins - c'était toujours la même chose, et si en plus Ruby s'y mettait elle aussi, il n 'y avait vraiment rien qui enjolivait ce travail au noir - et mes petites manigances à l'abri du regard de tous, tout cela s'imbriquait ensemble avec une organisation parfaitement orchestrée. A croire que Jamie cherchait à me rappeler qu'il était toujours là... Je pouvais l'avouer, maintenant, je n'avais rien contre l'ordre, mais chez mon frère il était tellement maladif que petit à petit cela s'était rangé dans les choses qui m'agaçaient chez lui. Et maintenant je l'avais en horreur : l'ordre, le rangement, tellement flatteur mais tellement menteur, comme le montrait notre si jolie maison familiale! Jamie n'avait jamais apprécié quand je m'en moquais gentiment en lui disant qu'il était bien le fils de sa mère, parce qu'elle entre tous, n'avait que ce mot-là à la bouche, mais pourtant, je n'avais pas tort. Et finalement, je pouvais bien me moquer : malgré moi, comme si ça avait été dans mon sang, à moindre échelle certes, mais en tout cas, il fallait toujours que tout soit arrangé. Ma vie l'était, et le sort venait de me rappeler d'une façon bien peu plaisante que je ne devais pas dévier de mon chemin. Alors, ces petites parenthèses que Ruby rendait plus fraîches et plus douces, ces petits moments comme nous en avions connu après qu'elle m'ait porté secours dans la ruelle l'autre soir, je crois que nous pouvions faire une croix dessus. D'un côté : tant mieux, pas de distractions, et mon travail ne s'en porterait que mieux. Mais je ne pouvais pas m'empêcher d'avoir un petit pincement au cœur... J'avais l'impression de rater quelque chose. Cette fille, entre toutes les filles, me plaisait d'avantage et dès le début je n'avais pas été insensible à son charme. En la connaissant d'avantage, elle me plaisait encore plus. Si la situation avait été différente, j'aurais aimé la fréquenter ; dans la situation actuelle, il ne fallait même pas l'imaginer.

- Mes familles d’accueils me haïssaient, tu veux peut-être que je te raconte comment elles parlaient de moi aux docteurs et aux psychiatres ?!

Je ne pus m'empêcher de lever un sourcil, surpris. J'ignorai ces détails, qu'elle n'avait pas précisé, et brusquement je me sentis coupable : déjà que je me sentais peu fier de ce qui était en train de se passer, c'était encore pire quand j'imaginais qu'elle avait eu une enfance si difficile que cela, car malgré tout je ne voulais pas lui faire de mal... Je cherchai son regard pour lui supplier de ne pas aller plus loin, et m'excuser, peut-être, mais il était si brouillé de colère à mon égard et d'alcool, que je ne le reconnaissais même pas.

Peu loin de nous - encore et toujours - le rire gras de Ed résonna et il me fallut un grand self-control pour ne pas aller le saisir par le col et lui dire tout ce que je pensais de lui, car le simple fait qu'il jubile de voir Ruby en colère contre moi me brûlait d'agacement.


- Me le dire n’aurait pas été un crime, que je sache.

Elle avait raison, mais je commençai à me demander où elle voulait en venir - pourquoi tant d'acharnement? Nous étions amis depuis le début, la première soirée désastreuse mise à part, et elle regrettait que je ne me confie pas autant que des amis le feraient, soit. Mais pourquoi insister de la sorte, et tout ruiner? Je savais pertinemment qu'elle avait trop bu et qu'elle ne maîtrisait sans doute pas ses pensées et ses dires, mais je commençai à me perdre un peu, cherchant le meilleur moyen de me - de nous - sortir de là. Non, ce n'aurait pas été un crime, mais pourquoi s'y attarder, encore?! Je l'avais reconnu, certaines choses ne pouvaient pas être dites, mais partant de ce postula, pourquoi ne l'acceptait-elle pas? C'était tout ou rien? Voilà qui était bien... absolu. Malgré tout j'espérais encore, et je me disais, que si seulement elle pouvait comprendre... Si seulement elle pouvait accepter cette situation, nous pouvions encore continuer, et partager ces soirées qui illuminaient mon quotidien.

J'étais bien optimiste, et une part de moi savait que je me voilais la face : passé un certain degré, les gens ne peuvent pas se contenter de tant de secrets et de mystères. Et c'était bien peu la considérer que vouloir se servir d'elle ainsi.


- Oh, pardon ! Pardon de vouloir te connaître ! Pardon d’avoir cru que tu en valais la peine ! Pardon d’avoir cru qu’on…

- Arrête, ce n'est pas ça le problème, c'est... commençai-je d'une voix lasse où pointait une note de regret. C'est? Et, qu'allais-je bien pu trouver pour justifier mon attitude, au juste?...

Par chance, on me coupa la parole - toutefois, ce fut de la chance jusqu'au moment où je compris le sens des mots de l'angelot, visiblement ivre, qui venait de rentrer dans la taverne en zig-zaguant.


- Joyeuse Saint-Valentin les amoureuuuuuuuuuuuuuux !

... Si mon geste avait été permis, je pense que j'aurais étranglé cet angelot de mes mains. Autour de nous, le silence s'était fait - évidemment - et si ce n'est le rire gras de Ed, d'autres rires moqueurs fusèrent dans la salle, derrière des capuches et des cagoules, et je les aurais bien rentrés de force dans la gorge de leurs propriétaires. Ma réaction ressembla passablement à celle de Ruby : je me sentis gêné et baissai les yeux tout d'abord, avant de fusiller Ed du regard, et de me dire que oui, effectivement, nous étions le 14 février et j'avais parfaitement oublié ce détail. Il n'était pas illogique que l'angelot s'adresse à nous, les deux seuls jeunes de la salle et surtout parce que Ruby était la seule femme, mais cette réplique ne pouvait tomber à un pire moment.

- Joyeuse… Joyeuse… Ohhh! Mais c’est la préfète ! Celle qui était dans le Daily ce matin !

Il la pointait du doigt et quand je saisis ma baguette pour l'envoyer valdinguer elle avait été la plus rapide : tanguant dangereusement sur ses longues et fines jambes, elle se chargea pour nous deux d'envoyer cet imbécile dehors. Quand la porte claqua, je sentis à la fois le soulagement m'envahir, mais j'avais l'impression que l'air était devenu encore plus dense et chargé de sous-entendus. Le visage fermé, j'entrepris alors de ranger les bouteilles sous le bar, devant moi, chose que je devais faire depuis une bonne heure au moins, cherchant à m'occuper les mains car je ne voulais pas rester sans rien faire : il y avait quelque chose à l'intérieur de moi qui se sentait de plus en plus désolé, et je n'aimais pas cette sensation, je ne voulais pas y céder. Ce soir, je voulais rentrer chez moi comme tous les autres soirs, fatigué, la tête vide, trop épuisé pour être capable de penser à ce qui aurait pu me tourmenter. Quand Ruby se rassit et qu'encore une fois l'emprise visible que l'alcool avait sur elle me fit tiquer, elle me répondit avec agressivité :

- Quoi ?!

J'hésitai - mais c'en était trop.

C'en était trop car nous allions droit dans le mur et il n'y avait aucune issue. A quoi bon? Je n'avais rien à lui offrir, et je m'étais voilé la face trop longtemps. C'était une partie de ma faute : je lui avais fait miroiter certaines choses, peut-être, je l'avais fait espérer. Parce qu'elle me plaisait et que sa compagnie m'était agréable et que... Et qu'elle m'éblouissait parce qu'elle était belle, si belle que je ne voyais plus qu'elle, je m'étais laissé faire et je m'étais glissé dans cette opportunité délicieuse, sans penser à la suite, au lendemain. Erreur fatale! Maintenant je m'en mordais les doigts : tout cela pour en arriver là... Je n'avais pas été clair, pas assez, et maintenant, et c'était bien normal, cela ne lui suffisait plus, car au bout d'un certain temps nous ne pouvions pas rester "de simples connaissances". Je regrettai tellement et j'aurais voulu lui expliquer, mais quand bien même... J'étais certain qu'elle n'aurait pas compris. Je ne peux pas, je n'ai pas le temps, je ne veux pas, comment exposer tout cela alors qu'en soi c'était stupide, un tel renfermement. Il m'aurait fallu en plus expliquer la suite, ce que je prévoyais pour plus tard, les choix que j'avais faits et qui allaient plus ou moins contre ce que je pensais aujourd'hui, et je ne voulais pas rentrer dans ces explications auxquelles je n'étais même pas certain d'avoir les bonnes réponses.

Quand j'attrapai le verre qu'elle fit glisser jusqu'à moi et que je le posai dans l'évier, ma décision était prise. Et déjà, je la regrettai. Tant pis pour moi ; je ne voulais sûrement pas, en plus de tout, m’apitoyer sur mon sort.


- Écoute. Ma voix était étrangement calme et posée et surtout, plus basse, car je ne voulais pas que quelqu'un d'autre entende. Non. Je pense que tu as assez bu. J'eus une inspiration, et quand je la regardai, je tentai de capturer son regard brillant pour le garder, comme un souvenir précieux, mais fugace. Tu devrais rentrer, tu es déjà dans un sale état... Rien qui ne va s'améliorer si tu restes là.

J'avais attrapé une éponge pour laver le verre moi-même alors que ma baguette aurait suffi - mais je voulais faire quelque chose de mes mains. J'avais peur qu'elles se crispent, et que Ruby le remarque.

- Je ne sais pas ce que tu veux exactement, mais en tout cas, je sais que je ne peux pas te le donner... C'est tout. Je haussai les épaules : mes paroles n'avaient pas vraiment de sens et je ne savais pas comment mieux exprimer ce qui était le mieux pour nous deux, mais après tout, elle l'avait cherché... Tu reviendras, si tu veux.

Dans ma tête, les questions fusaient : qu'y avait-il dans le Daily? Ainsi, elle était Préfète? Et pourquoi les familles d'accueil ne l'avaient-elles pas aimées, qu'avait-elle de détestable? Au contraire, sa franchise et sa douceur, que je repoussai en bloc, me semblaient plutôt particulièrement aimables, en d'autres circonstances. J'étais plein d'incertitudes, et encore plus sur la manière dont elle allait s'en tirer. Et puis, que pensait-elle de moi? C'était sans doute égoïste mais je regrettais aussi qu'elle croit que tout cela avait été faux, une petite mascarade, alors que j'avais réellement apprécié ces moments avec elle.

Une chose, en revanche, était certaine : elle ne reviendrait pas.
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Ruby Standiford-Wayland


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MessageSujet: Re: You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé)   You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé) Icon_minitimeVen 15 Fév - 18:27



"And I'm waiting for the day
I know you've got your part
And I'm waiting for the day
I know you'll have the heart

And I'm hoping that you'll say
That you loved me all this time
But it turns out just the same
And you break apart the things I had

Hold on, what did you say that for?
Hold on, what did you say that for?
Hold on, what do you take me for?
Hold on, what did you say that for?"


Je me maudissais de ne pas avoir su retenir les mots qui avaient franchi mes lèvres trop vite, ouvrant à nouveau un petit peu ma carapace que je n’avais pas assez protégé en protection d’Ewan, dès le début. Pourtant, c’était moi qui avais ce choix en premier lieu car je n’avais pas voulu mentir comme je l’avais tant fait. Ça m’avait même paru logique d’être vraie avec Ewan, du moins, s’il existait quelque chose de vrai en moi. A force de m’être cachée, de m’être cherchée, j’avais trop souvent eu l’impression que je m’étais simplement égarée. Mais ici, ou plutôt avec lui, c’est comme si je n’avais plus besoin de réfléchir –d’habitude, car ce soir… Mais finalement, n’était-ce pas simplement l’alcool qui avait construit toute cette illusion ? Car lorsque j’avais bu, je me sentais simplement mieux, comme si tout était plus simple. Plus simple à porter, à vivre, le sourire me devenait presque automatique et les lumières clignotaient toujours comme de petites étoiles, tout était si beau ! Si simple ! Alors que peut-être était-ce l’euphorie qui m’envahissait qui avait déformé ces soirées passées ici, les rendant bien plus douces et amusantes qu’elles ne l’étaient vraiment, et que le barman n’était pas qui je pensais qu’il était, qui je voulais qu’il soit. Et, cependant, si je laissais les souvenirs enneigés m’envahir, je me revoyais ici légèrement ivre mais totalement consciente, à parler de littérature, de potion, de tellement choses… Peut-être qu’à n’importe qui, ça aurait paru stupide, mais pour moi c’était ce genre d’instant qui était précieux parce que je ne connaissais pas ça, la simplicité, et être juste bien, ne serait-ce que l’espace d’une soirée, et en étant sobre ou presque, c’était ça qui m’allégeait le cœur. Mais je ne pouvais plus penser à ces moments, ni à ces soirées, et surtout ne pas y voir un refuge car finalement, je ne l’avais compris que trop tard, elles n’étaient que de jolies apparences.

- Arrête, ce n'est pas ça le problème, c'est...

Oh si, c’était tout à fait ça le problème, j’avais eu tort ! Complétement tort ! L’alcool qui me rendait si euphorique habituellement, soudain se retournait contre moi alors qu’il était mon dernier refuge, le seul que je connaissais par cœur et qui ne me faisait pas peur. Mais là, il semblait démultiplier ma peine, je me sentais si lourde de tout porter et d’être aussi stupide de boire autant, de m’être couper, de rester là devant Ewan alors que je n’avais plus rien à attendre de lui… C’était ça le problème, c’était moi mais c’était lui aussi, de m’avoir laissé croire qu’il valait mieux que ça. Mieux que les autres, et surtout qu’à ses yeux moi aussi j’étais différente –du moins, c’était ainsi que je me sentais quand il me regardait. L’alcool aidant, et mon mauvais état, je sentais une étrange haine se répandre dans mes veines, et soudain je revoyais Hadrian au bras d’autres filles qu’il enchaînait parce que c’était si facile de m’oublier ! Oh, oui, tellement simple, je n’étais rien ! J’entendais jusqu’au crissement des feuilles qui retentissait toujours dans mes cauchemars, parce que c’était le signal qu’en me retournant j’y verrais mon père et je refaisais toujours ce même rêve en boucle, de plus en plus depuis la soirée où Woodley m’avait fait tout revivre éveillé... Ma tête bourdonnait de tout le dégoût que m’inspirait les hommes, voire même les autres mais aussi moi-même –surtout moi-même- et que je n’étais bonne qu’à me blesser à leur contact… Je voulais juste que ça s’arrête. Je voulais oublier. Je voulais boire.

- Écoute. Il avait pris mon verre mais l’avait posé dans l’évier, et je commençais doucement à comprendre ce qu’il voulait –et je n’y croyais pas, mais quel connard ! Non. Je pense que tu as assez bu. Tu devrais rentrer, tu es déjà dans un sale état... Rien qui ne va s'améliorer si tu restes là.

Mais c’était peut-être mieux ainsi, maintenant que je comprenais enfin. Je ne plaisais pas à Ewan, il ne m’appréciait pas, du moins pas vraiment. Il me trouvait simplement désirable, et avait tout fait pour me mettre en confiance sans jamais trop se mouiller pour que je puisse craquer, qu’il ait ce qu’il voulait, avant de gentiment m’envoyer balader. Il ne voulait pas s’impliquer, alors il ne disait rien qui aurait pu le faire. Mais maintenant que je réclamais mieux, maintenant qu’il comprenait que je ne pouvais pas être la fille d’un soir qu’il voulait… Il faisait demi-tour ! Ah ! C’était tellement simple comme ça ! Pire, il se permettait de juger ce que j’avais bu ? Comme s’il avait une leçon à me donner, lui qui se planquer derrière son comptoir et ses petits mensonges ! C’était le premier à me servir et maintenant, j’étais dans un sale état ? Je sentais la colère monter, j’avais les joues qui rougissaient, et j’avais chaud, si chaud, j’en tremblais, de ça et de ma haine. Je me sentais tellement conne, et pourquoi continuait-il de me regarder hein, il avait été clair, qu’est-ce que je foutais encore ici !

- Je ne sais pas ce que tu veux exactement, mais en tout cas, je sais que je ne peux pas te le donner... C'est tout. Tu reviendras, si tu veux.

Peut-être était-ce parce que sa voix était basse, mais elle me parut très lointaine, et soudain la colère retomba pour laisser place à une espèce de torpeur peinée, et mes muscles me lâchèrent –je manquai de tomber de ma chaise. Je savais, je savais qu’il allait dire ça. C’était la vérité après tout. La rumeur du bar bourdonnait dans mes oreilles, mais je n’entendais plus les rires ou les discussions, tout était si bas et si loin… Je sentis une haine froide m’envahir, et j’en voulais tant à Ewan, et à moi d’avoir cru à ses conneries. Ma respiration se fit plus rapide, comme si je manquais d’air, car je venais de réaliser que j’avais perdu quelque chose –un lieu, quelqu’un, un tout. Mais ce qui était sûrement pire, c’était de savoir que ce quelque chose avait été faux, et m’avait probablement fait plus de mal au final. Si je n’étais pas venu ici aussi souvent, peut-être n’aurais-je pas autant pris l’habitude de boire, et si je n’avais jamais parlé à Ewan je n’aurais jamais ressenti ce sentiment étrange dans ma poitrine en comprenant que ça se terminait ainsi. Mais pourquoi réagissais-je ainsi ? C’était ce que je voulais, je le savais. Que c’était mieux pour moi, et pour lui.

- Je t’emmerde. Les mots m’avaient une nouvelle fois échappés. Mais je n’avais pas crié non, au contraire, je m’étais penchée vers lui et murmuré d’une voix basse, si basse et si lourde. J’osais le regarder, pour la dernière fois avais-je décidé, et je me haïssais d’encore trembler en contemplant la finesse de ses traits d’ange. Moi, je sais ce que tu veux, et tu ne l’auras pas. Tu ne m’auras pas, pensai-je, la rancœur brisant un peu ma voix. Je ne détaillais pas, il savait très bien ce que j’insinuais car j’avais vu fini par voir clair dans son jeu et ça ne méritait pas que l’on s’y arrête. Tu ne m’auras pas. Et tu aurais pu, si tu avais été qui je croyais –murmura ma voix lointaine dans un coin de ma tête.

Je m’étais levée mais nos regards ne s’étaient pas décrochés, peut-être parce que je voulais voir ce ses pupilles me renverraient comme image –mais elles étaient fermées, vides. Il ne restait que ses iris incroyables, mais bientôt la couleur de ceux-ci se fit plus indistincte car je sentais ma vue se troubler, non pas d’alcool mais bien de larmes. Ah, il ne manquait plus que ça !


- Et je ne reviendrais pas. Achevai-je froidement, mes paupières battant pour chasser les pleurs qui voulaient se faufiler pour une raison inconnue, et je sentis une larme perler sur ma joue –non !

J’attrapai mon sac et, le menton tremblant, je m’arrachai à sa vue sans dire quoi que ce soit d’autre, me concentrant pour surtout marcher le plus droit possible –mais tout tournait tellement !

Une fois dehors, je sentis le froid me frapper au visage et il me fit l’effet d’un choc qui me ramena sur terre. La soirée se rejoua dans ma tête et ma respiration s’accéléra en y repensant, ma tête se faisait aussi lourde que mon cœur… Rageusement, j’ôtais l’écharpe d’Ewan et la jetai sur le sol, dans la neige, cette putain de neige qui revenait à chaque fois comme pour me rappeler le premier soir. Dès que mon cou fût à la merci du vent, je sentis un hoquet me prendre, dû à la soudaine froideur qui se répandait en moi –et le hoquet redoubla lorsque je compris que je m’étais mise à pleurer. Je posai mon sac sur le sol, m’appuyant quelques secondes contre la porte pour reprendre contenance. Je revoyais le regard d’Ewan, et je sentais le doute m’envahir. Je l’entendais me dire que j’avais trop bu, et c’était le cas, alors peut-être avais-je eu tort ? Non… Au contraire, j’avais vu plus clair ! Je ne pouvais pas… Pas douter…

Le visage appuyé contre la porte, j’entendis un bruit dans le bar et soudain tout remonta, mon cœur remit en marche la machine. Je ne pouvais pas rester là ! Ewan aurait pu me voir ! J’attrapai mon sac dans un mouvement brusque et alors que la porte grinça, je me jetai dans la nuit noire en courant jusqu’à mon passage secret.

Je ne sais pas comment mon corps tenu la course, mais j’arrivais finalement dans le petit chemin, et avant d’y pénétrer, je me laissais glisser dans la neige pour reprendre mon souffle. Incapable de le calmer, emmêlée dans mes sanglots qui refusaient de s’arrêter et de s’expliquer, j’hoquetais dans le silence de la fin de soirée. Puis, revenant comme était revenu la panique sur le seuil du bar, je me sentis agité d’un soubresaut et je vomis tout ce que j’avais bu, la gorge brûlante et fatiguée. Les sanglots me coupaient la respiration, et il me fallut de longues minutes avant de réussir à me relever en m’essuyant piteusement la bouche, le corps transi de froid et de fatigue.

Alors que j’empruntais le couloir désert et humide, j’entendais la voix d’Ewan dans mon cerveau qui répétait que j’avais trop bu, et qu’il ne pouvait pas me donnait ce que je voulais –mais que voulais-je ? Mais au fur et à mesure de mes pleurs, le son de sa voix s’atténuait et doucement commençait à s’effacer de mon esprit –et je priais de tout mon être qu’elle disparaisse à jamais.
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Ewan Campbell


Ewan Campbell
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MessageSujet: Re: You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé)   You're so lovable but you're just troubled - R.S. (terminé) Icon_minitimeSam 16 Fév - 16:17



***
Here we stand
There's nothing left for you
There's nothing left for me
Here I am
There's nothing left for you
There's nothing left for me

I will never be what you want to see now

I never wanted you to go
But I'd be the last to let you know

Walk it off now
You can tell them all how I finally let you down
Stand around here in this small town
And tell me how it feels

Tell me how it feels


Comme un couperet. Cette sensation, je l'avais déjà ressentie, et il me semblait qu'elle m'était destinée, encore et encore. En même temps, on finissait par s'y habituer. Je ne me rappelais pas l'avoir ressentie de façon plus forte que cette nuit-là, quand j'avais senti la vie s'en aller de lui, de moi, de nous ; ça avait été si réel que j'avais été surpris de m'éveiller ensuite et de découvrir que j'étais vivant, alors que tout mon corps avait cru à la mort. Petit à petit, je m'étais rappelé comme on retrouve le fil d'un rêve tout ce qui s'était passé, l'instant où j'avais compris, où il avait été trop tard, où je m'étais mis à hurler comme jamais je n'aurais cru qu'il était possible de hurler. Mais, plus que tout, c'était ce souvenir de l'âpre goût de fer qui s'était immiscé dans ma bouche et de la désagréable sensation du poids de la vie qui s'abat tout d'un coup, comme une chape de plomb... Rien n'avait plus été pareil par la suite, évidemment, et je voyais le monde différemment - je le gardais pour moi car je jugeais cela trop prétentieux et surtout, rien ne servait de remuer le passé. Mais pas une seconde ne passait sans que je mesure que j'avais déjà deux existences à mon actif, celle d'avant et celle d'après, toutes deux diamétralement opposées et malgré tout ce que je trouvais à redire... La deuxième n'avait vraiment rien à envier à la première. Voilà pourquoi il était bien plus simple de tout organiser et de suivre scrupuleusement le plan sans s'épancher et sans s'égarer, parce que cela n’amènerait rien de bon, bien au contraire. Je n'étais pas certain d'être capable de supporter tout cela. Et puis, cela faisait plus de cinq années que je travaillais de la sorte, la tête dans mes travaux pour ne penser à rien, et je m'imaginais mal comment m'en sortir autrement. Il n'y avait rien qui me rattachait à rien... Et c'était tant mieux.

Pourquoi avais-je l'impression, alors, que le couperet retombait encore une fois?

Parce que je savais mes erreurs - toutes, une à une, s'alignant bien sagement sur le comptoir, entre nous. Je n'aurais jamais dû commencer, je n'aurais jamais dû laisser faire, je n'aurais jamais dû accepter, je n'aurais jamais dû me voiler la face : il y avait eu de l'engagement malgré nous. Et c'était logique, en plus. Ruby était tellement... Parfaite à bien des égards, son penchant pour l'alcool mis de côté! Elle me plaisait, parce que je me sentais bien avec elle, je me sentais écouté, je ne sentais pas jugé, je sentais qu'elle m'accordait de l'importance autant que je lui en accordais, malgré ce qu'elle croyait, nous partagions nombre de passions et d'intérêts, elle me faisait rire, elle m'intéressait, et en-dehors de tout cela, elle était si étincelante qu'à chaque fois quand je l’apercevais j'avais le cœur qui s'emballait un instant. En plus de ses jolis traits et sa toute aussi jolie silhouette, il y avait quelque chose dans l'éclat de ses yeux, sans ses longs cheveux dorés et son sourire envoûtant qui résonnait de tant de mystère, de tristesse, de mélancolie mais d'espoir aussi que je ne voulais qu'une chose : me laisser enivrer. Fermer les yeux, me laisser bercer. Elle était belle, de bien des manières.

- Je t’emmerde. Moi, je sais ce que tu veux, et tu ne l’auras pas.

Mais bien sûr ce n'était pas de circonstance et il me fallait ravaler mes pensées - je sentis l'amertume m'envahir quand elle se pencha par-dessus le comptoir pour réagir à ce que je lui avais dit. Elle était belle mais il y avait bien plus qu'un comptoir entre nous, alors, à quoi bon! Ses yeux ne me lâchaient pas et ils étaient de plus en plus voilés d'animosité, de mon côte je me sentais envahi d'un calme étrange, comme une acceptation. Je continuai de frotter mes verres en la regardant moi aussi - j'essayais de me dire que c'était mieux ainsi, pour tout le monde, mais pourtant ce que j'avais envie de secouer la tête et de me dire que c'était idiot, que tout était idiot! Pourquoi n'en étais-je pas capable? Peut-être... Parce que je ne le voulais pas. C'aurait été la meilleure des réponses pour me laisser en paix.

Je ne réagis presque pas à son insulte, ni à la suite. Ce que je voulais? Mais qu'en savait-elle? Mais elle... Elle pleurait?


- Et je ne reviendrais pas.

Pourquoi mon cœur se serra, alors que pourtant, je m'y étais attendu? Sans doute parce que soudain cette larme qui avait roulé sur sa joue fit déferler en moi une tempête de regrets... Je ne voulais pas lui faire du mal. Si il y avait bien une chose que je savais clairement dans toute cette histoire, c'était bien celle-là. Elle m’apparaissait si fragile derrière ses beaux sourires! Je voulais être celui qui l'amusait, qui lui payait des coups à boire et avec qui elle passait de bonnes soirées - pas celui qui lui montrait si peu d'égards qu'elle ne pouvait pas en retenir ses larmes. Et pourtant...

Quand elle attrapa son sac et sortit en chancelant, je revis comme un écho bien familier cette fois où nous étions sortis ensemble, qu'elle tanguait presque de la même manière, quand sous les étoiles de la nuit elle avait ri et qu'elle rayonnait tellement que ça avait été elle qui brillait le plus, et que je l'avais embrassée. Elle m'avait giflé, et elle était partie. Pourquoi fallait-il toujours que la faute m'en revienne? Je me sentis alors tellement en colère et tellement amer contre moi que je balançai mon torchon sur le comptoir si vivement qu'il glissa et tomba de l'autre côté - là où Ruby n'était plus - tandis que je bousculai Ed sans faire attention en contournant le comptoir pour m'extirper de derrière. Ils riaient probablement mais je ne les entendais même pas : je n'en avais que faire. Comme des clients qui avaient suivi, ou pas, le départ de Ruby. La porte qui avait claqué derrière elle avait fait trembler les vitres parce qu'elles étaient mal scellées dans le bois. On ne voyait rien de dehors car les fenêtres et la porte étaient calfeutrées - non seulement à cause du froid et du mauvais temps mais aussi parce que quand on tient une taverne dont la plupart des clients sont louches et qui aime à pratiquer quelques activités illicites, il vaut mieux se faire discret. Quand je posai la main sur la poignée, j'hésitai quelques secondes : et si elle était dehors à fumer, comme la dernière fois? Qu'allais-je faire au juste? Le schéma se répétait, comme si quelqu'un ou quelque chose cherchait sournoisement à me faire comprendre qu'il ne servait à rien de me débattre. Laisse couler. Laisse la couler, elle aussi.

Cette idée me révolta et dans un sursaut je tournai la poignée, j'ouvris la porte, je sortis sur le perron, la laissant claquer derrière moi. Personne. Un vague bruit de pas étouffés... La neige, comme le premier soir... Le noir, la nuit, et pas de silhouette, si ce n'était celle, haute, du château, dont quelques fenêtres étaient allumées et ressortaient dans l'obscurité.

Je ne l'appelai pas : c'était inutile. Au lieu de ça, j’aperçus par terre quelque chose de plus foncé que la neige, comme du tissu qui... Mon écharpe. Le bruit doux de mes pas qui crissèrent dans la neige me parut bien soyeux pour les amers regrets qui m'étreignaient. Ramassant mon écharpe, je ne la mis pas autour de mon cou car je savais que j'allais sentir son odeur, mais le simple geste de la ramasser fit parvenir jusqu'à moi quelques petites effluves fleuries et mentholées, que je connaissais bien. C'est alors que je remarquai une autre chose, sous l'écharpe, et je la ramassai. C'était un carnet, un petit carnet bleu, à la couverture légèrement travaillée par l'usure. Un carnet où l'on note ce qu'on pense, ce qu'on veut - je revoyais Jamie dans notre chambre - et qui appartenait, en toute logique, à Ruby. Je l'ouvris après un bref regard autour de moi, simplement pour m'en assurer. Dès la première page, quelques mots attirèrent mon attention : "14h, rendez-vous avec Lizlor". C'était à elle. Je le refermai alors comme s'il m'avait brûlé, dans l'optique de lui rendre, de... Mais comment? Pensif, je revins sur mes pas, avec mes bien piteux trophées. L'écharpe pendouillait à mon bras ; je cherchais un endroit où ranger le carnet pour ne pas le perdre mais ne pas non plus ne voir que lui. Quand je le glissai dans la poche intérieure de la veste que j'avais enfilée, je ne me rendis même pas compte qu'il avait maintenant une place tout contre mon cœur.


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FIN
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