Here comes the sun (pv Sasha) - terminé

Dimanche était probablement le jour le plus étrange de la semaine. Samedi avait cet air de fête du premier jour de repos après une semaine de travail, et le lendemain, eh bien le lendemain hésitait entre prolonger cet air entraînant ou bien se draper dans une douce mélancolie, parce lundi venait ensuite. Ce dimanche matin-là, il régnait une quiétude de début d'hiver dans les couloirs de Poudlard, et Wayne prolongea sa grasse-matinée jusqu'au milieu de la matinée, avant de finir par se lever et se préparer tranquillement. Il ne prit pas grande attention à ce qui l'entourait en s'habillant, en traversant la salle commune de Poufsouffle avec ses portes rondes comme des tonneaux, puis en cheminant jusqu'à la grande salle. Le dimanche matin, le petit-déjeuner durait traditionnellement un peu plus tard, puisque les élèves étaient moins matinaux. Megane n'était pas là, et il mangea tranquillement avec les Poufsouffle présents à sa table, avant de les abandonner et de sortir dans le parc. En fin de matinée, les dimanches, le parc était la majorité du temps désert.

Ce matin, l'air était sec et glacé mais le ciel était d'un bleu pur, rendu plus pur par la fraîcheur du temps; derrière les hautes montagnes, dans le ciel, brillait le soleil, un pâle et clair soleil de début d'hiver mais qui brillait assez fort pour éblouir et réchauffer un peu les alentours. Le temps parfait. Wayne se mit en chemin et après avoir traversé le parc, il se mit à courir autour du lac, accomplissant son footing habituel. Les quelques premières minutes furent un peu douloureuses car l'air froid lui déchira les poumons, mais il finit par s'y habituer, et adopta bien vite un petit rythme de croisière.

Quand il courait, quand il nageait, il se produisait une sorte de décantation dans son esprit qui l'aidait à mettre de l'ordre dans ses pensées et un certain calme dans ses potentielles inquiétudes. Le sport avait toujours eu chez lui la faculté de tout apaiser, de tout ranger à l'intérieur de lui, et par n'importe quel temps, il s'en fichait : il allait courir ou nager, même chez lui, à Manchester, où la piscine municipale de son quartier vivait tant bien que mal et fermait une semaine sur deux pour cause de mauvais entretien. Ces moments-là, il traversait la bretelle d'autoroute et allait courir le long des cités, des barres d'immeuble, et tout défilait vite et il ne se rendait plus compte de rien, parce que courir le transportait ailleurs. Et quand la piscine était ouverte, elle était du reste très agréable et Wayne s'y était fait des amis à y aller aussi souvent, il n'était pas rare qu'il y passe l'après-midi car après avoir nagé il allait souvent boire un verre avec les personnes qui travaillaient là-bas et avec qui il s'entendait bien.

L'avantage à Poudlard c'est que les deux possibilités lui étaient offertes, sauf quand l'hiver arrivait et que l'eau du lac devenait bien trop froide : Wayne n'était pas forcément douillet mais l'air de l’Écosse ne faisait pas de cadeau, et il avait beau se forcer, à compter du mois de Novembre, la baignade devenait une torture plus qu'autre chose. Alors, il courait. Il courait et faisait plusieurs fois le tour du lac et connaissait ses alentours comme sa poche : chaque arbre, chaque particularité du terrain, chaque branche à la forme un peu bizarre, chaque vue depuis le lac. Il aimait particulièrement quand l'automne arrivait et qu'il pouvait voir les couleurs se nuancés de rouge et d'ocre : chaque semaine, le changement était visible. La Forêt Interdite se déplumait un peu, à côté, parce que les arbres perdaient leurs feuilles, tandis que le parc se parait de brun et de pourpre, et tout cela se reflétait dans le lac, sous ce soleil étincelant qui donnait envie de courir jusqu'au bout du monde. Ces moments-là, où Wayne touchait à la liberté, lui rappelaient ce qu'il avait toujours désiré faire et qu'il ne pouvait pas s'imaginer ne pas accomplir. Bien sûr, d'autres facteurs rentraient en jeu à présent, et en première place était Megane, mais il n'arrivait pas renoncer à son rêve car il avait l'impression que ce serait se mentir à lui-même et donc à elle, par extension, si il n'accomplissait pas son rêve. Un jour, sans doute juste après Poudlard, il partirait. La question qui flottait au-dessus de sa tête comme un désagréable nuage d'orage était : oui mais, l'attendrait-elle?...

Quand il eut terminé, quand tout fut plus calme dans son esprit, il regarda à sa montre - il avait couru quarante minutes - et ralentit l'allure, puis se mit à marcher. Il fit tranquillement une dernière fois le tour du lac, en marchant, pour se laisser le temps de récupérer, et s'apprêta à retourner au château, quand un mouvement dans le ciel retint son attention. Après avoir dépassé un gros arbre, il apercevait nettement le terrain de Quidditch et des élèves y voler, puis se rappela que comme la session des matchs allait recommencer, les équipes et les élèves s'entraînaient encore plus que de coutume. Hier midi, ses amis de Poufsouffle avaient tous décidé d'aller jouer, certains pour s'entraîner pour les matchs, d'autres juste pour s'amuser, et Wayne décida alors d'aller les rejoindre. Il coupa à travers le parc et pénétra dans le terrain d'entraînement, le nez en l'air : les balais allaient et venaient dans tous les sens et il entendait es élèves crier et rire et se passer des ordres de tactique. La main en visière, Wayne les observa un moment puis alla chercher dans la réserve un balai pour voler lui aussi - il mit quelques minutes à choisir celui qui lui paraissait le plus tonique et le plus récent - puis il sortit et se dirigea vers le centre du terrain. De là, il voyait nettement les élèves disséminés dans les gradins, ceux qui étaient juste venus encourager leurs amis ou profiter du spectacle, par petits groupes, réchauffés par le soleil automnal. Non loin de lui, les yeux de Wayne s'accrochèrent à une petite silhouette qu'il reconnut sans hésiter. Elle était à Poufsouffle elle aussi, et sa cécité l'avait rendue tristement célèbre, car ce n'était pas des plus courants, une fille aveugle dans les rangs de Poudlard. Il hésita un instant, puis comme elle était toute seule, il décida d'aller d'abord lui parler avant de rejoindre ses amis. Il posa son balai sur son épaule et grimpa dans les gradins. Il traversa les rangées de siègres pour arriver jusqu'à Sasha et s'assit à côté d'elle, en essayant de ne pas être trop silencieux pour qu'elle ne sursaute pas quand il s'adressa à elle :

- Salut! C'est Wayne, dit-il simplement, car elle devait sans doute connaître sa voix, et son prénom et qui il était - l'un des avantages (...) de quand on était Mister Poufsouffle.

Il fit attention à ne pas manquer de tact, à ne demander par exemple : Qu'est-ce que tu fais là toute seule? Autrement dit : à quoi ça sert que tu sois ici puisque tu ne vois rien? Mais il lui demanda, d'une voix des plus amicales :

- Tu ne t'ennuies pas trop toute seule? Je me disais que j'allais te tenir un peu compagnie, il lui sourit par réflexe, même si elle ne pouvait pas le voir. Et je me demandais... Il passa la main sur le manche de son balai. Tu as déjà essayé de voler?

Il fixa ses grands yeux bleus étonnants, aussi jolis qu'ils lui étaient inutiles...

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Je poussais un soupir, me roulant en boule sous ma couette. Il régnait une douce chaleur dans les dortoirs, et un feu devait probablement crépiter dans la salle commune. De ma main gauche, j’atteignis mon poignet droit et pressai le petit bouton à droite du cadran de ma montre. D’une voix mécanique, l’heure en sortit en japonais. 9 heures 38 exactement. Je tendis l’oreille, cherchant à localiser mes camarades. Une… Deux… Trois ! Trois respirations. J’étais donc la deuxième à être réveillée. Je continuais d’écouter en me concentrant, fronçant les sourcils –un vieux tic qui m’était resté même si désormais, ça ne me servait plus trop. La seule qui était partie, c’était celle du lit à ma gauche. Donc… Oui, je l’attendais : à ma droite, Casey dormait encore comme un bébé. Elle avait été malade toute la journée d’hier, et j’étais restée avec elle avec des cookies que j’avais été lui cuisiner quand elle avait fait une petite sieste. Il valait mieux qu’elle se repose aujourd’hui de toute manière. Je me dégageai de ma couette tout doucement, me mettant sur mes pieds silencieusement. Une main sur le rebord du lit, je le longeais jusqu’à mon armoire où j’ouvrais le deuxième tiroir, toujours en silence. J’en sortis ma trousse de toilette et une serviette que je posais sur le sol avant d’ouvrir le troisième tiroir. Celui des tee-shirts.

Quel temps faisait-il dehors ? Pour n’importe qui, il suffisait de regarder par la fenêtre pour deviner. Moi, c’était plus compliqué. J’étais au sous-sol pour commencer, et je ne voyais rien non plus. Par conséquence, je me fiais toujours au temps de la vieille et ne sortait jamais sans mon parapluie dès septembre. Cependant, il existait la météo même chez les sorciers, et elle était affichée dans la Gazette du sorcier. Que je ne pouvais pas lire, parce qu’il n’existait pas de version en braille bien évidemment. Je demandais habituellement à Casey ou mes voisins de table, mais je n’en avais pas eu l’occasion hier, vu que j’étais restée la plupart du temps dans le dortoir avec ma camarade. Je cherchais donc un vieux tee-shirt quelconque, mon pull bleu à pois blanc –dans le premier tiroir-parce qu’il avait fait plutôt frais cette semaine et qu’on approchait de novembre et un jean –dans le quatrième tiroir. Je regroupais le tout dans mes bras, récupérais ce que j’avais laissé sur le sol et le fourrai dans un grand sac de toile que je laissais toujours accroché à droite de mon armoire. Je le mettais sur mon épaule, me permettant d’avoir les deux mains libres et me dirigeai vers la salle de bain. Je rasais comme à mon habitude les murs, arrivai à la porte, empruntai l’escalier tout en continuant à avoir une main sur le mur de droite. Après quelques marches, douze comme je l’avais compté un jour, mes doigts sentirent une porte et j’en saisis la poignée que j’abaissai : l’air humide confirmait celui des douches.

J’entendais quelques voix mais aucun qui ne m’était familière. Je fis quelque pas, tendant l’oreille. La douche de gauche semblait être libre. Je m’en approchais et tirai le rideau avant d’entrer dans la cabine et de poser toutes mes affaires. Consciencieusement, comme tous les matins, je sortis mes affaires, les disposai sur le banc, enlevai ma montre, pris mes savons avant de finalement pénétrer dans la douche même. J’adorais les week-ends parce qu’au moins, je n’avais pas à m’inquiéter du temps que je passais sous ma douche. Ma montre n’étant pas étanche, j’étais obligée d’estimer le temps que je mettais moi-même et sortais donc souvent en avance et, plus rarement, en retard. J’avais donc appris à être efficace, je ne me prélassais jamais sous l’eau même j’avais toujours adoré ça. Cependant ce matin, je profitais bien, réfléchissant à mon occupation de la journée. J’avais fini mes devoirs hier… Hum… Je verrais bien en descendant prendre mon petit déjeuner ! Une fois ma douche terminée, je finis de me préparer en me séchant rapidement les cheveux que j’assortis d’un serre-tête (le bleu, mon favori) avant de sortir pour retourner chercher mon sac dans le dortoir. En y pénétrant, je remarquais qu’il n’y avait plus que Casey qui dormait encore et vu le silence ambiant, que les deux autres étaient en train de se préparer ou parti déjeuné. Je rangeais mes affaires de toilette avec précision : il m’en fallait sinon ça devenait vite le bordel. Attrapant mon sac, je vérifiais qu’il contenait bien le parapluie, puis y fourrai ma baguette magique et le livre que Yuria m’avait offert.

Il me fallut en sortant de la salle commune, prendre ma canne pour non-voyant, à grand regret. Mais lorsque je n’étais pas accompagnée, il était plutôt risqué de me déplacer simplement en logeant les murs. Fébrile donc, je sentais les moindres vibrations de ma guide pour m’orienter, tout en me concentrant sur chaque son possible. Des rires m’indiquèrent qu’une bande venait en face, et je me plaquai à droite pour ne pas les gêner, veillant à ne pas leur donner un coup de canne dans les chevilles. Je finis par arriver dans la grande salle ou je me dirigeai à ma table. Une voix m’interpella, et j’y reconnus Chloé, une jeune fille d’un an plus grande que moi qui avait été en binôme avec moi en potions un jour et qui depuis, était très gentille avec moi. Parfois trop. Je l’entendis se lever et me saisir le bras en me saluant, m’invitant à m’asseoir avec elle et ses amies. J’acceptais joyeusement, les écoutant parler de la saison de Quidditch qui commençait –non sans amertume. De tout Poudlard, j’étais probablement la seule qui ne suivait pas les matchs… Car elle ne le pouvait pas. Cependant je ne fis aucune remarque et restais un peu en retrait comme à mon habitude. Elles avaient prévus d’aller jouer et voir leurs camarades s’entraîner. Je n’eus pas la force de refuser leur invitation, tout en sachant très bien que cela ne servirait pas à grand-chose. « Je vous attendrais dans les gradins avec mon livre ! » Quel programme de fou ! Je n’étais pas assise depuis dix minutes que déjà, j’avais envie de repartir. Je n’entendais que des rires et des bruits de balai, je n’arrivais pas à me concentrer sur mon livre et j’enrageais intérieurement. Ou plutôt, je jalousais les autres.

- Salut! C'est Wayne.

Je sursautai, lâchant presque mon livre. Je ne l’avais pas entendu venir celui-là ! Il était visiblement en face de moi, et je tentais donc de regarder dans cette direction même si mes yeux devaient probablement fixer un point au loin et non Wayne. Je ne lui avais jamais parlé d’ailleurs, mais je connaissais un peu Megane. C’était sa petite amie, mais aussi Miss Poufsouffle qui était très gentille et me proposais toujours son aide lorsqu’elle me croisait. Je n’avais par contre jamais adressé la parole à Mister Poufsouffle –Wayne en l’occurrence. Je reconnus cependant sa voix parce que je l’avais déjà entendu, et parce que son prénom était connu par toute l’école. C’était un Mister quoi. On disait souvent qu’il était beau comme un Dieu mais évidemment avec moi, son charme physique n’avait aucun impact. Il avait une jolie voix cependant, plutôt agréable et amicale lorsqu’il s’adressa à moi. Mais une question subsistait tout de même… Pourquoi est-ce qu’il venait me parler à moi ?

- Harris, n’est-ce pas ? Moi c’est Sash… Mais je présume que tu sais dé… J’étais gravement en train de m’embrouiller parce que oui évidemment qu’il me connaissait sinon il m’aurait demandé mon prénom et puis que voilà maintenant je commençais à être un peu connu, surtout à Poufsouffle, mais pas pour une raison très… Euuuh, laisse tomber. Concluais-je en mordant la merde inférieure, légèrement gênée de ma réponse.

Oui, il me connaissait probablement. Durant ma première année, j’avais été très effacée (je l’étais toujours d’une certaine manière…) et avait tout fait pour cacher ma cécité. Mais évidemment, ça ne pouvait pas durer, j’avais dû sortir ma canne, les profs me traitaient différents, mes amis aussi et petit à petit j’étais devenue la seule fille aveugle de Poudlard. Et l’une des très rare qui étaient handicapées. Ou plus vraisemblablement, la seule. Mais bon. Cependant, ce n’est pas parce qu’on savait qui j’étais que les gens trainaient plus avec moi, ou que j’avais plus d’amis. Je sentais toujours la gêne dans la voix des gens qui me parlaient, mais de moins en moins avec Casey parce qu’on devenait vraiment de bonnes amies. A part ça… J’étais plutôt la suiveuse dans les groupes qui m’acceptaient avec compassion mais évidemment, j’étais plus un boulet à trainer qu’autre chose et je comprenais tout à fait les réticences des autres. Je ne pouvais rien faire comme tout le monde, alors bon. Je n’allais pas m’imposer pour embêter le reste de la population pour qui aller jouer au Quidditch était un passe-temps formidable !

- Tu ne t'ennuies pas trop toute seule? Je me disais que j'allais te tenir un peu compagnie. Et je me demandais... Tu as déjà essayé de voler?

Je me fais chier comme pas possible fût la première réponse qui me traversa l’esprit, mais je la gardais pour moi et me contentai de faire un sourire timide. Wayne était plutôt gentil, et je ne décelais aucune pitié dans sa voix bien que je n’avais aucune idée de la manière dont il me regardait.

- C’est gentil, mais tu sais j’ai mon bouquin pour me tenir compagnie, j’ai pas envie de t’embêter. Et pour te répondre, non. C’est déjà assez compliqué sur la terre ferme tu sais, alors dans les airs ! Dis-je en haussant les épaules, consciente que ma franchise désarmante m’était souvent les gens mal à l’aise. Mais tant pis, il n’était pas question de jouer les mijaurée sur mon handicap. Tu fais partie d'une équipe? Demandai-je tout de même. Parce que même si je lui avais dis que je n'avais pas besoin de sa compagnie, en réalité, c'était tout le contraire.

La différence, c'était cette souffrance qu'imposaient les normes, cette idée étrange qu'il devait y avoir un ordre bien établi et que le premier à sortir des rangs devait être regardé d'un mauvais œil. Wayne ne pouvait pas s'empêcher de se demander ce que cela faisait : être aveugle, ne rien voir, et devoir s’accommoder de ce handicap qui en plus se répercutait sur les autres. Parce qu'il savait, avec ce qu'il avait pu voir et imaginer, que les gens devaient être gênés face à Sasha et sa cécité. C'était peut-être le plus dur finalement... Mais quand il essayait un instant de se mettre à sa place, de ne plus rien voir, les paysages, le lac, le visage de Megane ; d'être dépendant des autres pour lire, écrire et se déplacer... Il n'arrivait pas à concevoir un cauchemar plus terrible. Elle devait s'être forgé un sacré caractère pour palier à toute cette malchance, songea-t-il, en observant les grands yeux de Sasha qui ne fixaient rien de précis, qui avaient ce voile qui les coupait du monde comme le sont habituellement les yeux des aveugles.

- Harris, n’est-ce pas ? Moi c’est Sash… Mais je présume que tu sais dé... Euuuh, laisse tomber.

Harris? Il hocha la tête et sourit - par réflexe, avant de se dire qu'il fallait qu'il s'empêche les réponses gestuelles. Oui, mais il préférait Wayne. Il ne lui serait jamais venu à l'idée de l'appeler Greenhorn, il trouvait cette appellation par le nom de famille assez pompeux et méprisant ; curieusement à Poudlard c'était les Serpentard qui avaient ce genre de petites habitudes... A quelques exceptions près, parce que parfois le nom de quelqu'un lui allait mieux que son prénom, il n'agissait jamais de la sorte.

Il pianota des doigts sur son balai pendant ce court silence, et son attention fut un instant occupée par le ballet qui avait lieu dans les airs - la bande des Poufsouffles était pleine d'entrain et ses amis encerclaient à la perfection les personnes qui s'entrainaient avec le Souaffle. De loin, et Wayne était plus habitué à participer au spectacle qu'à l'observer, il y avait quelque chose de majestueux dans le vol des élèves sur leurs balais, dans les courbes gracieuses qu'ils effectuaient, dans les tracés rapides parfois vicieux qu'ils imposaient. Rien qu'à les contempler Wayne pouvait sentir ce qu'ils ressentaient en ce moment-même : le vent qui devenait piquant avec la vitesse, l'adrénaline de la hauteur, la pression de la réussite, de l'enjeu, le bonheur simple de flotter dans les airs. Il jouait au Quidditch depuis toujours et excellait plutôt en la matière, comme dans la majorité des activités physiques qu'il pratiquait. A cet instant, des clameurs tombèrent du ciel, parce qu'un Gryffondor venait de fondre vers le sol en un piqué remarquable de vitesse et de précision, et les autres l'applaudirent. Wayne ne put retenir un signe de tête admiratif, puis le jeu reprit. Quand il regarda Sasha à nouveau, il hésita à lui expliquer ce qui venait de se passer mais ne voulut pas non plus qu'elle croit qu'il la prenait pour une assistée, alors il se retint.

- C’est gentil, mais tu sais j’ai mon bouquin pour me tenir compagnie, j’ai pas envie de t’embêter. Et pour te répondre, non. C’est déjà assez compliqué sur la terre ferme tu sais, alors dans les airs ! dit-elle après un sourire timide qui sonnait plus comme une excuse.

Wayne regarda le dit livre, avant de comprendre qu'il devait être en braille - dans son immeuble à Manchester, il y avait une famille de Moldus dont la fille était aveugle, et Wayne avait toujours trouvé fascinant la façon dont elle "lisait" du bout des doigts et le regard dans le vide. La suite l'étonne moins : il ne savait pas si elle était aveugle de naissance, mais en tout cas elle n'avait pas dû pouvoir profiter des cours de vol à Poudlard, alors il se doutait qu'elle n'ait jamais essayé.

- Je crois que c'est plutôt moi qui t'embête, lui fit-il gentiment remarquer sur le ton de la plaisanterie.

L'idée qui venait de germer dans son esprit croissait aussi vite que volaient les balais dans le ciel, et le sentiment plein d'espoir que cette belle et fraîche journée ensoleillée l'empêchait de le faire changer d'avis.

- Tu fais partie d'une équipe?

Elle avait cette délicatesse qu'ont les personnes habituées à être mises de côté - cette façon amicale de maintenir la conversation tout en dédouanant son interlocuteur de remords si il voulait partir et l'abandonner là. Mais Wayne était bien trop enthousiaste de faire des nouvelles rencontres, et il avait trop le coeur sur la main aussi, pour ignorer Sasha parce qu'elle n'était pas comme les autres - il n'avait pas dit son dernier mot.

- Avant oui, commença-t-il un peu tristement, parce que l'équipe s'était dissoute puisque la majorité des joueurs était en 7ème année et qu'ils étaient partis de Poudlard. Cela lui manquait, l'ambiance de l'équipe surtout, mais le Quidditch restait un de ses passe-temps. Je continue à jouer quand même, mais avec mes amis, avec Megane, heureusement! conclut-il plus joyeusement. Megane, elle, était toujours gardienne des Silver Dragons, et il n'était pas rare qu'il s'entraine avec elle. Il aimait bien la voir voler, elle avait alors une aura de confiance en elle-même qui l'enveloppait, bien plus que d'habitude - et cela lui faisait défaut.

- Dis, tu veux bien venir avec moi deux minutes? Je voudrais te montrer quelque chose, et je suis sûr que ça va te plaire.

Sur ces paroles mystérieuses, il attrapa son balai d'une main, tandis qu'il libéra l'autre pour prendre celle de la petite fille. Puis il l'entraîna à sa suite en s'assurant qu'elle ne rate aucune marche, et descendit les gradins jusqu'aux portes qui menaient aux stades, à la pelouse au-dessus de laquelle les joueurs volaient. Il l'ouvrit et entraina Sasha jusqu'au centre du terrain. Le vent y était plus fort, sûrement parce que la forme ovale et enfoncée du terrain entouré de gradins provoquait une sorte d'appel d'air. En tout cas, pour Wayne, cet endroit était chargé en adrénaline, parce que c'était là qu'il se tenait avant que les matchs commencent, avant qu'il s'envole de manière générale... Il contempla les gradins presque vides, Poudlard au loin, puis Sasha, tout cela avec une sorte de satisfaction sereine des jours heureux, et chercha la meilleure façon d'exposer ce qu'il avait en tête sans brusquer la Poufsouffle - car il concevait qu'elle puisse avoir peur. Donner toute sa confiance à un bout de bois, ensorcelé certes, était simple dans l'idée mais moins dans les faits. Wayne lâcha alors son balai et qui se mit à l'horizontal, tout seul, à un mètre cinquante du sol. Il posa la main de Sasha, qu'il avait gardée dans la sienne, sur le manche.

- Tu vas voir, c'est bien moins compliqué que ça en a l'air. Et je monte souvent sur un même balai avec Megane, donc tu peux me faire confiance. Il sourit. Maintenant que tu es arrivée jusque là... Ça te dirait que je t'emmène faire un tour?

Peut-être que le procédé était un peu traître parce qu'il la mettait devant le fait accompli, mais quel mal y avait-il à ruser un peu pour mettre à exécution de bonnes intentions?

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Malgré moi, je me demandais ce que Wayne me voulait. Il disait vouloir me tenir compagnie ? Et on allait faire quoi ? Parler de Quidditch ? J’eus un petit rire jaune. Je ne comprenais en fait ce que cherchait un sixième année avec une seconde année comme moi… Je n’avais rien de très intéressant. Outre mon handicap. Sauf que j’espérais qu’il ne venait pas pour m’observer. Je savais que beaucoup le faisait, par curiosité que je ne qualifiais pas de mauvaise… Plutôt dérangeante. Aux yeux de tous j’étais une sorte d’Ovni et il n’était pas rare que l’on me pose des questions sur comment je survivais au quotidien comme si limite, j’étais une rescapée de guerre. D’une certaine manière, ce n’était pas faux. Devenir aveugle, c’était une bataille de tous les jours et je n’avais toujours pas gagné la guerre : c’était douloureux et malgré tous mes efforts pour m’habituer, il y avait souvent des moments difficiles. Où j’avais juste envie de disparaitre sous terre, de crier un bon coup, de tout exploser. Oui je voulais de la compagnie, mais l’idée de cette curiosité malsaine me faisait mal : je voulais qu’on s’intéresse à moi. Vraiment à moi. Pas juste à ma vue. Alors que voulait Wayne ? Il avait déjà probablement une tonne d’amis, il était populaire, avec Megane Parry qu’on qualifiait comme la plus jolie fille de Poufsouffle. Même si personnellement, je ne pouvais pas vraiment juger. Bref, de mon point de vue, le garçon avait sûrement mieux à faire que faire ma connaissance. Il voulait faire sa bonne action du jour ou quoi ?...

- Je crois que c'est plutôt moi qui t'embête.

Je niais d’un signe de tête. Bien sûr que non. Malgré toutes mes craintes, sa compagnie me faisait chaud au cœur, parce que ça changeait de ma solitude forcément. Sauf que les raisons de cette compagnie me faisaient un peu peur. Je n’aimais pas trop avoir l’espoir de me faire des amis lorsqu’il ne s’agissait que… D’une observation de mon cas. Tandis que moi, je ne pouvais rien observer du tout. A quoi ressemblait le garçon ? De ce qu’on m’avait dit, il était très mignon. Blond, avec un super sourire. Est-ce qu’il me souriait là ? Il avait dit sa dernière phrase sur un ton de plaisanterie. Logiquement, il souriait non ? Mais pourquoi prendre cette peine avec moi ? On m’avait aussi dit qu’il avait des yeux noisette, malicieux. Toutes ces choses, ce n’était que des descriptions qu’on m’avait faites, que j’avais entendu… Moi, tout ce que je pouvais connaitre de lui, c’était sa voix. Elle était douce. Assurée mais polie. Ça en disait un peu sur sa personnalité, mais en rien sur son physique. Comment pouvais-je me figurer le garçon dans mon esprit ? Malgré moi, j’assemblais plusieurs visages que j’avais vu avant de perdre la vue, pour tirer un portait probablement loin de la réalité de Wayne. Dans ce genre de moment, je n’avais qu’une envie : me lever et toucher son visage. Pour en connaitre les détails. Sauf qu’évidemment, à part passer pour une folle, je n’allais rien gagner en demandant. Je restais donc assise sur le banc, à imaginer les traits du garçon.

- Avant oui. Je continue à jouer quand même, mais avec mes amis, avec Megane, heureusement!

Megane… Il en avait de la chance, de l’avoir. Je n’étais encore qu’une gamine, mais ça ne m’empêchait pas de rêver qu’un jour moi aussi, on puisse m’aimer. Par-delà l’amitié. Sauf qu’évidemment ça me paraissait extrêmement compliqué. Qui aurait voulu s’enticher d’une fille dont il aurait fallu s’occuper sans arrêt, à la moindre sortie lui tenir la main, l’aider à ne pas se prendre une porte dans la figure et ce genre de chose. Avoir des amis était déjà compliqué pour une fille comme moi, alors un petit-ami ? C’était… Très vague comme notion, très lointaine. Et puis, je n’y connaissais rien en garçon. Parfois, j’aurais voulu demander des conseils mais Casey était un peu dans le même cas que moi. De toute manière, aucun garçon ici n’avait encore attiré mon attention… Enfin, sauf un. Qui m’intriguait, parce que j’avais l’impression qu’on s’entendait bien. Sauf que je me doutais que nous n’étions que des amis, et j’avais peur de penser que ça pouvait aller plus loin. En plus, je n’étais pas vraiment jolie. Enfin, j’avais surtout des pupilles qui partaient dans tous les sens. Je ne pouvais pas le voir, mais on m’avait déjà fait la remarque. Avant de savoir que j’étais aveugle, certains me demandaient si j’avais un problème de vue, parce que mes yeux semblaient fixer le vague et que ça me donnait un air un peu posséder. Un problème de vue… Quel jolie euphémisme.

- Tu as de la chance. Ça fait quoi de voler alors ? Demandai-je malgré moi.

Ça me gênait un peu de lui demander tout ça. Je n’allais jamais savoir ce que ça faisait, pourquoi demander de décrire une sensation qui ne pouvait que se ressentir et non se raconter ? Ma curiosité était à double tranchant. Mais je n’arrivais pas à regretter ma question, parce que j’avais toujours été comme ça : je voulais tout connaître. Même si désormais, c’était plus compliqué.

- Dis, tu veux bien venir avec moi deux minutes? Je voudrais te montrer quelque chose, et je suis sûr que ça va te plaire.

Me montrer quelque chose ?... Euh, il était conscient que techniquement, ce n’était pas facile pour moi ce genre de chose ou ?... Mais je n’osais pas répliquer et Wayne avait déjà attrapé ma main pour me faire descendre les gradins. D’habitude, on me prenait plutôt le bras, comme Casey et moi le faisions, mais ça ne me dérangea pas plus que ça : sa poigne me donnait un peu confiance. Je l’avais dit, j’étais curieuse. Méfiante, mais curieuse. Le garçon prit tout son temps pour descendre les marches, s’assurant que je m’en sortais. Bon, c’était un escalier, y en avait des tas à Poudlard j’étais habituée. Cependant, ça me fit plaisir de voir qu’il faisait un peu attention à moi. Malgré moi, j’eus un sourire. J’entendis un bruit de porte, et la soudaine rafale de vent qui ébouriffa mes cheveux me fit comprendre que j’étais désormais dans le stade. Je sentais la pelouse sous mes pieds et j’entendais le bruit des balais qui volaient. Il voulait me montrer quoi ? Les gens qui jouent ?

Haha. Non, j’déconne.

J’entendis un bruit étrange que je ne reconnus pas, comme quelque chose qui se mouvait près de moi. Puis, un instant plus tard, Wayne posa ma main qu’il tenait sur le balai. Ah c’était donc ça ? Il l’avait visiblement fait voler, un peu plus haut que moi. Je commençais à me demander sérieusement ce que Wayne voulait faire… J’avais une petite idée, mais elle me paraissait tellement folle que je n’osais pas la formuler. Il fallait pas que je me fasse trop d’espoirs de toute manière.

- Tu vas voir, c'est bien moins compliqué que ça en a l'air. Et je monte souvent sur un même balai avec Megane, donc tu peux me faire confiance. Maintenant que tu es arrivée jusque là... Ça te dirait que je t'emmène faire un tour?

… Moi ? Voler ? Genre ?... Pour de vrai ?!

- Sérieux ?! Sur le coup, je n’avais même pas cherché à cacher mon étonnement et mon excitation. Mais, ça te dérange pas ?! J’espérais vraiment que ce n’était pas une proposition en l’air. Parce que maintenant, j’avais vraiment envie de voir, parce que j’avais toujours adoré tester pleins de trucs. Je risque de paniquer, t’es au courant ? Dis-je tout de même avec un petit rire. J’avais perdu toute ma timidité, trop impatiente à l’idée d’enfin monter sur un balai, de réaliser un de mes rêves depuis que j’étais ici. Mais… Mais ça serait vraiment trop cool. Achevai-je d’un ton de confession.

- Tu as de la chance. Ça fait quoi de voler alors ?

Si Sasha avait pu voir elle aurait remarqué un petit sourire plein de mystère sur les lèvres du garçon qui se contenta d'un petit signe de la tête en guise de réponse, et rien d'autre. Il ne voulait pas mettre des mots là-dessus, non seulement parce qu'à vrai dire il n'y en avait pas vraiment - comment expliquer cette sensation absolument unique? - et aussi parce qu'il n'avait pas envie que Sasha ne puisse qu'imaginer. Sa vie devait être bien monotone, et si seulement les gens avaient fait un peu plus attention à elle au lieu de la contempler comme une bizarrerie de la nature, Wayne était certain qu'elle aurait une scolarité bien plus épanouissante. Il ne dit rien tout au long du trajet, alors qu'ils descendaient les gradins et marchaient au milieu de la pelouse. Wayne avait le regard levé vers les autres et espéraient qu'ils les avaient remarqué et remarqué Sasha surtout, parce que ça n'allait pas être le moment de lui faire des crasses si il avait à son bord une passagère qui n'avait pas besoin d'être effrayée. D'ailleurs il se demandait quelle allait être sa réaction une fois dans les airs - car elle allait dire oui, c'était certain! - de la panique? De l'excitation? Pour Wayne, voler était à chaque fois une sensation particulière mais aussi quelque chose à laquelle il était habitué, et il n'avait plus peur, où du moins il n'arrivait pas à se souvenir ce que ça faisait d'avoir peur sur un balai.

- Sérieux ?! demanda Sasha, la main sur le balai, tout d'un coup plus agitée. Ses yeux papillonnaient étrangement et ne regardaient jamais Wayne, mais il n'en était pas plus dérangé que cela. Mais, ça te dérange pas ?!

- Bien sûr que non, sourit-il. Au contraire, ça me fait plaisir!

- Je risque de paniquer, t’es au courant ? Mais… Mais ça serait vraiment trop cool.

Il se sentit très satisfait, parce qu'il avait piqué sa curiosité et qu'elle ne cachait pas son envie d'accepter. Il savait ce qu'il devait faire : levant le nez encore une fois il vérifia que le ciel était dégagé et que les autres n'étaient pas en train de se disputer le souaffle juste au-dessus de leurs têtes. Le champ était libre. Ensuite il observa les drapeaux et nota qu'il y avait peu de vent, et c'était tant mieux, car à deux sur un balais, puisque le poids est plus lourd le manche est plus sensible, et augmente la prise au vent et la sensibilité pendant le vol.

- Alors... En route! conclut-il sur un ton plein d'entrain. Tu me fais confiance, n'est-ce pas?

Car il allait avoir besoin de sa confiance aveugle... sans mauvais jeu de mots, au cours de cette entreprise. Pour commencer, il posa dans l'herbe ses affaires dont il n'avait pas besoin et invita Sasha à faire de même. Ensuite, il la souleva par la taille - elle avait une taille d'enfant et ne pesait rien pour lui - et la mit à cheval sur le balai, toujours en équilibre dans les airs. Il ne la lâcha pas avant de lui expliquer qu'elle devait se tenir des deux mains au manche devant elle, et qu'elle ne risquait rien, le temps qu'il monte et s'installe derrière elle. C'est ce qu'il fit, la lâchant quelques secondes, et enjamba le balai avec habitude, avant de s'assoir juste derrière Sacha et de passer ses bras de chaque côté d'elle pour non seulement l'encadrer mais aussi saisir le manche du balai. Il ne lui resta plus qu'à donner un léger coup de pied sur le sol - pas trop violent pour que l'envol ne soit pas trop brutal - avant de décoller dans les airs.

Aussitôt il sentit l'adrénaline monter en lui et un sourire monter sur ses lèvres. Quand il se mit à avancer, il se pencha un peu vers Sasha pour être presque contre elle afin de la rassurer. Il fit tout d'abord un lent et long cercle autour du terrain, à basse altitude, pour s'assurer qu'elle n'allait pas paniquer au point de tourner de l’œil ou bien de vouloir descendre tout de suite.

Puis, il donna un peu plus de vitesse et monta en petits cercles concentriques afin de dépasser les hauts gradins du terrain. Sasha ne pouvait pas le voir et il le regrettait, car la vue était superbe : les montagnes semblaient plus petites que quand on était à pied, Poudlard semblait moins imposant, et brillait à l'horizon un halo de lumière dorée qui était due au beau temps mais à la fraîcheur de l'air qui condensait l'humidité ambiante. Le lac brillait sous la lumière du soleil, le vert des grands sapins de la forêt était plus vif et il semblait y avoir mille nouveaux trésors à découvris, parce qu'on ne les voyait pas d'ordinaire, quand on ne volait pas. Perdu dans sa contemplation, et concentré également sur le fait de garder une allure linéaire et pas trop rapide, Wayne ne fit pas attention au groupe qui volait vers lui à grande vitesse et qui, venant d'en face, se sépara autour de lui en riant et lança le Souaffle par-dessus sa tête pour qu'un autre élève le rattrape de l'autre côté. Contraint de bouger pour ne pas se prendre la balle, Wayne dut donner un petit mouvement sec pour descendre de quelques mètres, et il sut que le geste avait sans doute été trop brutal. Il se retourna pour faire un geste significatif à ses amis en leur montrant Sasha, et poussa son balai un peu plus loin, s'éloignant d'eux.

- Désolé, dit-il d'une voix qui se voulait rassurante. Heureusement que Sasha était un poids plume et que l'absence de vent facilitait les conditions, car à part ce petit accroc, voler de la manière la plus douce possible était pour l'instant un jeu d'enfant. Après quelques secondes, il proposa : Si tu te sens prête... Je peux aller un peu plus vite.

Entre ses mains, son balai ne demandait que ça et lui aussi, mais il préférait attendre l'accord de Sasha plutôt que de se lancer dans un train bien plus rapide et nettement plus... effrayant.

Nombre de messages : 303 Date d'inscription : 08/06/2012

Si j’avais été quelque peu anxieuse et sceptique en descendant avec Wayne parce que je n’avais aucune idée de ce qu’il avait derrière la tête, j’avais désormais le cœur qui battait d’impatience dans un rythme désordonné. Voler… Est-ce que pour de vrai j’allais enfin monter sur un balai ? Cela faisait depuis mon arrivée ici que j’en avais rêvée, parce que tout cet engouement autour du Quidditch me donnait toujours des frissons –mais aussi quelques larmes. C’était vraiment frustrant que l’un des rares cours où tout le monde se précipitait avec impatience, je ne pouvais même pas y participer ou assister. Enfin si, au début je venais m’asseoir dans les gradins mais au bout de deux cours, je m’étais enfui un pleurant –enfin enfui, j’étais partie aussi vite que je le pouvais c’était à dire pas franchement vivement. J’avais une boule dans la gorge chaque jour de match et je devais bien être l’unique fille de tout Poudlard qui n’était pas dans la foule d’élève en délire à ce moment-là. Non, je restais dans mon lit avec un livre et beaucoup de mouchoirs de manière générale. A quoi bon me mêler à la foule ? Entendre leurs cris, leurs surprises, leurs « ooooh » et leurs « aaaah », ça ne me servait à rien. Quoi, j’allais suivre le match par les commentaires qu’on faisait dans le micro ?... Non, je n’avais pas envie de me donner cette peine. Le Quidditch et moi, ce n’était pas compatible, il fallait que je me fasse une raison.

Du moins, jusqu’à que Wayne me propose de monter sur son balai.

- Bien sûr que non. Au contraire, ça me fait plaisir!

Pourquoi est-ce qu’il se donnait autant de mal pour moi ? Est-ce qu’il voulait accomplir sa bonne action de la journée ? Non, d’habitude, personne ne s’appliquait autant. Je connaissais beaucoup de mes camarades qui m’aidaient de temps en temps pour me servir à table, trouver ma salle de classe ou monter les escaliers, ce genre de chose. Mais personne n’avait encore prit la peine de me faire voler. Personne ne voulait faire autant d’effort avec moi. Parfois j’avais l’impression qu’on était gentil avec moi simplement pour se donner bonne conscience et que la seule personne qui avait vraiment dépassé ça, c’était Casey. Elle, c’était sincère, elle essayait vraiment de me connaître et de me comprendre, et vice versa. Elle n’était pas mon amie pour sa bonne action de la journée non. Et alors… Wayne, c’était quoi ? J’avais l’impression qu’il était sincèrement gentil, mais je ne voulais pas tirer de conclusions trop hâtives parce que parfois, quand je pensais m’être fait un ami… Le lendemain, il ne revenait jamais vers moi et bien entendu, il m’était compliqué de le retrouver par la suite. Alors Mister Poufsouffle, politesse ou réel intérêt ?

- Alors... En route! Tu me fais confiance, n'est-ce pas?
- Bien sûr ! Répliquai vivement, impatiente de le suivre.

Le garçon posa ses affaires sur le sol et je fis de même, en profitant également pour tirer mon pull et ajuster mon jean, comme un catcheur rajusterait son costume avant de rentrer dans l’arène. J’avais le cœur qui battait très fort et les mains qui tremblaient un peu, mais j’avais tellement hâte que je passais par-delà ma peur et laissai tout naturellement Wayne me soulever pour m’aider à m’installer sur le balai –un peu comme mon papa m’installait sur les manèges quand j’étais petite. Il me montra comme tenir le bout de bois (qui vole, tout de même !) avant de monter s’installer derrière moi, ses bras m’entourant comme pour être sûre que je n’allais pas tomber. J’étais en première position mais je n’allais rien diriger… Mais mes mains serrèrent un peu plus fortement le manche et je respirai un grand coup. Quelques secondes plus tard, j’entendis un bruit significatif et…

Oh mon dieu…

Mon premier réflexe faillit de lui crier de redescendre sur le champ, mais passé la première impression de surprise, je sentis un flot de sensation déferler en moi et je ne dis rien –si ce n’est un « oh » de surprise que je ne pouvais contenir. C’était donc ça, l’adrénaline ? Je sentais tout mon corps vibrer, j’avais peur mais c’était à la fois tellement impressionnant de se sentir détacher du sol et en mouvement, je ne contrôlais rien mais j’avais confiance en Wayne. Il conduisait le balai à la perfection et pour le moment, je ne sentais qu’une légère bise qui agitait mes cheveux et cette douce impression de flotter dans les airs. Le garçon semblait faire le tour du terrain, comme pour m’habituer à la sensation de voler et je lui étais reconnaissante de commencer doucement. C’était donc ça, voler ? C’était mille fois mieux que je l’avais imaginé, simplement parce qu’on ne pouvait pas imaginer une sensation et encore moins celle d’ainsi flotter dans les airs. Ce n’était pas descriptible non et pour le moment, je n’essayais même pas de parler.

- C'est géant... Réussis-je à articuler à l'attention du garçon.

Cependant, j’eus tout de même un sursaut et étouffai un cri lorsque Wayne dévia brusquement suite à visiblement une balle qui vola près de nous –je n’entendis que le sifflement d’un objet qui fend l’air.

- Désolé. Si tu te sens prête... Je peux aller un peu plus vite.

Plus vite… Je me mordis la lèvre inférieure, un peu hésitante. Ce brusque mouvement m’avait apeuré et je réalisais que je n’avais aucune idée de l’attitude où nous étions, ce qui était légèrement dérangeant. Mais à la fois, j’étais là, et je vivais un des moments les plus intenses qui me soit arrivé et j’avais envie de tout, sauf de faire demi-tour. Serrant un peu plus fort ma prise sur le manche, je me callai bien entre les bras de Wayne avant de murmurer fermement :

- Plus vite !

Et à peine avais-je exhaussé mon vœu, je sentis l’engin prendre de la vitesse et je m’entendis éclater de rire –d’un rire de surprise franc et presque hystérique. J’avais eu raison d’approuver et de faire confiance au Poufsouffle qui maniait le balai avec une précision incroyable. Nous montions et descendions à une vitesse fulgurante, tournoyons dans tous les sens et malgré la peur qui rugissait en moi, j’avais l’adrénaline qui se diffusait partout et une envie quasi incontrôlable d’éclater de rire. Je me sentais légère dans les airs, comme si j’avais laissé tous mes soucis au sol. Les virages qui nous prenions me faisaient sursauter, les accélérations me crispaient légèrement, mais je ne pouvais enlever cette immense sourire de mon visage et cette impression de réaliser enfin l’un de mes plus gros rêves : voler sur un balai. Wayne finit par ralentir légèrement, probablement pour vérifier que tout allait bien –mais s’il avait fait attention, il avait sûrement du entendre mon rire ! Je m’apprêtais à lui demander un second tour, à le remercier, à éclater encore de rire, mais ma voix fût étouffée par une autre, celle d’une fille, que je ne connaissais pas…

- Hey Wayne ! Magnifique temps pour voler n’est-ce pas?! Ah, c’était donc sûrement une autre sixième année que je ne connaissais pas, jusque-là rien de très grave et puis elle avait raison concernant la météo, il n’y avait pas trop de vent pour déstabiliser le balai ce qui était plutôt pratique et… La vue est dégagée et sublime en plus, c’est génial ! T’as vu, on dirait que le lac est remplie de diamants, c’est vraiment magnifique. De haut, on voit des trucs vraiment dingue, d’ailleurs…

Mais je n’entendis pas la suite. Mon cerveau s’était coupé, simplement coupé. Un immense vide venait de se faire dans ma poitrine et je sentis tout le monde s’abattre d’un coup sur moi. Mon rire s’était envolée aussi facilement que je m’étais élevée dans les airs. Si j’étais à plusieurs mètres du sol, j’avais l’impression d’être enterrée vivante en cet instant.

La vue est dégagée et sublime.
La vue.
La vue…

- On peut redescendre s’il te plait ? Murmurai-je d’une voix lointaine.

Je sentais le goût salé des larmes dans ma gorge, je les sentais rouler sur mes joues, j’entendais le vent qui sifflait mais il n’y avait qu’une seule chose qui restait inchangée.

Malgré les larmes, ma vue n’était pas brouillée ou floue. Elle était simplement inexistante.

Sasha avait crié et Wayne s'était légèrement crispé - il ne voulait pas non plus qu'elle se sente mal - mais il se rendit bien vite compte que c'était l'adrénaline, la surprise et la joie de cet envol qui en était la cause. Doucement au départ, le vent leur fouettait les cheveux et heureusement qu'elle était plus petite sinon il aurait été aveuglé par ses mèches brunes. C'était d'ailleurs l'un de leur "problème" majeur avec Megane lorsqu'ils volaient ensemble, et qu'elle se trouvait devant lui, et ils finissaient toujours par avoir une crise de fou rire parce que Wayne se prenait toujours les cheveux de la jeune fille dans le visage ; ils avaient fini par trouver une parade, Megane se faisait une natte sur le côté, mais quoi qu'il arrive cela faisait partie du plaisir aussi de voler avec elle pour Wayne lorsqu'il sentait ses cheveux lui chatouiller la peau.

- C'est géant...

Content de lui, il se concentra d'avantage pour rendre le tracé parfait et sans accroc. L'idiotie passagère de ses amis mise à part, lorsqu'il dut dévier brusquement pour ne pas se prendre le Souaffle ou chavirer complètement, tout se passait bien, et il rassura la petite Poufsouffle qui avait poussé un cri en serrant un peu plus ses bras autour d'elle. Elle ne pouvait pas tomber quoi qu'il arrive, même s'ils avaient fait une pirouette, car il tenait bien en selle, et elle était coincée contre lui. Mais cela elle ne pouvait pas le mesurer, d'autant plus que c'était son premier vol - c'est pourquoi Wayne garda son calme et s'acharna à lui faire comprendre par son attitude posée qu'elle ne courrait aucun danger à proprement parler.

- Plus vite !

- C'est parti, répondit-ils sur le même ton enjoué et pressant.

Alors il poussa vers l'avant son balai qui sembla glisser dans l'air, puis en releva légèrement le manche pour monter bien plus haut et prendre de l'altitude ; après quoi il effectua quelques cercles concentriques de plus en plus rapprochés pour monter les derniers paliers et, arrivé là-haut, fit une grande courbe assez rapide qui les fit se pencher vers le centre du stade. Ils étaient en haut, tout en haut du terrain, bien plus haut que les derniers gradins et avec l'heure avancée de l'après-midi, les rayons de soleil commençaient à baisser et donnaient au paysage des nuances ocres et dorées. En plus de toutes les sensations qui le picotaient, Wayne appréciait tout particulièrement ce tableau qui ne s'offrait qu'à eux... qu'à lui, se rattrapa-t-il, et il songea avec amertume que ces spectacles inouïs de la nature était une bien grande perte pour ceux qui ne les voyaient pas. Alors il serra plus fort son manche à balai et commença à filer en piqué vers le sol, tandis que les explosions de rire de Sasha redoublaient - et l'entraînaient tout autant, il se mit à rire avec elle. Pour la première descente il fit quelques paliers en redressant de temps en temps le balais pour éviter la sensation de chute libre, mais il s’aperçut bien vite que la petite Poufsouffle n'avait pas peur. Et il s'en félicitait : il se sentit particulièrement heureux, comme si, l'espace d'un instant il était responsable d'elle.

Quand il fit quelques zig-zag à ras du sol - même si elle ne le voyait pas elle devait forcément sentir l'air près de leurs pieds et l'herbe qui touchait le bout de leurs chaussures - puis remonta en chandelle, cette fois en tournant bien plus vite sur lui-même et au rythme de ses figures Sasha riait en partant un peu plus chaque fois dans les aigus, et Wayne s'amusait à varier ses trajectoires comme rarement il le faisait, pour que ce petit tour dans les airs soit absolument inoubliable. Il hésita à tenter une pirouette complète mais se raisonna, la prochaine fois peut-être. Car il ne voyait aucun inconvénient à l'emmener d'autres fois sur son balai, si cela pouvait lui faire plaisir. D'ailleurs... D'ailleurs il songea à ses soeurs, avec qui il n'avait partagé ce genre de choses, et il se dit que c'était sans doute à ça normalement que ressemblaient les relations entre frères et sœurs, auxquelles il n'avait jamais vraiment goûté. Sa famille n'était qu'un vaste... Terrain vague où s'égaraient les quelques personnes qui la formait, sans trop se venir en aide et se parler, en vivant, comme ça, juste sous le même toit, et en attendant quelque chose que tout le monde ignorait et qui ne viendrait sans doute jamais. Les soeurs de Wayne avaient bien compris le principe, dorénavant, et elle vivait leur vie de petites adolescentes en s'enfermant dans les pires clichés qui soit. Au milieu de tout ça, Wayne tentait tant bien que mal de garder un minimum de liens entre tout le monde, mais c'était un travail de longue haleine qui le fatiguait de plus en plus, avec le temps. Il avait changé avec Megane car c'était à elle qui s'était consacré alors, tout entier, car elle au moins en valait vraiment la peine ; sauf que depuis... Les derniers incidents, encore une fois quelque chose battait de l'aile, et Wayne tentait de garder le cap, tant bien que mal.

Après une deuxième descente qui leur laissa le souffle coup et les yeux humides du vent qui leur fouettait le visage, il ralentit l'allure pour tourner, quand Naomi, une fille de sa classe, avec qui il s'entendait particulièrement bien - et peut-être trop du côté de la jeune fille, l'apostropha, croisant leur trajectoire :

- Hey Wayne ! Magnifique temps pour voler n’est-ce pas?! La vue est dégagée et sublime en plus, c’est génial ! T’as vu, on dirait que le lac est remplie de diamants, c’est vraiment magnifique. De haut, on voit des trucs vraiment dingue, d’ailleurs…

Wayne n'était absolument pas quelqu'un de violent, mais si en cet instant il s'était trouvé sur la terre ferme, en face de Naomi, et qu'il n'avait pas eu de scrupules à frapper une fille, il lui aurait probablement mis une gifle bien sentie. Les lèvres pincées, il ne lui répondit pas, se contentant d'un regard glacial qui en disait long, avant de pousser son balai un peu plus loin. Il savait que les gens n'accordaient pas beaucoup d'importance à Sasha et se moquaient plutôt de sa cécité, mais ce flagrant manque de compréhension acheva de le mettre en rogne.

- On peut redescendre s’il te plait ? demanda Sasha d'une toute petite voix.

Évidemment, elle ne riait plus, évidemment, elle ne devait plus trop avoir envie de voler et de "profiter de la vue". Obéissant sur le champ - de toute façon il ne voulait pas l'épuiser non plus, ils avaient déjà fait un bon tour - il descendit doucement en quelques arabesques, mis pied à terre au milieu du terrain là où ils avaient laissé leurs affaires, puis souleva Sasha par les épaules et la posa doucement par terre. Elle pleurait, et ses grands yeux clairs qui ne pouvaient pas voir étaient tout baignés de larmes. Wayne sentit son cœur se serrer, et il lui essuya les joues de son pouce en lui souriant, sans qu'elle puisse s'en rendre compte.

- Tu sais, je me suis bien plus amusé à t'entendre rire et à faire des piqués et des descentes dans les airs qu'à regarder la vue. Ça en valait la peine, tu ne crois pas? ajouta-t-il en se penchant vers elle. Il rattrapa leurs affaires, mis son balai sur son dos, et tendit les siennes à Sasha, avant de l'entraîner vers la sortie du terrain. Maintenant que tu es devenue une grande sportive, il faut que tu suives le régime des grands sportifs : je t'emmène boire un bon chocolat chaud dans les cuisines. Viens!

Et il lui prit la main, prenant bien garde à parler d'une voix enjouée mais pas trop. Sur le trajet, il lui commenta quelques figures qu'ils avaient faites en lui faisant part de son admiration car elle n'avait pas du tout eu peur, et que surtout elle avait été une passagère très agréable car elle avait bien compris le fonctionnement et le rôle du poids qu'il ne fallait pas trop bouger brusquement, et elle ne l'avait jamais déstabilisé ou gêné dans ses manœuvres. Mais tout en parlant, il réfléchissait : comment se faisait-il qu'on ne trouvait pas de remède pour ses yeux? Alors qu'elle était jeune, alors que la médecine sorcière ne cessait de se développer et qu'elle trouvait des remèdes à des maladies graves et incurables? Il avait récemment trouvé un livre de médecine avancé, puisqu'il préparait déjà ses ASPIC, et que Kelsey lui avait conseillé de s'intéresser particulièrement à tout ce qui touchait à la science de Guérison. Il se promit de se pencher sur la question, dérangé par une vague impression d'injustice qui ne le quitterait pas si il ne tentait rien.

FIN

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