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Ruby Standiford-Wayland Apprentie à Sainte Mangouste
Nombre de messages : 2205 Localisation : Cachée. Date d'inscription : 03/09/2011 Feuille de personnage Particularités: « and from the rain comes a river running wild that will create an empire for you. » Ami(e)s: Lizlor; « Maybe home is nothing but two arms holding you tight when you’re at your worst. » Âme soeur: « Lover, when you don't lay with me I'm a huntress for a husband lost at sea. »
| Sujet: ~ Bittersweet. [PV E.] Ven 14 Juin - 14:16 | |
| Ma première semaine de vacances m’avait laissé une sensation douce-amère sur le bout des lèvres. Douce, car je l’avais passé en compagnie de Lizlor et de sa famille, dans leur demeure dans le Kent. Il n’y avait aucun lieu similaire, aucune sensation qui pouvait égaler cette impression d’être à la maison lorsque je pénétrais entre ses murs, dans cette atmosphère surannée et délicate, où tout était clair et simple. Je ne me souvenais pas qu’un seul instant, j’avais ressenti une pointe de doute sous ce toit, comme si j’y étais intouchable. Sara ne me traitait ni comme sa fille, ni comme une invitée, je ne cherchais pas à apposer de mots sur cette sensation qui me prenait dans le creux de la poitrine lorsqu’elle me regardait et qu’elle me souriait. Conrad non plus ne me voyait pas simplement comme la meilleure amie de sa sœur, j’étais une personne à part entière et j’avais la réelle impression qu’il m’appréciait. Et puis il avait simplement Lizlor, nos après-midi en vélo, nos éclats de rire, nos discussions jusqu’à trois heures du matin dans le jardin avec nos cigarettes, nos danses en écoutant le vieux post de radio, nos nuits passées l’une contre l’autre, nos déjeuners passés à cuisiner ensemble et à se faire des moustaches en chocolat lorsque nous préparions des pâtisseries, nos concours de chatouilles et de grimaces, nos heures passées où j’essayais de lui faire réciter ses cours d’histoire de la magie et nous finissions par se faire les ongles en mangeant des pop-corn et à parler… C’était tous ces moments qui formaient cette aura toute douce qui m’envahissait, comme un petit nuage cotonneux dans lequel je m’enfonçais et où le reste s’envolait.
Mais il y avait quelque chose d’amère au milieu de tout, quelque chose auquel je ne m’étais pas attendu : le manque. Et non, je ne parlais pas de l’alcool… C’était Ewan qui me manquait, et bien plus que je n’aurais voulu m’autoriser. Ce qui m’étonnait plus, c’était que ça surgissait lorsque je m’y attendais le moins, simplement lorsque Sara parlait d’un ingrédient de potions, et que soudain je pensais à lui et je sentais un creux béant dans ma poitrine, et j’avais envie, tellement envie de le voir que ça me dépassait. Pourtant, habituellement, je ne le voyais que deux, trois fois par semaines, mais c’était peut-être la perspective d’attendre pour le voir qui rendait la chose plus terrifiante. Nous étions partis le samedi en fin d’après-midi, et j’avais passé la soirée de la veille avec Ewan. Dès le lendemain soir, lorsque j’avais pensé à lui en lui écrivant une lettre en lui disant que j’étais bien arrivée, j’avais réalisé qu’il me faudrait attendre presque dix jours avant d’être avec lui, physiquement, et ça m’avait frappé comme si la réalité s’était soudain matérialisé violemment devant moi. Bien sûr, quand j’étais avec Lizlor, je m’amusais tant que ça allait mieux, car nos moments simplement ensemble étaient sacrés… D’où cette sensation douce-amère, à la fois je ne voulais pas quitter le Kent et en même temps, je voulais voir Ewan, et je me consolais en me disant que j’aurais les deux, et qu’il suffisait d’être patiente.
Ewan m’avait proposé de venir passer la deuxième semaine chez lui, et je devais bien avouer que lorsqu’il l’avait fait, j’avais senti une multitude de picotements sous la peau. Incapable de cacher ma joie, je me rappelais de ma surprise et de mon excitation, parce qu’il m’avait ensuite dit qu’il poserait quelques jours de vacances et je n’avais rien de trouver de mieux comme réponse que de l’embrasser et de rire en même temps avant de m’enfouir dans ses bras en souriant, comme si mes muscles étaient bloqués en un rictus heureux. Nous avions donc prévu ma venue pour le lundi soir, Sara devait de toute manière revenir à Poudlard pour le travail et Lizlor avait donc décidé de passer du temps avec Stephen pendant cette semaine – je lui avais aussi promis qu’elle viendrait dîner avec Ewan et moi un soir, j’étais sûr qu’il serait d’accord de toute manière. Dès le dimanche soir, la même sensation était revenue, douce-amère, parce que je ne voulais pas quitter la paisible campagne anglaise et qu’en même temps je n’en pouvais plus d’attendre de revoir Ewan. J’avais passé le temps en organisant ma valise, puis celle de Lizlor, puis je m’étais refait les ongles, j’avais choisi longuement ma tenue, puis je m’étais allongée dans le lit en fixant le plafond, tapotant mes doigts sur mon ventre avant que Lizlor ne me saute dessus pour me chatouiller et ruiner mon vernis par la même occasion. J’étais incapable de dormir, et vers deux heures du matin, Liz commença à se plaindre que je bougeais trop – nous dormions toujours dans le même lit, même s’il y en avait d’autres. Elle finit par accepter d’aller fumer une dernière cigarette avec moi, et nous nous étions finalement coucher vers cinq heures du matin. Ce n’était pas très raisonnable, et le lendemain après avoir transplaner jusqu’à Poudlard, nous avions passé l’après-midi à dormir chacune dans nos dortoirs respectifs. Le soir, j’avais le cœur qui tapait dans ma poitrine à diner, et j’avais l’impression qu’il ne serait jamais l’heure. Malgré la fraicheur du début de soirée, j’avais tenu à mettre mon short taille haute bleu marine parce que Liz m’avait assuré qu’il me faisait une jolie silhouette, et mon débardeur blanc et une chemise ouverte avait obtenu son approbation. Je ne savais pas trop pourquoi, mais j’avais un drôle de stress qui montait dans ma poitrine. Qu’est-ce que je craignais ? Rien, me rappelais-je, j’étais sûre que ça irait.
Mais rien n’était aussi simple. Je le sentis lorsque je me descendis de mon dortoir avec ma petite valise dans laquelle j’avais paqueté toutes mes affaires pour la semaine, et que je passais devant deux filles de septième année. Sur mon passage, je les entendis murmurer, mais un mot claqua dans mes oreilles très distinctement. « Apothicaire ». Je sentis un étrange sentiment envahir ma poitrine et soudain, toute mon impatience retomba, ma tête tournait un peu… Je m’en fichais de ce qu’elles disaient, répétai-je silencieusement en descendant les marches, mais c’était trop tard, je le savais. Je sentis mon sourire s’affaisser et un drôle de mal-être s’installer. Et si je n’avais pas manqué à Ewan ? Une fois arrivée dans Pré-au-Lard, alors que la nuit venait de tomber doucement sur les habitations et les commerces, je sentis mon pas se faire plus lent. Je me détestai, pensai-je amèrement, d’être atteinte si facilement. J’allais voir Ewan, est-ce que ça ne pouvait pas me suffire ?! J’avais hâte, ça allait parfait, je le savais, je le savais… Mais…
Devant les Trois Balais, je me stoppai, hésitante.
Ma valise lévitait sagement à côté de moi, et d’un coup de baguette, je la fis tomber sur le sol, doucement. Silencieuse, je restai devant la devanture, à regarder les lumières à l’intérieur, à écouter les rires et le bruit des verres qui s’entrechoquaient. Ça m’était monté d’un coup, sans que j’y prenne garde, et soudain je ne voyais pas d’autres solutions que de rentrer et de prendre simplement un verre. L’envie était si rapide, si fulgurante, que je clignai des yeux plusieurs fois –devant mes paupières, de petites étoiles dansaient. Je pris une grande inspiration, me raisonnant. Je pouvais simplement prendre une bierraubeurre, n’est-ce pas ? Je n’avais pas bu une goutte chez Lizlor, pas une, et ça prouvait bien que j’étais capable de tenir. C’était fini, je pouvais maintenant reprendre un verre comme n’importe qui, n’est-ce pas ? Ce n’était pas pour ça que ça me rendait alcoolique, ou accro, tentai-je de me convaincre. Je savais que j’avais tort – je n’avais pas oublié ma discussion avec Daniel – mais il fallait que je me justifie. Lorsque je pénétrai dans le bar, je sentis une vague d’amertume me prendre à la gorge, mais elle ne m’empêcha pas de commander une bièraubeurre. Je sortis alors, et la brise fraiche me fit frissonner… Ou peut-être était-ce que j’étais en train de faire ? La rue était animée et soudain, je sentis la panique m’envahir, et je me marchai jusqu’à une petite rue sombre, loin des regards. Personne ne va te voir, commença la petite voix dans ma tête qui me poussait à boire, et faisait trembler mes mains. Je sentais ma respiration s’accélérer, et fermant les yeux, j’approchai mes lèvres du rebord du verre. Juste une gorgée.
Mais je ne sentis pas l’alcool couler dans ma gorge et réchauffer mon corps. Quelque chose m’arrêta, un bruit lointain, comme une plainte proche du gémissement. Je réalisai alors que je n’avais pas fait attention, trop préoccupée par mon verre, et je plissai les yeux en fixant la rue qui j’avais cru déserte. Je sentis alors un courant électrique me parcourir, comme si soudain tout s’était arrêté, et mon cœur se décrocha de ma poitrine.
- EWAN ! Mon cri s’était échappé d’entre mes lèvres au même moment que le verre avait glissé de mes mains, et le verre s’explosa sur le pavé en écho à mon appel.
Il était là, sur le sol, appuyé contre le mur, asseyant de se lever visiblement. Je ne voyais pas encore distinctement, mais une chose était sûre, il était blessé. Je courus jusqu’à lui, me jetant littéralement à genou devant lui. Mais je n’eus pas le temps de lui dire quoi que ce soit, déjà je sentis son corps s’affaisser et il ne prononça qu’une seule chose : mon prénom. Je l’entendis à peine, car je venais d’éclater en sanglot, comme si toute la panique qui soudain m’habitait cherchait s’extérioriser. Nerveusement, je chassai les larmes après avoir rattrapé Ewan pour qu’il ne s’effondre pas sur les pavés, et je me mordis les lèvres, tentant de stopper les milliards de pensées qui m’étranglaient. Il avait la pommette blessée, et sa veste était toute déchirée au bras droit, ce qui supposait que sa peau dessous ne devait pas être en très bon état. Mais ce n’était pas ça qui retournait le plus mon cœur, s’était l’immense entaille sur son torse qui s’étendait sur trente bon centimètres et qui saignait abondamment. Sa chemise était déchirée, et je pouvais voir que la blessure ressemblait à une brûlure, ça n’avait rien à voir avec quelque chose d’habituel. Je n’avais pas encore observé, que je sentais déjà que ce n’était pas de la magie formelle qui en était la cause. Rapidement, j’ôtai ma propre chemise, et je la nouai autour de lui pour stopper l’hémorragie avant de me lever en soulevant Ewan. Il était inconscient, et même s’il n’était pas très lourd, je nous appuyai contre le mur, me sentant chanceler sous son poids et la panique qui gagnait chaque parcelle de mon être.
Mais je n’avais pas le temps de paniquer. Je devais agir vite. Il fallait que nous rentrions à l’appartement, et transplaner était la seule solution. D’un coup de baguette, j’attirai ma valise jusqu’à moi, je fermais les yeux. J’avais eu mon permis, mais de justesse, et je n’aimais toujours pas ce moyen de transport –il y avait tant de risques ! Et l’utiliser dans un état pareil, c’était risqué, je le savais. Je fronçai un peu plus les sourcils. Je devais le faire, pour lui. J’allais transplaner, et ensuite tout irait bien, j’allais m’occuper de lui… Il va bien, me répétai-je en boucle, il va bien, tout va bien, et c’est à cette unique pensée que je m’accrochai lorsque je disparus dans un craquement sonore.
Nous étions devant chez lui, entiers, et j’avais ma valise. J’avais réussi, mais je ne sentis aucune fierté ni soulagement, car appuyé contre moi, j’entendis Ewan gémir de douleur, et je raffermis ma prise sur lui puis glissai ma main dans la poche de sa veste pour y trouver les clefs. Je le sentis une nouvelle fois glisser, comme s’il perdait consciente à nouveau. Je m’appuyai contre la porte pour l’ouvrir, et sentis les larmes rouler sur mes joues une nouvelle fois lorsque je réalisai qu’il nous restait encore les escaliers à monter. Je ne pouvais pas le porter, et mon cerveau embrumé réfléchissait à 100 à l’heure, constatant que l’unique solution était de le faire léviter. J’attrapai la poignée de ma valise, et soufflant un grand coup, j’agitai ma baguette que je tenais dans l’autre main en retenant ma respiration. Je ne devais penser à rien, je m’interdisais de penser à autre chose qu’à simplement réussir à faire léviter Ewan, il fallait que je me concentre et tout irait bien. Ne penser à rien. Simplement au sortilège. Pas à la blessure – son corps eut un sursaut, comme si mon sort s’apprêtait à se couper, et je me rattrapai à temps. Jamais des escaliers ne me parurent aussi longs, et lorsque nous arrivâmes enfin devant chez lui, je sortis les clefs de ma poche, mais elles me sautèrent des mains – maudite panique. J’avais la vue trouble, et du mal à me concentrer, parce que je ne cessai de me dire qu’il était blessé, qu’il était en danger, et qui, qui avait pu faire ça, j’allais les tuer, j’allais les tuer, je devais me calmer, ça tournait trop vite, je n’avais pas le temps de paniquer, je ne pouvais juste pas paniquer.
Au prix d’un effort incroyable pour me raisonner, j’arrivais enfin à pénétrer dans l’appartement, et je déposai le plus doucement possible Ewan sur le canapé en l’appuyant sur le dossier. Les yeux fermés, il était toujours inconscient, et tout doucement, je passai ma main sur sa joue après m’être assise à genoux devant lui, mon visage un peu en contrebas du sien. Soudain, tout retomba dans le silence de l’appartement, parce que le regardai enfin avec attention, et je ne l’avais pas vu depuis presque dix jours et ce n’était pas les retrouvailles que j’avais imaginé. J’avais peur, vraiment peur pour lui.
- Ewan… Murmurai-je, la gorge nouée par les sanglots, caressant sa joue du revers de ma main. S’il te plait, Ewan… Je suis là, je vais m’occuper de toi, réveille-toi, s’il te plait, gémis-je d’une voix suppliante, je t’aime, s’il te plait…
Mais ça ne servait à rien. Il ne m’entendait pas. Je ne pu me retenir et je sentis les sanglots exploser, je me mordis le dos de ma main pour les retenir mais ça ne voulait pas se calmer. Je devais m’occuper de lui, je devais, mais… Mais s’il lui arrivait vraiment quelque chose de grave ? Il n’était pas mort, il fallait que je me reprenne mais je ne pouvais pas m’empêcher de penser à Jamie soudain, à cette crainte stupide que ça soit lui qui parte, je ne pouvais juste pas… J’avais besoin de lui, je ne pouvais pas supporter qu’il lui arrive quelque chose, je ne pouvais pas et mon cerveau me torturait en tournant dans tous les sens.
Ce n’est que lorsque je sentis le goût du sang entre mes lèvres que je compris que je m’étais mordue trop vivement, et la douleur me fit un brusque retour à la réalité. Je devais faire quelque chose.
Rapidement, je passais en revue mes options. Je n’avais pas le temps d’appeler Phil et je n’étais même pas sûre qu’il soit à Poudlard, et je ne pouvais pas non plus amener Ewan chez un médecin, car je devinais tout venait ses blessures… Probablement d’un de ses petits rendez-vous qui avait mal tourné, et je ne voulais surtout pas lui attirer des ennuis. Si je le soignais bien, maintenant, les blessures pouvaient éviter de s’infecter. Et je pouvais le soigner, je le savais. Au fond, je n’avais jamais été aussi sûre de quelque chose : j’allais m’occuper de lui. Je me levais pour aller chercher une serviette dans la salle de bain, et je la mouillai légèrement avant de revenir rapidement, de m’agenouiller comme tout à l’heure, et délicatement, je passai le tissu frais sur le visage d’Ewan pour lui faire reprendre conscience. Je le sentis bouger légèrement, et je crus que mon cœur allait exploser lorsque ses paupières cillèrent.
- C’est moi, tout va bien, murmurai-je rapidement, tandis qu’il reprenait conscience et que je le sentis bouger un peu brusquement sous la surprise, on est à l’appartement, je vais m’occuper de tout. Tout doucement, je posai mon index sur ses lèvres. Economise tes forces, et surtout ne bouge pas, d’accord ? C’est fini maintenant, il ne peut rien t’arriver. Je vais chercher de quoi soigner ça. Dis-je, me sentant le besoin d’expliquer et de parler pour qu’il reste conscient, et je me relevai, déposant au passage un baiser sur son front.
D’un coup de baguette, je fis voler depuis la salle de bain la trousse à pharmacie, puis me dirigeai vers la table où Ewan entreposait ses potions, cherchant rapidement diverses fioles et ingrédients utiles. Je posai le tout en vrac sur la table basse, et j’allais jusqu’à la cuisine pour me lever les mains. Sous l’eau du robinet, je constatai qu’elles étaient pleine de sang, du sang d’Ewan, et j’en eu la nausée si violemment que je perdis l’équilibre l’espace de quelques secondes. Mais je ne pouvais pas autoriser mes TOCs à prendre le dessus, pensai-je tandis que je réalisai que je me levais les mains depuis de longues minutes, enfonçant avec force mes ongles dans mes paumes pour les laver. Nerveusement, je fermai le robinet et essuyai mes mains, tentant de ne pas faire attention aux immenses griffures sur mes paumes et la trace de mes dents sur le dos de ma main droite, qui saignait encore un peu. Je n’avais pas le temps. Je revins rapidement au près d’Ewan et attachai mes cheveux avant de me pencher vers lui, me mettant à genoux devant le canapé.
-Je vais regarder les blessures, d’accord ? Dis-je, encore une fois sans attendre de réponses. Je dénouai ma chemise qui avait stopper l’hémorragie, et la posai en boule sur une serviette sur le sol, et j’ôtai celle d’Ewan le plus doucement possible, en essayant de ne pas effleurer les entailles. Celle de la poitrine semblait avoir fait fondre le tissu, et je dus m’y reprendre plusieurs fois pour ne pas arracher de la peau avec. Sous mes doigts, Ewan sursautait de douleur, et je finis par relever les yeux vers lui. Je suis désolée, ça risque de ne pas être agréable, mais il faut que je soigne, que je désinfecte. Je vais m’occuper de ta pommette d’abord, puis du bras, et je terminerais par la poitrine, ça m’a l’air d’être la plus importante… Je vais nettoyer le sang, d’abord. Expliquai-je à voix haute, en attrapant un tissu que j’humidifiai et passai délicatement sur sa peau pour ôter le sang. L’entaille sur sa poitrine était vraiment étrange, la peau semblait avoir brûlé et à la fois elle était un peu craquelé, et surtout toute rougie autour, comme si le sort s’étendait. Je me mordis la lèvre pour ne pas pleurer, et continuai ma besogne silencieusement, murmurant simplement quelques « shhh » de réconfort lorsqu’Ewan gémissait de douleur. Bon, je vais désinfecter, ça risque de piquer un peu plus. Je pris la bouteille de désinfectant que je mis sur un peu de coton. Je l’apposai sur la pommette, et il eut un sursaut mécontent. Mon menton tremblait, mais je tenais bon. Excuse-moi, je n’ai pas le choix… Tout doucement, je déposai un minuscule baiser sur ses lèvres, et je caressai sa joue, cherchant son regard sous ses paupières à demi closes. Il avait l’air d’avoir si mal que ça m’en retournait l’estomac. Je me penchai vers son bras, et continuai de désinfecter, tentant de ne pas me laisser déconcentrer par ses grognements. Il avait mal, mais si je ne faisais rien, ça risquait de s’empirer. Voilà, c’est bon. Je vais m’occuper de celle-ci maintenant dis-je en désignant l’entaille de sa poitrine. Pendant un instant, je ne dis plus rien, observant simplement. Je ne pouvais pas désinfecter, ce n’était pas le même genre de blessure… Doucement, je posai le coton, mais je sentis une vive résistance d’Ewan et la peau se mit à rougir et à suinter. Ce n’était pas une blessure habituelle… Je crois que ça a été provoqué par de la magie noire. Soufflai-je doucement. Je jetai un coup d’œil sur les fioles que j’avais sorti. J’avais de quoi soigner les autres blessures, mais celle-ci devait être ma priorité, car je ne savais pas comment elle pouvait évoluer. Je vais devoir faire moi-même une potion adaptée. Dis-je soudain, comme si l’évidence me tombait dessus. Il faut… Il faut que tu me décrives la douleur, s’il te plait. Est-ce que c’est comme une brûlure ? La douleur est superficielle ou c’est à l’intérieur ? Je suis désolée, mais il faut vraiment que tu me dises Ewan… Je sentis les larmes remonter, mais je les retenais encore. Tu me fais confiance, pas vrai ?... Murmurai-je, dans un souffle.
J’avais attrapé sa main, et je la serrai tout doucement dans la mienne avec un minuscule sourire. J’avais l’impression que cette sensation douce-amère avait disparu, laissant place à l'amertude entre mes lèvres, qui se mêlait au goût salé des larmes, mais je les ravalai encore et toujours avec une seule pensée en tête : je devais m’occuper de lui. |
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Ewan Campbell Vendeur chez l'Apothicaire
Nombre de messages : 208 Localisation : Dans mon trou. (well, c'est glamour ça) Date d'inscription : 14/11/2012 Feuille de personnage Particularités: J'ai un énorme bagage à main (et ma copine a des gros boobs). Ami(e)s: Phil et Rita et les boobs (mais surtout les boobs) :) Âme soeur: “And she kissed me. It was the kind of kiss that I could never tell my friends about out loud. It was the kind of kiss that made me know that I was never so happy in my whole life.”
| Sujet: Re: ~ Bittersweet. [PV E.] Mar 18 Juin - 13:35 | |
| C'aurait été trop demandé, évidemment. Dès que j'avais proposé à Ruby de passer quelques jours de vacances chez moi, et qu'elle avait accepté, j'avais prévenu l'apothicaire que j'allais prendre quelques jours de congés, comme j'en avais le droit. Sauf qu'il s'était avéré que justement ce lundi là, il nous fallait faire un grand inventaire et que puisque j'étais celui qui connaissait le mieux la réserve et les commandes, je ne pouvais pas être absent : en soi, puisque Ruby arrivait le soir, cela n'était pas trop dérangeant, mais je ne rechignais pas à un jour de vacances de plus et surtout, cela commençait à sérieusement m'agacer que l'apothicaire se repose autant sur moi sans me ménager un peu plus. Cela m'était égal de travailler beaucoup, mais cela m'était particulièrement irritant quand il n'était pas capable de se rendre compte qu'il me fallait des pauses de temps en temps, parce que je n'étais pas non plus increvable. Il avait appris pour la Tête de Sanglier, évidemment je n'allais pas pouvoir le cacher éternellement dans un si petit village comme Pré-au-Lard, et il n'avait rien dit, ce dont je lui étais reconnaissant. Mais il n'empêchait qu'il savait pertinemment que je n'avais pas de temps pour moi, et ne faisait rien. Enfin. Je laissais couler, parce que j'avais besoin d'argent, alors, je n'avais que ce que j'avais demandé. Mais justement ce jour-là ! Si bien que le lundi, j'étais arrivé à la boutique de fort mauvaise humeur. Heureusement, j'avais vu Phil ce week-end et il m'avait bien changé les idées, mais cela faisait une semaine que Ruby était partie dans le Kent avec les Wayland et... Elle me manquait terriblement. C'était idiot : une semaine. Ce n'était rien, mais pour nous qui avions l'habitude de nous voir si souvent depuis quelques mois... Quel siècle cela représentait, une semaine ! Je n'avais même plus la pensée rassurante en regardant Poudlard au loin de me dire qu'elle était là, tout près, à l'abri - bien sûr, je ne me faisais pas de soucis pour elle et je savais qu'elle s'amusait, là n'était pas le problème. Mais elle était loin, si loin... C'était comme si on avait enlevé une à une toutes les étoiles de mon ciel, et la nuit je me trouvais bien seul, bien triste, sans cette lumière discrète qui ne brillait plus pour moi et rien que pour moi. Cela était sûrement lié mais j'étais entré dans une période où je faisais des cauchemars à répétition - et surtout le cauchemar, ce qui rendit cette semaine bien longue, comme si quelqu'un avait pris un malin plaisir à l'étirer plus que de coutume. Je me changeais les idées en lisant les lettres de Ruby - et en m'efforçant à la raison : enfin, voyons, une semaine ! Je n'allais pas en mourir. Pourtant, quelque chose me faisait palpiter le cœur, mais pas de la bonne manière. Sans doute que tout ce que Ruby avait fait pour moi, et tout ce qu'elle m'apportait, m'était encore trop récent pour que j'ai appris à m'en passer. Et d'ailleurs, je ne le désirais pas.
L'inventaire passa de manière exceptionnellement longue, et j'avais l'impression que tout le monde faisait les choses de travers, et que nous aurions pu gagner une bonne partie du temps perdu à mal s'y prendre, ce qu acheva de me mettre de mauvaise humeur. C'était l'un de ses jours où la vie semble ne pas contenir la moitié du temps dont on aurait besoin, et je ne pensais qu'à la suite de la journée : ce maudit rendez-vous que j'avais du décaler et qui tombait ce soir, ce client qui m'agaçait en qui j'avais moins en moins confiance, la transaction que je devais faire rapidement, l'arrivée de Ruby. En plus, il fallait absolument que je range mon appartement, même si il n'était pas particulièrement en désordre, j'y tenais, pour elle ; une fois l'inventaire à son terme, je n'attendis pas d'avantage et rejoignis mon appartement, pour ranger en donnant quelques coups de baguette, préparer le dîner, et me préparer à la suite. J'avais une bouteille de Philtre d'Amour - et je détestais cette potion, autant dans la confection, laborieuse mais inintéressante, que dans ce qu'elle représentait, car je ne voyais pas comment on pouvait croire à cette espèce d'amour en bouteille - et plusieurs potions d'amnésie, de modifications de l'esprit, ce qui ne m'inspirait franchement pas confiance en son acheteur. Mais, tant pis, il me payait un bon pactole pour ces potions, alors, je n'allais pas rechigner. J'enveloppai le tout dans un tissu magique qui les empêchait d'être soumises à des sortilèges puis les glissai dans un sac, que je mis sur mon épaule. J'ignorais si j'allais retrouver Ruby sur mon chemin du retour ou bien si j'allais rentrer avant qu'elle n'arrive, si bien que je vérifiai une dernière fois que tout en était place pour l’accueillir, puis quittai mon appartement.
Dehors, la nuit était tombée, même si elle n'était pas encore entièrement noire, et je filai sans demander mon reste dans le dédale des petites rues reculées de Pré-au-Lard, celles qui étaient bien pratiques pour les trafics en tous genres. J'étais si préoccupé ce matin par l'enchaînement de ce que j'avais à faire que je n'avais pas pris une seconde pour prendre le recul nécessaire - pour peut-être laisser la place à mes pressentiments qui se trompaient rarement en la matière. Là était sans doute mon erreur, mais je ne m'en rendis compte que trop tard. A l'endroit indiqué, je devinais nettement mon client dans l'ombre d'une porte cochère. Presque instantanément, je sentis une présence derrière moi, ce qui me fit comprendre par la même occasion que quelque chose n'allait pas. Soit nous n'étions pas là et dans ce cas nous risquions de nous faire prendre par ces gens qui passaient par là, et qui sait qui surveillaient peut-être les environs - soit j'étais tombé dans un guet-apens, et cette option là s'avéra rapidement être la plus probable. Je me retournai, mais un homme me poussa dans le dos, tandis que mon client sortit pour me faire face, et je me retrouvais coincé dans la petite rue, entre les deux gaillards, tandis que je vis au bout de la rue une troisième silhouette, qui devait faire le guet : trois contre un ? Je n'allais pas aller bien loin. Je poussais un soupir, rabattant mon sac contre moi. J'étais idiot : cette commande était trop importante, trop onéreuse, et mon client trop louche pour que j'aille seul à ce rendez-vous, j'aurais dû demander à Phil de m'accompagner, pourquoi n'avais-je pas eu l'intelligence d'y penser ?! Parce que cette semaine avait été une semaine sans, d'accord, mais cela n'excusait rien ! Je m'en voulais terriblement, et défiai les deux hommes du regard, tandis que, comme eux, j'avais saisi ma baguette. Nous nous faisions face comme des chiens prêts à bondir. J'étais bon en sortilèges, mais je ne me faisais pas d'idées : contre deux puis trois, je n'avais pas beaucoup de chance, mais je refusais de mettre un terme à la bataille et d'abandonner tout de suite. Quand le deuxième homme me proposa, quelle gentille attention, d'éviter de m'abîmer le visage si je lui donnais tout de suite et sans résistance la totalité des potions, je refusai avec la même politesse, serrant un peu plus ma baguette. S'en suivit un duel plutôt silencieux, car nous savions pertinemment que nous risquions gros, eux comme moi, et je résistai un bon moment, tentant de me glisser petit à petit vers l'autre bout de la ruelle, qui me guiderait vers la liberté, mais alors que je parai un nouveau sortilège, un autre me projeta contre le mur le plus proche, en brique, et je sentis ma pommette et mon épaule le cogner, m'assommant un peu au passage ; je ratai la parade suivante, et une vive douleur me saisit le bras, puis les choses s’accélèrent, le surnombre ayant raison de moi. Mon client m'arracha mon sac, mais je tentai de le rattraper et de le frapper de mon poing au passage, il riposta en me poussant violemment et je tombai, heurtant le sol, tandis qu'un dernier sortilège me frappa en pleine poitrine. Les éclairs des sortilèges dansaient devant mes yeux et je me sentis glisser dans un état second. Je ne connaissais pas cette sensation : comme si le sortilège que j'avais reçu de plein fouet m'avait transformé en nuage et que je m'élevais dans l'air, tout simplement. Je ne pus absolument pas contrer cet effet, je me sentis sombrer, et je perdis connaissance.
Combien de secondes, de minutes ? Je n'en avais absolument aucune idée, et quand je repris connaissance, la seule chose à laquelle je pouvais penser était cette atroce douleur qui me déchirait la poitrine. C'était clairement un sortilège de magie noire, nul autre ne pouvait provoquer cela : non seulement ma peau était en feu, comme si réellement un brasier crépitait contre moi, mais elle lançait des ondes de douleur dans tout mon corps, et le simple fait de respirer m'arrachait des gémissements de douleur. Dans le brouillard de mes pensées, je compris qu'il me fallait absolument me tirer d'ici, d'au moins réussir à me lever et marcher hors de la ruelle, sinon, personne n'allait jamais me retrouver ou du moins pas avant demain, et je sentais mon cœur battre avec tant de fébrilité que je savais qu'il me fallait du secours maintenant, pas demain. Je mis un temps fou à me remettre sur pied, m'agrippant au mur, tirant sur mes bras, mais j'avais plusieurs blessures qui n'arrangeaient rien à l'affaire - même si l'entaille sur mon torse terrassait jusqu'à mes dernières forces. Le souffle court, je restais longtemps appuyé contre le mur, et la tête me tournait trop - je n'allais pas y arriver et je le savais, ce sortilège m'avait engourdi de partout et trop blessé pour que je puisse bouger, je le savais... Mais au loin, au bout de la ruelle, j’aperçus une minuscule lueur, et je décidai de m'y raccrocher : Ruby allait arriver d'un moment à l'autre, il suffisait que je sorte de là, je ne pouvais quand même pas l'abandonner... Ces mots-là tournèrent en boucle dans ma tête tandis que je me traînai le long de la ruelle, marchant avec difficulté, appuyé contre le mur,la main crispée sur ma blessure qui me provoquait une telle douleur que j'avais l'impression qu'elle faisait couler de l'acide dans mes veines. Je dus perdre connaissance en chemin, plusieurs fois, mais en tout cas le reste s'effaça de ma mémoire, je me retrouvai non loin de la rue passante, des Trois Balais, puis il me parut voir une silhouette dressée devant moi et une silhouette que je connaissais bien - Ruby ? J'aurais aimé parlé et la rassurer, mais je me sentis glisser une bonne fois pour toutes, et je cédai à la douleur, qui prit possession de moi, me faisant une nouvelle fois perdre connaissance.
Une impression de frais, sur mon visage, m'aida à reprendre pied, peu à peu, mais mes paupières étaient lourdes, bien trop lourdes - où étais-je ? Que s'était-il passé ? Je voulus bouger, mais mon corps le refusait. Il était lourd et comme fait d'un seul bloc, et je sentais que je respirais un peu difficilement. J'entrouvris la bouche pour mieux y parvenir, puis parvins enfin à ouvrir les yeux, battant faiblement des paupières. J'étais dans cet état complètement inconscient du reste du monde, et ma mémoire refusait, elle aussi, catégoriquement de m'obéir, si bien qu'il m'était impossible de me souvenir de quoi que ce soit. Des théories étranges surgirent toutes seules - étais-je chez Bonnie et Matthew ? Qu'avions-nous fait ? Pourquoi étais-je couché ainsi ? Que m'était-il arrivé ? Non, il me semblait que j'étais tout seul... Était-ce un cauchemar ? Mais il n'y avait rien du petit monde de mes cauchemar : pas d'eau, pas de bruits de rivière, pas d'orage et pas de barque, juste cette sensation qui se réveillait peu à peu, là, sur ma poitrine, cette douleur qui grandissait.
- ... moi,... à l’appartement, ... m’occuper de tout... bouge pas, d’accord ?... fini maintenant... de quoi soigner ça.
J'eus un sursaut - tout d'un coup cette sensation de fraîcheur prit tout son sens, on me passait un linge sur le visage, je n'étais pas seul, et cette voix, si je la percevais par bribes, au rythme du battement de mes paupières, je la connaissais bien : d'ailleurs son visage penché au-dessus de moi se fit un peu plus clair, moins flou. Ruby. Mon cœur fit une embardée - Ruby ! Que faisait-elle ici, dans quelle galère m'étais-je fourré, et pourquoi l'avais-je entraînée avec moi ? Je voulus lui parler, lever ma main et saisir la sienne, parce que tout d'un coup j'avais peur, parce que je ne comprenais pas ce qui était en train de se passer, mais elle s'effaça de mon champ de vision, et je ne parvins pas à l'appeler. Je fermai les yeux, tandis que la douleur ne me laissait pas d'autres options que de me concentrer seulement sur ma respiration, sinon j'allais hurler - petit à petit les images me revenaient, le duel, les sortilèges, les deux types. Mais comment avais-je réussi à me traîner jusqu'ici, comment avais-je retrouvé Ruby ? Je n'en avais aucune idée.
-Je vais regarder les blessures, d’accord ?
Elle était revenue, et je rouvris brusquement les yeux, les braquant sur son visage penché au-dessus de moi, parce que la voir si près me rassurait, même si je voulais lui parler et lui demander ce qui s'était passé, mais que j'avais l'impression qu'elle ne se rendait pas compte que j'essayais... et à vrai dire, je n'y arrivais absolument pas. Je sentis seulement un gémissement de douleur sortir de ma gorge quand elle toucha me blessure - et seulement je me rendis compte qu'elle avait enlevé ma chemise, mais c'était terrible, quand elle touchait la blessure c'était comme si on y appuyait des braises, et je tentai de bouger pour m'ôter de son emprise et qu'elle n'y touche pas, mais je n'en avais pas la force.
- Je suis désolée, ça risque de ne pas être agréable, mais il faut que je soigne, que je désinfecte. Je vais m’occuper de ta pommette d’abord, puis du bras, et je terminerais par la poitrine, ça m’a l’air d’être la plus importante… Je vais nettoyer le sang, d’abord.
... Quoi ? Je fermai les yeux à nouveau. La douleur me donnait le vertige, et j'abandonnai toute résistance.
- Bon, je vais désinfecter, ça risque de piquer un peu plus. Excuse-moi, je n’ai pas le choix… Voilà, c’est bon. Je vais m’occuper de celle-ci maintenant.
Je rouvris les yeux, la voyant plus nettement, et son air si inquiet me serra le cœur, mais jamais je ne l'avais vue aussi concentrée, et à mesure que je reprenais possession de mes moyens - et que la douleur allait grandissante - je m'en voulais terriblement de me retrouver dans cette position, le jour de nos retrouvailles en plus, comme si elle devait se préoccuper de mes problèmes, problèmes que je m'attirais par ma faute ! Un goût amer me monta dans la bouche, et je serrai les dents. Au même moment, Ruby s'attaqua à nettoyer la plaie qui me faisait si mal, et j'eus un sursaut de défense.
- Arrête, murmurai-je enfin, la voix un peu étouffée, mais c'était une supplique, parce que j'avais trop mal.
- Je crois que ça a été provoqué par de la magie noire. Je vais devoir faire moi-même une potion adaptée. Il faut… Il faut que tu me décrives la douleur, s’il te plait. Est-ce que c’est comme une brûlure ? La douleur est superficielle ou c’est à l’intérieur ? Je suis désolée, mais il faut vraiment que tu me dises Ewan… Tu me fais confiance, pas vrai ?...
Elle avait raison, et le petit baiser qu'elle avait déposé sur mes lèvres me donna un peu de courage supplémentaire. Je sentis sa main envelopper la mienne et tentai de me redresser un peu sur le canapé, mais ce geste m'arracha une douleur aiguë dans la poitrine.
- Oui, affirmai-je, tandis que j'essayai de réfléchir au plus vite. Il faut que tu combines le dictame avec de l'ortie... Les propriétés de ces deux plantes allaient faire un antidote puissant, c'est tout ce que je pouvais trouver comme remède pour le moment, et je n'avais pas les idées fraîches. Ça brûle, repris-je après avoir repris mon souffle, la plaie brûle mais je la sens dans tout mon corps, c'était comme si elle diffusait du venin, tu vois ?
L'effort que ces paroles m'avaient demandé me laissèrent incapable de poursuivre d'avantage, mais aussitôt je sentis Ruby s'agiter et aller vers mes étagères de potions et d'ingrédients, et œuvrer près du plan de travail - en cet instant, je n'avais étrangement aucun doute, car malgré son niveau d'études encore jeune, je la connaissais suffisamment calée et futée en potions pour trouver d'elle-même le meilleur mélange, le meilleur remède. Tout d'un coup, je me sentis un peu plus rassuré, comme si rien ne pouvait m'arriver si elle s'occupait de moi - n'était-ce pas ce que je me disais à chaque fois que nous étions ensemble ? Que plus rien ne comptait, que rien ne pouvait arriver ? Docilement, je la laissai faire, et quand elle revint près de moi avec quelques fioles dans les mains, je parvins à lui lancer un petit sourire. Cela lui prit un peu de temps, mais elle finit par appliquer un onguent épais sur ma blessure, et je serrai les dents à m'en casser la mâchoire pour contenir la douleur, mais je ne dis rien, sachant que la guérison passait par cette étape. Évidemment, la pommade devait reposer et faire effet, et je sentis sur le coup la sensation douce de la potion qui s'infiltrait dans ma chair, la réparant petit à petit. Je somnolai quelques instants, tandis que Ruby s'affairait - rangeait-elle ? J'avais de nouveau le regard flou - puis je la sentis qui me fit signe de me relever, probablement pour m'emmener me coucher, et je me levai lentement et mal assurément, mais je parvins à me diriger jusque vers mon lit, m'appuyant sur Ruby en même temps. Alors que je m'étais déjà laissé tomber pour m'allonger, il me vint à l'esprit que mon pantalon était tâché de sang et que je serais mieux sans, ce qui effleura visiblement Ruby au même moment car elle m'aida à l'enlever - et si je n'avais pas été trop affaibli, il était certain que ses gestes auraient été bien délicats à supporter.
Je voulus la rassurer, lui dire que tout allait bien, qu'il fallait qu'elle se repose elle aussi, que j'étais heureux de la revoir et désolé de l'inquiéter, mais je sombrai sans pouvoir lutter dans un sommeil artificiel, largement provoqué par les effets de l'antidote directement sur ma plaie.
C'était toujours le même - ou plutôt, la trame était la même, mais quelques petits détails différaient. Par exemple, je n'étais pas toujours conscient de ce qui allait se passer : je pouvais revivre l'évènement comme savoir dès le début que c'était un cauchemar et que j'allais revivre ce calvaire sans pouvoir rien faire, encore une fois. Cette fois-là, c'était le cas. Alors que je nous voyais nous approcher de la rivière, je savais pertinemment que je rêvais, qu'encore une fois es eaux déchaînées n'allaient me laisser aucun répit. Jamie à côté de moi était déjà flou - quand il parlait, sa voix venait de loin, et il me semblait que ce n'était pas Tom et Sam qui étaient là, mais des élèves de Poudlard, dont je ne me souvenais plus le nom. L'orage grondait au loin, et j'essayai désespérément de dire à Jamie de faire demi-tour, mais il ne m'entendait pas quand je parlais, et je n'arrivais pas à le toucher. Brusquement, je fus près de la rivière, et la barque dévalait déjà le cours d'eau qui filait si vite, à cause de l'orage de la veille, et je me mis à courir le long et le bruissement des feuilles m'était assourdissant, tout comme l'eau qui ruisselait, et je me débattais dans ma course en disant - non, non, non ! Je ne voulais pas revoir ce moment, je voulais courir et ne pas m'arrêter - pourquoi la barque s'acharnait à réapparaître devant mes yeux ? J'étais pris au piège, et bientôt, la barque bascula et le bruit me déchira le cœur, je voulus me couvrir les yeux et les oreilles, mais déjà j'étais dans l'eau moi aussi, et le corps de Jamie flottait à quelques pas de là, avec cette étrange fluidité qui me hantait, comme si déjà il était parti, loin.
Je fus arraché au sommeil avec violence, me redressant à moitié et inspirant brusquement de l'air parce que je sentais l'eau s'immiscer dans mes poumons, à moi aussi ; il me fallut quelques secondes pour comprendre que je m'étais réveillé, et pour m’apercevoir que Ruby me regardait, dans la pénombre. Mon mouvement avait réveillé la douleur de ma blessure, légèrement atténuée cependant - elle en devenait presque supportable. Mais je ne voulais pas inquiéter Ruby d'avantage et je lui lançai un sourire maigre et bien peu convaincant, avant de me glisser un peu vers elle, car elle était assise. Je posai ma tête sur ses genoux, une main à plat sur sa cuisse, sur laquelle elle posa la sienne, et cette fois je me sentis envahi d'une telle douceur, que le sommeil qui me gagna fut, enfin, réparateur : l'odeur de Ruby et la chaleur de sa main sur la mienne agissaient comme un charme qui gardait à distance tous mes mauvais rêves. |
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Ruby Standiford-Wayland Apprentie à Sainte Mangouste
Nombre de messages : 2205 Localisation : Cachée. Date d'inscription : 03/09/2011 Feuille de personnage Particularités: « and from the rain comes a river running wild that will create an empire for you. » Ami(e)s: Lizlor; « Maybe home is nothing but two arms holding you tight when you’re at your worst. » Âme soeur: « Lover, when you don't lay with me I'm a huntress for a husband lost at sea. »
| Sujet: Re: ~ Bittersweet. [PV E.] Mer 19 Juin - 2:14 | |
| Il y avait comme cet immense poids sur ma poitrine qui m’empêchait de respirer correctement, comme si je sentais tout autour de moi un orage qui grondait et qui m’assourdissait ; il n’avait pas éclaté, mais l’atmosphère était lourde et mes larmes me rappelaient les gouttes de pluies qui annoncent le déluge. Je n’avais pas le droit de laisser la tempête se déclencher, ni à l’extérieur, ni à l’intérieur, j’avais besoin de tous mes sens et mes capacités pour réfléchir calmement. Mais comment rester calme quand sous mes doigts, je sentais la personne que j’aimais souffrir ? J’avais le cœur qui se tordait, comme si la douleur qu’Ewan ressentait émanait assez de lui pour me contaminer, physiquement. Il me semblait bien que jamais je n’avais été face à une telle situation. Bien sûr que je m’étais déjà inquiétée pour des gens que j’aimais, je n’avais pas oublié l’adrénaline qui avait infesté mes veines au Nouvel An quand j’avais cru qu’il arrivait malheur à Lizlor, mais désormais les choses étaient différentes. J’étais arrivée après, trop tard, et je ne pouvais pas le protéger mais simplement tenter de réparer les morceaux qui restaient. Je sentais comme une infinie responsabilité, qui s’ajoutait à la pression dans ma poitrine, et c’était comme si chaque bouffée d’air refusait d’entrer correctement. Mais ce n’était pas moi qui était souffrante, je n’avais pas le temps de m’attarder sur mes sentiments. Peu importe, en cet instant, j’aurais pu être traversé d’un milliard de lames, je n’aurais même pas pris le temps de sursauter.
Mais je ne pouvais pas mener cette bataille seule. J’avais besoin qu’Ewan m’aide à comprendre ce qui s’était passé. Mon cerveau remettait déjà en place les informations que j’avais, je pensais à mes cours de défense contre les forces du mal, à ceux de sortilèges, de potions, de botanique, j’essayais de lier chaque détail pour qu’ils se coordonnent et que je puisse agir en conséquence. Les brûlures, nous avions eu un cours sur les antidotes en décembre… Mais… J’étais ivre durant ce cours, je me souvenais encore du regard un peu inquiet de Lizlor, et de la sensation de balancement sur ma chaise. Qu’avait dit Sawyer ? Tout était flou, et soudain, je sentis une violente colère contre moi – j’étais si stupide ! Mais je n’avais pas le temps de paniquer, il fallait d’abord que je comprenne exactement ce que ressentait Ewan, et j’aviserais par la suite. J’allais trouver, je le savais. Je devais trouver.
- Oui. Je serrai ma main un peu plus fort dans la sienne, le menton tremblant toujours. Il faut que tu combines le dictame avec de l'ortie... Ça brûle, la plaie brûle mais je la sens dans tout mon corps, c'était comme si elle diffusait du venin, tu vois ?
J’hochai la tête, mon cœur se pressant dans ma poitrine. Il n’avait pas tort, mais pour faire un antidote avec des orties, il fallait laisser reposer trop longtemps – hors, je n’avais pas le temps. Je décidai d’ailleurs de ne pas m’attarder, et je me relevai vers le plan de travail, allumant directement le feu sous un chaudron propre. Il fallait que je réfléchisse vite. Si je n’avais pas le temps pour les orties, je pouvais combiner le dictame avec la peau de serpent, comme nous l’avions fait pour la potion de régénération sanguine – oh, mais si je m’inspirais de la base de celle-ci qui ne me prendrait que quelques minutes à faire, je pouvais déjà bien nettoyer la plaie ! J’étais déjà en train de couper mes racines en réfléchissant en même temps, jetant un coup d’œil derrière moi de temps en temps pour m’assurer qu’Ewan tenait le coup, avant de me tourner vers l’étagère. Mes mains coupaient la plante pendant que mes yeux exploraient l’étagère, tout allait vite, chaque fiole faisait éclore une nouvelle idée, une nouvelle solution. Du sang de salamandre, couplé avec la peau de serpent pouvait s’approcher des effets de la potion de force, mais il fallait que j’en mette moins sinon la potion devrait reposer trop longtemps… Mais à la fois si je rajoutais un peu de bézoard pour contrer la potion, ça allait contrebalancer les effets de la peau de serpent, et ça allait parfaitement – ma main avait déjà commencé à attraper les fioles et à régler la balance pendant que l’autre tournait la potion dans le chaudron.
Une petite demi-heure pour tard, j’avais réussi à faire une pâte orangé qui me rappelait celle qu’utilisait l’infirmière pour les brûlures mais elle était plus légère, avec des reflets violacés, comme l’antidote pour soigner les blessures magiques – j’avais sûrement trouvé un équilibre entre les deux. Je revins auprès d’Ewan rapidement, tentant de ne pas être trop brusque. Je posai doucement l’onguent sur sa peau, craignant une réaction de sa part mais visiblement, malgré la douleur, ma petite création faisait de l’effet. J’en appliquais une bonne couche, avant de me relever et de me laver les mains et de dégager le passage – j’avais mis le chaudron et d’autres ingrédients tôt autour de moi pour ajuster la potion en cours de route. J’avais la sensation que le plus dur était passé, et en étant Ewan à se relever tout doucement, je me fis la réflexion rassurante que les choses allaient s’améliorer maintenant. Je l’aidais à aller jusqu’à la chambre, mais aussi à enlever son jean tâché de sang – mon cœur se crispa un peu, et je me sentis rougir stupidement, mais je n’y prêtais pas attention – avant de finalement l’aider à s’installer sur la couette. Les blessures avaient besoin de cicatriser à l’air libre. Je m’assis en tailleur appuyée contre le mur et, enfouissant mon visage dans le creux de mes paumes jointes, j’entamai la nuit la plus longue et la plus inquiétante qu’il m’avait été donné de vivre.
J’étais incapable de fermer l’œil. Tout mon corps était tendu, à l’aguet, et chaque mouvement d’Ewan me faisait me dresser un peu plus, et froncer les sourcils. L’onguent semblait faire effet, car il dormait assez paisiblement, du moins au début, mais j’étais incapable de me détendre. Je repensais à ce qui s’était passé, à ses blessures, au verre de bierraubeurre, à son sang sur mes mains, à la douleur qui tordait ses traits et mon estomac, et j’avais encore envie de sangloter comme une enfant mais j’étais comme anesthésiée. La peur qui m’avait prise m’avait épuisé, mais je n’avais encore une fois pas le temps de dormir… Encore moins lorsque, vers une heure du matin, Ewan commença à s’agiter. Je me penchai vers lui, me mordant la lèvre pour calmer le tremblement de mon menton. Il avait le visage crispé, et il murmurait quelque chose… Plusieurs fois, il expia un « non » tremblant et suppliant, sa respiration se faisait plus rapide, et j’avais l’impression qu’il avait peur… Est-ce qu’il revivait l’incident qui avait provoqué ses blessures ? Je n’étais pas sûre, car j’avais l’impression qu’il… Qu’il se noyait, qu’il n’arrivait pas à respirer et soudain, Jamie surgit dans mon esprit et mes doigts se crispèrent sur la couverture. Devais-je le réveiller ? J’hésitai un instant, mais quelques secondes plus tard, il eut un mouvement brusque et se redressa, comme s’il respirait soudainement. J’eus moi aussi un mouvement, ne sachant pas trop quoi faire, mais Ewan me devança : il me fit un minuscule sourire avant d’appuyer son visage sur mes genoux et de poser sa main sur ma cuisse. La mienne vint se poser sur la sienne, et l’autre releva la couette jusqu’à sa taille et commença à caresser ses cheveux lentement, comme pour le bercer.
Cela sembla finalement fonctionner, car il s’endormit cette fois-ci d’un sommeil beaucoup plus profond, sa respiration était lente et régulière, tout comme le mouvement de ma main dans ses cheveux. Petit à petit, je sentais que mon corps s’affaisser un peu, mais je savais que je ne pourrais pas passer une nuit paisible, et je voulais lutter contre mes paupières lourdes car Ewan pouvait se réveiller à tout moment et… Mais déjà, mon esprit se laissa aspirer dans ce monde d’entre-deux, où je n’étais ni consciente ni endormie, et tout était flou. J’étais dans une brume opaque, je cherchais Ewan mais j’étais entourée par les Trois Balais qui se répétait à l’infini, j’entendais les tintements des verres et des rires, mais j’avançais tremblante et… Et ce n’était pas Ewan au loin, c’était Jamie, je le reconnaissais, il me regardait d’un regard si inquisiteur que j’avais l’impression de fondre, et il me parlait, il me disait que je m’occupais mal de son frère, que je n’étais bonne qu’à boire, que je ne l’aimais pas assez et je n’arrivais pas à répondre car bientôt j’entendis le craquement des feuilles et je savais que le décor allait changer, je savais, je…
Je me réveillais le visage baigné de larmes, et j’avais une douleur insupportable au cou, sans parler de mon cœur qui battait à tout rompre. Je tentais de reprendre une respiration normale tant bien que mal. Ewan avait légèrement bougé tandis je m’étais un peu plus laissée glisser contre le mur. Je me relevai, tremblante, avant de finalement sortir du lit discrètement. L’horloge m’indiquait presque trois heures du matin. J’avançai à tâtons jusqu’au salon, ayant pris le soin de prendre ma baguette que j’avais laissé sur la table de chevet, et ravivai les braises dans la cheminée. L’appartement était silencieux, et je réalisai soudain qu’outre les alentours du canapé, tout était impeccablement rangé – j’eus un pincement au cœur et un sourire. Je lançai cependant un sortilège pour qu’aucun son ne pénètre dans la chambre, me laissant plus de marge de manœuvre pour ranger. M’approchant des fioles que j’avais laissé sur le sol, je les ramassai et m’afférai silencieusement à les ranger. Mais bientôt, ça ne suffisait pas, et je nettoyai le plan de travail, avant d’arranger les ingrédients, alignant les pots et les étiquettes, ajustant symétriquement les sachets, puis parallèlement, avant de passer un chiffon et ainsi de suite. Je ne sais pas combien de temps cela me prit, mais une fois que j’eus terminais, il me vint brusquement à l’idée qu’il me fallait préparer une potion pour demain, pour aider à la cicatrisation quand j’allais recoudre la plaie. Je sortis à nouveau des ingrédients, m’occupai l’esprit et les mains à la préparation, avant de tout ranger à nouveau. Ensuite, je nourris son hibou dont la cage était sur une table dans l’angle, et constatai étonnée qu’il y avait un deuxième avec, un petit blanc avec des plumes soyeuses qui semblait assoupi mais se réveilla au son de la nourriture. Il eut un hululement joyeux et vint picorer dans mes mains –j’eus un sourire.
Je regardai rapidement dans la chambre, Ewan dormait doucement, et l’horloge m’indiquait cinq heures du matin passé. Lentement, je sortis les livres de sa bibliothèque et les classai par ordre alphabétique, selon les auteurs mais aussi les titres, avant d’hésiter – aurais-je du trier par thème ? Oh, je pouvais trier par thème et par ordre alphabétique – les grimoires là, les romans ici, et différencier les genres aussi, oh et la pile des vieilles Gazettes par là. Je ne sais combien de fois je changeai d’avis, chacun de mes mouvements étaient silencieux et je réalisai une fois la tâche achevée que je pleurais aussi en silence. Je ne savais même pas pourquoi, j’étais simplement fatiguée. Mais je n’avais pas fini, pas encore. Je récupérai les affaires sales d’Ewan, et ouvris aussi ma valise pour me changer, avant de mettre toutes nos habits tâchés de sang dans le lavabo pour nettoyer, alternant sortilège et savon, puis je nettoyai aussi le canapé, je séchai le tout… Puis, après avoir vérifié une énième fois qu’Ewan dormait bien, j’ouvris ses placards pour me lancer dans la préparation d’un petit-déjeuner pour son réveil. J’optai pour des crêpes, c’était français et facile à faire. Je ne sais pas combien de temps je pris, je m’agitais le plus doucement possible dans tous les sens, puis une fois la pile de crêpes sur l’assiette, je lavais ce que j’avais utilisé, je rangeais un peu mieux ses placards et… Et dans le placard du bas, derrière le produit nettoyant, il y avait quelques bouteilles – sûrement celle qu’Ewan sortait quand Phil ou Joseph venait. Lentement, je me laissai glisser sur le carrelage et les sanglots que j’avais retenu m’envahir une bonne fois pour tout et je fus incapable de contrôler les sursauts de mes épaules. Je ne sais pas combien de temps je restai là, appuyée contre l’un des placards, le visage enfouie dans mes mains, mais j’avais l’impression que je ne pourrais jamais plus me lever. Finalement, je fermai le placard, et m’appuyant maladroitement, je me relevai et essuyai les dernières larmes. Je ne pouvais pas me laisser aller, Ewan allait sûrement se réveiller bientôt, et je ne voulais pas être dans un état pareil.
Quand il me sembla que j’avais rangé le moindre centimètre carré de l’appartement, je revins dans la chambre, annulant au passage le sort, et je m’assis sur le lit doucement. En passant devant le miroir, je constatai que j’avais d’immenses cernes et les yeux rougis, accentués par mes cheveux tirés en un chignon brouillon. J’avais l’impression de nager dans mon tee-shirt et mon short, je me sentais si minuscule, et mes préparatifs du début de la soirée étaient bien loin : mon vernis s’était écaillé, j’avais les mains couvertes de griffures, mon maquillage était inexistant, on aurait dit que j’avais dormi une heure - … enfin, j’avais dormi une heure. Mais lorsque, un long moment plus tard, Ewan bougea et émergea de son sommeil, ma fatigue sembla disparaître en un instant, je bondis presque lorsqu’il ouvra les yeux et qu’il eut un mouvement.
- Doucement, doucement. Murmurai-je en passant ma main dans ses cheveux avant de déposer un baiser sur son front légèrement tiède, comme s’il avait de la fièvre – j’eus un frisson. Je l’aidai à s’appuyer sur les cousins contre le mur, pour qu’il soit légèrement redressé, et je me penchai par-dessus lui pour attraper un verre d’eau que j’avais posé sur la table de chevet et le tendis à Ewan. Il eut ensuite un mouvement pour le reposer, mais je l’en empêchai vivement, lui arrachant littéralement le verre des mains. Te fais pas mal pour rien. Expliquai-je en reposant le verre sur la table avant de finalement tourner mon visage vers celui d’Ewan. Malgré la blessure à la pommette, je sentais qu’il allait mieux, et j’eus un sourire et un soupir de soulagement. Malgré moi, parce que je n’avais pas fini de le soigner, je sentis ma main prendre la sienne et je glissai mon visage un instant dans son cou et y déposai un baiser avant d’inspirer son parfum. Pendant quelques secondes, je me sentis reprendre des forces, et je m’écartai. Je vais finir de m’occuper de toi.
Je me levai rapidement, me trouvant soudain emplie d’une énergie inconnue, et je récupérai dans le salon la trousse de pharmacie et la potion que j’avais faite cette nuit. Dans un liquide aérien baignait du fil, et d’un coup de baguette, celui-ci s’envola et passa dans l’aiguille que j’attrapais délicatement avant de revenir sur le lit avec un petit sourire. Je la posai à côté de moi et lavai une dernière fois sa plaie qui avait étrangement bien cicatrisée – il ne me restait plus qu’à recoudre.
- La douleur, ça va mieux ? Demandai-je tout de même, un peu inquiète. Je pense que le pire est passé. J’ai laissé le fil tremper dans une potion, ça devrait aider la cicatrisation et éviter la douleur. Délicatement, je commençai à recoudre la plaie, tentant de ne pas faire attention à l’état de mes mains – si je ne les regardais pas, Ewan ne les verrais pas, pensai-je. J’avais beau être minutieuse, il sursautait et bougeait un peu, un peu trop même. Arrête de bouger ! M’exclamai-je soudain un peu brusquement, avant de me stopper. Oh, excuse-moi… Murmurai-je piteusement, les yeux baissés. Je passai nerveusement mes mains sur mon visage avant de reprendre l’aiguille en poussant un soupir. J’ai pas très bien dormi… J’ai pas trop dormi tout court, mais c’est pas grave, ne compte pas sur moi pour te laisser t’échapper comme ça ! C’est juste… Il s’est passé quoi ? Demandai-je finalement, relevant les yeux vers lui.Tu t’en rappelles ?.. Je t’ai trouvé dans la ruelle près des, je me stoppai net, baissant les yeux et enchaînant le plus rapidement possible, dans la ruelle, et j’ai du transplaner jusqu’ici, et te faire léviter… Tu étais inconscient. Commentai-je, la voix tremblante. Je veux juste pas que ça recommence, je peux pas supporter l’idée qu’on te fasse du mal, tu comprends ? J’avais fini de recoudre, et je posai l’aiguille sur le côté avant de lever la tête vers lui. Malgré mon menton qui tremblait, car je retenais encore et toujours des larmes, je me sentis sourire, et je battis des paupières rapidement pour ne pas craquer. Tu m’as manqué. Murmurai-je.
Doucement, je me penchai vers lui et je déposai un baiser sur ses lèvres, tout doucement. Soudain, c’était comme si une douce chaleur se répandait en moi, et je me sentis sourire un peu plus, mes mains venant chercher son visage que j’encadrais de mes doigts fins. Quand je le sentis bouger légèrement, car il voulait visiblement aussi poser ses mains sur moi, je m’écartai vivement.
- Ne bouge pas j’ai dis ! J’eus un rire malgré la situation, et déposai un dernier bisou sur sa joue avec un sourire. Tu veux qu’on remette de la pommade sur ton bras, ou sur ta joue ? Demandai-je, mais je ne lui laissai pas le temps de répondre, déjà j’avais sauté hors du lit pour aller en chercher et revenir lui en appliquer du bout des doigts. Tu te rappelles de ton mauvais rêve hier soir ? Demandai-je prudemment tandis que j’étais penchée vers son épaule, avant de m’écarter. C’était… C’était Jamie, pas vrai ? Soudain, j’eus un peu peur d’être si franche, et je laissai mes mots en suspens. Tu veux en parler ? Questionnai-je prudemment.
Malgré tout, j’avais mes yeux plongés dans les siens, et si je voyais dans son regard quelques bribes fatiguées du passé et de la soirée de la veille, je distinguais aussi une certaine lueur plus brillante, que j’espérais il pouvait aussi voir briller dans les miens : au fond, malgré tout, nous étions à nouveau ensemble, et je refusais que quiconque nous enlève cette joie-là. |
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Ewan Campbell Vendeur chez l'Apothicaire
Nombre de messages : 208 Localisation : Dans mon trou. (well, c'est glamour ça) Date d'inscription : 14/11/2012 Feuille de personnage Particularités: J'ai un énorme bagage à main (et ma copine a des gros boobs). Ami(e)s: Phil et Rita et les boobs (mais surtout les boobs) :) Âme soeur: “And she kissed me. It was the kind of kiss that I could never tell my friends about out loud. It was the kind of kiss that made me know that I was never so happy in my whole life.”
| Sujet: Re: ~ Bittersweet. [PV E.] Mer 26 Juin - 19:57 | |
| Je m'éveillais sans le souvenir de m'être endormi, et ce fut une sensation étrange, comme un sursaut un peu trop prolongé pour être naturel. J'avais plutôt l'impression qu'on me sortait d'un sommeil artificiel, et qu'il s'était passé un tas de choses pendant ce laps de temps - court, long ? Je n'en avais aucune idée - et plus spécialement des choses pas forcément agréables, car au moment où mes sens s'éveillèrent, quelques secondes après ma conscience, je sentis tout mon corps douloureux, ma chair comme à vif, mes muscles se remettant avec peine des épreuves qu'on leur avait imposées. Mais en battant des paupières un peu faiblement je notai quelques détails : le jour dans la pièce, le décor de ma chambre, et une présence très nette à mes côtés, que je devinais par instinct avant même de la voir. Aussi étrange que cela puisse paraître je ne me rappelais de rien, ou plutôt, il y avait une sorte de voile qui n'était pas résolu à se lever, et qui me laissait dans une torpeur entre l'agréable et le désagréable - agréable si je ne bougeais pas d'un pouce, désagréable dès que je remuais un doigt, que je respirais, car la douleur repartait de plus belle. Elle est était plus pressante au niveau de ma poitrine, où je sentais une blessure et quelque chose d'un peu tiède aussi, je sentais mon bras douloureux et la peau tirée de ma joue ; le reste de mon corps subissait plus qu'autre chose, et je me sentais plutôt faible, un peu fiévreux - rien de grave, mais j'avais été dans un meilleur état. Il était étrange que je n'ai pas fait de rêve, me dis-je en ouvrant un peu plus les yeux, car au vu de la nuit que j'avais du passer... Mes cauchemars étaient pourtant les champions pour s'immiscer dans la moindre faille, je le savais pertinemment, hélas. Mais non, il n'y avait que de la brume dans mes souvenirs - sans doute que j'avais été assommé ou quelque chose comme ça, à moins que, et la tiédeur sur ma plaie prit tout son sens, le remède qu'on m'avait administré ait aidé à me plonger dans cette léthargie cotonneuse.
L'ombre qui apparut devant mon regard qui faisait petit à petit la mise au point enchanta en une seconde la partie de moi qui se demandait où elle était, ce qu'elle faisait - Ruby était installée à côté de moi, sur le lit, et c'était elle, comme je l'avais deviné, qui avait du veiller mon sommeil. Petit à petit, il me semblait que les fils de mes souvenirs se nouaient à nouveau, tissant la toile tout ce qui s'était déroulé. Je voulus sourire mais déjà elle passait ses mains sur mes cheveux et mon cœur se réveilla un peu plus ; d'avantage quand je sentis ses lèvres contre ma peau, et qu'elle me salua d'un baiser.
- Doucement, doucement. J'avais la gorge trop sèche pour parler, et me redressai tant bien que mal - subitement j'avais honte de me retrouver ainsi, au plus mal, alors que nous avions du temps à rattraper et que ce n'était franchement pas l'acceuil que j'avais prévu de lui réserver... Hier soir... Mais oui ! Les souvenirs me revenaient peu à peu. Je pris le verre qu'elle me tendit et le bus d'une traite, ce qui me requinqua un peu plus. Te fais pas mal pour rien. Je vais finir de m’occuper de toi.
Pourtant j'aurais voulu qu'elle reste blottie contre moi : sans bouger et sa présence à mes côtés, voilà qui était parfait, je ne voulais ni bouger ni parler, car je me sentais encore trop fébrile. Mais Ruby avait visiblement un plan bien détaillé en tête, et je la suivis des yeux sans mots dire. Je me rappelais.. Oui, je me rappelai d'hier soir, je me rappelais du rendez-vous : voilà. Tout était parti de là. Il avait mal tourné, et au fur et à mesure que je mettais la main sur mes souvenirs, ils me revenaient tous, les uns après les autres, très clairement. Par Merlin, c'était sans doute la première fois que je me faisais prendre dans un piège aussi gros, et je me sentais bien misérable. Je n'avais même pas été capable de récupérer ma potion - quant au combat à trois contre un, je n'avais rien à regretter, je voulais bien être doué en sortilèges, mais il y a des fois où il faut reconnaître les impasses. Bon, il allait absolument falloir que je parle de ces types à Phil, si toutefois ils essayaient de le rouler lui aussi dans la farine. Pour le reste... J'avais perdu quelques fioles, rien de désastreux, mais rien d'anodin non plus. C'était une perte de temps, alors qu'il m'était précieux. Et ensuite... Et ensuite quelle malchance de m'être trouvé là et de ne pas avoir pu me tirer d'affaire, quelle malchance que ce soit justement le soir où Ruby était censée venir chez moi ! Par un heureux hasard elle m'avait secouru, d'accord, et il y avait fort à parier qu'elle n'aurait pas voulu être ailleurs ce soir-là, sans quoi elle n'aurait pas pu me porter secours... Mais moi, je le regrettais. Je voulais faire de nos moments des moments parfaits, comme ils l'avaient été dans la majorité des cas, or je perdais connaissance le soir de nos retrouvailles, ce qui réduisait nettement les réjouissances. Je m'en voulais, et si j'avais un goût amer dans la bouche, ce n'était pas seulement à cause de mes blessures de la veille. Je me sentais un peu honteux - encore plus quand, alors qu'elle revenait près de moi, je constatais les traits tirés de Ruby.
Normalement, j'aurais été entrain de lui poser les questions de rigueur : alors, ces vacances ? Tout s'est bien passé chez les Wayland ? A quoi avez-vous occuper vos journées ? Au lieu de ça, je sentis mon corps se tendre sous ses doigts quand elle s'apprêta à recoudre la plaie car déjà elle me picotait, et en voyant le visage de Ruby penché au-dessus de moi, plein de concentration, il me frappa encore plus que je n'étais pas le seul à avoir passé une mauvaise nuit... Ses traits étaient marqués, ses cernes apparaissaient sur sa peau claire, même les coins de sa bouche étaient un peu plissés. Pourtant, elle agissait avec une extrême précision et attention, ce dont je lui étais reconnaissant vu la sensibilité de ma plaie. Je la regardais faire pour ne pas penser à la sensation de ma peau que l'on recousait, pas forcément très douloureuse mais assez dérangeante - c'est alors que je vis ses mains, recouvertes elles aussi de traces. Mon cœur se serra un peu : je l'avais entraînée elle aussi, bien malgré moi...
- La douleur, ça va mieux ? Je pense que le pire est passé. J’ai laissé le fil tremper dans une potion, ça devrait aider la cicatrisation et éviter la douleur.
Je tiquai légèrement - je me fichais d'avoir mal tout d'un coup, et elle, qui se préoccupait de son état ?! J'essayai de me redresser un peu, pris d'un malaise grandissant, que la fièvre n'arrangeait pas.
- Arrête de bouger ! Oh, excuse-moi… J’ai pas très bien dormi… J’ai pas trop dormi tout court, mais c’est pas grave, ne compte pas sur moi pour te laisser t’échapper comme ça ! C’est juste… Il s’est passé quoi ?
Avalant ma salive avec un peu de peine car ma gorge était toujours douloureuse, je répondis enfin, ne sachant pas par quel bout commencer :
- Je suis désolé, je ne voulais pas que ça se passe comme ça... Tu n'as pas dormi du tout ?! Oh, je suis vraiment désolé, répétai-je en cherchant son regard, et ma main vint se poser doucement sur son avant-bras. Merci de t'être occupé de moi. Tu t'es fait du souci, je... Et tes mains, ça va ? hésitai-je. Je vais bien, la douleur s'estompe, tu m'as très bien soigné, la rassurai-je avec un petit sourire.
La douleur était encore là, et principalement la blessure sur mon torse me gênait comme si toute la magie noire n'en était pas encore partie, mais cela n'avait plus d'importance. Ruby avait du trop s'inquiéter pour que je me plaigne encore, surtout que c'était à moi de prendre soin d'elle - au moins autant qu'elle avait su le faire de moi.
- Tu t’en rappelles ?.. Je t’ai trouvé dans la ruelle près des... dans la ruelle, et j’ai du transplaner jusqu’ici, et te faire léviter… Tu étais inconscient. Je veux juste pas que ça recommence, je peux pas supporter l’idée qu’on te fasse du mal, tu comprends ? Tu m’as manqué.
Justement : la ruelle. Que faisait-elle par ici, ce n'était pas le chemin pour aller vers chez moi ! Elle avait fini de recoudre - et je notai au passage la perspicacité d'avoir laissé le fil dans la potion, décidément elle ne cessait de m'impressionner - et s'était rapprochée de moi. Ah ! Le dessin tout fuyant de ses lèvres fit rater un battement à mon cœur, elle avait l'air épuisée et toute fragile elle aussi, comme si c'était elle qui avait été agressée. Elle avait transplané et s'était démenée, rien que pour moi... Je saisis ses deux mains dans les miennes et les serrai, de plus en plus désespéré de ce que j'avais provoqué.
- Oui, oui, je me rappelle de tout, la rassurai-je. J'avais un rendez-vous et... Il s'est mal passé, je me suis fait avoir, ils étaient plus nombreux mais comme je ne tenais pas trop à leur céder tout ce qu'ils voulaient, ça s'est mal fini. Heureusement que tu étais là mais d'ailleurs, que faisais-tu par ici ? Tu es arrivée plus tôt que prévu ? En tout cas merci, j'imagine que... Je souris pour m'excuser. Je ne me rappelle pas vraiment de comment on est revenus aussi, mais ça n'a pas du être de tout repos. Merci d'avoir été mon ange-gardien, murmurai-je avant de lui rendre son baiser.
Pour preuve que je disais vrai, je l'attirai plus contre moi, ignorant volontairement les tiraillements que cela me déclenchait un peu partout où j'avais été blessé, et je voulus glisser mes mains dans son dos puis vers sa nuque, l'embrassant avec plus d'ardeur que j'aurais dû car la tête me tourna, pas de cette excitation que je ressentais toujours lorsque nous nous embrassions, mais parce que je n'étais pas en état - tant pis. Elle m'avait trop manqué, elle aussi, et la distance entre le Kent et l’Écosse m'avait paru bien immense, pendant toute cette semaine. J'insistai quand elle commença à se reculer - je n'en avais pas fini et je ne le voulais pas. Cela faisait plus d'une semaine ! Mais elle se dégagea en souriant, toute précautionneuse qu'elle était. Je pinçai les lèvres pour lui montrer ma déception.
- Ne bouge pas j’ai dis ! Tu veux qu’on remette de la pommade sur ton bras, ou sur ta joue ?
- Si tu veux, marmonnai-je, mais elle était déjà prête à officier.
- Tu te rappelles de ton mauvais rêve hier soir ? C’était… C’était Jamie, pas vrai ? Tu veux en parler ?
- Je... Mais pris de court, je me tus un instant.
En réalité, je n'en avais eu aucun souvenir - jusqu'à ce qu'elle le rappelle. Mais oui ! Je me revoyais me réveiller un peu et me blottir contre elle - le rêve, toujours le même, m'était si familier que je m'en souvenais dans les moindres détails, comme un vieil ami que l'on est obligé de recevoir au moins une fois par mois, comme le veut la coutume. Je me toussai légèrement, cherchant une issue : il n'y en avait pas. Je ne voulais plus rien omettre à ce sujet, car je l'avais fait trop longtemps et surtout avec Ruby ; mais d'un autre côté, à quoi bon ? Je savais que ce rêve ne me laisserait jamais de répit, je savais qu'il faisait partie de moi, sans doute qu'il était comme tous ces petits détails contre lesquels je ne pouvais rien, absolument rien, qui me rattacheraient pour toujours au souvenir de Jamie. J'avais baissé les bras, en un sens : mes nuits n'avaient jamais été calmes depuis lors, le bruit de la rivière murmurait sans cesse en fond dans le silence de la nuit. Alors... Dire ? Confirmer ? De toute manière, elle l'avait compris toute seule.
- Oui, avouai-je un peu à contrecœur.
Un silence flotta quelques secondes - mais je savais qu'il me revenait de le briser.
- C'est toujours le même, ce n'est pas bien grave, tentai-je de dédramatiser avec un regard rassurant en sa direction. Il est proche de la réalité, à quelques détails près, qui varient. J'ai l'habitude ! Ce n'est qu'un mauvais rêve, conclus-je un peu tristement.
Pourquoi me vint-il alors cette idée bien étrange ? Peut-être parce que la proximité de ma table de nuit me rappelait, comme à chaque fois, ce qu'elle contenait. Pourquoi me dis-je que ce moment était le bon, entre tous ? Depuis tout ce temps ? Sans doute parce que j'étais las de devoir lutter contre ce courant bien trop fort pour moi. Je baissai les yeux une seconde.
Aussi loin que je m'en souvenais, Jamie avait toujours trimballé ce vieux carnet en cuir noir - je me rappelais très bien où il l'avait eu d'ailleurs, il l'avait chipé à Matthew, c'était un petit carnet au liseré brun, pour tenir les comptes de la distillerie. Mais comme Matthew en avait plein, Jamie avait décidé de se servir. Depuis ce jour - incapable de me rappeler quand exactement -, mon frère avait ce carnet sur lui ou rangé dans ses affaires, et il y écrivait à une fréquence plutôt aléatoire, mais il n'était pas rare que je le vois griffonner dedans, couché sur son lit ou bien perché sur le petit mur en pierre de la terrasse, à l'angle - son endroit préféré. Ce carnet avait été notre première et véritable dispute, d'ailleurs - je me rappelais l'éclat dans son regard quand il m'avait balancé le carnet pour que je le lise, et que j'avais refusé tout net, lui expliquant qu'il pouvait très bien avoir ses secrets comme j'avais les miens. Et comme il ne m'avait jamais expressément dit ce qu'il couchait sur ces pages, je ne l'avais pas forcé. Pour lui faire comprendre que cela était possible - que lui aussi, parfois, devait faire de même. Mais il ne l'entendait pas de cette oreille, ne l'avait jamais fait et ne le ferait jamais. Cette dispute était gravée dans ma mémoire, parce qu'on regrette toujours quand il est trop tard et que le cerveau se refuse à effacer ce qui pourtant nous soulagerait, je l'avais bien compris. Il avait relancé le sujet, toujours le même - pourquoi tu ne veux pas lire, pourquoi tu ne veux pas savoir, tu t'en fiches ?, et si moi je veux que tu lises et que tu saches... Ce n'était pas que je ne voulais pas savoir, sans doute d'ailleurs le savais-je à moitié. Je voulais juste essayer d'instaurer ce qui nous manquait, la seule et unique chose qui nous manquait, mais j'avais bien du mal. Car à chaque fois je pliais - je détestais voir Jamie s'énerver car c'était contre lui plus que contre moi, et qu'il finissait toujours par verser des larmes de colère, ce que je ne supportais pas. Je l'aimais trop pour cela ; mais c'était ce qui lui échappait. Il pensait m'aimer plus - je l'aimais pourtant tout autant, à la différence que je le faisais à ma façon. Cette fois-là je n'avais pas cédé, je n'avais pas lu, jamais. Si bien que nous avions passé le reste de la soirée chacun sur notre lit, en silence, comme quand nous nous disputions : nous restions ensemble mais nous ne parlions pas, et il avait d'ailleurs écrit dans le fameux carnet. Après sa mort, je l'avais récupéré - sans me résoudre à l'ouvrir, et je l'avais enfermé là, dans ma table de nuit, repoussant le moment, l'appréhendant de plus en plus, mais ne trouvant pas la force de faire le pas. J'allongeai le bras pour ouvrir le tiroir à demi et y glissai la main, sentant au fond le vieux cuir sous mes doigts. Je le sortis et l'examinai pensivement. Qu'allait-il se passer ? Rien n'allait changer, rien. La rivière avait depuis longtemps charrié tout ce qu'il était possible d'emporter. Alors, pourquoi hésitai-je ? C'était stupide. Jamie aurait été content que je le lise. La question était là : et moi, en avais-je envie ? Je finis par le tendre à Ruby.
- Tiens, lui confiai-je, ôtant mes mains comme si la couverture m'avait brûlé. Je l'invitai à s'installer contre moi, même si je ne voulais pas voir de mes propres yeux les pages recouvertes de l'écriture de Jamie. Je la regardai dans les yeux, cherchant la force si particulière que j'y puisai, à chaque fois. Son regard étincelant m'avait manqué. C'était le carnet de mon frère, je ne l'ai jamais lu. Je ne sais pas, je... Je soupirai. C'était étrange à expliquer - en vérité il n'y avait rien à expliquer. Je n'y arrive pas. Tu veux bien regarder pour moi ? Et me dire... Sans lire.
J'avais conscience de l'étrangeté de ma demande, mais j'avais confiance. En elle. Et je la regardais en me souvenant de la façon dont elle m'avait regardé alors que battait l'orage, et que j'avais eu la certitude que quoi qu'il arrive, quoi que je dise, elle ne partirait pas - jamais. |
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Ruby Standiford-Wayland Apprentie à Sainte Mangouste
Nombre de messages : 2205 Localisation : Cachée. Date d'inscription : 03/09/2011 Feuille de personnage Particularités: « and from the rain comes a river running wild that will create an empire for you. » Ami(e)s: Lizlor; « Maybe home is nothing but two arms holding you tight when you’re at your worst. » Âme soeur: « Lover, when you don't lay with me I'm a huntress for a husband lost at sea. »
| Sujet: Re: ~ Bittersweet. [PV E.] Ven 28 Juin - 0:46 | |
| Bien sûr que je craignais le réveil d'Ewan. Sa nuit, bien qu'elle m'était apparue plus apaisée pendant que je rangeais, avait été jonchée de mauvais rêves et je savais bien que ce genre de sommeil n'était pas toujours réparateur. J'étais habituée à cauchemarder et parfois les souffrances psychologiques ranimées par l'inconscient pouvaient épuiser physiquement, et vu l'état d'Ewan, je supportais mal l'idée qu'il ait été torturé un peu plus, poussé à bout, alors qu'il était déjà fragilisé par l'incident de la veille que j'ignorais toujours. J'étais attristée, car souvent le soir dans la chambre avec Lizlor, quand je ne trouvais pas le sommeil, je me plaisais à imaginer mes retrouvailles avec Ewan, et malgré tout les scénarios que j'avais fait, aucun n'incluait ce genre de retournement de situations. Il y avait un étrange parallèle avec cette soirée où je l'avais déjà tiré d'affaire, celle de mon anniversaire où je me souvenais encore clairement de ses doigts qui effleuraient ma nuque pour écarter mes cheveux, ses lèvres fraîches contre ma joue lorsqu'il m'avait souhaité mon anniversaire... Même si je n'avais pas oublié ma gêne à ce moment-là, elle n'était pas aussi désagréable que l'angoisse qui me prit dès qu'Ewan bougea. Mais s'y mêla une énergie nouvelle à la fois, comme si la peur devenait soudain un moteur pour que j'agisse, tout comme elle l'avait été du tout long de la soirée de la veille. J'avais préparé la potion moi-même, en m'inspirant de recette certes mais je n'étais pas habituée à faire mes propres créations - je laissais ce genre d'expériences à Stephen. Bien sûr que j'avais mes petites astuces pour améliorer les ingrédients, les mixtures, mais je n'avais jamais essayé par moi-même de créer quelque chose. J'aimais bien trop les règles pour en sortir, et surtout je n'aurais jamais osé dans une situation aussi importante que celle-ci; je n'avais pas le temps de jouer à assembler les propriétés pour tester le résultat... Et pourtant, je n'avais pas eu le choix. Je n'avais cessé, cette nuit, de me demander si c'était bien, si les ingrédients allaient bien ensemble, à craindre les effets de secondaires et à retourner dans tous les sens ce que j'avais fais. Je n'avais pas le droit à l'erreur, je le savais, et l'idée de m'être trompée me terrifiait.
- Je suis désolé, je ne voulais pas que ça se passe comme ça... J'hochais la tête en signe de négation - ça m'étais égal, complètement égal! Pourquoi s'excusait-il?! Ce n'était pas sa faute! Tu n'as pas dormi du tout ?! Oh, je suis vraiment désolé. Merci de t'être occupé de moi. Tu t'es fait du souci, je... Et tes mains, ça va ?
Je détournais les yeux, gênée. Je ne voulais pas qu'il remarque ça... Si je m'étais fais du souci?! C'était un euphémisme, et les images de la nuit dernière remontèrent douloureusement tandis que je continuais de recoudre minutieusement. Il me vint alors à l'esprit qu'Ewan remarquerait sûrement ce que j'avais rangé, sur le plan de travail et la bibliothèque, et soudain je sentis mon corps se tendre et se crisper. Qu'en penserait-il?... Je savais que ce n'était pas sain, et que même s'il n'oserait pas le dire, c'est ce qu'il penserait. Pendant un moment, je m'imaginais me lever cette nuit pour tout déranger... Mais c'était trop extrême. Je devais me calmer. Après tout, je n'avais qu'un peu de rangement, peut-être que ça ne le paniquerait pas...
- Une heure ou deux, mais je n'ai jamais été une grande dormeuse, ne t'inquiète pas! Pendant un instant, j'hésitais à parler de mon cauchemar, mais une honte étrange me prit et je me ravisais. Je ne voulais pas lui faire peur une nouvelle fois, ni l'inquiéter. C'était des rêves et des peurs stupides, voilà tout. Et quant à mes mains, je me les suis juste lavée un peu trop vivement, et le stress et... Peu importe, éludai-je rapidement, je vais bien. Je suis simplement désolée, ce n'est pas très attirant.. Commentai-je en regardant mes mains, fronçant les sourcils de mécontentement.
Je voulais pourtant être jolie pour lui, vraiment, et j'étais mal à l'aise tout à coup avec mes traits et cheveux tirés. Est-ce qu'il était content de me revoir malgré tout? Oui, oui bien sûr, il était animé de sentiments pareils aux miens, j'avais compris dans nos lettres que ma présence lui manquait mais... Mais je ne pouvais pas empêcher une petite voix de me souffler le contraire, et je ne voulais surtout pas qu'Ewan soit déçu de me retrouver ainsi, inquiète et fébrile... Je ne pouvais pas être dans un état pareil.
- Je vais bien, la douleur s'estompe, tu m'as très bien soigné.
Je ne pus retenir un soupir de soulagement. J'hochais la tête, ne sachant quoi répondre. Probablement aurais-je du être fière de moi, mais je n'avais pas les pensées orientées à me féliciter, la seule chose qui m'occupait, c'était Ewan. Je ne voulais pas qu'il atténue sa douleur pour ne pas m'inquiéter, de toute manière j'étais aux aguets et j'épiais chacun de ses mouvements, l'état de ses blessures, refusant qu'un unique détail m'échappe.
- Oui, oui, je me rappelle de tout. J'avais un rendez-vous et... Il s'est mal passé, je me suis fait avoir, ils étaient plus nombreux mais comme je ne tenais pas trop à leur céder tout ce qu'ils voulaient, ça s'est mal fini. Je sentis une colère froide m'envahir, et ma et ma tête bourdonnait d'imaginer la scène. Qui étaient ces hommes, je n'en savais rien, mais je sentais une répulsion et une haine immense contre eux, et en cet instant, je voulais les faire souffrir autant qu'ils avaient fait souffrir Ewan - et c'était si déloyal ! - et je me trouvais bien démunie assise sur ce lit, avec comme seul arme mon fil et mon aiguille pour réparer les dégâts. Et j'étais inquiète, inquiète que ça se reproduise... Heureusement que tu étais là mais d'ailleurs, que faisais-tu par ici ? Tu es arrivée plus tôt que prévu ? En tout cas merci, j'imagine que... Je ne me rappelle pas vraiment de comment on est revenus aussi, mais ça n'a pas du être de tout repos. Merci d'avoir été mon ange-gardien.
Je ne sais pas si c'était le soulagement de le savoir avec moi et sauf, ou parce que pendant une semaine je n'avais pas pu le faire, mais l'embrasser déclencha en moi une série de frisson qui me prit toute entière, bien que je refuse de m'y abandonner. Je devais continuer à m'occuper de lui, et si je me laissais entrainer par cette vague que je ne connaissais que trop bien... Et la fois, elle m'avait tant manqué que je ne pouvais pas empêcher la pression de mes lèvres de se faire un peu plus forte, et mes yeux se fermaient tandis que mon corps n'appelait qu'une chose, plonger dans cette torpeur douce. Mais je ne pouvais pas, je le savais, Ewan était trop fatigué, trop faible, et il devait surtout ne pas bouger ! Je m'écartai malgré moi, lui adressant un petit sourire.
Mais il y avait quelque chose qui le fanait, et c'était les questions d'Ewan... Il n'était pas stupide, il avait compris et fait le rapprochement probablement, ou du moins il comprenait que quelque chose clochait, que ce n'était pas normal. Que pouvais-je lui dire? Je me sentais si honteuse, en me rappelant de comment j'étais rentrée dans le bar, le corps animé par ce besoin qui me dépassait. Je ne voulais pas qu'Ewan pense que c'était lui qui me mettait la pression, je ne pouvais même pas expliquer ce qui m'avait traversé... Cette crainte stupide de l'aimer trop peut-être, cette impression que je ne savais pas contrôler ce que je ressentais pour lui; et pourtant, à présent que j'étais avec lui, je me sentais si bien, malgré toute l'angoisse qui me rongeait, j'étais heureuse de le retrouver et je le sentais sincère jusque dans ses baisers. Pourquoi fallait-il toujours que l'absence me fasse douter? Je me sentais mal à l'aise, et je détournai les yeux, cherchant une échappatoire. Mais je ne voulais pas lui mentir, et à la fois je ne voulais pas l'enfoncer alors qu'il n'était déjà pas dans un très bon état... Je poussai un soupir, avant de finalement me lancer, une sorte de peur nouant mon estomac, se mêlant à la honte qui rougissait mes joues.
- Je... Soudain, je sentis les larmes remonter, et malgré tous mes efforts, elles ne voulaient pas se retenir, et quelques unes roulèrent sur mes joues tandis que je tentais à tout prix de contenir mes tremblements. J'ai acheté une bierraubeurre, je ne sais même pas pourquoi, je voulais juste... Et je l'ai lâché quand je t'ai vu, mais j'allais boire et..., Ewan eut un mouvement vers moi, et soudain je m'écartais violement, expiant entre mes lèvres un cri étouffé, non! Arrête, je suis juste tellement ridicule! Et si j'avais bu? Et si j'avais été ivre? Je n'aurais pas pu m'occuper de toi, et ça je ne veux même pas l'imaginer, je... Je ne me le serais jamais pardonner, j'ai tellement honte. J'enfouis mon visage entre mes mains quelques secondes, avant de le relever vivement et d'essuyer les larmes. On s'en fiche, on s'en fiche! Ajoutai-je soudain d'un ton brusque. Je ne voulais pas me laisser aller, d'autant qu'il n'y avait rien à dire. J'avais honte, simplement honte, de me montrer ainsi alors que c'était lui qui était blessé, et je trouvais encore le moyen de pleurer sur mon sort. Je m'occupe de toi.
Je ne lui laissais pas le choix, de toute manière. Même s'il n'avait pas l'air très emballé – oh moi aussi, j'aurais préféré rester à l'embrasser tranquillement – je me levais rapidement pour aller chercher la potion et m'occuper de ses blessures. J'allais devoir régulièrement appliquer de l'onguent, et j'avais déjà une idée sur quelques plantes et potions qui pourraient soulager le tout et accélérer la cicatrisation. Et maintenant qu'Ewan avait les idées plus claires, je pourrais lui soumettre mes propositions, et je préférais lorsqu'il pouvait me conseiller car je n'étais jamais totalement sûre de moi, encore moins lorsqu'il s'agissait de domaine comme la magie noire qui avait provoqué sa blessure. Mais pour le moment, ça pouvait bien attendre, ce qui m'inquiétais plus était le mauvais rêve d'hier... Et c'était délicat d'en parler, car même si Ewan ne cachait plus Jamie désormais, je n'étais jamais sûre de ses réactions lorsque je lui en parlais, et je ne savais même pas s'il voulait que j'en parle, d'ailleurs. Son frère avait existé, et je comprenais que la manière dont ses parents avaient gommé son existence était insupportable, mais j'avais toujours peur de dire un mot de travers, d'avoir l'air de tirer un jugement hâtif – et pourtant, je ne cherchais qu'à comprendre celui qui était la moitié d'Ewan, une moitié disparue, mais qui avait été présente.
- Je... Oui. J'achevai de tapoter un peu de pommade sur sa joue, et je m'écartai, cherchant son regard tandis que le mien était un peu hésitant. Je ne savais pas si je devais insister, s'il n'osait pas en parler ou s'il n'avait simplement pas envie... Je reposai le pot avec la crème au pied du lit, m'essuyant au passage le reste sur le dos de mes mains, pour accélérer la disparation des griffures. Je m'installai ensuite face à Ewan et timidement, je pris sa main libre entre les miennes, pressant mes paumes contre sa peau tiède – c'était un signe qui cherchait à lui dire que s'il désirait, il pouvait continuer à me raconter, et que dans le cas contraire, j'étais juste là pour lui, silencieusement. C'est toujours le même, ce n'est pas bien grave. Il est proche de la réalité, à quelques détails près, qui varient. J'ai l'habitude ! Ce n'est qu'un mauvais rêve.
Je m'y connaissais en mauvais rêves à répétition, et j'imaginais douloureusement ceux dont les nuits d'Ewan devaient être peuplés. J'étais mal pour lui, car je savais qu'il n'y avait aucune solution à ce genre de songe, mais j'étais aussi désolée qu'il considère simplement cela comme « un mauvais rêve ». C'était tellement plus, il le savait très bien, et je n'avais pas besoin de le voir prétendre que ça allait pour comprendre que non, ce n'était pas facile pour lui de se rappeler de cet épisode de sa vie. J'aurais voulu pouvoir, comme je l'avais fais pour ses blessures physiques, soigner celle qui se tapissaient en lui et ne lui laissaient aucun répit. J'aurais voulu que mon amour suffise, mais les sentiments ne pouvaient vaincre la mémoire, je le savais depuis trop longtemps pour avoir des doutes dessus. Je voulus lui dire quelque chose, le réconforter, mais il me prit de court lorsqu'il se pencha vers la table de nuit. J'eus d'abord un mouvement pour l'arrêter, mais je compris rapidement qu'il cherchait quelque chose et je fus réduite au silence, immobile, attendant de comprendre ce qui se tramait.
- Tiens. Je fronçai les sourcils. Ewan me tendait un carnet, et je le pris doucement dans mes mains, avant de m'asseoir à côté de lui comme il me l'avait indiqué. Ewan ne m'avait jamais dit qu'il m'écrivait, mais je ne lui avais jamais dit que moi aussi, alors est-ce que nous avions ce point commun que nous ignorions? Non, ça m'étonnait – quelque chose clochait. C'était le carnet de mon frère, je ne l'ai jamais lu. Je ne sais pas, je... Je n'y arrive pas. Tu veux bien regarder pour moi ? Et me dire... Sans lire.
Je restais interdite pendant un moment, fixant le carnet. C'était celui de Jamie. J'ignorais qu'il écrivait, mais surtout, j'ignorais qu'Ewan pouvait avoir confiance en moi au point de me demander de lire ça... Soudain, je me sentais presque mal à l'aise, j'avais peur de mal faire, mais je me sentais enfin capable de l'aider, et s'il me le demandais, c'est qu'il en avait besoin, et j'aurais tout fait pour pouvoir soulager son fardeau. J'étais simplement... Intimidée, par un simple carnet, peut-être parce que Jamie m'intimidait en lui même, alors que je ne l'avais jamais rencontré et que je ne connaissais rien de lui. C'était peut-être cette part de mystère qui planait autour de lui qui rendait la chose encore plus impressionnante. Je n'hésitai même pas, et ouvris le carnet un moment avant de le refermer.
- D'accord. Murmurai-je, en levant les yeux vers lui.
Il avait une mine si désolée que je posai le carnet un instant à côté de moi, je pris ses mains dans les miennes – la chaleur qui émanait de ses paumes fit accélérer les battements de mon cœur. Doucement, je me penchai vers lui et je déposai un baiser sur ses lèvres, l'empêchant cependant de bouger refermant plus fermement mes doigts autour de ses mains. Je voulais lui donner de la force... Et m'en donner à moi aussi, et pendant quelques secondes, il n'y eut plus que la douceur qui émanait toujours de ses baisers qui m'avait tant manqué, et le goût qui s'échappait de ceux-ci – soudain j'étais à nouveau plongée dans une atmosphère cotonneuse. Je me sentis sourire malgré tout, et lorsque je m'écartai, je ne pus m'empêcher de lui piquer un dernier baiser, le regardant un peu tristement. Je ne voulais pas ce carnet l'attriste et pourtant, je comprenais... C'était des mémoires de son frère disparu. Bien sûr que c'était difficile.
- Dis moi si tu veux que j'arrête, d'accord? Dis-je d'une petite voix.
Comme il semblait ne pas vouloir lire, ni même voir les pages, je me tournais légèrement pour lui faire presque face, et j'ouvris la première page sur laquelle était inscrite « Propriété de Jamie Campbell » à l'encre grise, d'une écriture appliquée. J'eus un frisson – j'écrivais toujours R.S à l'encre violette sur mes carnets aussi, sur la première page. Je la tournais délicatement, le coeur battant. C'était un carnet de compte, et dans la plus petite colonne était inscrites les dates, soulignées proprement. Je tournais plusieurs pages, toutes étaient écrites à l'encre noire, d'une écriture droite et appliquée. Elle me rappelait celle d'Ewan, mais elle était moins arrondie, plus rigide, les barres des t ou des b s'élevaient plus hauts. Je retournai à la première page, où il avait griffonné un emploi du temps de sa semaine de vacances, intercalant sorties, détentes, et révisions. Au dessus était écrit et souligné « Emploi du temps de Jamie et Ewan » - je fronçai légèrement les sourcils. Petit à petit, j'ouvrais des pages au hasard, cherchant des bribes intéressantes. Je me surpris à avoir un petit rire lorsque je lus quelques anecdotes de vacances, comme si par moment tout ce carnet dégageait quelque chose de simple et d'adolescent. Parfois, je devinais au fil des mots une arrogance non-cachée, une sorte de supériorité, non pas que Jamie pensait émaner de lui, mais bien d'Ewan et lui – comme s'ils étaient indissociables. Ce n'était pas qu'il était supérieur, ils l'étaient lorsqu'ils étaient ensemble. Mais à la fois, je le comprenais d'une certaine manière. Qui ne se serait pas senti invincible au côté d'Ewan? Les liens familiaux étaient déjà tellement uniques – je le vivais avec Lizlor, à notre manière – et être jumeaux était une chose aussi spéciale... Je comprenais qu'il se sente différent.
Mais il n'y avait pas simplement cette assurance, ou cette légèreté dans les pages, bientôt, je tombais sur l'une où Jamie parlait d'une dispute qu'il avait eu avec son frère. Je me raidis, laissant mes yeux courir le papier, légèrement embués de larmes que je n'arrivais pas à retenir. Derrière toute cette rage, je lisais surtout un désespoir qui émanait d'une incompréhension, d'une peur; Jamie voulait simplement qu'ils s'aiment, qu'ils soient fusionnels, et il voyait difficilement que c'était déjà le cas, mais qu'ils avaient des interprétations différentes. Autant que je trouvais un côté prétentieux à Jamie, autant que je l'admirais parce qu'il était le frère d'Ewan et que ça lui donnait une dimension majestueuse, je me surpris à le trouver soudain vulnérable, et je finis par tourner la page, incapable de finir de lire la dispute – déjà, je clignai des paupières pour chasser des larmes que je ne voulais pas que l'on puisse voir. Au fur et à mesure défilait les histoires que je survolais. Il parla à plusieurs reprises de Phil, de la manière dont il n'aimait pas la relation que lui et Ewan entretenaient. Les défauts qu'il y trouvait était majoritairement ceux de Phil, qui me rappelait ceux de Jamie – une fierté exacerbée, un désir de conquête, de différenciation – et le fait qu'Ewan et lui s'entendent bien, très bien. Je voyais que ça désemparait Jamie autant que ça l'insupportait simplement.
Je lus quelques passages sur leur retour au manoir familial, des commentaires sur leurs parents trop lisses et hypocrites, ce désir d'évasion qui se coulait dans les mots me rappelaient celui qu'Ewan m'avait évoqué parfois lorsqu'il parlait de ses années adolescentes. Il y avait un extrait sur une fête à Poudlard, et il me semblait que Jamie avait écrit les quelques phrases encore ivre, ce n'était pas clair, mais il ressortait simplement un sentiment de colère car Ewan avait passé son temps une fille... Je cherchais dans les pages suivantes pour trouver mention de la fameuse Zoey, la petite-amie d'Ewan à l'époque – je ne pus réprimer un frisson. Encore une fois, Jamie semblait ne pas l'apprécier car il comprenait qu'Ewan le faisait lui, et beaucoup plus qu'il ne l'aurait pensé. Je continuais encore les pages, cherchant Zoey du bout des yeux, pour tomber sur la page qui indiquait une date de rupture entre elle et Ewan, suivit d'une description de soirée plutôt arrosée. Je me raidis, j'atteignais les dernières pages qui relataient leur été – celui de sa mort. Une nouvelle fois, je sentis une boule dans ma gorge. Il parlait du futur, de leur futur à lui et Ewan, ce désir d'émancipation qui ne viendrait jamais – une larme roula, et je l'essuyai un peu honteuse – et de leurs sorties le soir... Je lus quelques lignes où il parlait d'Ewan, simplement de lui, de la façon dont il l'admirait, dont il l'aimait l'avoir comme frère, et je sentis un tristesse terrifiante m'envahir. Les pages touchaient à sa fin. Il parlait d'une certaine Kathleen par moment, une fille qui semblait plaire à Ewan et vice-versa, de comment il la trouvait collante, et de comment eux deux avaient des projets bien plus grands que rester à Oxford et sortir avec des filles simples comme elle... Lorsque j'atteignis la dernière page, je me figeai. Il n'y avait rien écrit d'important, simplement un emploi du temps pour un week-end à la mer qu'il voulait organiser avec Tom et Sam pour faire une surprise à Ewan. J'avais le coeur lourd, et lentement, je fermais le carnet et mes yeux par la même occasion, tentant de reprendre conscience lentement. Finalement, je me tournai vers Ewan, osant le regarder dans les yeux tandis que timidement, ma main vint chercher la sienne.
- Il parle de beaucoup de choses. Des anecdotes sur vous, comme quand vous avez fait le mur et que tu es tombé dans le rosier. Racontai-je avec un petit rire – triste malgré tout. Il est heureux. Ajoutai-je doucement. Il dit pas mal de choses sur vos amis aussi, sur Phil par exemple, il n'avait pas l'air de beaucoup l'apprécier, mais je crois que c'était simplement de la jalousie. C'est la même chose avec les filles, Zoey, et Kathleen aussi... Il les aime bien, jusqu'à qu'elles soient trop proches de toi, et vice-versa. Il parle aussi de lui, de ce qu'il veut faire plus tard, de comment il veut que vous partiez tout les deux, loin de vos parents... Il y a des emplois du temps parfois, c'est très bien organisé. Ce n'était peut-être qu'un détail, mais il m'avait sauté aux yeux, et j'avais le sentiment qu'il aurait de l'importance pour Ewan. J'ai l'impression que... Derrière toute cette assurance qu'il affiche, même dans ses écrits, il a simplement peur que tu préfères quelqu'un d'autre, même s'il sait que vous vous aimez, ce n'est pas forcément rationnel. Il se sent plus fort quand vous êtes ensemble, et il veut que tu sentes la même chose. Quand il parle de vos disputes, il s'en veut d'agir comme ça, mais c'est comme un mécanisme de défense. Il préfère t'attaquer pour t'atteindre et te garder. Il t'aime, et il ne sait pas comment faire, je crois... Achevai-je d'une toute petite voix.
J'avais la main qui tremblait un peu et mon cœur qui tambourinait dans un rythme triste et lent. Pendant un moment, je n'arrivais simplement plus à parler et je sentais l'atmosphère tellement lourd de souvenirs et d'émotions que je ne pus résister. Tout doucement, je lâchai la main d'Ewan, et agissant lentement par crainte de lui faire mal, je l'attirai contre moi, posant son visage dans le creux de mon cou et caressant doucement ses cheveux, avant d'embrasser son front encore tiède. J'avais tellement envie qu'il se sente bien, que ça cesse de lui peser... Mais comment pouvais-je lutter contre la perte de son frère? Je devais m'y résoudre, je ne pouvais pas. Là n'était pas la question de toute manière. Je m'écartai doucement pour lui faire face à nouveau, et j'essayais de lui faire un sourire sincère. Malgré tout, il était là, et j'étais avec lui, et je savais que ça comptait.
- Tu sais, c'est étrange, moi aussi j'ai des carnets. Dis-je, cherchant à alléger l'atmosphère. J'en ai trois et... Mais soudain je me tus. J'avais levé les yeux vers Ewan, et il me regardait une expression... Étrange, comme s'il se sentait coupable, et surtout, comme s'il savait de quoi je parlais. Je sentis mes yeux s'écarquiller, et les enchaînements se faire dans mon cerveau. Oh non... Et j'en ai perdu un, il y a quelques mois. Ne me dis pas que... Non... Je me cessai toute nette, sentant mes joues se colorer. Mais... Quand? Comment? En plus, il date d'après mon anniversaire, non ?! Tu l'as... Oui bien sûr, répondis-je pour moi-même, bien sûr qu'il avait du le lire, je l'avais perdu aux alentours de notre dispute et il avait du se dire que ça n'était plus important, bien sûr que oui, c'est pas grave, mais... Oh mais s'il date d'après mon anniversaire, j'ai du écrire sur... Toi... Est-ce j'ai dis que je voulais?... Oh non! M'exclamai-je soudain, enfouissant mes mains dans mon visage. Je buvais beaucoup en plus à ce moment-là, j'écrivais tout ce qui me passait par la tête, j'ai du écrire que je voulais, et pas toi, et que je... Je relevai la tête, Ewan me fixait toujours étrangement. Ne me regarde pas comme ça, j'ai trop honte! J'eus un rire nerveux. Je disais quoi, dedans? Finis-je par demander, le regard fuyant.
Je m'étais légèrement écartée de lui, et soudain j'avais le cœur qui s'agitait. Toute cette période était brumeuse, je me rappelais de quelques mots griffonnés sur les pages, et l'ivresse, mais surtout de mon désir grandissant envers Ewan. Et tout à coup, l'idée qu'il ait pu lire mes pensées là-dessus me terrifiait mais surtout me gênait – qu'avait-il pu bien en penser, lui qui avait subit mon rejet le premier et qui sûrement n'avait plus voulu par la suite? |
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Ewan Campbell Vendeur chez l'Apothicaire
Nombre de messages : 208 Localisation : Dans mon trou. (well, c'est glamour ça) Date d'inscription : 14/11/2012 Feuille de personnage Particularités: J'ai un énorme bagage à main (et ma copine a des gros boobs). Ami(e)s: Phil et Rita et les boobs (mais surtout les boobs) :) Âme soeur: “And she kissed me. It was the kind of kiss that I could never tell my friends about out loud. It was the kind of kiss that made me know that I was never so happy in my whole life.”
| Sujet: Re: ~ Bittersweet. [PV E.] Ven 5 Juil - 20:03 | |
| - Une heure ou deux, mais je n'ai jamais été une grande dormeuse, ne t'inquiète pas! Et quant à mes mains, je me les suis juste lavée un peu trop vivement, et le stress et... Peu importe, je vais bien. Je suis simplement désolée, ce n'est pas très attirant...
Qu'elle parle d'attirance à un tel moment m'arracha un petit sourire malgré tout : avec ses cheveux un peu en bataille, ses habits dans lesquels elle avait passé la nuit et l'inquiétude et la fatigue qui avaient creusé des cernes sous ses yeux, Ruby n'avait rien perdu de son charme et de sa grâce, au contraire. C'était la preuve - et il m'en coûtait, d'ailleurs - qu'elle avait été inquiète toute la nuit, par ma faute, et si elle avait passé une bien mauvaise nuit c'était le signe de tous les tourments qu'elle avait eus pour moi. Comment aurait-elle pu être moins attirante qu'en cet instant-là, enveloppée dans toute la tendresse qui l'avait gardée sur le pied de guerre toute la nuit ! Je n'en menais pas large de savoir que tout cela était pour moi, mais je ne pouvais pas non plus m'empêcher de me sentir touché et ému de ses attentions. Il y avait bien longtemps, depuis que j'avais senti la séparation de ma famille, après la mort de Jamie, que je m'étais senti aussi important pour quelqu'un, et cette sensation, bien qu'un peu amère, était pleine de toute la douceur dont j'avais besoin. Mes blessures me faisaient moins souffrir - et de toute façon, je ne leur laissais pas le choix : cette nuit avait été éprouvante, pour nous deux, et je ne voulais pas que cela dure plus longtemps. En plus de cela... Ces vacances étaient les premières que nous passions réellement ensemble, et si nous avions encore quelques jours pour en profiter, je m'en voulais de nous en faire perdre en devant rester alité et pas spécialement dans la pleine possession de mes moyens. La manière dont Ruby avait baissé les yeux pour parler de ses mains m'interpella - je connaissais ce regard voilé, ce regard qu'elle avait quand il s'agissait de ce qu'elle ressentait et dont elle se sentait coupable et qui la suivait depuis bien des années. Je me mordis la lèvre machinalement - si en plus toute cette tension avait fait renaître en elle ses peurs contre lesquelles elle tentait de lutter, je n'étais décidément pas très efficace pour la protéger... Je secouai doucement la tête pour lui faire comprendre que je partageais pas ses idées, et passai ma paume et mes doigts doucement sur ses mains, sans les toucher vraiment pour ne pas lui faire mal, juste les frôlant, comme si par un quelconque moyen magique j'allais pouvoir soigner les petites blessures et emporter toutes ses terreurs avec moi.
- Je vais mieux, répétai-je avec conviction, ça va aller maintenant.
Il ne fallait pas se tracasser d'avantage, n'est-ce pas ? C'était cela le principal. Cette façon de faire, c'était celle de ma tante Bonnie, dont la douceur et la bonne humeur faisaient d'elle la personne la plus agréable et apaisante qui soit. C'était d'ailleurs amusant ce contraste avec Matthew, dont la grosse voix et la jovialité portaient tout autour de lui, et lui conféraient une présence qu'on ne pouvait pas ignorer, mais qui n'était pas déplaisante - mon père aussi avait cela, mais sa présence était plus écrasante, plus austère. Entonnement, dans mes souvenirs d'enfant, c'était Bonnie la plus présente quand je me rappelais les fois où j'avais été malade, ou effrayé. Je revoyais comme si c'était aujourd'hui cette façon qu'elle avait de s'occuper de nous quand nous étions malades, les bouillies qu'elle nous préparait et que nous adorions, seule consolation d'avoir de la fièvre, et comment elle nous couvait et s'occuper de nous sans cesser de sourire un instant. Et c'était ce qu'elle disait : ça va aller. Si d'un point de vue de vérité générale ce n'était pas immédiat, cette certitude rassurante avait une valeur d'antidote. Ma mère elle était plus distante, comme dans tout ce qu'elle entreprenait et qui n'était pas uniquement de façade, et il me semblait que les heures passaient bien plus vite avec Bonnie à mon chevet qu'avec ma mère. Dans quelle mesure je ne transformais pas mes souvenirs avec la rancœur que j'avais contre ma mère aujourd'hui, c'était une autre histoire, mais toujours était-il que ma tante avait compris de quoi nous avions besoin en ces moments-là, elle. Et je voulais que Ruby se sente rassurée, même si je n'avais pas toutes les clés en main, hélas...
- Je... J'ai acheté une bierraubeurre, je ne sais même pas pourquoi, je voulais juste... Et je l'ai lâché quand je t'ai vu, mais j'allais boire et... De pauvres petites larmes avaient coulé sur ses joues, malgré les efforts visibles qu'elle faisait pour ne pas se laisser aller. Comme d'habitude, ses larmes semblèrent me couler en plein cœur : il y avait toujours quelque chose qui m'était insupportable quand elle était ainsi, comme une petite flamme vacillante, et je ne voulais qu'une chose : m'envelopper autour d'elle et la protéger de tout, pour qu'elle arrête de trembler et garde de son éclat... J'eus un geste vers elle, qu'elle stoppa en se redressant. Non! Arrête, je suis juste tellement ridicule! Et si j'avais bu? Et si j'avais été ivre? Je n'aurais pas pu m'occuper de toi, et ça je ne veux même pas l'imaginer, je... Je ne me le serais jamais pardonner, j'ai tellement honte. On s'en fiche, on s'en fiche! Je m'occupe de toi.
- Mais... commençai-je, pour la défendre, pour me défendre aussi. Jamais je n'allais penser ça ! C'était de notoriété commune, on ne se soigne pas d'une telle addiction d'un simple coup de baguette magique. Les drogues sorcières elles aussi faisaient leurs dégâts, et d'ailleurs certains de mes clients pouvaient en témoigner. Il m'apparaissait tout naturel qu'elle ait du mal, malgré toute la vigueur qu'elle mettait dans cette bataille...
En un sens je la comprenais aussi : c'était une bataille dont elle était la cause, dont elle était la seule participante, la seule capable d'y mettre un terme. Elle ne voulait pas échouer, elle voulait être plus forte - n'était-ce pas tout ce qu'elle essayait de faire ? J'avais envie de lui dire qu'elle ne le voyait pas mais qu'elle l'était, bien plus forte qu'elle n'aurait pu le reconnaitre, et que ce n'était pas un pauvre verre, une pauvre tentation qui la mettait en échec, au contraire. Qui plus est elle avait résisté - et sans être venue jusque là, qui sait quand on m'aurait retrouvé dans la rue déserte ? Je ne la jugeais pas, au contraire : je ne pouvais pas, et je ne le pourrai jamais. Mais cette honte était si ancrée dans ces gestes de rejet qu'elle avait pour passer à autre chose que je me sentis désemparé, encore une fois. Quels pouvoirs avais-je face à cela ? Pas beaucoup.
Je la conseillai sur les meilleurs remèdes à appliquer, mais elle avait été remarquablement efficace, et mis à part quelques petits détails dans la confection des potions et l'association de certains ingrédients dont les pouvoirs étaient plus forts en matière d'antidote, j'étais impressionné de la lucidité qu'elle avait eu sur le coup. Non pas que je ne la croyais pas capable, mais ce n'était pas évident, et elle n'avait pas encore tout l'expérience d'une sorcière adulte. L'onguent qu'elle m'appliqua une nouvelle fois me procura une sensation de tiédeur et de légèreté, comme si on enlevait de la tension à mes blessures, et qu'elles étaient moins à vif sur ma peau. Puis... Puis ses caresses et ses baisers achevèrent de me soigner - il ne me manquait pas grand chose pour être de nouveau sur pied ! Je laissais ma tête contre son cou quand elle me caressa les cheveux, laissant mon regard se perdre dans les mèches blondes qui tombaient contre moi, et son col me laissant entrevoir sa gorge dont la proximité ne m'avait pas échappé. Bien sûr, j'avais compris le message, hélas : l'heure n'était pas à ce genre de rapprochements, bien qu'il m'en coûtait un peu de me retrouver sans mes habits, là tout contre elle, et de ne pas pouvoir laisser court d'avantage aux caresses que j'avais envie de lui donner. Quand elle m'embrassa, toujours doucement et tendrement comme si elle avait craint de me faire mal, je l'embrassai en retour, capturant ses lèvres un peu plus longtemps, même si je savais qu'elle n'allait pas m'autoriser bien longtemps. J'avais juste besoin de sentir son odeur tout contre moi, de capter son regard où les petits étoiles argentées brillaient toujours, quoi qu'il arrive, et je lui souris doucement à mon tour, la remerciant silencieusement de toute l'attention dont elle m'entourait.
Quand nous nous redressâmes et que Jamie sembla flotter tout autour de nous dans la pièce, je sentis, un peu désolé, comme quelque chose me détacher de Ruby, le simple souvenir froid et dur de mes souvenirs qui ne cessaient jamais de m'étouffer. Sa paume sur la mienne me donnait d'avantage de force, oui, et de soutien, mais c'était comme si quelqu'un me murmurait à l'oreille que rien ni personne n'y pouvait quelque chose - pas même Ruby, ou moi. C'était ainsi, inscrit noir sur blanc comme les lignes qui remplissaient le carnet de mon frère. J'eus un soupir, contraint malgré moi. Pourtant, les choses avaient changé depuis l'orage et la rivière : la prise de conscience était un immense pas en avant et je le savais. Mais celui qui suivait... Celui qui suivait n'avait rien de plus facile, car il était aussi douloureux d'accepter que de se souvenir.
- D'accord. Dis moi si tu veux que j'arrête, d'accord?
Je lui rendis peu son baiser, happé par mes pensées entremêles à la pénombre de cette nuit-là. Tout d'un coup, je craignais, et je craignais tout : et si ce qu'elle allait trouver dans ce carnet était pire que ce que j'avais imaginé ? Et si les secrets les plus sombres de mon frère y étaient inscrits, secrets contre lesquels je n'avais rien pu ou voulu faire ? Et si dans un autre registre, Jamie déplaisait à Ruby, et si elle allait ne pas l'apprécier en lisant ce qu'il avait écrit ? Je savais qu'elle ne jugeait pas les gens, mais tout de même, elle allait bien avoir une opinion... Je n'aimais pas que les gens qui m'étaient chers ne s'entendent pas, et j'avais eu du mal à supporter le peu d'égards de Jamie envers Phil, par exemple, parce que je connaissais Phil et qu'il n'était pas ce que pensait Jamie. Et si Ruby à son tour avait de l'animosité contre mon frère qui n'était plus là pour se défendre ? Elle ne me le dirait pas, je le savais, mais c'était du pareil au même. Quand elle se mit à lire, je lui jetai des petits coups d'œil, guettant ses réactions - mais à la fois j'avais peur, peur de lire clair sur son visage, ou bien d'intercepter ce qu'il y avait d'écrit sur les pages, et je ne voulais pas. L'attente me parut interminable, alors que seul le bruit des pages que l'on tourne se faisait entendre - il y eut aussi un petit hululement provenant du salon, ce qui me rappela que je devais lui offrir son cadeau - et quand elle eut terminé et qu'elle referma doucement le carnet, je faillis profiter des quelques instants de silence qu'elle laissa planer dans l'air pour lui dire : non, ne me dis pas, je ne veux plus. Mais c'était idiot de faire demi-tour, je le savais.
- Il parle de beaucoup de choses. Des anecdotes sur vous, comme quand vous avez fait le mur et que tu es tombé dans le rosier. La regarder droit dans les yeux alors qu'elle parlait de Jamie, si directement, provoqua un petit ouragan à l'intérieur de moi, mais je ne cillai pas, et restai là, imperturbable. Je laissai échapper un sourire - les souvenirs heureux, je ne les avais pas oubliés. Mais allaient-ils suffire ? Il est heureux. Pourquoi parlait-elle au présent, me dis-je le coeur battant ? La vérité, c'est que j'essayais de m'accrocher à autre chose que la teneur de ses propos... Il dit pas mal de choses sur vos amis aussi, sur Phil par exemple, il n'avait pas l'air de beaucoup l'apprécier, mais je crois que c'était simplement de la jalousie. C'est la même chose avec les filles, Zoey, et Kathleen aussi... Il les aime bien, jusqu'à qu'elles soient trop proches de toi, et vice-versa. Il parle aussi de lui, de ce qu'il veut faire plus tard, de comment il veut que vous partiez tout les deux, loin de vos parents... Il y a des emplois du temps parfois, c'est très bien organisé. J'ai l'impression que... Derrière toute cette assurance qu'il affiche, même dans ses écrits, il a simplement peur que tu préfères quelqu'un d'autre, même s'il sait que vous vous aimez, ce n'est pas forcément rationnel. Il se sent plus fort quand vous êtes ensemble, et il veut que tu sentes la même chose. Quand il parle de vos disputes, il s'en veut d'agir comme ça, mais c'est comme un mécanisme de défense. Il préfère t'attaquer pour t'atteindre et te garder. Il t'aime, et il ne sait pas comment faire, je crois...
Organisé, Zoey, Phil, Kathleen, les emplois du temps, les disputes, son assurance, sa défense... Ah ! J'eus un instant où je me demandais comment j'allais pouvoir me remettre à respirer, mais mes poumons se relâchèrent tout seuls. C'était trop, et en même temps... Ce n'était pas tant que ça. C'était des doutes confirmés et des mots plus précis sur ce que je savais, des idées mis à bout à bout, un enchaînement, une suite logique. Jamie avait toujours adoré planifier, quoi que ce soit, nos vacances, ce que nous devions faire. Quant à Phil , Zoey, Kathleen... Oui, je connaissais ses pensées, et pour preuve : Ruby venait de les résumer. C'était à la fois ce que je craignais et ce que je voulais savoir. Y trouvais-je du soulagement ? Je n'arrivais pas à le savoir sur l'instant, car finalement, les questions restaient sans réponse - le carnet ne répondait à rien. Mais ce n'était pas pire, et cela avait quelque chose de réconfortant. Je savais bien que ses réactions de colère trouvaient une explication dans la relation que nous avions, je savais bien qu'il m'aimait et qu'il ne savait pas comment faire, et qu'il en était conscient... J'avais une impression étrange : je ne savais pas si j'étais en train de perdre pied ou si au contraire je retrouvais doucement mes appuis, car j'étais entre deux états, cherchant l'équilibre, mais sentant qu'il n'était pas loin. La chute, ou le rétablissement ?... Je restais encore quelques secondes silencieux, puis repris un peu sur moi, battant des paupières pour m'ancrer à nouveau dans le présent.
- Moi aussi, je me sentais plus fort avec lui, dis-je alors à mi-voix, mais sans hésiter. Puis je tournais mon regard vers Ruby, qui m'observait avec cet air rempli de considération et de tendresse. Je souris instantanément. Merci d'avoir lu. Je crois que j'avais à peu près deviné ce qu'il y avait dans les pages de ce carnet... Je savais qu'il avait du mal avec les gens proches de moi, et... Tout d'un coup, et seulement maintenant, je pensais à l'évocation de Zoey et Kathleen, et trouvai la situation légèrement embarrassante. Mais, comparée à Ruby, aujourd'hui, cela n'avait plus d'importance... Et j'aurais aimé qu'il voit que je pensais pareil que lui, simplement je n'avais pas la même manière de l'exprimer. Je haussai les épaules. Ce lien de gémellité était si particulier et que je me demandais si il y avait une seule fois où il avait trouvé un équilibre parfait. Mais on aime à sa façon, malheureusement... Ou heureusement, je ne sais pas...
Je chassai cette interrogation d'un geste vague de la main : elle n'attendait pas de réponses. Quelque chose avait changé dans l'atmosphère : avait-il gagné en légèreté ? Je ne savais pas, mais c'était différent. Je me sentais un peu plus vulnérable, mais également un peu moins dans le doute. Je laissai alors ma tête reposer contre celle de Ruby, à moitié sur son épaule, me laissant bercer par le son de sa voix.
- Tu sais, c'est étrange, moi aussi j'ai des carnets... ... Eh bien, oui : je le savais. J'en ai trois et... Tu en as perdu hein, n'est-ce pas ? Et j'en ai perdu un, il y a quelques mois. Ne me dis pas que... Non... Mais... Quand? Comment? En plus, il date d'après mon anniversaire, non ?! Tu l'as... J'hochai la tête, un petit sourire à la fois désolé et amusé de la situation aux lèvres. Oui bien sûr, bien sûr que oui, c'est pas grave, mais... Oh mais s'il date d'après mon anniversaire, j'ai du écrire sur... Toi... Est-ce j'ai dis que je voulais?... Oh non! Je buvais beaucoup en plus à ce moment-là, j'écrivais tout ce qui me passait par la tête, j'ai du écrire que je voulais, et pas toi, et que je... Ne me regarde pas comme ça, j'ai trop honte! Je disais quoi, dedans?
Sa réaction, alors qu'elle comprenait et s'affolait un peu au fur et à mesure m'amusait plus qu'autre chose - ce n'était pas un drame en soi et si, effectivement, j'avais récupéré le carnet le soir de notre dispute, si je l'avais feuilleté puis rangé dans l'optique de lui rendre un jour si jamais elle acceptait de me reparler... Je l'avais un peu oublié par la suite, puis je n'avais pas trouvé le moment opportun. Je ne voulais pas non plus la mettre dans l'embarras, comme ce qui venait de se passer, justement. Une nouvelle fois, je tendis la main vers la table de nuit, et en sortis le petit carnet bleu marine. Je lui tendis, avec un petit sourire malicieux :
- Tiens. Oui, je l'avais ramassé... Quand tu étais partie de la Tête de Sanglier. Mais n'aie pas honte ! Je n'ai pas tout lu, je... Allons, autant dire la vérité : J'ai un peu feuilleté, pas plus. Tu parlais de Lizlor, d'Hadrian, de tes journées... Bon, je suis désolé, je n'aurais pas du lire. Tu parlais de notre rencontre aussi. Je marquai une petite pause, et repris avec une voix un peu plus enjouée : comment ça, je ne voulais pas ? Tu sais, tu avais tort, tu m'as plu dès que je t'ai vue... Je ne savais pas trop comment faire, et j'avais peur de t'effrayer, mais tu sais, je crois que je suis tombé amoureux de toi dès le début, dès qu'on a commencé à se connaître. C'était drôle - cette sensation que cela procurait de lui dire de telles choses, comme si mon cœur se gonflait et se remplissait de lumière en même temps. C'est plutôt toi qui ne voulais pas que je t'embrasse, conclus-je avec un petit clin d'œil, en référence à cette gifle, qui me semblait bien lointaine, à présent.
J'avais passé mon bras autour de ses épaules et je déposai un baiser sur sa tête, passant en même temps mes lèvres sur ses cheveux tout doux, et je collai mon visage contre le sien ensuite, avant d'embrasser sa joue : j'aimais savoir ces petits détails aujourd'hui, car nous n'avions pas été très sûrs de nous, et maintenant que je comprenais que l'un comme l'autre nous avions finalement espéré la même chose, il me semblait que cette journée n'aurait pas pu être plus agréable, tout compte fait. Ma main caressa le bras de Ruby puis se posa ensuite sur sa cuisse – et je m'arrêtai là.
- Au fait... J'ai quelque chose pour toi ! Et j'esquissai un geste pour me lever – tout innocent que j'étais. Je crus que Ruby allait vraiment prendre la mouche car elle refusait catégoriquement que je me lève, alors que je lui affirmais tout aussi catégoriquement que je pouvais tenir debout, que je n'avais plus autant mal, et que j'allais juste au salon pour revenir ensuite : mais elle ne voulait rien entendre. Partagé entre le rire et l'énervement, parce que je ne voulais pas qu'elle s'imagine que je ne pouvais pas supporter quelques blessures, je finis par céder devant son sérieux (mais je la soupçonnais d'avoir envie de rire aussi) et sa conviction. Très bien, lâchai-je en faisant mine de me renfrogner. Tu peux m'apporter la cage des hiboux, s'il te plaît ? Il faut que je... leur donne quelque chose, dis-je évasivement.
Le temps qu'elle s'exécute, j'attrapai un t-shirt et l'enfilai, non seulement parce que je commençais à avoir un petit peu froid, mais aussi parce que je commençais à trouver que cette proximité serait un peu moins frustrante si j'étais un peu plus habillé – puis Ruby revint, et je lui fis signe de s'installer à nouveau à côté de moi. J'ouvris la cage : mon vieux hibou émit un petit hululement de contentement quand je lui grattai la tête, puis je leur donnais des graines à tous les deux ; le deuxième hibou, plus petit, aux plumes d'un blanc-gris argenté, sortit et vint se poser sur la main de Ruby, attendant patiemment ses graines lui aussi. Il poussa quelques petits hululements excités, ce qui nous fit rire, puis je lui donnai les graines.
- Il te plaît ? Demandai-je mine de rien. Joseph, au travail, avait entendu quelqu'un qui cherchait à vendre des hiboux, et je m'étais dit, mais pourquoi n'y avais-je pas pensé plus tôt ! Je voulais faire un cadeau à Ruby pour nos retrouvailles, et comme elle n'avait pas de hibou, c'était l'idée parfaite. J'avais acheté le petit hibou blanc juste au début des vacances. Il est pour toi, dis-je mine de rien. Comme ça, tu pourras m'écrire encore plus souvent, ajoutai-je, alors que le petit hibou s'apprêtait visiblement à jouer avec l'une des mèches de cheveux de Ruby.
Je me penchai vers elle et déposai un baiser sur les lèvres, content de lui faire plaisir. Finalement... Il n'y avait rien qui pouvait me faire plus plaisir, à moi, que d'être là avec elle, et si j'avais de nombreuses interrogations sans réponses dans ma tête, à celle-là, il n'y avait qu'une seule réponse – et c'était une certitude. |
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Ruby Standiford-Wayland Apprentie à Sainte Mangouste
Nombre de messages : 2205 Localisation : Cachée. Date d'inscription : 03/09/2011 Feuille de personnage Particularités: « and from the rain comes a river running wild that will create an empire for you. » Ami(e)s: Lizlor; « Maybe home is nothing but two arms holding you tight when you’re at your worst. » Âme soeur: « Lover, when you don't lay with me I'm a huntress for a husband lost at sea. »
| Sujet: Re: ~ Bittersweet. [PV E.] Mer 10 Juil - 0:39 | |
| Ce n’était pas de la colère, mais une sensation étrange qui me prenait tandis qu’Ewan passait ses doigts sur le dos de mes mains, puis tenta un mouvement lorsque je lui parlais d’avoir bu. Je ne voulais pas qu’il s’inquiète pour moi, ne comprenait-il pas que c’était lui qui avait été en danger ? Bien sûr que la manière dont il me considérait me touchait, parce que malgré mes doutes et mes craintes, je me sentais toujours aimée, mais il n’avait pas à s’occuper de moi, pas maintenant – je ne le méritais pas, de toute façon. On dit bien que l’amour rend aveugle, et j’étais persuadée qu’Ewan était frappé de cette cécité amoureuse puisque que malgré tout, malgré mon incapacité à lui dire ce que je ressentais, à lui prouver physiquement bien que j’en avais le désir, d’être simplement saine et équilibrée, il continuait de me regarder comme si j’étais… Une petite étoile qui brillait plus fort que les autres. Je ne comprenais pas pourquoi il ne voyait pas les autres étoiles, je n’étais même pas une constellation, j’étais cette petite chose perdue que l’on ne remarquait pas dans l’immensité des soirs sombres d’été. Je n’étais que Ruby, l’étoile qui avait voulu se fondre dans la masse et ne parvenait même pas à en sortir. Je n’y appartenais pas, et je n’avais pas de place hors d’elle – j’étais comme condamnée à flotter. Comment Ewan avait-il pu voir ma lumière ? En possédais-je seulement ? Parfois, je craignais qu’il m’ait simplement idéalisé. Pourtant, il avait tout vu, tout su ou presque, et il devinait beaucoup plus de choses que je voulais lui avouer. Parfois, j’avais envie de lui demander simplement pourquoi. Pourquoi m’aimait-il ? Mais je me sentais bien pitoyable avec mes interrogations que je gardais silencieuse, n’espérant égoïstement qu’une seule chose : peu importe les raisons, je ne voulais pas qu’elles disparaissent.
Certaines choses ne partaient jamais vraiment, c’était ma seule consolation à laquelle je me raccrochais. Mais elle m’apportait à la fois une tristesse nostalgique lorsque je pensais à Jamie dont la marque indélébile provoquait de tels sentiments en Ewan. Ce carnet ressassait le passé, je le savais, et c’était une entreprise risquée que de le lire. J’étais gênée et touchée d’avoir une telle responsabilité, la confiance qu’il me portait m’étonnait autant qu’elle gonflait mon cœur. J’avais envie de lui dire que je l’aimais, là soudain parce qu’il m’apparaissait si vulnérable que ça m’en était insupportable. Mais mes sentiments avaient peu d’importance en cet instant, je n’avais pas de solutions – y en avait-il à la mort ? Bien sûr que non. Même mon baiser, je le sentis, ne l’empêcha pas dériver un peu plus loin dans ses pensées. Il n’était plus sous mes doigts ou mes caresses, il était loin, happé par la rivière. Ma main tendue ne pouvait lutter contre le courant, il n’arrivait pas à la pendre. Le voulait-il seulement ? Fuir le passé, fuir le décès de son frère, il l’avait fait trop longtemps. Une fois qu’il se laisserait porter par les mémoires qui vivaient entre ses pages, il pourrait enfin admettre qu’il y avait un avant, puis un après. Il m’était arrivé de me questionner – et si Ewan pouvait faire demi-tour et changé les choses, le ferait-il ? C’était sûrement parce que la réponse me terrifiait que je m’interdisais d’y penser.
- Moi aussi, je me sentais plus fort avec lui. Je sentis une mélancolie amère m’envahir entière, mais ne laissait transparaître que mon sourire. D’une manière étrange, j’aimais lorsqu’il était ainsi, lorsqu’il m’accordait sa confiance et que j’avais l’impression de pouvoir l’aider, puisqu’il souriait lui aussi malgré tout. A l’intérieur, une petite voix me murmurait que je pouvais le rendre heureux, non pas en troquant une perte contre un gain, mais simplement en guérissant les peines. Elles étaient présentes, le seraient toujours, mais je pouvais peut-être les rendre plus supportable. En tout cas, c’est ce qu’Ewan faisait avec les miennes. Merci d'avoir lu. Je crois que j'avais à peu près deviné ce qu'il y avait dans les pages de ce carnet... Je savais qu'il avait du mal avec les gens proches de moi, et... Et j'aurais aimé qu'il voit que je pensais pareil que lui, simplement je n'avais pas la même manière de l'exprimer. Mais on aime à sa façon, malheureusement... Ou heureusement, je ne sais pas...
Je ne répondis pas tout de suite, laissant mon étreinte faire ce que les mots ne pouvaient réussir. Il n’y avait rien à dire, de toute manière, ce qui me donna soudain l’impression que la manière dont je le serrais contre moi était un peu plus désemparée que je le voulais. La vérité, c’était que la douleur d’Ewan m’était insupportable, mais je m’interdisais de la ressentir en miroir. Je n’avais pas perdu Jamie, je ne le connaissais pas, et je ne voulais pas paraître ridicule en pleurant sur la mort d’un inconnu. Mais c’était son frère, je ne pouvais pas m’empêcher de sentir que je le connaissais malgré tout à travers Ewan. Mais je ne voulais pas non plus qu’il pense que j’avais de la pitié pour lui – soudain, sa peine m’apparaissait insaisissable et impossible à gérer. J’avais tellement peur de mal faire…
- Je suis sûre qu’il savait ce que tu ressentais. Mais tu sais… Parfois, les gens veulent toujours plus, tu ne pouvais rien y faire, conclus-je alors d’un ton hésitant.
J’avais peur de le froisser, d’avoir tort… Je le serrais un peu plus contre moi, laissant son parfum m’envahir. C’était comme être à la maison, pensai-je alors, comme si les notes de vanille et de réglisse formaient un cocon qui me protégeait du reste. Je ne voulais plus bouger, j’avais peur de le lâcher, stupidement peur, mais l’évocation de Jamie faisait naître des sentiments irrationnels en moi. Je tentais donc de nous conforter en changeant de sujet, croyant en choisir un d’apparence plus légère. Bien entendu, l’existence de mes carnets n’avait rien de léger, au contraire, j’étais moi-même gênée de les aborder, mais c’était une confidence que je voulais bien partager. De toute façon, je risquai d’écrire dedans cette semaine, et comme nous allions être ensemble. J’étais à l’aise avec ça… Du moins, jusqu’à que je comprenne que la disparition du mystérieux carnet avait une explication. A la fois j’étais soulagée, car l’idée que n’importe qui le ramasse m’avait fait cauchemarder longtemps, je m’étais rassurée en pensant l’avoir oublié à Pré-au-Lard et que la personne qui l’avait trouvé ne savait donc pas qui était ce « R.S ». Mais maintenant que je savais que c’était Ewan, que je comprenais qu’il avait lu… Il s’écarta, avec un petit sourire amusé, et chercha dans la table de nuit. Lorsqu’il me tendit le carnet à la couverture bleu foncé, j’eus un frisson de honte. Je l’ouvris un instant – l’écriture était brouillonne, les mots s’empilant sans sens ni but dans les pages – et le fermai rapidement, comme si je venais de lire un terrible secret. Je me rappelai à peine de ce que j’écrivais, justement, ce carnet était censé être un mémo pour m’y retrouver, puisque l’alcool troublait ma mémoire.
- Tiens. Oui, je l'avais ramassé... Quand tu étais partie de la Tête de Sanglier. Après la dispute, en plus ?! Oh, mais qu’est-ce qu’il avait bien pu penser de moi après avoir lu ce que j’enfermais sur le papier !... Mais n'aie pas honte ! Je n'ai pas tout lu, je... Je secouai la tête pour signifier que ça m’était égal à présent. Je comprenais son geste. J'ai un peu feuilleté, pas plus. Tu parlais de Lizlor, d'Hadrian, de tes journées... Bon, je suis désolé, je n'aurais pas du lire. Tu parlais de notre rencontre aussi. Comment ça, je ne voulais pas ? Si j’avais pu disparaître en cet instant, je l’aurais probablement fait. Je ne voulais pas qu’il réponde, il n’y avait rien à dire, soudain j’étais honteuse de parler de ce que j’avais ressenti avant lui et… Tu sais, tu avais tort, tu m'as plu dès que je t'ai vue... Je ne savais pas trop comment faire, et j'avais peur de t'effrayer, mais tu sais, je crois que je suis tombé amoureux de toi dès le début, dès qu'on a commencé à se connaître. C'est plutôt toi qui ne voulais pas que je t'embrasse.
Dis-lui, m’ordonnai-je, dis-lui que tu es amoureuse de lui. Dis-lui je t’aime. Dis-lui je t’aime tellement que ça me fait peur.
Mais cette peur avala les mots avant qu’ils puissent sortir. Je m’en voulais, je m’en voulais terriblement parce que je voulais qu’Ewan sache, j’espérais qu’il comprenne, mais à la foi, j’étais incapable de lui donner cette minuscule confirmation. Ce n’était même pas qu’il ne la méritait pas, il l’avait gagné tant de fois déjà que j’aurais pu lui répéter en boucle combien je l’aimais. Mais c’était comme mettre un immense pouvoir dans ses mains, pouvoir qu’il avait déjà pourtant. Avec Hadrian, ça avait été si rapide qu’avec du recul, je me demandais si je ressentais vraiment ce dont je parlais, ou s’il avait été judicieux de précipiter les choses. Et maintenant que ce je sentais envers Ewan dépassait mille fois tout l’amour et l’attirance que j’avais pu entretenir envers mon ex-petit-ami, j’étais simplement submergée. J’avais peur de mes sentiments et de leurs forces. Au fond, sûrement avais-je peur d’aimer Ewan plus qu’il ne m’aimait.
J’étais, de toute façon, trop surprise pour répondre quoi que ce soit pour le moment. Je le laissai embrasser mes cheveux, ses lèvres provoquant des vagues de frissons en moi, et j’essayais de comprendre ce qu’il venait de dire. Il m’aimait… Avant que nous nous embrassions ? Mais… Non, je ne comprenais pas. Je cherchai à rejouer les scènes, lorsque j’étais venue chez lui par exemple, et peut-être que oui, il y avait une certaine attirance, ou du moins un désir de protection, mais… Mais de l’amour ? Je n’eus même pas la force de rire lorsqu’il rappela la gifle, tout à coup, je me sentais aspirée dans un drôle de lieu, comme un cosmos, où je comprenais qu’Ewan m’aimait depuis plus longtemps, et que je l’aimais aussi, et que nous étions juste trop stupides pour le voir. Mes joues rosirent, et je fermais les yeux lorsqu’il m’embrassa la joue. Que pouvais-je bien lui dire à présent ? Bien sûr qu’à moi aussi, il m’avait plu. Je l’avais giflé parce que je ne supportais pas l’idée d’être cette fille d’un soir que l’on fait parler pour mettre à l’aise, sans vraiment écouter. Mais je m’étais trompée sur le compte d’Ewan, finalement, dès que je l’avais revu. J’avais senti un lien ineffable, une attirance refoulée parce qu’il était doux, il était doux et intéressant, et la manière dont il souriait me rendait toute cotonneuse. J’avais bien compris que je lui avais plu physiquement, physiquement seulement, mais désirer une relation, c’était totalement différent. Et il l’avait voulu. Je réalisais alors à quel point j’étais paradoxale. Je voyais et sentais toujours le regards des hommes sur moi, et j’étais incapable de lire l’amour lorsqu’il était face à moi.
- Mais… Je ne trouvais pas la force de le contredire. Je ne savais pas comment faire non plus, admettais-je alors, et j’eus un rire avant de lever les yeux vers Ewan. Il me tenait tout contre lui, et j’attrapai sa main. Tu n’avais pas à t’inquiéter de m’effrayer, je l’étais déjà… Je le suis toujours, mais ce n’est pas toi, c’est ce que je ressens, expliquai-je, baissant soudain les yeux. Je me sentais un peu honteuse de lui expliquer ça. C’est bête, ajoutai-je d’un ton plus léger, regardant à nouveau Ewan avec un petit sourire, qu’aucun de nous deux n’ait vu que l’autre ressentait la même chose… Depuis le début, ajoutai-je avec un sourire timide.
Petit à petit, les choses étaient plus simples à exprimer. Je tenais toujours sa main dans la mienne, et je le serais un peu plus fort tandis que je me penchais pour déposer un petit baiser sur ses lèvres, comme pour m’excuser. La pression dans ma poitrine s’enlevait finalement, et je n’aspirais plus qu’à profiter d’Ewan et rattraper cette semaine perdue, même si pour le moment, il avait surtout besoin de repos.
- Au fait... J'ai quelque chose pour toi ! J’allais être surprise, mais je n’en eus pas le temps ; déjà, j’empêchais Ewan de sortir du lit – non mais quelle idée aussi ? Bien sûr que ce qu’il venait de dire m’étonnait, mais s’il pensait en profiter pour vagabonder, il n’en était pas question, il devait se reposer ! J’argumentais pendant un court moment, ne démordant pas malgré le sourire qui s’accrochait à mes lèvres. Très bien. J’eus un sourire de triomphe. Tu peux m'apporter la cage des hiboux, s'il te plaît ? Il faut que je... leur donne quelque chose.
Je m’exécutai, soupçonnant Ewan de profiter de ce moment pour récupérer mon cadeau d’un coup de baguette magique. J’avais presque oublié la présence du deuxième hibou, et je m’apprêtais d’ailleurs à questionner Ewan. Je savais combien il était attaché à Moon, son hibou, et je ne voyais pas trop pourquoi il en aurait un autre – mais peut-être gardait-il celui de Phil ou Joseph ? J’amenais la cage, m’installai sur le lit et nous leur donnâmes des graines en riant. Le plus petit, avec de jolies plumes argentées et blanches, vint se poser sur ma main et semblait tout content.
- Il te plaît ? J’hochai la tête, oui il était trop mignon ! Je m’apprêtais à lui demander à qui il était, mais Ewan sembla anticiper et sa réponse me fit relever brusquement la tête. Il est pour toi. Comme ça, tu pourras m'écrire encore plus souvent.
Malgré ma surprise, je le laissai m’embrasser, glissant ma main libre dans sa nuque pour l’attirer encore plus près de moi. Il avait remis un tee-shirt, et mes doigts se languissaient de sa peau douce… Mais visiblement, le petit hibou ne l’entendait pas de la même manière, et j’eus un cri étouffé en m’écartant dans un sursaut. Il venait de me pincer gentiment la paume comme pour signifier sa présence, et je me mis de nouveau à rire.
- Mais c’est qu’il est jaloux ! Je caressai la tête du hibou qui se mit à hululer joyeusement. Merci, c’est une idée géniale… Murmurai-je avec un grand sourire. Ce n’était pas un simple cadeau, c’était tellement plus que j’en avais des frissons. Il va falloir que je lui trouve un nom ! Ewan ? Proposai-je en riant, et le hibou piqua ma paume, comme pour protester. Hum, je veux quelque chose qui me rappelle-toi, expliquai-je. J’eus alors un sursaut de conscience, et un immense sourire illumina mon visage. Whibou. Ce n’était qu’une lettre, W, mais elle était associée à Ewan, forcément. Le Whibou en question sembla approuver, puisqu’il se mit à battre des ailes et à jouer avec mes cheveux. Ecoute Whibou, j’aimerais profiter de mon amoureux, tu ne m’en veux pas trop ?
Il eut un hululement avant de s’envoler de se poser dans la cage encore ouverte, à côté de Moon qui lui picora les plumes un instant. Whibou se colla contre lui et enfouie son bec dans les plumes grisâtres de l’autre oiseau. J’eus un sourire.
- Je crois qu’ils s’aiment aussi.
J’avais parlé d’une voix légère, mais je réalisai soudain tout ce que j’étais en train de dire. J’étais gênée tout à coup d’avoir parlé d’aimer et d’amoureux… Je ne désignais jamais ainsi Ewan. Puisqu’avant d’être mien, si je pouvais prétendre posséder un bout de lui, il était lui en entier, et c’était lui que j’aimais. Une nouvelle fois, c’était sûrement ça qui était plus effrayant. Si j’aimais ce qu’il sentait pour moi, la manière qu’il avait de m’embrasser, de me regarder, j’aimais avant tout qui il était, peu importe ce que lui sentait pour moi. Quand ses sentiments s’arrêteraient, je ne voyais aucune raison aux miens de cesser, puisque je l’avais aimé avant même de savoir que cela serait réciproque. Je n’étais pas amoureuse parce qu’il était mon « petit-ami » ou mon « amoureux », j’étais amoureuse parce qu’il était Ewan, lui tout entier et que j’aimais chaque aspect de sa personne.
- Moi aussi, j’ai quelque chose pour toi ! Dis-je alors.
Avec un petit regard mystérieux et un sourire, je me levais pour aller chercher dans ma valise le fameux cadeau, emballé dans un paquet doré sur lequel brillait des étoiles. Je le tendis à Ewan, et avant qu’il l’ouvre, j’eus un mouvement pour l’arrêter.
- Attends… Juste, tu peux… Me promettre que tu feras attention la prochaine fois ? Murmurai-je timidement, détournant les yeux. Je n’ai pas envie que ça soit taché de sang, ajoutai-je rapidement avec un petit rire, comme pour alléger l’atmosphère. Oui, je me suis dit qu’à force de piquer tes affaires, tu n’allais avoir plus rien à mettre… Non pas que ça me dérangeait, pensai-je – je rougis instantanément.
J’avais trouvé ce pull beige à Londres, dans une boutique où tout était simple mais beau, un peu cher certes, mais j’avais de suite pensé à Ewan en le voyant – alors que j’étais venue là pour acheter le cadeau de Liz. Je ne savais pas s’il avait prévu lui de m’offrir quelque chose, il n’y avait pas de raisons après tout, et à présent je riais que nous ayons tous les deux eut la même idée. Je voulus moi aussi l’embrasser encore un peu, mais soudain, je m’écartai vivement et me levai du lit en criant presque.
- Le petit-déjeuner ! Attends, j’ai préparé un truc ! J’espérais qu’il ne se demande pas quand est-ce que je l’avais fait… Puisque c’était au environ de 5heures du matin. Je me hâtai jusqu’à la cuisine, récupérant les crêpes que j’avais empilées dans une assiette et le chocolat que j’avais fait fondre dans un bol, les disposant sur un plateau. D’un coup de baguette magique, je réchauffai le tout. Je revins et m’assis sur le lit, posant le plateau à côté de nous. C’est des crêpes, lui dis-je avec un sourire. Ce sont des pancakes français si tu préfères. Je t’avais dit que mon arrière-grand-mère était française ? C’est pour ça que mon troisième prénom c’est Gabrielle. Ça se prononce Gabrrrrielle, d’ailleurs, c’est drôle non ? Essaye de le dire tu vas voir !
Tandis que je parlais et me moquai de lui, j’avais tartiné du chocolat sur les crêpes, et je lui en donnais une avec un sourire. Je fus satisfaite de voir que je ne les avais pas ratées, et je reprenais des forces à chaque bouchée. Malheureusement, je n’avais pas pris en compte le chocolat fondu, et bientôt, il en coula sur mon tee-shirt. Ah ben c’était malin tiens ! J’engloutissais le reste de la crêpe et attrapai ma baguette magique que j’avais laissée sur la table de chevet, faisant voler jusqu’à moi un tee-shirt provenant de ma valise.
- Regarde pas ! Ordonnai-je tandis que je me tournai dos à lui pour me changer. Une fois fini, je me retournai, et Ewan n’eut même pas le temps de détourner les yeux. Je plissai les miens, comme pour marquer mon mécontentement. J’avais dit de ne pas regarder !
Je ne lui laissai pas le temps de protester, j’avais déjà trouvé ma punition… Je me logeai contre lui et je l’embrassai, faisant attention de ne pas appuyer sur ses blessures – mes doigts jouaient dans ses cheveux et sa nuque. Je profitai de l’effet de surprise, et plongeai mon index droit dans le bol rempli de chocolat, tout en continuant à l’embrasser, et d’un geste vif, j’appliquai le cacao fondu sur sa joue en éclatant de rire. J’eus un regard faussement désolé, me mordis les lèvres pour étouffer un rire, puis me penchai vers sa pommette pour l’embrasser, récupérant alors délicatement et malicieusement le chocolat que j’y avais laissé. Une nouvelle fois, alors que nous étions tout proches, mon corps se tendait délicieusement, et plus rien ne comptait que lui, lui tout entier, et le goût de sa peau sous ma langue. |
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Ewan Campbell Vendeur chez l'Apothicaire
Nombre de messages : 208 Localisation : Dans mon trou. (well, c'est glamour ça) Date d'inscription : 14/11/2012 Feuille de personnage Particularités: J'ai un énorme bagage à main (et ma copine a des gros boobs). Ami(e)s: Phil et Rita et les boobs (mais surtout les boobs) :) Âme soeur: “And she kissed me. It was the kind of kiss that I could never tell my friends about out loud. It was the kind of kiss that made me know that I was never so happy in my whole life.”
| Sujet: Re: ~ Bittersweet. [PV E.] Mar 6 Aoû - 19:01 | |
| Les cicatrices me tiraillaient toujours le bras, la pommette, et surtout celle qui s'étirait sur mon torse, dont la douleur était moins forte mais toujours désagréable. Pourtant, c'était comme si je m'en étais détaché, après cette nuit plus ou moins réparatrice et les soins qui m'avaient été prodigués avec une attention toute particulière. Moi qui ne voulais plus montrer un quelconque signe de faiblesse alors que Ruby s'était dévouée pour moi et paraissait exténuée, voilà que ce retour dans le passé entre les pages noircies par mon frère m'anesthésiait d'une toute autre manière. Ni consolation ni regrets particuliers, c'était tout ce que je ressentais, rien que cette langueur singulière qui prenait possession de tout mon corps et me laissait avec cette impression bien connue de n'être qu'un petit morceau de bois charrié par un courant qui pouvait faire de lui ce que bon lui semblait. Je voulais disparaître entre les bras de Ruby et qu'elle me serre encore doucement contre elle comme elle ne cessait de le faire - c'était comme si ses mains étaient magiques en elles-même et me guérissaient au simple contact sur ma peau frémissante - mais quelque chose m'étouffait toujours et refusait de disparaître, mais n'avais-je pas la certitude bien ancrée au fond de moi qu'elle ne disparaitrait jamais ? C'était l'absence de Jamie, un vide bien présent que les années ne suffiraient pas à combler. J'étais triste de ces souvenirs, de cette plongée en arrière, de cette certitude que rien ne changerait, jamais, que cette douleur immuable ne faiblirait pas. Elle me rendait mélancolique or je ne voulais pas paraître plus abattu que je l'étais déjà, ne serait-ce que par égards pour Ruby, mais je ne voulais pas non plus, tout paradoxal que ce soit, passer au-dessus de mes souvenirs malgré la peine qu'ils m'infligeaient. C'était le prix à payer pour que Jamie vive encore dans ma mémoire : je lui devais bien ça. Puisque nos parents avaient décidé que mourir était disparaître complètement, je ne pouvais pas baisser les bras à mon tour. Mais tout cela ne devait pas interférer aujourd'hui, je ne le voulais pas : après que par ma faute, nous ayons perdu suffisamment de temps tous les deux, je voulais que Ruby passe les vacances les plus agréables qui soient, et pas qu'elle ait à s'inquiéter de moi alors qu'elle avait déjà assez à faire d'elle-même. Cette idée que ses peines l'étouffaient déjà trop pour qu'elle parvienne à être heureuse comme elle le méritait m'emplissait d'une tristesse infinie, alors si en plus elle devait subir les miennes... Auxquelles on ne pouvait rien de toute façon... Je me refusais d'y céder.
D'ailleurs, je me souvenais nettement d'une discussion que j'avais eue à ce sujet avec Matthew - lui qui avait si bien entrevu le problème que me causait le silence et l'oubli de mes parents. Nous avions évoqué ce que cela provoquait chez moi et j'avais essayé de mettre des mots sur toute cette peine qui me dévorait : je voulais parler de lui et pleurer si il le fallait, non pas vivre dans cette maison qui me paraissait inconnue maintenant, que j'avais en horreur, avec ces deux étrangers qui refusaient de communiquer. Je savais que Matthew comprenait - les coups d’œil qu'ils échangeaient avec Bonnie ne m'échappaient pas, ils étaient sincèrement désolés - si bien que je ne me formalisais pas. Il me disait que mes parents se protégeaient, réagissaient comme ils le pouvaient face à leur détresse. Que rien n'était pire que la perte d'un enfant - et j'avais d'avantage de peine en pensant que Bonnie et lui n'avaient pas pu en avoir - et qu'il fallait leur en vouloir, peut-être, mais les comprendre. Mais je n'y arrivais pas : qui reniait jusqu'à l'existence même de celui qui avait disparu pour ne pas souffrir ?! Je n'y voyais aucun avantage, et ma tristesse se creusait un peu plus.
- Je suis sûre qu’il savait ce que tu ressentais. Mais tu sais… Parfois, les gens veulent toujours plus, tu ne pouvais rien y faire, me dit la voix de Ruby qui soudain m'apparut bien lointaine.
Peut-être : Jamie avait sans doute manqué de quelque chose, parce que je n'avais pas su lui donner. Mais était-ce vraiment plus ? Etait-ce parce que je ne l'aimais pas assez ? C'était impossible. Il était mon frère, la personne la plus importante de ma vie d'alors. Ce n'était pas la quantité, mais la façon : j'eus un haussement d'épaules un peu las. Qu'y pouvais-je maintenant ? Rien. Je tentais de sourire un peu plus vaillamment puis collais mon visage dans le creux du cou de Ruby, respirant son odeur à la fois apaisante et sensuelle, obéissant à la façon dont elle m'avait attiré contre elle. Je fermais les yeux.
Orage, pluie, rivière : qu'importait, elle était là, elle était tout ce dont j'avais besoin. J'avais simplement à m'habituer aux remous du passé, et à ne pas trop craindre les déferlantes du futur. Pour l'instant, rien ne comptait plus, c'était certain, et ne l'avais-je pas su dès le début ?...
Scrutant le profil de Ruby qui riait d'un air un peu gêné alors que je lui parlais de son carnet, il me vint une pensée, tellement forte et tellement claire qu'elle me parut étrangère, comme si on l'avait appliquée de force dans mon cerveau. Il m'avait suffi de me laisser séduire encore une fois par la courbe de ses lèvres qui se soulevaient, par son regard bleu argenté, par ses cils qui dessinaient de jolies ombres sur ses joues, par son grain de beauté tombé là sous son œil comme une petite étoile qui s'en serait échappé, pour me dire que... Jamais, jamais je ne pourrais la laisser. Un peu amèrement, je m'accrochais d'avantage à ses doigts, alors qu'elle prenait ma main.
- Mais… Je ne savais pas comment faire non plus. Tu n’avais pas à t’inquiéter de m’effrayer, je l’étais déjà… Je le suis toujours, mais ce n’est pas toi, c’est ce que je ressens. C’est bête, depuis le début.
Mon rire fut un peu faussé - l'effrayer ! Je ne le voulais pas. Et depuis le début... Nous aurions gagné du temps et... Pour la première fois, il faillit jaillir de mes lèvres ces mots que je ne pensais même pas, que je m'interdisais de penser, et qui se sentaient si coupables qu'ils auraient voulu sortir et implorer le pardon de Ruby, mais cela dura une seconde ; l'instant d'après mes mots avaient été doucement repoussés par les lèvres de Ruby sur les miennes, et mon cœur s'emballa une nouvelle fois.
Heureusement, les hiboux me permirent de reprendre mes esprits, et déjà je regardais avec une satisfaction non dissimulée Ruby qui s'amusait avec le petit hibou, et j'étais content qu'elle apprécie son cadeau.
- Mais c’est qu’il est jaloux ! Merci, c’est une idée géniale…
- Mais de rien, quand je l'ai vu, je me suis tout de suite dit qu'il te plairait, expliquai-je pour me dédouaner, presque un peu gêné, tant elle était reconnaissante.
- Il va falloir que je lui trouve un nom ! Ewan ?
- Là, c'est moi qui vais être jaloux, commentai-je avec un petit sourire alors que le petit hibou semblait s’accommoder absolument de sa nouvelle propriétaire.
- Hum, je veux quelque chose qui me rappelle-toi. Whibou. Écoute Whibou, j’aimerais profiter de mon amoureux, tu ne m’en veux pas trop ?
Je n'eus même pas le temps de m'amuser de ce nom : le fait était qu'elle avait utilisé le mot "amoureux" pour parler de moi et que c'était si soudain et à la fois si innocent en apparence qu'il naquit une douche chaleur à l'intérieur de moi, tellement agréable et légère à la fois que pendant un instant je ne sentis plus une seule de mes blessures de la veille. Je souris, tout simplement, regardant alternativement Ruby et son hibou : ils avaient tout d'un coup la même attitude, tous les deux, le petit hibou picorant sa main et s'ébrouant comme le font les jeunes hiboux, puis levant les yeux vers sa maîtresse comme pour s'assurer qu'il n'avait pas fait une bêtise, tandis que Ruby elle avait eu ce petit sourire et ce regard dessous ses cils, pendant une seconde, celui où brillait toute sa candeur d'enfant et sa délicatesse, et où était apparue une seconde cette hésitation quand nous en venions à ses sujets là. Ma main sur son bras se fit plus pressante - je voulais qu'elle vienne encore plus contre moi et la sentir contre tout mon corps, et ne plus penser à rien, pendant quelques secondes, juste quelques secondes.
- Je crois qu’ils s’aiment aussi, dit-elle encore, et je glissai mon visage près du sien.
- Pas autant que nous, murmurai-je, et en cet instant, si j'avais eu un seul doute sur ses sentiments... Je n'avais plus, peut-être que ça n'allait pas durer, peut-être que si, mais c'était une certitude nouvelle et bien particulière... Que je n'aurais échangée pour rien au monde.
Je la laissai se lever non sans regrets, parce que je prenais goût à la serrer contre moi, et à deviner son corps contre le mien, bien que j'évitais de trop y penser, tout de même. Elle revint avec un paquet et je me redressais, tout en voulant protester parce qu'elle n'avait pas besoin de m'offrir des cadeaux et que ce n'était pas parce que je lui en faisais moi qu'elle devait se sentir obligée, mais elle me devança :
- Attends… Juste, tu peux… Me promettre que tu feras attention la prochaine fois ? Je n’ai pas envie que ça soit taché de sang. Oui, je me suis dit qu’à force de piquer tes affaires, tu n’allais avoir plus rien à mettre…
Partagé entre deux réactions - j'étais intrigué, maintenant, mais surtout j'étais embêté, encore une fois, de l'avoir inquiétée car c'était bien le preuve qu'elle avait eu peur, j'ouvris délicatement le paquet pour un sortir un pull, d'un joli tissu fin, beige, et dont la taille et la coupe me laissait deviner que c'était un vêtement de qualité, et de luxe. Mais non ! J'avais envie de lui dire que je ne voulais pas qu'elle dépense son argent pour moi, mais je me rendis compte que ce n'était pas ce qu'elle voulait entendre, au contraire, et quand je croisai son regard dans l'attente de mon approbation, je souris pour la remercier : c'était un très beau cadeau et il me plaisait, et je ne voulais pas lui enlever la satisfaction d'avoir réussi son coup.
- Il est très beau, merci... J'essayerais de le porter quelques fois avant que tu me le prennes, lui répondis-je pour la taquiner, avant de me rappeler que je devais promettre : oui mais, le pouvais-je ? Je laissais passer un instant de silence. Je suis désolé pour hier soir, commençai-je, m'excusant encore une fois, j'aurais dû être plus prudent, je sais. Je te promets d'être plus attentif, conclus-je sans trop oser la regarder. Le fait était que, attentif ou non, certains facteurs ne dépendaient pas de moi, et elle comme moi, nous le savions parfaitement.
Mais elle disparut une nouvelle fois, comme piquée par une mouche invisible : tout d'un coup elle avait bondi du lit avec un air enjoué, me laissant perplexe, tandis que je caressai encore machinalement du bout des doigts le pull beige. Jetant un regard vers la fenêtre, j'essayais d’apercevoir le temps, au dehors, l'heure qu'il pouvait être, j'essayais de me figurer combien de temps il nous restait à profiter, et ce qui avait bien pu se passer au-dehors pendant ces quelques heures et cette nuit bien particulière, où j'avais eu l'impression d'avoir été coupé du monde. Quand Ruby revint, les bras chargés, je m’aperçus avec horreur que je ne lui avais même pas demandé comment elle allait, comme s'étaient passées ses vacances, comment allaient les Wayland - bref, les questions de routine qui s'imposaient d'elle-même, parce que je ne voulais pas qu'elle croit une seconde que je me m'intéressais pas à quoi que ce soit qui n'avait pas rapport avec elle. Elle posa alors un plateau sur le lit, devant nous, et tout d'un coup, après qu'elle ait donné un petit coup de baguette pour réchauffer le tout, une odeur délicieuse vint m'assaillir les narines.
- C’est des crêpes. Ce sont des pancakes français si tu préfères. Je t’avais dit que mon arrière-grand-mère était française ? C’est pour ça que mon troisième prénom c’est Gabrielle. Ça se prononce Gabrrrrielle, d’ailleurs, c’est drôle non ? Essaye de le dire tu vas voir !
- C'est joli, Gabrrrielle, dis-je avant d'éclater de rire parce que mon accent français n'était pas très convaincant. Oh-là-là, je comprends mieux d'où te vient tout ce charme, alors, et je lui lançai un petit regard innocent avant de reporter mon attention sur ce qu'elle avait préparé.
Je n'avais jamais goûté ce genre de choses mais effectivement on aurait dit des pancakes plus étalés, et puisqu'ils sentaient si bons, je n'avais pas vraiment de doute sur leur réussite ; j'attendis que Ruby me serve et goûtai, m’apercevant que j'avais faim, très faim d'ailleurs. Le chocolat chaud me coula dans la bouche et je le savourai avec bonheur, sans compter que la crêpe avait une consistance parfaite et un petit goût de vanille absolument délicieux. Il fallait juste prendre garde à ce que le chocolat ne coule pas trop, ce qui n'était pas une mince affaire, et nous rions tous les deux en essayant que rien ne coule de nos mains, comme deux enfants complices dégustant des friandises en cachette. Finalement - et je fis un signe de victoire - ce fut Ruby la première qui perdit au jeu, car du chocolat coula de sa crêpe et vint tacher son t-shirt. Elle prit un autre t-shirt pour se changer, et avant que j'ai le temps d'avaler ma bouchée et de lui rappeler qu'un simple sortilège aurait suffi, voilà qu'elle -
- Regarde pas !
- ... qu'elle l'avait enlevé, dos à moi, mais pas assez pour que je ne la vois pas un tout petit peu de profil et que mon regard ne soit pas attiré, immanquablement, vers l’agrafe dans son dos et vers son soutien-gorge qui masquait justement ce que j'aurais aimé voir, et des frissons me parcouraient toute la colonne vertébrale car je repensais à ce soir-là quand elle avait été sur mes genoux, et que j'avais eu la chance de poser mes lèvres à l'endroit qui me faisait rêver depuis si longtemps. Je me rendis compte trop tard que je n'avais même pas cherché à être discret, car elle s'était déjà retournée :
- J’avais dit de ne pas regarder !
- Pardon, fis-je, pas désolé le moins du monde.
Il y avait quelque chose qui brûlait bien trop fort dans tout mon corps, et malgré toutes les craintes et les précautions que je devais prendre, je n'arrivais plus à lutter comme je le voulais - ou peut-être qu'en cet instant je n'en avais pas vraiment envie - et quand Ruby revint contre moi en riant, ma réponse ne se fit pas attendre et je l'embrassai avec une ferveur non contenue, tandis que ses doigts dans ma nuque me faisaient frissonner de nouveau. Je ne voulais plus lâcher ses lèvres, mais mes mains hésitaient encore à faire ce dont elles avaient envie - si fort que je la désirais, pour rien au monde je ne voulais l'effrayer ou faire des gestes qui l'auraient mise mal à l'aise, si bien que je ne savais pas exactement comment m'y prendre - mais je sentis tout d'un coup son doigt déposer du chocolat tiède sur ma joue, et sa bouche venir le récupérer. Ce n'était plus des frissons mais... un véritable tremblement de terre qui secouait ma colonne, il me semblait, et sans lui laisser le temps de s'écarter trop de moi, je saisis sa main et, mon regard plongé dans le sien, je léchai consciencieusement son doigt - quelque part, c'était une vengeance - puis je lui fis un petit sourire satisfait et attendis quelques secondes où je la regardais simplement, perdu dans ses grands yeux bien mystérieux. Je ne savais pas toujours ce que j'y lisais : ils étaient tellement changeants, aussi brillants et clairs que le ciel, mais tout aussi vaste, tout aussi inconnu. Puis je l'embrassai de nouveau, doucement d'abord, me laissant entraîner par la suite - malgré moi j'avais glissé ma main dans sa nuque, puis elle était descendue le long de sa taille, s'était posée sur sa hanche - le cœur me tambourinait si fort. Il ne fallait pas, n'est-ce pas ? Tant pis.
C'est tout naturellement que ma main se fraya un chemin sous le t-shirt léger de Ruby et vient caresser tendrement sa peau nue, son dos d'abord, sa taille, son ventre, et puisqu'elle n'émettait pas d'objection, visiblement, si tant est que nous soyons capables de quoi que ce soit d'autre si ce n'était nous embrasser encore et encore, je posai doucement ma main là où j'avais déjà posé mes lèvres, là où sa peau se gonflait délicieusement, et où mes doigts trouvaient bien désagréable le tissu qui s'interposait et que j'avais simplement envie d'enlever. J'hésitai, pourtant, encore, mais nos corps serrés fiévreusement l'un contre l'autre ne laissaient pas trop de place au doute, mais si Ruby ne se figurait pas la même chose que moi ? Ah, je ne savais pas, et je voulais bien faire ; mais tout d'un coup les mains de Ruby qui étaient aussi avides de se poser sur ma peau que les miennes sur sa peau touchèrent ma blessure, blessure que j'avais complètement oubliée - instantanément je serrai les dents sous la douleur, et laissai échapper une exclamation.
Comme une bulle qui éclate, l'atmosphère changea radicalement en une seconde, et je pris tout de suite les devants, car je connaissais trop Ruby pour ne pas savoir ce qu'elle pensait :
- Ne t'inquiète pas, ça va, c'est juste encore un peu sensible. Ce n'est pas de ta faute, lui murmurai-je en l'obligeant à revenir contre moi. Ce n'était pas de sa faute et je ne voulais pas qu'elle croit m'avoir fait mal - elle ne l'avait pas fait exprès. Je poussai un léger soupir : je sentais ma peau tendue, ma chair à vif, et je sentais que ce n'était pas raisonnable et sans doute pas possible de poursuivre les desseins que j'avais en tête. Tu es épuisée, fis-je après l'avoir embrassée sur le front, puis sur les lèvres, avec plus de retenue cette fois. Elle avait véritablement l'air très fatiguée et surtout de lutter contre - elle n'avait pas dormi, à trop veiller sur moi. C'était à mon tour de m'inquiéter.
Je rabattis la couverture sur nous et nous installai plus confortablement, laissant mon bras autour d'elle et ma tête dans son cou, près de la sienne.
- Dors, lui chuchotai-je. Reprenons des forces tous les deux, d'accord ? Parce qu'après, tu n'aurais plus une seconde de libre, avec tout ce que j'ai prévu qu'on allait faire ! plaisantai-je, et j'entrelaçai mes doigts dans les siens, sous la couverture. Je restai quelques instants les yeux ouverts, à guetter la régularité de son souffle pour m'assurer qu'elle s'endormait bien ; mais je ne sus jamais si c'était son souffle qui m'avait bercé ou le mien qui l'avait endormie, et je sombrais doucement dans un sommeil bien plus réparateur, cette fois, rêvant avec plaisir à tout le temps qu'il nous restait à passer ensemble. |
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Ruby Standiford-Wayland Apprentie à Sainte Mangouste
Nombre de messages : 2205 Localisation : Cachée. Date d'inscription : 03/09/2011 Feuille de personnage Particularités: « and from the rain comes a river running wild that will create an empire for you. » Ami(e)s: Lizlor; « Maybe home is nothing but two arms holding you tight when you’re at your worst. » Âme soeur: « Lover, when you don't lay with me I'm a huntress for a husband lost at sea. »
| Sujet: Re: ~ Bittersweet. [PV E.] Ven 16 Aoû - 0:44 | |
| Le sentiment d’impuissance était probablement le plus douloureux qui soit lorsqu’il était question des gens que j’aimais. Devant les réactions d’Ewan face à ce carnet de Jamie, un simple carnet pourtant empli de tant de souvenirs, je ne pouvais empêcher mon cœur de se contracter douloureusement. C’était comme si chaque ombre qui dansait dans ses iris bleus me serrait un peu plus la gorge, son sourire triste, qu’il se forçait à avoir face à moi j’en étais persuadée, son regard hésitant et un peu fuyant, tout me montrait que la perte de son frère, de sa moitié, ne serait jamais vraiment guérie. Comment cela aurait-il pu être possible, de toute manière, pensais-je tristement… Mais je me sentais si faible devant toute cette peine que je voulais faire disparaitre. Est-ce que lui aussi, il avait cette sensation qui me prenait quand j’étais avec lui, celle que malgré tout… Malgré tout, j’étais heureuse. L’était-il aussi ? Je l’ignorais, je l’espérais simplement et il me semblait que de toute manière, nos émotions se répondaient bien souvent et que mon bonheur ne pouvait exister sans le sien.
C’était étrange, d’ailleurs, combien j’avais longtemps cru ne pas mériter cela, comme si je m’interdisais avec rigueur cette douce sensation. Probablement était-ce la culpabilité qui me rongeait, au point de dévorer la joie dès qu’elle se manifestait. Mais maintenant, une chose était certaine, je ne voulais plus lâcher ce que j’avais. En regardant du coin de l’œil Ewan qui était secrètement bouleversé par ce que je venais de lire, je sentis une nouvelle fois tout ce désir d’aspirer ces peines, et de rester tout près de lui, autant que je le pouvais, si ma présence pouvait lui être bénéfique. Et à l’écouter, il semblait qu’elle était, ou tout du moins qu’il me souhaitait à ses côtés. Cette simple constatation provoquait une telle sensation au creux de mon estomac que j’en étais quasiment muette, gênée de ressentir tant de choses qui m’échappaient, et je ne fus pas mécontente que son cadeau vienne alléger l’atmosphère – j’avais trop d’émotions qui me retournaient pour l’instant.
- Mais de rien, quand je l'ai vu, je me suis tout de suite dit qu'il te plairait.
Il avait raison, et je fus flattée qu’il me connaisse, car même si ce n’était qu’un hibou… Ses plumes d’un joli blanc argenté, d’une pureté incroyable, son attitude un peu excitée et amusée, son air curieux de me découvrir, c’était un tout qui me faisait apprécier l’oiseau directement. Je pensais également au nombre de fois où je m’étais plainte – silencieusement, comme toujours – de ne pas avoir mon propre hibou pour mes courriers, surtout depuis que je sortais avec Ewan et que je recevais des lettres quasiment quotidiennement. Lorsque Moon surgissait à la fenêtre de mon dortoir ou dans la grande salle, j’avais toujours mon cœur qui se gonflait, et je songeais que désormais, Ewan aurait la même sensation lorsqu’il verrait le petit oiseau blanc taper son bec contre la vitre de l’apothicaire ou de son appartement.
- Tu me connais bien, murmurai-je alors avec un sourire.
Derrière cette phrase se cachait beaucoup plus qu’on ne pouvait le penser, et j’aimais à croire qu’Ewan comprenait l’importance du sens que je donnais à ces quelques mots – mais je ne m’attardais pas, préférant revenir sur le hibou et son nouveau prénom.
- Là, c'est moi qui vais être jaloux, releva Ewan lorsque je parlais de donner son nom à mon nouveau hibou, et j’éclatai de rire.
Mais mon choix fût rapide, Ewan n’avait pas d’inquiétude à avoir, car malgré toute la curiosité que m’inspirait Whibou, je voulais d’abord profiter du temps dont nous avions été privé durant la première semaine. Ce n’était pas du temps perdu, puisque j’avais été chez les Wayland et que ces journées étaient sacrées à mes yeux, mais j’étais toute aussi impatiente de découvrir de nouvelles vacances en compagnie d’Ewan. C’était les premières que nous passions ensemble, et d’une certaine manière c’était comme un test ; vivre ensemble une semaine était différent des quelques heures dans nos soirées habituelles. Mais ces heures étaient habituellement tellement courtes que je songeais qu’une semaine ne serait pas suffisant non plus, que rien ne le serait, et je ne savais pas si j’étais inconsciemment anxieuse que nous n’ayons pas assez de temps, jamais, mais j’avais envie de m’accrocher à ces instants de peur qu’ils disparaissent comme le reste. C’était peut-être cette soudaine peur étrange qui m’habitait toujours, pour tout, qui s’échappa et me fit parler de mes sentiments naturellement, comme si je voulais qu’Ewan comprenne. Pendant un instant, même, les mots que je retenais depuis toujours manquèrent de sortir, ce « je t’aime » qui me possédait toute entière et qui pourtant refusait de s’exprimer clairement voulut se formuler – mais mes lèvres fébriles se fermèrent, intimidées une nouvelle fois.
- Pas autant que nous, murmura Ewan alors que j’avais parlé de l’affection entre les hiboux, et je sentis mon estomac se retourner. Je fermai les yeux, rougis de plaisir, et ne répondit rien. Il savait, pensai-je, il savait que je l’aimais et jamais je ne voulais qu’il en doute.
Je serais bien restée des heures contre lui, à sentir son visage près du mien et son sourire, son souffle dans mon cou et l’odeur de sa peau, mais je me levais une nouvelle fois, pressée de lui offrir son cadeau. Inconsciemment, je cherchais surement à atténuer cette atmosphère pourtant douce où baignait tous mes ressentis, comme si je les trouvais soudain trop sérieuse et… Périlleuse.
- Il est très beau, merci... J'essayerais de le porter quelques fois avant que tu me le prennes. J’eus un immense sourire, et un petit rire. J’étais soulagée qu’il lui plaise, je savais qu’il aurait eu la politesse de le prétendre si ça n’avait pas été le cas, mais il semblait véritablement sincère et touché. Ce n’était qu’un pull, mais j’étais satisfaite de moi. Je suis désolé pour hier soir, j'aurais dû être plus prudent, je sais. Je te promets d'être plus attentif.
Je veux que tu me promettes d’arrêter fut la réponse qui manqua de franchir mes lèvres, mais je les pinçais et les gardais closes. Je n’avais pas à contrôler ce qu’il faisait, de plus je savais qu’il gagnait pas mal avec ses petits trafics, qu’il voulait de l’argent pour une raison un peu obscure, et je ne voulais pas contrarier ses plans. J’étais simplement terrifiée à l’idée de le retrouver une nouvelle fois en danger, comme si mon cerveau avait imprimé durablement cette image de son corps meurtri dans la rue, et du son de sa voix lorsqu’il avait expié mon prénom, comme un appel à l’aide et un soulagement. Et si je n’avais pas été là, me répétai-je, que… Je ne voulais pas y penser, je sentais l’ombre de Jamie qui planait dans mes pensées et je baissai les yeux un instant pour lutter contre mes idées noires. Finalement, je les relevai vers Ewan, et eut un sourire qui me parut un peu faussé.
- Prends le temps de faire attention à toi, dis-je avec un petit sourire – c’était une référence à la fois où je l’avais aidé dans la ruelle, et qu’une fois chez lui, il m’avait dit qu’il n’avait pas le temps de s’occuper de lui, sur un ton amusé pour probablement se dédouaner. Avec du recul, je voyais à quel point cette phrase était vraie. Sinon, je prendrais du mien, ajoutai-je en baissant les yeux, un peu gênée.
Une fois n’est pas coutume, je tuais cette atmosphère sérieuse en partant chercher le petit déjeuner. Au fond, j’étais aussi trop heureuse de retrouver Ewan que je ne voulais pas parler de choses trop lourdes, d’autant que l’épisode du carnet de Jamie avait été dur pour lui, et pour moi d’une certaine manière. J’espérais également secrètement qu’en affichant une mine aussi radieuse, qui était sincère d’ailleurs, Ewan ne se demanderait pas quand j’avais eu le temps de préparer les crêpes. Je voyais déjà qu’il était un peu préoccupé de mon manque de sommeil, et ce n’était pas la peine de préciser que j’avais passé la moitié de la nuit à m’agiter. Je déposai précautionneusement le plateau à nos côtés, et indiquai à Ewan le contenu, en profitant pour glisser une anecdote sur l’origine française et sur mon troisième prénom, issu de cette arrière-grand-mère que je n’avais jamais connue.
- C'est joli, Gabrrrielle. Oh-là-là, je comprends mieux d'où te vient tout ce charme, alors.
J’éclatai de rire en l’entendant tenter de parler français, et je me sentis également sourire devant son compliment, mes lèvres s’étirant sans que je puisse les contrôler.
- Tu dois avoir des origines françaises toi aussi, glissai-je avec un air entendu.
Nous commençâmes ensuite à manger, et j’étais satisfaite de voir que j’avais plutôt réussi à les préparer. J’avais toujours aimé cuisiner, ça me rappelait un peu les potions, mais j’avais une relation un peu étrange à la nourriture – je n’aimais pas forcément manger, je l’avais toujours fais par besoin et par vraiment par plaisir. Mais je devais bien admettre que les pâtisseries, comme les tartes au citron ou les crêpes, n’étaient pas désagréables. De plus, cuisiner pour quelqu’un était un peu spécial, et je tenais particulièrement à réussir ce que je donnais à Ewan. Je sentis mon cœur de plus en plus léger au fur et à mesure que le chocolat fondu se mêlait aux crêpes légèrement vanillées, et que le tout fondait sur mon palais. J’eus plusieurs fois un rire alors que nous bataillions avec le petit-déjeuner, et je tirai la langue à Ewan lorsqu’il s’amusa de mon échec – moi qui était d’habitude si adroite, c’était bien une preuve que j’étais trop détendue pour faire attention. Je me tournai alors pour me changer rapidement, avant de me retourner, constatant que j’étais observée.
- Pardon. - Tu n’es même pas désolé, répliquai-je avec un ton faussement contrariée qui disparut bientôt dans un rire et un baiser.
Mon corps se détendait sous les lèvres d’Ewan, et se tendait sous les craintes qui m’habitaient dès qu’on s’approchait trop près de ce que je désirais et craignais à la fois. Mais il m’avait trop manqué, et la douceur de ses baisers n’avait pas d’égal – et n’en aurait probablement jamais. Malgré le début de nos retrouvailles qui m’avait paniqué, nous étions désormais ensemble, et j’étais consciente que rien ne pouvait nous arriver, pas maintenant. Je me sentis sourire, et je l’embrassais avec un peu plus d’ardeur, songeant à la chance que j’avais d’être toute contre lui. Il me semblait qu’Ewan hésitait légèrement, et je compris qu’il ne voulait pas me brusquer ; cette attention contracta mon cœur un peu plus, me libérant probablement un peu plus de mes peurs. Je me sentis oser un peu plus, et je me surpris à embrasser sa joue pour récupérer le chocolat fondu que j’avais appliqué, souriant tendrement et malicieusement. Mais j’avais crié victoire trop tôt, et ma poitrine se retourna lorsqu’Ewan, sans lâcher mon regard, saisit entre ses lèvres mon doigt encore couvert de chocolat. Je restais immobile, mon intérieur entier me brulant. La manière dont il me regardait, cela ne m’intimidait plus… Je me sentais aimée, et surtout, je me sentais désirable, et je compris un peu trop tard que mes yeux devaient renvoyer la même chose : moi aussi, j’en avais envie. J’avais envie d’Ewan.
Lorsqu’il m’embrassa à nouveau, mes mains caressèrent sa nuque et au fur et à mesure que notre baiser se faisait plus passionné, mes doigts resserraient leur prise – je voulais être encore un peu plus près de lui. Mon cœur s’affolait, mon corps se tendait, et lorsque je sentis Ewan caresser ma peau nue sous mon tee-shirt, je fus parcourue d’un frisson qui s’installa longuement sur ma peau. J’avais bien du mal à garder mon esprit clair, puisque plus je m’approchais, plus je l’embrassais, plus ses doigts exploraient ce que je gardais caché, et plus je voulais aller plus loin. Il était si délicat, et je sentais tout son amour dans la manière dont il me touchait ; mes lèvres s’attardèrent dans le creux de son cou, et quand il caressa ma poitrine, malgré le tissu du soutien-gorge, ma peau s’enflamma. Pour toute réponse, parce que je ne contrôlais plus grand-chose, mes mains descendirent sur son torse, cherchant aussi sa peau, glissant sous son tee-shirt que je voulais ôter…
Mais au même moment qu’Ewan laissa échapper une exclamation, je sentis sous mes doigts sa blessure, et je m’écartai brusquement, presque paniquée, l’air anxieux.
- Ne t'inquiète pas, ça va, c'est juste encore un peu sensible. J’avais voulu parlé, mais il m’avait coupé, et continua avant même que je proteste. Je me sentais stupide de ne pas avoir réfléchis à ce que je faisais, et je fronçais les sourcils, le menton un peu tremblant. Ce n'est pas de ta faute.
Comme la réalité me rattrapait souvent, les incidents de la veille revinrent, ma nuit vierge de tout repos m’envahit, et l’envie qui m’habitait quelques minutes plus tôt et me maintenait éveillée m’avait quitté, me laissant terriblement fatiguée. Mais je battis des paupières, luttant contre le manque de force, et j’hochais la tête en signe de négation, comme pour tout chasser.
- Je suis désolée, murmurai-je malgré moi.
- Tu es épuisée, murmura-t-il tendrement, et je niais une nouvelle fois d’un signe de tête, le laissant tout de même m’embrasser.
Mon état était trop fébrile, et changeait trop rapidement. L’inquiétude, l’envie, la peur, le désir, tout était trop intense et lorsqu’Ewan m’attira contre lui dans le lit, je n’eus pas la force de me relever. Mais je luttais toujours, gardant mes yeux consciencieusement ouverts. Il passa son bras autour de moi, et je levai mon regard vers le sien, le fixant tendrement. Je ne voulais pas fermer les yeux, ni dormir, je ne voulais pas perdre le temps que j’avais avec Ewan et qui était si précieux…
- Dors. Reprenons des forces tous les deux, d'accord ? Parce qu'après, tu n'aurais plus une seconde de libre, avec tout ce que j'ai prévu qu'on allait faire !
Je voulus protester, mais il avait parlé de se reposer lui aussi, et j’admis à contrecœur qu’il en avait besoin aussi et que je n’avais pas à rester éveillée puisqu’il ne risquait plus rien. Je pinçai les lèvres et détournai les yeux, collant mon visage contre le sien et enserrant mes doigts plus fort autour des siens.
- D’accord, admis-je un peu lasse, sentant le sommeil m’envahir. Mais après, je m’occupe de toi… Murmurai-je une dernière fois.
Mais ma voix flancha, et je ne sus pas exactement si j’avais achevé ma phrase. Le sommeil me gagna, mais si mon corps entier se détendit, je sentis une dernière fois la pression que ma main sur celle d’Ewan, comme un dernier geste tendre qui était mon « je t’aime » silencieux. THE END |
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| Sujet: Re: ~ Bittersweet. [PV E.] | |
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