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 At any moment | Ruby

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Ewan Campbell


Ewan Campbell
Vendeur chez l'Apothicaire



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Particularités: J'ai un énorme bagage à main (et ma copine a des gros boobs).
Ami(e)s: Phil et Rita et les boobs (mais surtout les boobs) :)
Âme soeur: “And she kissed me. It was the kind of kiss that I could never tell my friends about out loud. It was the kind of kiss that made me know that I was never so happy in my whole life.”

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MessageSujet: At any moment | Ruby   At any moment | Ruby Icon_minitimeDim 14 Déc - 23:53





We are left with nothing but death, the irreducible fact of our own mortality.
Death after a long illness we can accept with resignation. Even accidental death we can ascribe to fate.
But for a man to die of no apparent cause, for a man to die simply because he is a man,
brings us so close to the invisible boundary between life and death that we no longer know which side we are on.
Life becomes death, and it is as if this death has owned this life all along. Death without warning.
Which is to say: life stops. And it can stop at any moment.

(The Invention of Solitude, Paul Auster)





Si ces derniers temps avaient été un peu plus reposants – je dormais mieux et surtout j’amassais moins de travail en ayant abandonné mes petits trafics illégaux qui ne m’intéressaient plus vraiment – ces derniers jours, en revanche, avaient été plus pesants. Bien que les beaux jours, encore timides, réapparaissent peu à peu et que l’hiver s’estompait, je me sentais fatigué et mon sommeil était trop aléatoire pour que je me repose une bonne fois pour toutes. Il n’y avait pourtant pas de raisons particulières, mais je ressentais une langueur inexplicable, comme si tout me demandait plus d’énergie que d’habitude. Ce matin-là, je m’étais réveillé avec difficulté, les yeux pleins de sommeil et tout le corps embrumé ; sortir de mon lit m’avait demandé plus de temps et plus d’efforts qu’à l’ordinaire. La seule chose qui me motivait pour me lever était la perspective d’un bon thé chaud et de toasts pour mon petit-déjeuner, je m’y étais affairé, encore tout étourdi de sommeil. A tel point que je n’avais pas entendu d’abord le hibou qui toquait à ma fenêtre – il me fallut un certain temps pour comprendre que les tocs-tocs répétés sur le verre épais de ma petite fenêtre m’étaient réellement destinés. Un peu surpris – Ruby m’envoyait des lettres le matin, parfois, mais ce n’était pas son hibou… Non, c’était un grand hibou brun, que je reconnus alors : celui de mon oncle Matthew. J’ouvris et pour une fois l’animal ne hulula pas, ne quémanda pas de nourriture. Je défis le pli de sa patte et lui tendis quand même une petite récompense ; il s’envola alors sans attendre de réponse, dépliant silencieusement ses grandes ailes couleur caramel dans la lumière blanche de ce début de journée. J’ouvris alors la lettre, me demandant bien pourquoi mon oncle m’écrivait de si bon matin.

Son « je passe te voir tout de suite » attira tout de suite mon regard, au milieu des petites lignes finement tracées. Je compris alors que cette missive n’était pas de bon augure, et l me fallut toute la force du monde pour ne pas le replier et la laisser là, et retourner me coucher. Mais je lus, résigné, sentant comme une lourde chape tomber sur mes épaules. Il me semblait que le monde s’était tu autour de moi, et que tout disparaissait à mesure que je lissais. Les phrases de mon oncle étaient courtes et concises, précises, factuelles. Comment de toute façon en faire autrement ? Mon père, à l’autre bout du monde, loin de sa famille et de tout ce qui aurait du le rattacher à la vie, s’était donné la mort hier matin – son associé l’avait retrouvé dans sa chambre.

Encore une fois, la violence inouïe de la vie qui disparait en un instant me percutait de plein fouet.

Je relus la lettre plusieurs fois, tous les mots dansant devant mes yeux. Il n’y avait rien de plus, et comme l’avait précisé mon oncle, il arrivait, si bien qu’il aurait très certainement plus à me dire – mais en réalité, je n’étais pas certain de vouloir savoir. Pour la deuxième fois, j’avais l’impression qu’un pan de mon existence s’écroulait. Je levai les yeux, mais mon regard se perdit dans le vague : mon père était mort. Je ne le verrai plus. Mon père qui était lâchement parti, nous laissant derrière lui, n’arrangeant probablement rien à nos histoires de famille. D’une certaine manière, je ne pouvais pas totalement le blâmer : l’attitude de ma mère n’était pas un cadeau, en un sens, j’avais fui moi aussi. Mais je n’avais pas arrêté, je n’avais pas cédé, je n’avais pas baissé les bras. Aussi fort que j’en voulais à mes parents, je ne leur aurais pas fait ça, jamais. Une fois suffisait, pour moi, pour tout le monde. Peut-être pas tant que ça visiblement… J’entendis un froissement de papier et baissai le regard vers mes mains : elles s’étaient crispées sur la lettre, la réduisant en une petite boulette de papier. En cet instant, je compris que je n’étais capable de rien d’autre à part de ressentir une intense et méchante colère.

Comme un rêve, je revoyais tout : Jamie, la rivière, mon enfance, mon adolescence, Poudlard, les repas de famille, le drame, l’après, mes parents ensemble, la froideur entre eux, la maison vide sans mon frère, les silences, les paroles de ma mère, l’absence de mon père, son travail, son fauteuil, le soir quand il y fumait la pipe, la manière méthodique qu’il avait de lire en entier la Gazette… Ses marches qu’il faisait seul, de temps à autre, le week-end, son chapeau sur la tête et le regard pensif, les mains croisées derrière le dos. Dans ces moments-là, il avait une marche si lente que je me faisais toujours la réflexion de combien il était différent de son frère, tout énergique, bruyant, chaleureux et plein d’entrain. Mon père avait toujours été absent, finalement. Dans sa présence, dans ses actes, dans ses paroles, dans ses décisions. Quand j’étais petit, il me faisait l’effet d’un fantôme parfois, qui surgissait sans faire de bruit quand on ne s’y attendait pas, tout transparent qu’il était. Finalement, ce n’était que la concrétisation de sa personne. Maintenant, il était absent pour de bon. Je me levai vivement, sans savoir pour autant où aller, quoi faire. Par la fenêtre, j’apercevais le soleil qui finissait de se lever au-dessus des champs de Pré-au-Lard, Poudlard qui rayonnait au loin… Je tirai les rideaux d’un coup sec : j’en avais assez. Assez que tout brille, tout flamboie, tout continue. Assez que tout se brise et que tout s’arrête. Assez des injustices de la vie, assez de la lâcheté des uns et de l’aveuglement des autres. Assez d’être toujours celui qui devait rester avec son lot de chagrin et de remords, assez de subir sans rien pouvoir faire, assez d’avoir le cœur brisé et aucun outil pour le recoller. Il faisait noir dans la pièce à présent, et c’était tant mieux. Je voulais dormir et ne plus jamais me réveiller, et peut-être que tout cela resterait un vilain songe, quelque part dans un coin de mon cerveau. Je refusai la réalité, catégoriquement. Je me laissai tomber de nouveau dans le canapé et me mis à somnoler – combien de temps, je l’ignorai, mais les coups sonores appliqués sur ma porte me réveillèrent de nouveau.

Matthew avait toujours eu un effet bénéfique sur moi : il était rassurant par ses gestes, ses mots, son regard. Il m’appelait « mon garçon » la plupart du temps, et cette fois quand il le dit en me prenant dans ses bras, je regrettai amèrement de n’être pas réellement son fils, car lui et Bonnie m’avaient toujours apporté tout ce que je n’avais pas eu au sein de ma propre famille.

Bonnie passerait me voir plus tard, elle était chez ma mère pour l’aider, la soutenir ; je me demandais d’ailleurs comment le prenait ma mère. Je n’avais aucun mal à l’imaginer drapée dans sa dignité, et Bonnie s’efforçant vainement de lui procurer le plus de démonstrations de soutien et d’affection possible. Mon oncle parlait posément, m’expliquait, me laissait le temps de comprendre, de réagir ou pas. Mais j’étais ailleurs, absent moi aussi. Je ne voulais pas, et tout m’écrasait. Je pleurais autant de rage et d’injustice que de tristesse, et j’avais l’impression que ma salive était amère, écoeurante. Je n’entendais pas tout ce que Matthew me disait, perdu dans mes pensées. Il se chargea de prévenir l’apothicaire en lui envoyant un hibou, il me mit une tasse de thé chaude entre les mains, et j’étais reconnaissant qu’il ait autant de geste vers moi, de le sentir si présent et concerné. Je mis de longues minutes à tout d’un coup me dire qu’il avait perdu son frère et que je n’étais même pas fichu de m’inquiéter pour lui – cette pensée me fit l’effet d’un coup de fouet, et je sortis de ma torpeur, essuyait mon visage humide d’un revers de la main. Et lui ? Et Bonnie ? Comment se sentait-il, comment l’avait-il appris, qu’est-ce qu’il ressentait ? Je vis à son sourire qu’il était touché de mes questions. Je notai alors seulement dans le léger affaissement de ses épaules et l’éclat triste de ses yeux combien lui aussi subissait cette perte et cette peine, mais pourtant, il était toujours le même – droit et chaleureux et compatissant, paternel, et je réalisai que sous sa haute carrure, sa bonhommie et sa joie de vivre, il renfermait une réelle force qui l’enveloppait d’une aura particulière. Je n’étais pas malheureux d’en bénéficier en cet instant – près de lui, tout paraissait plus simple. Mais il souffrait et je le savais, et nous étions aussi chagrinés l’un que l’autre d’avoir perdu cet homme qui nous liait. S’il ne pleurait pas, ce n’était pas par stupide honneur ou quoi que ce soit, je le savais : il ne pleurait simplement pas pour ne pas m’alarmer et m’attrister d’avantage. Il était mon père, encore et toujours, quand celui qui en portait pourtant le titre avait décidé de disparaître une bonne fois pour toutes. Je ne mis pas autant de mots que la colère que je ressentais que je l’aurais voulu, mais non seulement mon oncle la comprenait, mais en plus, nous étions tout de même encore tenu par cette espèce de retenue et de respect des morts qui naît toujours en même temps qu’ils disparaissent. Il s’assura que j’ai un peu bu de thé, que je n’ai besoin de rien, avant de m’expliquer qu’il devait aller chez moi pour aider pour les papiers et l’organisation de l’enterrement, mais que Bonnie viendrait me voir, que c’était hors de question de me laisser seule – malgré mes protestations -, etc. Pour finir, il m’obligea presque à faire ce que j’avais envie de faire depuis le début mais pour quoi je ne trouvais pas la force : prévenir Ruby, lui demander de venir et de me prendre dans ses bras, là où tous les malheurs de la Terre ne semblaient plus exister. Mais j’étais trop dans le refus de ce qui était en train d’arriver pour le concrétiser ainsi – Matthew me demanda de le faire sans quoi il ne pourrait pas partir, et j’obéis, ne voulant pas lui causer plus d’inquiétude. J’inscrivis simplement sur un morceau de parchemin « Est-ce que tu peux venir chez moi ? J’ai besoin de toi » sans expliquer d’avantage car je n’en étais pas capable, et laissai Moon s’envoler avec vers Poudlard.

Les larmes coulaient malgré moi sur mes joues, amères et brûlantes. Je fixai la cheminée éteinte en ruminant mes pensées et en posant quelques questions concrètes à Matthew – allions-nous nous réunir, fallait-il que j’aille chez ma mère, etc. Pour l’instant, il n’en savait pas assez et me promis de me tenir au courant. Puis quelqu’un frappa à la porte – Ruby, probablement. Matthew me prit une dernière fois dans ses bras avant de me dire qu’il reviendrait vite, puis il alla ouvrir à Ruby, lui murmura quelques mots, et nous laissa. Je mis quelques secondes à détacher mon regard de la cheminée – peut-être que si je ne la regardais pas, ça n’arriverait pas, peut-être que tout disparaîtrait… Mais j’espérais dans le vent, et je le savais parfaitement. Comme elle s’était avancée près de moi, je la laissai me prendre dans ses bras et m’y enfonçais, fermant les yeux. Mes larmes coulèrent un peu plus et je sentais toute la tiédeur du corps de Ruby, son odeur que je connaissais si bien, et tout cela m'entourait et me berçait, tout cela me protégeait, je le sentais... Elle me serrait fort, et j'essayais d'y puiser de la force.


- Mon père s’est tué hier matin, dis-je d’une voix basse.

Tout me revenait plus fort, comme une vague qui se retire pour mieux se fracasser de plus belle. La perte de Jamie était comme ravivée par cette autre perte qui, je le savais, lui était intimement liée.
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Ruby Standiford-Wayland


Ruby Standiford-Wayland
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Ami(e)s: Lizlor; « Maybe home is nothing but two arms holding you tight when you’re at your worst. »
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MessageSujet: Re: At any moment | Ruby   At any moment | Ruby Icon_minitimeMar 16 Déc - 0:31



"God knows what is hiding in this world of little consequence
Behind the tears, inside the lies
A thousand slowly dying sunsets
God knows what is hiding in those weak and drunken hearts
Guess the loneliness came knocking
No one needs to be alone, oh singin'

People help the people
And if you're homesick,
give me your hand and I'll hold it."



« Est-ce que tu peux venir chez moi ? Je besoin de toi. »

Je regardai le morceau de papier comme s’il allait exploser dans mes mains. Autour de moi, les tumultes de la salle s’étaient tus, et je n’entendais même pas Lizlor qui m’appelait. Elle finit par agiter sa main devant mon visage, pour attirer mon attention, et je sursautai, relevant mon regard vers elle. Elle dût sentir mon inquiétude car elle fronça les sourcils, et je lui montrai les quelques mots qu’avait écrit Ewan. Elle eut une expression interrogative, et comme je ne savais pas quoi lui dire, je baissai les yeux à nouveau vers ce petit mot qu’il m’avait envoyé. Ce n’était pas dans son habitude de m’envoyer ce genre de choses, d’être aussi bref, et je voyais bien que son écriture était plus brouillonne, plus fébrile que d’habitude. Mon cœur commença à battre désagréablement, et je rangeais mes affaires à la va-vite, déposai un baiser sur la joue de Lizlor avant de filer. Peu importe le cours de potions que j’avais dans une heure, peu importe les révisions que j’étais en train de faire. Je serrai mon écharpe contre mon cou, mes doigts crispés, et je me mis en direction de Pré-au-Lard, le cœur battant.

En sortant, je fus surprise. Dehors, il faisait beau malgré la fraîcheur de la fin de l’hiver, et le ciel bleuté avait une couleur qui me parut étrangement déplacé. Le monde dehors semblait heureux de s’éveiller, j’entendais quelques oiseaux au loin, et mes pas pourtant rapides faisaient un bruit doux sur les pavés. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais cette douceur ambiante mais mit encore plus mal à l’aise, comme s’il y avait un calme avant la tempête, comme si cette atmosphère serein n’était qu’une illusion. Je serais le mot entre mes doigts, tentant de me raisonner, mais je ne pouvais m’empêcher de penser à mot que j’avais reçu il y avait maintenant environ six mois… Ce petit mot bref qu’Ewan m’avait envoyé et lorsque j’étais arrivé chez lui, j’avais vu les cartons empilés et compris qu’il comptait me quitter. Et ce petit mot que je venais de recevoir me rappelait trop cette journée là, ce retournement de situations qui avait failli me détruire et détruire notre relation à jamais. Etait-ce possible qu’une telle chose arrive à nouveau ? Qu’Ewan m’ait à nouveau caché quelque chose ? Pourtant nous avions tous les deux promis de ne plus jamais nous mentir, de ne pas risquer de nous perdre à nouveau. Je ne pouvais pas croire qu’il ait à nouveau manipulé dans son coin, il n’aurait jamais fait à nouveau ça, et puis, il était resté, il m’avait choisi, n’est-ce pas ?

Dernièrement, nous avions enfin traversé une période calme. Depuis ce fameux épisode de l’Australie, nous avions eu des hauts et des bas à répétitions, concrétisés par la pause durant les vacances… Mais depuis le retour, depuis nos vacances à Paris, nous étions plus soudés que jamais et j’avais l’impression de découvrir une toute nouvelle relation. J’avais été heureuse avec Ewan dès que je m’étais mise avec lui, mais à présent, c’était légèrement différent. J’imaginais avec encore plus de confiance mon avenir avec lui, je me sentais un peu plus saine et rassurée. Notre relation me semblait plus équilibrée. Evidemment, je restais toujours remplie d’insécurité, et parfois causait quelques incompréhensions – surtout lorsque je me montais la tête et qu’Ewan ne le comprenait pas. Mais heureusement, nous nous connaissions assez pour savoir gérer les petites discordes, et elles s’effaçaient facilement devant toutes les autres choses qui nous rendaient heureux. Je n’aurais rien voulu changer au monde, pas une seule seconde de notre histoire, car finalement chacune avait mené à ce que nous étions aujourd’hui. C’était peut-être cliché, mais c’était exactement ce que je ressentais, et j’étais heureuse ainsi. Et puis… Il y avait eu ce patronus qu’Ewan m’avait montré chez sa mère, ce cerf argenté… C’était une preuve magique, littéralement, de tout l’amour qu’Ewan me portait, et cela montrait que je le rendais heureux et c’était le sentiment le plus gratifiant que je n’avais jamais connu. Alors, quand je pensais à tout ça, je ne pouvais pas croire que ce mot que j’avais reçu faisait écho à celui de l’Australie. Non. Ewan ne me referait pas ça... Je savais ce qu’au fond cette conclusion voulait dire. Quelque chose était arrivée. Je le sentais. Ce n’était pas que l’inquiétude, je connaissais Ewan, je connaissais sa manière de m’envoyer des lettres. Il savait que j’avais une grosse journée de révisions prévue pour mon examen de vendredi, et il ne m’aurait pas dérangé sans raison. Je le savais. Il y avait quelque chose.

Je montai les marches rapidement, le cœur battant, et toquai à la porte. Ce fût l’oncle d’Ewan qui ouvrit, et je figeai. Je savais ce que cela signifiait, n’est-ce pas ? Dans mon cerveau, les choses étaient floues mais pourtant je ressentais bien les choses. Sa présence ici était un signe, et je ne voulais pas le comprendre, mais je sentis un nuage noir envelopper mon cœur.


- Veille sur lui, il a besoin de toi, murmura-t-il.

J’hochai la tête, et dans un geste étrangement naturel, je serrai Matthew dans mes bras une demi-seconde pour lui dire au revoir. J’avais lu sur son visage et dans ses yeux rougis une fatigue immense, une tristesse puissante qui m’avait prise à la poitrine, et je savais que je lirais la même chose sur le visage d’Ewan. Soudain, j’eus peur, et j’eus l’impression que je ne pourrais jamais avancer dans le salon, jamais m’asseoir à côté d’Ewan qui regardait la cheminée d’un air absent et las. J’étais terrifiée de ce qui s’était passé, de ce que je ne pourrais sûrement pas réparer, de la tristesse d’Ewan… Mais dans mon cœur, un autre sentiment était plus fort. Mon instinct maternel me poussa naturellement, et je m’assis à côté d’Ewan, laissant mes bras l’entourer sans me questionner. C’était instinctif – je l’attirai contre moi, je le laissai s’enfoncer contre ma poitrine, sentant son corps s’abandonner, devinant ses larmes qui roulaient jusqu’à qu’elles viennent s’écraser sur mes bras. Je ne dis rien pendant un long moment, me contentant de serrer Ewan avec toute la douceur et la force dont j’étais capable. Doucement, je le berçai légèrement, ignorant mon propre cœur qui battait, inquiet. Je voulais que le monde s’arrête un instant, car je savais que la suite serait terrible. J’avais un pressentiment, mais je refusai de l’écouter, me focalisant sur Ewan contre moi et mes mains qui caressaient son dos.


- Mon père s’est tué ce matin…

Le monde ne s’arrêta pas de tourner, bien au contraire. J’eus l’impression que les flammes sous le chaudron du plan de travail étaient plus hautes, plus fortes que tout à l’heure. La potion qui grondait faisait un bruit qui me perçait les tympans.Dehors, le soleil brillait avec plus d’intensité, filtrant à travers les rideaux, et j’entendais tous les cris des rues de Pré-au-Lard, toute l’excitation. J’avais l’impression que le monde autour de nous, le monde vivant autour de nous s’était mis à crier, à hurler, comme si quelqu’un avait augmenté le son. Le père d’Ewan était mort, il s’était tué, alors que le monde tout autour vivait encore et cela me paraissait tellement injuste, tellement violent ! Je ressentais la violence de cette mort dans chacun de mes membres, mes doigts s’étaient crispés et je réalisai que je m’étais mise à pleurer aussi. Quelque chose tapait tellement fort dans ma poitrine que j’avais mal, et je serrai Ewan avec une force qui traduisait mon désespoir. Je ne voulais pas y croire, je ne voulais pas entendre qu’il avait à nouveau perdu quelqu’un de sa famille, et de cette façon aussi horrible ? Ce n’était pas possible…

- Oh, Ewan, je suis tellement désolée, murmurai-je finalement après de longues minutes, tentant de ne pas me mettre à sangloter. Je caressai ses cheveux avec douceur, cherchant à me reprendre. Je ne voulais pas perdre mes moyens, je voulais qu’Ewan sente ma présence. Mais que dire dans ces instants ? J’eus une pensée pour Lizlor et son père. J’avais toujours su qu’elle l’avait perdu et nous en avions déjà parlé, mais je n’avais jamais été là à l’instant précis, au moment où la plaie était la plus ouverte… Ma gorge était toute serrée, et je me sentais anxieuse. Je… Je suis là, murmurai-je, je suis là, je… Je ? Mais que pouvais-je faire bien faire ? Je sentis une extrême tristesse m’envahir. Tu… Comment tu te sens ? Je me doutais déjà, n’est-ce pas ? Je suis là, ça va aller, ça va aller, dis-je d’une petite voix, serrant Ewan plus fort.

Mais est-ce que ça allait aller ? J’avais envie de disparaître, de pleurer aussi, mais je ne pouvais pas. Je ne pouvais que serrer Ewan, d’aspirer sa tristesse tout en sachant que je n’y arriverais jamais complètement. Qu’allait-il se passer à présent ? Que pouvais-je bien faire ? Matthew lui avait déjà servi un thé, du reste, je me doutais qu’il avait l’estomac noué… J’ouvris la bouche, cherchant des mots réconfortants, mais un bruit me coupa. Ewan sursauta, et se releva lentement, regardant vers la fenêtre. Un hibou avait visiblement toqué au carreau. Je me levai prudemment, et tirai les rideaux, ouvrant la fenêtre. J’allais prendre rapidement la lettre et congédier l’oiseau, mais j’entendis un bruit derrière moi, un bruit brusque. Ewan s’était levé, et il s’avança maladroitement, et me prit la lettre des mains. A son visage, je compris. C’était l’hibou et l’écriture de son père. Je levai les yeux vers lui, inquiète.


- Tu veux que je te laisse la lire tranqui – commençai-je, mais le regard d’Ewan me répondit sans hésitation, et j’approuvai d’un signe de tête timide.

Je pris sa main, et l’invitai à se rasseoir sur le canapé. Je passai mon bras autour de sa taille, pour lui montrer mon soutien, et lorsqu’il eut ouvert la lettre en tremblant, j’attendis son accord d’un regard silencieux pour lire avec lui. Je pris sa main, et la serrai fort, et me mis à lire, le cœur battant. C’était une lettre étrange, triste, terriblement triste et défaitiste, mais quelque chose sonnait étrange. Le père d’Ewan évoquait la perte de Jamie, de sa femme, sa solitude, sa tristesse en Australie et ses difficultés dans son travail… Le ton était lourd, fataliste, et lorsque n’eûmes finis de lire, je lançai un regard inquiet à Ewan. Il fixait la lettre, la relisant probablement en diagonale, et j’eus le sentiment qu’il cherchait quelque chose. Il tremblait légèrement, et soudain, les choses m’apparurent plus clairement.


- Tu… La lettre, elle te met en colère, n’est-ce pas ? Murmurai-je timidement.

Je connaissais ce regard, je connaissais cette expression, je connaissais cette crispation. Mais surtout, j’avais compris car c’était ce que je ressentais aussi. Les émotions d’Ewan dans des situations aussi fortes m’étaient contagieuses, et que ce goût amer que je sentais n’était pas seulement dû à mes larmes mais bien à une colère sournoise, une colère fataliste, qui faisait grincer dans mes oreilles : pourquoi ? pourquoi ?
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Ewan Campbell


Ewan Campbell
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MessageSujet: Re: At any moment | Ruby   At any moment | Ruby Icon_minitimeJeu 15 Jan - 0:52

Il n'y avait rien à faire, et ce sentiment n'arrangeait rien à la colère que j'éprouvais déjà. Il n'y avait rien à faire... J'avais perdu mon père après tout ce que nous venions de traverser : mon père qui avait fait le choix de ne pas se tenir debout tant bien que mal alors que j'avais tant lutté pour le faire, que je luttais encore. C'était injuste, profondément injuste, c'était ironique, sournois, c'était horrible, triste, c'était révoltant et à la fois bouleversant. Mon père n'avait jamais été le père rêvé du petit garçon que j'avais été et si j'avais renoncé depuis bien longtemps à ce qu'il soit présent pour moi, il devait rester une petite étincelle d'espoir au fond de moi... Qui venait de mourir avec lui. Tout disparaissait : mon père, le père que j'aurais aimé avoir, le père que j'aurais pu avoir, et c'était mille fois pire encore. L'espoir s'envolait en même temps que lui, et moi je restais là, encore une fois. Je n'en pouvais plus, de rester là. Et quelle ironie aussi, je ne prétendais pas être le seul qui souffrait de la mort de Jamie, mais j'étais le seul qui le montrait, et voilà que c'était mon père qui en mourrait, alors qu'il ne m'avait jamais pris dans les bras pour partager sa peine avec la mienne et peut-être l'atténuer aussi ! Comme quoi, j'étais encore plus persuadé que c'était cela qui l'avait tué, c'était cette espèce de voile sur la réalité et les sentiments, ce besoin étrange qui venait de Merlin savait où de ne pas montrer ses faiblesses aux autres tout simplement pour faire honneur à sa « bonne éducation ». J'espérais au moins que ma mère, qui devait avoir appris la nouvelle à l'heure actuelle, comprenait l'ironie glaçante de la chose et se mordait les doigts de n'avoir été présente pour personne, pas même pour son mari qui s'était exilé à l'autre bout du monde dans l'espoir de mettre de la distance entre lui et son histoire tragique. Quel échec... Je me fis la réflexion que je n'avais pas envie de voir ma mère, je n'avais pas envie de voir si elle pleurait ou non, à quel point elle était bouleversée, si elle serait à mes côtés ou non. Je n'avais pas besoin d'elle, et cette triste constatation avait le mérite d'être claire et nette. Je crois que j'étais autant en colère contre elle que contre mon père en cet instant.

Il n'y avait rien à faire, mais la présence de Ruby atténuait au moins la chose, pour la rendre d'insupportable à quasiment supportable. Dans ses bras, au moins, je n'étais pas seul, je n'avais pas à me cacher : je savais qu'elle n'appartenait pas au genre de personnes qu'étaient mes parents, que je n'avais pas à me retenir. Partager ma tristesse avec les gens que j'aimais était, dorénavant, la seule chose qu'il m'était possible de faire. Et si je m'inquiétais pour Matthew, pour Bonnie, pour tous les gens proches de mon père qui étaient sensibles d'une manière ou d'une autre à sa disparition, je m'accrochais à une seule et unique pensée : au fait que nous étions tous ensemble unis dans la douleur, et que ce soutien nous réchauffait au moins un peu le coeur. Elle me murmurait des paroles réconfortantes et me caressaient les cheveux et je me laissais faire, portée par sa douceur rassurante et maternelle, le corps toujours secoué de larmes et d'une rage qui ne voulait pas faiblir. J'en avais assez : j'avais l'impression que mon corps entier ressentait comme un ras-le-bol général, et ne pouvait plus encaisser ce genre de choses. Il était tant ramené en arrière, aussi, comme si on réveillait chacune de mes anciennes blessures que je ne savais plus exactement où et de quoi je souffrais, comme si il se souvenait avec exactitude de tout ce qu'il avait traversé, de cet état dans lequel j'avais été plongé et dans lequel j'avais failli rester. Je le sentais douloureux et blessé, de partout, et j'avais l'impression qu'il hésitait encore sur la voie à prendre : se battre ou plonger de nouveau ?

Un bruit sec nous fit sursauter tous les deux et je laissai Ruby se charger d'ouvrir la fenêtre et d'accueillir le hibou - un instant, la lumière m'éblouit lorsque je me redressai, et je dus me frotter les yeux en les plissant pour retrouver une vue à peu près normale, malgré mes paupières gonflées de larmes. Alors, mon coeur rata un battement : ce hibou était celui de mon père. Me levant d'un bond, je pris la lettre des mains de Ruby, qui avait compris à mon empressement ce dont il était question... Une lettre de mon père, la dernière probablement... Un petit mot y était joint, de son collègue, qui me disait m'envoyer cette lettre qu'il avait trouvée, à mon intention, sur le bureau de mon père après sa mort. Je fis taire Ruby d'un regard - bien sûr que non, je ne voulais pas qu'elle me laisse tranquille, j'avais besoin d'elle autant qu'elle faisait partie de moi et qu'elle n'avait pas à s'éclipser dans ce genre de circonstances. Je la priai de lire la lettre avec moi - mes mains tremblaient lorsque nous découvrîmes ensemble les lignes serrées sur le parchemin.

Il avait écrit avec une plume fine, toujours la même, qu'il commandait chez le même fournisseur depuis des années, et il utilisait également le même parchemin, lisse et épais, et joliment travaillé. J'admirais cela chez lui, et je lui avais toujours reconnu le talent de son métier : il s'y connaissait mieux que quiconque dans la papeterie, l'édition, tout ce qui concernait les livres, de près ou de loin. Son écriture était belle, un peu vieillotte, un peu penchée, très soignée, fine et régulière, mais les courbes de ses lettres et le soin calligraphié de ses majuscules m'avaient toujours fait une impression certaine depuis que j'étais enfant. J'avais peine à croire que je voyais cette écriture pour la dernière fois, qu'elle était en tout et pour tout la seule chose qui émanerait de lui, le dernier souvenir de cet homme avec qui je n'aurais jamais pu régler les problèmes non-dits que nous avions portés jusqu'à maintenant.

Mon père n'avait jamais été un homme fort, je le savais pertinemment. Il était absent et discret, pas par soucis de discrétion ou de réflexion, mais parce qu'il avait un caractère effacé et une personnalité nébuleuse, parce qu'il ne savait prendre des décisions que dans le domaine professionnel et qu'il semblait perdre absolument toute prestance lorsqu'il sortait de son entreprise. Mais il était absent jusque dans sa propre vie, ses actions, ses pensées. Avec le temps, je m'étais demandé s'il n'avait pas toujours été à moitié dépressif ; en tout cas, j'avais au fond la certitude qu'il n'était pas heureux, mais qu'il ne s'en donnerait jamais les moyens : sa meilleure défense était de se laisser couler, il fallait croire. Un acte comme le suicide n'était pas incompatible avec la personne qu'il était, malheureusement, bien que j'avais été à des lieues de l'envisager pour autant. Je commençai à lire sa lettre avec le coeur au bord des lèvres - je n'avais pas envie de lire ses derniers mots, pas envie de savoir à quoi il avait pensé parce que je savais, oh, je savais... Je savais que tout cela allait me dégoûter de lui encore plus. Et je ne le voulais pas. Mais je lus : je n'avais pas le choix. Ce ton était bien le sien : amère, défaitiste, faible. La vision pessimiste de sa vie, ses petits problèmes, ses regrets qu'il n'aurait jamais eu le courage de formuler à haute voix... Il évoquait même Jamie et je sentis mon estomac se serrer : pourquoi maintenant ?! N'en avions nous pas tous soufferts ?! Pourquoi avait-il refusé de l'avouer ?! Pourquoi le dire à présent ?! Il soulignait, surtout, cette immense solitude qu'il ne pouvait plus supporter, son exil, son isolement. J'avais peine à croire qu'il avait écrit tout cela. Je finis la lettre sans tout comprendre ; les mots dansaient devant mes yeux. C'était un cauchemar : il se plaçait en victime alors qu'il avait lui-même décidé de fuir, de nous abandonner, alors qu'il avait lui-même refuser de parler de tout cela, alors qu'il avait lui-même refuser de me venir en aide et d'être mon père quand j'en avais eu tant besoin !

Je ne sais pas combien de temps je restai, encore, les yeux dans le vague, essayant de lutter contre la vague de colère acide qui me tétanisait peu à peu...


- Tu… La lettre, elle te met en colère, n’est-ce pas ?

La voix douce de Ruby me rappela à la réalité, et je tournai le regard vers elle, croisant le sien. Il me frappa par la puissance tranquille qu'il dégageait, comme d'habitude... Je revins contre elle, abandonnant la lettre sur la table basse. Je ne voulais plus la voir, plus la lire.

- Tout me met en colère, éclatai-je en sanglots de rage et de peine. Je n'arrive pas à croire qu'il ait pu faire ça, et qu'il remette tant la faute sur toute notre histoire, qu'il se soit tué de solitude alors qu'il n'a jamais voulu être là pour les autres, qu'il ait été si égoïste... Les idées sortaient pêle-mêle, et je ne prenais pas vraiment la peine de les trier. J'ai l'impression que c'est un cauchemar qui tourne en boucle, que ce sera toujours la même chose, que ça n'arrêtera jamais, et que je ne pourrais jamais rien faire... Je lui en veux tellement, je lui en voulais déjà tant de n'avoir jamais été là et maintenant il n'est même plus là, c'est tellement injuste... Comment on peut faire ça, dis-je avec encore plus de colère, car la vérité était là : je ne comprenais pas.

Sans doute que ma colère était trop forte, d'ailleurs. Je savais qu'elle servait toujours de contre-pied à la tristesse, et que c'était prendre le risque de masquer celle-ci, de ne pas la ressentir et de la laisser de côté comme une bombe à retardement. Mais pourtant, je ne feintais personne : me tristesse était démesurément compensée par une rage contre mon père et mes parents en général pour que je puisse le canaliser. Je me sentais encore plus seul que jamais, et j'étais dégoûté qu'en un sens ils ne me rendent pas tout ce que j'avais fait, la manière dont j'étais resté debout malgré tout ce que j'avais du traverser sans un geste de leur part.


- Je n'ai même pas envie de voir ma mère, avouai-je alors à mi-voix, un peu honteux malgré tout, car j'avais trop été élevé dans leur respect pour ne pas me sentir coupable de cette pensée.

La vérité était pourtant là : la mort que s'était donnée mon père représentait cette ultime trahison, concrétisait violemment l'abandon dont j'avais souffert depuis tant d'années.
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Ruby Standiford-Wayland


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MessageSujet: Re: At any moment | Ruby   At any moment | Ruby Icon_minitimeLun 26 Jan - 23:16



"Between the streets, before the night
I found you all alone
Shaking tired, but looking lost
I came to take you home
And we're walk in silence
Side by side!
And I just wanna lay you down your burdens, all your fears
And I don't need your deepest secrets
Whisper in my ear
'Cause I can hear your heart, your heart
I can hear your heart, your heart."


J’étais tant concentrée sur Ewan que mes sentiments s’étaient petit à petit déconnectés de moi-même, et je les avais enfouis, comme s’ils n’étaient plus importants. En cet instant, ce n’était plus moi qui comptais, et je n’avais pas envie de risquer de perdre pieds en écoutant toute la tristesse qui s’était condensé en moi. Je la ravalais sans même réfléchir, sans même me demander si le contrecoup ne serait pas encore violent. Je tenais Ewan tout contre moi, caressant son dos, ses cheveux, lui jetant des regards doux pour exprimer ce que les mots ne pouvaient pas décrire. Il était dans un tel état que j’aurais dû paniquer, mais j’étais trop concentrée à lui prodiguer l’amour dont il avait besoin en cet instant. La lettre n’arrangeait rien, et son arrivée m’avait encore plus crispé. Je savais qu’Ewan ne lirait rien qui le soulagerait, au contraire. C’était étrange, car en lisant, c’était comme si on avait mis un filtre devant mes yeux, je voyais tout depuis ceux d’Ewan, je ne savais pas ce que je ressentais mais je me demandais ce qu’il ressentait lui, c’était véritablement la seule chose qui m’importait. Je jetai des regards vers lui au cours de ma lecture, devinant par les expressions de son visage celles de son cœur, et à chaque fois je me crispais un peu plus. Mais je ne pouvais pas rester silencieuse, pas vrai ? Il fallait que je dise quelque chose, que je sois là… Alors, je me mis à parler en laissant ses émotions s’exprimer, ma question n’en était pas vraiment une car je savais déjà la réponse, mais c’était comme si je m’étais préparée pour absorber tout ce qu’allait dire, hurler, cracher Ewan, comme si j’allais avaler tous ses sentiments car il avait besoin de me moi pour les recevoir.

- Tout me met en colère. Je n'arrive pas à croire qu'il ait pu faire ça, et qu'il remette tant la faute sur toute notre histoire, qu'il se soit tué de solitude alors qu'il n'a jamais voulu être là pour les autres, qu'il ait été si égoïste... J'ai l'impression que c'est un cauchemar qui tourne en boucle, que ce sera toujours la même chose, que ça n'arrêtera jamais, et que je ne pourrais jamais rien faire... Je lui en veux tellement, je lui en voulais déjà tant de n'avoir jamais été là et maintenant il n'est même plus là, c'est tellement injuste... Comment on peut faire ça ?

J’écoutais sans rien dire, sans pouvoir rien dire, serrant un peu plus fort Ewan à chaque fois qu’un sanglot se déchirait un peu plus. « Tourne en boucle »… Je savais qu’il pensait à Jamie, à la manière dont le sort semblait s’acharner. Toute sa colère occultait presque sa tristesse, je le voyais bien, mais je savais que pour le moment il était vital qu’il ressente cette sensation violente, parce que c’était la première, la plus évidente, peut-être même la plus simple. Et la suite, quelle serait-elle ? Que voulait-il faire maintenant ? Parler, dormir, pleurer ? Aller chez lui ? Je me demandai un instant ce qu’il attendait de moi, mais mon inquiétude s’effaça derrière mon attention toute portée envers lui. Je n’avais pas le temps pour me poser des questions.

- Ce n’est pas à toi de faire quelque chose, tu portes déjà beaucoup trop, glissai-je d’une voix douce.

Je ne voulais pas qu’il ait le sentiment que c’était à lui d’arrêter tout ça, car combien de fois avait-il déjà essayé ? Passer la mort de Jamie sous silence ne faisait qu’empirer l’ambiance au sein de sa famille, et il était le seul à avoir essayé d’en parler, le seul à avoir été honnête, et pourtant ses parents avaient préféré s’enfermer dans leur petit monde, dans leurs remèdes artificiels, dans leurs apparences, et ce n’était pas à Ewan de les en sortir. S’ils ne voyaient pas que leur fils avait besoin d’eux, alors… Je ne savais pas s’ils pouvaient un jour ouvrir les yeux. La mort de son père prouvait bien que c’était parfois impossible de sortir de sa vision étriquée et auto-centrée.


- Je n'ai même pas envie de voir ma mère.

J’hochai la tête, sans rien dire. Bien sûr qu’il n’avait pas envie. A quoi ressemblerait leur retrouvaille, l’enterrement ? Serait-elle aussi froid qu’après la mort de Jamie ? Je le craignais… Je ne répondis rien, me contentant de bercer Ewan. Il pleurait encore, mais petit à petit, il sembla se calmer, sûrement fatigué. Je savais qu’il allait devoir aller à Oxford, et que ce n’était qu’une question de temps avant qu’il reçoive une lettre de sa mère. Je ne m’étais pas trompée, car une heure plus tard, un hibou toqua au carreau de la fenêtre. Je reconnaissais l’oiseau : le lendemain de notre tout premier soir ensemble, en tant que couple, il avait délivré une lettre le matin même. Ewan se leva, l’air absent, et lu le parchemin d’un air las et absent. Je m’étais levée aussi, m’approchant doucement, lui proposant de l’aider à faire ses affaires avant qu’il ne parte. Nous étions plongés dans un silence étrange, et j’organisai sa valise méthodiquement avec son aide. Une fois qu’elle fût fermée, nous descendîmes dans la rue pour qu’il puisse transplaner.

- Ecris-moi pour me dire quand tu veux que j’arrive, d’accord ? Murmurai-je timidement. Je déposai un baiser sur sa joue avant de le serrer fort dans mes bras. Bonne chance mon amour, conclus-je d’une petite voix.

Et je le laissai disparaître dans un bruit sec, continuant de fixer l’endroit où il était quelques secondes plus tôt, avec la désagréable certitude qu’il était à présent bien plus loin qu’à des centaines de kilomètres.


Partie II : L’enterrement – Oxford


Mes sentiments enterrés n’avaient pas attendu longtemps avant de refaire surface. Je me sentais plongée dans une tristesse calme des plus étranges, comme si j’avais perdu quelque chose, une lumière peut-être ? Je me sentais tellement lasse... Après tout ce qu’Ewan avait vécu, ce que nous avions vécu ensemble même, nous commencions à peine à profiter d’un peu de calme, et il avait fallu que la vie revienne s’en mêler. J’étais terriblement désemparée : est-ce que cela ne s’arrêtait jamais ? Pourquoi me semblait-il que nous étions condamnés à souffrir ? J’étais lourde, abattue, perdue même, mais surtout, j’avais l’impression d’être seule. Ewan était à Oxford, et nous ne nous écrivions pas vraiment puisqu’il était occupé, et ses lettres étaient courtes, concises, distantes. Nous avions convenu que j’arriverais la veille de l’enterrement, et en attendant, je m’étais chargée de prévenir Rita, Lizlor et Sara. Elles venaient toutes les trois pour la cérémonie. Ma meilleure amie était étrangement bouleversée, et je me doutais que cela lui rappelait des mauvais souvenirs, mais elle me soutenait totalement ce qui était la seule chose positive de ces derniers jours. Elle avait rapidement remarqué que je n’étais pas bien, mais je n’avais pas spécialement envie d’en parler. A vrai dire, j’avais l’impression que la distance et le silence d’Ewan s’était propagé jusqu’à moi ; je ne pleurais pas, je ne criais pas, j’étais simplement comme déconnectée, suivant mes obligations parce que je le devais, n’attendant qu’une chose, que l’orage passe.

En arrivant à Oxford, les choses devinrent encore plus difficiles à supporter. C’était une chose de voir Ewan loin de moi, mais le sentir distant lorsque nous étions assis était la pire des tortures. Il était complètement hermétique, Oxford et ses apparences avaient déteint sur lui et il s’enfermait dans un silence glacé qui me faisait presque peur. Evidemment, il était occupé à régler la cérémonie avec sa mère et Matthew, et je ne pouvais pas faire grande chose de toute façon… J’essayais d’être là pour lui, de le rassurer, d’avoir des gestes tendres envers lui, mais il était bien trop préoccupé pour y répondre. Je savais que ce n’était pas à moi d’être triste, que je devais m’occuper de lui, et je ne lui en voulais pas, il venait de perdre son père, bien sûr qu’il allait être triste ! Mais je le sentais tellement loin de moi… Et Oxford n’arrangeait rien du tout. Sa mère n’était pas réjouie de me voir, et je n’étais pas assez forte pour supporter son jugement – il m’enfonçait encore plus dans le mal-être que j’avais ressenti ces derniers jours. Je ne me sentais pas à ma place, et pire encore, je me sentais terriblement coupable. Après tout, Ewan devait aller aider son père en Australie, n’est-ce pas ? Et il ne l’avait pas fait, il était resté avec moi. S’il était parti, est-ce que son père n’aurait pas retrouvé sa joie de vivre ? C’était la pire des pensées, mais elle me collait à la peau, et je savais parfaitement que la mère d’Ewan pensait la même chose. Il suffisait de voir comment elle me regardait. Je savais qu’elle ne me trouvait pas à la hauteur, et pire encore, coupable. Et il m’était impossible d’en parler à Ewan, qu’il me rassure. Il était trop préoccupé, et moi, trop occupé à le rassurer.

J’avais trouvé un étrange confort en la personne de Bonnie. Matthew, son mari, avait passé la journée de mon arrivée avec Ewan et sa mère pour organiser les derniers détails, et même si j’avais eu le plaisir de déjeuner avec Ewan tranquillement, j’avais rapidement compris que je passerais l’après-midi seule. Heureusement, Bonnie m’avait proposé de visiter un peu le quartier, de nous promener, et sa douceur maternelle – elle me rappelait beaucoup Sara d’ailleurs, et quelqu’un d’autre, mais je n’arrivais pas à savoir exactement qui – me rassurait. Elle était amicale, plutôt bavarde, et je me sentis un peu rassurée par sa compagnie, même si je devais admettre que la mienne ne devait pas être passionnante.

Je n’avais pas réalisé qu’en arrivant à Oxford, mais cet enterrement était le premier auquel j’allais assister depuis celui de ma mère. Cette pensée avait noué mon estomac et achevé de me mettre mal à l’aise. Le matin de la cérémonie, en enfilant ma robe noire, le tissu m’avait collé désagréablement à la peau, comme si tout s’était mis à m’étouffer, à me peser. Mon cœur me semblait lourd… Ewan était fermé aussi – durant la nuit, le lit m’avait paru immense, comme si nous avions été à plusieurs mètres l’un de l’autre – et nous ne dîmes pas grande chose en se préparant. Lorsque nous arrivâmes au lieu de la cérémonie qui se trouvait dans le quartier, il s’occupa des derniers détails avec sa mère et reçut les premiers invités. Nous allions être en petit comité, mais vu à mes yeux cela paraissait déjà beaucoup. Il n’y avait pas eu de cérémonie à l’enterrement de mon père, et une très rapide pour ma mère ; nous n’avions même pas été une dizaine. Mon cerveau commençait à se remémorer tout ces souvenirs, et je fus rassurée lorsque Sara apparût avec Lizlor et Rita. Elles allèrent d’abord à la rencontre d’Ewan et sa mère avant de me rejoindre, et je me sentis un peu moins seule tout à coup. Mais j’avais envie de m’approcher d’Ewan, de l’aider, d’être là pour lui, mais je me sentais tellement inutile ! Lorsque nous rentrâmes dans la salle, je me plaçais au second rang derrière Ewan, et j’hésitai un instant à me pencher vers lui pour lui glisser un petit mot, mais au moment où j’esquissai un mouvement, il se décala pour parler avec Matthew, et je me figeai avec la désagréable impression d’être parfaitement stupide et une nouvelle fois, inutile.

Mais l’apothéose ne tarda pas arriver... Plusieurs personnes vinrent parler, et l’atmosphère était des plus étranges, horriblement… Froide, fausse ? Je me sentais définitivement mal à l’aise, mais ce n’était pas finie : en plein milieu d’un discours, Ewan se leva, tremblant, et quitta la pièce en claquant la porte, provoquant un silence terrible. Je me figeai, paniquée. Que se passait-il ? Matthew se leva et sortit, et j’entendis des éclats de voix qui commençaient à s’élever, Ewan semblait crier, ce qui acheva d’écraser mon cœur dans ma poitrine. Je passai le regard vers mes mains, sentant les larmes me monter aux yeux, sans arriver à effacer ce sentiment désagréable d’être totalement dépassée par les événements.
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Ewan Campbell


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MessageSujet: Re: At any moment | Ruby   At any moment | Ruby Icon_minitimeMar 3 Mar - 0:34

La suite se passa comme un film parfaitement étranger à moi que l'on me déroulait sous les yeux. Ou comme l'un de ses yeux magiques que nous avions, enfants, Jamie et moi, ces petites toupies à l'intérieur imprimé qui tournaient sur elles-même et lorsqu'on les regardait de haut, les dessins formaient une scène animée. C'était cela : j'étais spectateur, et le monde tournait autour de moi, à une vitesse folle. J'en percevais des bribes - des paroles, des scènes, des gestes, des images. Je les percevais lorsque je sortais de la prison de mon esprit, quand je levais le voile devant mes yeux, parfois. Mais il se rabattait bien vite. Il se rabattait parce que j'en avais assez, et que j'avais décidé que pour l'instant, c'était trop. Je supportais, oui, j'étais là, j'aidais comme je pouvais, je faisais attention à Matthew, Bonnie, je préparais l'enterrement avec ma mère, j'accueillais les gens que nous hébergions et qui venaient de loin, je m'occupais de dresser dans le jardin des tentes magiques qui accueilleraient ceux pour qui nous n'avions pas la place dans la maison. Je ne voulais pas me défiler - quelque part je l'avais trop fait, et surtout je ne voulais pas marcher dans les pas de mon père, qui avait en son dernier acte accompli à mes yeux le plus lâche. Je ne voulais pas être cet homme-là. Mais comme c'était difficile, au fond, de ne pas se battre, de ne pas se dire qu'il fallait agir, de baisser les bras et voilà ! L'activité à Oxford me faisait déjà tourner la tête, quand je fixais trop longtemps des yeux la toupie qui ne s'arrêtait pas. Pour l'enterrement, il fallait penser à tout, prévenir tout le monde, organiser la cérémonie, préparer ensuite de quoi recevoir chez nous... Ma mère organisait tout cela avec une précision et une efficacité hors-norme, qui ne m'étonnaient même plus. C'aurait été trop lui demander de faire son deuil, évidemment ; elle le vivait à sa manière, engoncée dans son tailleur, et maniant pourtant sa baguette de fée de logis avec une vivacité et une adresse époustouflantes. Moi, je suivais. J'obéissais à ce qu'elle me dictait, je m'occupais des gens. Je prenais des notes, je faisais le lien quand il le fallait, etc. Je m'occupais beaucoup, et je pensais peu : c'était déjà ça.

L'enterrement me paraissait irréel, flou, malgré l'énergie que nous mettions dans sa préparation ; peut-être que je ne me rendais pas compte parce que je n'avais jamais été à celui de Jamie alors pour moi c'était quelque chose qui n'existait pas, pas vraiment. Peut-être parce que je me demandais encore comment cela était possible d'en être arrivés là. Et aussi, surtout, parce que je n'avais aucune envie d'y être, parce que je savais pertinemment qu'il me serait insoutenable.

Il arriva, finalement, après que tout le monde ou presque soit arrivé la veille au soir - d'une certaine manière c'était bien, je n'avais pas à prétendre m'occuper de ma mère, qui s'était fermée comme à son habitude. Je ne l'avais pas vue flancher, pas une seule seconde. Elle enterrait son mari avec autant de sérieux et de professionnalisme qu'elle organisait ses oeuvres de charité dans le village. Quant à moi, j'avais renoncé depuis bien longtemps à m'en formaliser. C'était peut-être sa dernière chance, pourtant, si elle n'avait jamais su partager son chagrin avec moi au moment de la mort de Jamie, peut-être que celle-là aurait pu être le contre-pied ? Mais non, rien. J'avais hésité, le premier soir, j'avais hésité à aller la voir, lui parler, lui dire simplement ce que je sentais. Mais devant la porte de sa chambre fermée, j'avais renoncé, battu en retraite. C'était inutile.

Ruby était là, bien entendu, et je m'inquiétais qu'elle se sente perdue au milieu de ce monde, de l'agitation, du fait que je ne sois pas trop disponible, sans compter que je m'étais endormi comme une masse la veille au soir, complètement épuisé et vidé de mon énergie et de mes émotions. Mais je n'avais hélas pas le temps d'être là quand il le fallait pour elle, sans compter que j'étais moi-même un peu perdu dans cette tornade d'émotions. A l'enterrement, se joignirent à elle Lizlor et Sara Wayland, Rita aussi, Joseph et Esther, Jess, tous mes proches amis ; il y avait la famille évidemment, des amis et connaissances de ma mère, de mon père aussi, et beaucoup avaient fait le voyage depuis l'Australie, ce qui me surprenait - mon père avait-il tant d'amis là-bas ? Et surtout, avec autant d'amis, comment en venait-on à mettre fin à ses jours, à se sentir si seul pour un tel geste ?! Enfin, qu'importe. Je ne voulais même pas comprendre, j'étais énervé, agacé, fatigué, j'avais hâte que tout se termine, et à la fois j'avais envie de vivre cette journée le plus lentement possible pour vivre et sentir tout ce que je n'avais pas pu avoir à la mort de Jamie : le deuil, la vision du cercueil, la réaction des gens, leur soutien, cette réunion particulière. Surtout quand je savais que j'allais ensuite devoir faire face à ma mère et son hermétisme. Mais j'écoutais d'une oreille, parce que je n'y arrivais pas - là, tout d'un coup, je me sentais si seul, et j'avais l'impression qu'il se déroulait autour de moi une immense comédie. Les discours ? Ils étaient bien beaux, bien sûr que mon père était un homme respectable, bien sûr qu'il était honnête, que ses amis l'appréciaient, que ses collègues aussi. Qui n'était pas un tel homme dans de telles circonstances ? Personne n'allait cracher sur celui qui gisait, muet à présent, dans le grand cercueil rutilant. Ce n'était pas ce que je demandais, bien entendu - l'émotion des gens faisaient chaud au coeur, surtout ceux qui étaient visiblement émus, et qui le montraient plus que la propre femme du défunt. Mais quand vint la fin, et quand ma mère s'exprima au nom de la famille, et qu'elle ne dit pas un mot, comme les autres, pas un, pas une allusion, rien en ce qui concernait la disparition de mon père... Ce n'était pas un procès, mais... Tout le monde faisait comme si il était mort de sa belle mort, or chacun savait l'ampleur de cet ignoble mensonge, et personne ne s'en émouvait ? Personne n'osait soulever que mon père avait été un homme bien malheureux dans sa vie pour en arriver là ? Personne ne se posait la question ? Personne ne déplorait ce geste, le condamnait ou le pardonnait, je m'en fichais, mais personne ne le soulevait ? J'avais l'impression que le suicide de mon père devenait le jumeau du fantôme de Jamie, et flottait bien au milieu de la pièce, nous glaçant de sa présence, mais que nous prétendions ne pas voir, ne pas sentir.

Et je ne pouvais plus le supporter. A peine eus-je le temps de me rendre compte combien mes poings étaient serrés que je m'étais levé, que je tournais le dos au discours de ma mère, et que je fuyais vers la porte pour sortir de la pièce. Ce ramassis de mensonges et d'irrespect m'était devenu intolérable.

Juste après moi, Matthew avait surgi et refermait déjà la porte derrière lui alors que je lui faisais un vague signe pour lui dire de retourner, que j'allais bien. Mais il avait compris, et je me sentais coincé : il n'allait pas me laisser m'en sortir aussi facilement. Les mots sortirent tout seuls de ma bouche, ils jaillirent comme un flot ininterrompu, et je me fichais bien de leur violence et de leur débit. Matthew était le pauvre témoin de tout ce qui m'affligeait, mais je savais qu'il pouvait comprendre, et ne m'en voudrait pas. Je me mis à crier : mais je n'en peux plus, tu comprends, je ne peux plus supporter ça ! Et au fond de moi quelque chose jubilait d'imaginer ma mère trembler de honte parce que mes éclats de voix résonnaient sans doute jusqu'à elle. Pourquoi tout le monde fait ça, pourquoi on ignore son suicide, pourquoi les gens font toujours semblant, pourquoi je dois toujours vivre le deuil comme ça, c'est malsain, c'est injuste, pourquoi on ne peut pas affronter la mort une bonne fois pour toutes ? Pourquoi on ne peut pas reconnaître que c'était un homme triste et seul et qu'il a mis fin à ses jours - à ce moment ma voix se brisa et je commençais à pleurer, mais de colère - et je suis tellement désolé pour toi parce qu'il était ton frère et que je sais que tu aurais voulu l'aider si il était si mal, mais pourquoi il nous a coupé de sa vie aussi, pourquoi il nous a fait ça, pourquoi il a choisi la mort plutôt que nous, pourquoi il nous a abandonné ? Matthew m'avait attrapé doucement les poignets et m'entraînait un peu plus loin, mais je résistais. Je voulais avoir le droit d'être hors de moi, et tant pis pour le reste - comment les gens ne pouvaient ils pas être hors d'eux en un jour pareil ? Petit à petit, parce que Matthew m'écoutait et ne me coupait pas, et parce qu'il murmurait des paroles de réconfort et qu'il me comprenait, je me calmais un peu. J'avais simplement besoin de cela, après tout : de tout laisser sortir. Je finis par être à court de tout - de mots, de souffle, de larme, d'énergie. Véritablement harassé de fatigue, abattu d'un seul coup, je finis par me taire. Par laisser tomber.

Mon oncle, à sa manière, avec ses mots, m'expliqua ce que je savais, au fond, mais que je ne voulais pas accepter : on ne peut pas forcer les gens à être ce qu'ils ne sont pas, et de la même manière qu'on n'avait pas pu forcer mon père à être heureux parce qu'il ne nous avait pas laissé le faire, on ne pouvait pas forcer ma mère à être celle dont je rêvais, parce qu'elle ne savait pas être autrement. Il me dit gentiment que c'était tout sauf notre faute ; c'était la leur, et nous n'y pouvions rien, malheureusement. Mais que ça ne comptait pas, et que ce qui comptait c'était nous, lui, Bonnie, moi, les gens que nous aimions, mes amis présents ici pour moi, Ruby, Lizlor, Sara, etc. Que si je voulais exploser ainsi devant ma mère, je pouvais le faire, que c'était mon droit, et qu'elle ne pourrait pas s'y opposer. Mais que, et c'était presque sûr, elle ne comprendrait jamais, parce qu'elle était enfermée dans celle qu'elle voulait être depuis trop longtemps. Il me prit ensuite dans ses bras et je me laissais faire, fermant les yeux et me laissant bercer par sa stature, son odeur. C'était drôle, au fond, quelque chose me rappelait celle de mon père. Mais l'odeur de Matthew était la version chaleureuse, colorée, épicée, apaisante - mon père avait toujours senti le tabac froid de sa pipe, le parfum d'homme plutôt capiteux, le cuir glacé, des odeurs austères et tristes.

Nous ne retournâmes pas dans la salle, et l'enterrement se termina - après quoi tout le monde sortit et je me fondis dans la foule comme si de rien n'était, comme si je n'étais pas sorti. Evidemment. Louvoyant entre tous ceux qui m'apportaient leurs condoléances et que je remerciais poliment, je finis par retrouver Ruby et lui prit la main après avoir échangé un regard avec elle - le sien était inquiet, interrogatif, le mien était vague et las. Nous marchâmes ainsi jusqu'au cimetière, silencieusement, mais je ne lâchais pas ses doigts, et c'était la seule petite chose agréable à laquelle je me raccrochais. Après que le cercueil disparût sous la motte de terre soulevée par magie, le cortège repartit en sens inverse, prenant la direction de chez nous pour nous retrouver tous ensemble. Un mur invisible m'arrêta tout net - je n'avais pas envie de nouveau de jouer les faux-semblants, et si j'avais vidé tout mon venin tout à l'heure, je me sentais écrasé de l'intérieur, gelé tout entier. A regrets, je lâchais la main de Ruby, lui murmurant un petit « je te rejoins tout à l'heure » d'excuse. Elle comprendrait, je l'espérais, que j'avais besoin d'être seul un instant. Rebroussant chemin, je quittais le groupe et partit en direction de la tombe de Jamie, devant laquelle je m'accroupis. Il y avait une rainure sur le côté de la pierre tombale, et j'y passais toujours machinalement le doigt pour en enlever les petits saletés accumulées - et, toujours, j'avais l'impression, stupide au demeurant, de ressentir quelque chose lorsque je touchais cette grande pierre froide, comme si elle était un quelconque lien surnaturel avec mon frère. Il n'en était rien, évidemment. Mais ces petits tête à tête étaient particuliers. Je restais là un bon moment, m'adressant silencieusement à mon frère, imaginant sa présence, son chagrin s'il avait été là, ce qu'il aurait dit, fait. Quand je me décidais à me relever, le jour était un peu tombé, et une silhouette se dressait à quelques mètres à ma droite, tournée vers moi.

Le plus probable aurait été Bonnie, Matthew, Ruby, ou bien Joseph peut-être, ou Jess, ou Rita. Mais pas elle, en tout cas : ma mère.

La surprise me fut telle que j'eus un geste de défense et, presque en colère qu'elle m'ait observé dans mon moment de recueillement, je l'agressai le premier :


- Si c'est pour me dire que ma conduite a été intolérable tout à l'heure, ce n'était pas la peine de te déplacer jusqu'ici, je ne m'excuserai pas.

Et je la dépassai, prenant le chemin du retour. Mais sa parole m'arrêta :

- Je ne viens jamais ici, dit-elle pensivement. Sa voix était lointaine, et elle fixait la tombe de Jamie. Je n'aime pas cet endroit.

Je haussai les épaules : ça, je le savais pertinemment.

- Je suis désolée que tu aies une raison de plus de venir te recueillir ici, ajouta-t-elle, prononçant probablement la plus étrange et inattendue des phrases qu'il m'ait été donnée d'entendre. Je suis désolée, répéta-t-elle en se redressant un peu : ses yeux redevinrent plus nets, et sa posture plus redressée. Elle marcha en avant, et je lui emboîtais le pas. Au passage, l'espace d'une seconde, elle posa sa main sur mon bras, puis l'enleva.

J'étais tellement estomaqué que je ne trouvais rien à dire - rien de tout ce que j'aurais aimé lui crier, l'accuser, lui jeter à la figure. Non. Nous rentrions, ensemble, l'un à côté de l'autre, quittant ce lieu où nous avions laissé maintenant l'exacte moitié de notre piètre famille.

Il me sembla néanmoins que durant ces quelques minutes de marche silencieuse, jamais nous n'avions été aussi proches, jamais nous ne nous étions plus soutenus, sans un mot, sans un geste. Ces quelques minutes me parurent étrangement légères au milieu de toutes celles précédentes qui avaient été si lourdes.

Alors que nous arrivions dans notre rue, juste avant de rentrer dans le jardin, la seule chose qui sortit de ma bouche fut :


- Sois gentille avec Ruby ? J'avais murmuré, tout bas, mais ce n'était pas grave : elle était tout près. S'il te plaît, ajoutai-je sincèrement. Elle sourit, et nous entrâmes dans la maison.

Elle reprit son rôle, évidemment, accueillant tout le monde et s'assurant qu'ils aient de quoi manger, se désaltérer. Je repris moi aussi mon habit de garçon de bonne famille, mais curieusement je le fis un peu moins à reculons, et discutais avec quelques personnes, avant de tomber sur Bonnie, qui m'attira un peu à l'écart - après s'être assuré que je n'étais pas trop mal, elle me conseilla de m'occuper un peu de Ruby, qui m'attendait un peu plus loin. Avec un sourire de remerciement pour ma tante, je filais retrouver Ruby et l'attirais dans un endroit un peu tranquille.


- Je suis désolé de t'avoir un peu abandonnée, j'espère que ça a été quand même, m'excusai-je, même si je savais que je pouvais compter sur Lizlor ou Sara. Tu n'es pas trop épuisée, tu te sens comment ?

J'étais inquiet - pas seulement parce que ma famille était étrange, mais parce que ce genre de choses, je le savais, devait lui rappeler de bien mauvais souvenirs. Posant mon verre sur la table à coté de nous, je la pris doucement dans mes bras et lui embrassai le front, avant de me laisser un instant captiver par son regard qui brillait avec toujours autant d'intensité, même dans les moments les plus noirs.
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Ruby Standiford-Wayland


Ruby Standiford-Wayland
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MessageSujet: Re: At any moment | Ruby   At any moment | Ruby Icon_minitimeMar 10 Mar - 23:02



« Si tu aimes les éclaircies
Mon enfant, mon enfant
Prendre un bain de minuit
Dans le grand océan
Si tu aimes la mauvaise vie
Ton reflet dans l'étang
Si tu veux tes amis
Près de toi, tout le temps

Si tu pries quand la nuit tombe
Mon enfant, mon enfant
Si tu ne fleuris pas les tombes
Mais chéris les absents
Si tu as peur de la bombe
Et du ciel trop grand
Si tu parles à ton ombre
De temps en temps

Si tu aimes la marée basse
Mon enfant, mon enfant
Le soleil sur la terrasse
Et la lune sous le vent
Si l'on perd souvent ta trace
Dès qu'arrive le printemps
Si la vie te dépasse
Passe, mon enfant

Ça n'est pas ta faute
C'est ton héritage
Et ce sera pire encore
Quand tu auras mon âge
Ça n'est pas ta faute
C'est ta chair, ton sang
Il va falloir faire avec
Ou, plutôt sans. »

Je m’étais tant inquiétée pour Ewan que j’avais fermé les yeux sur ce que cet enterrement pouvait me rappeler. C’était étrange, car je pensais souvent à mes parents d’une manière ou d’autre, sûrement parce qu’il y avait toujours quelque chose pour me rattacher à eux que je le veuille ou non, mais je ne pensais jamais à leur enterrement. C’était des choses plus subtiles, une odeur qui me rappelait le parfum de ma mère, une musique que mon père aimait écouter… C’était surtout avec lui que mes souvenirs étaient le plus fragmentés. Depuis l’incident, son visage était flou, c’était comme si quelqu’un avait mal développé les photos de mon esprit et que mon père apparaissait toujours dans un halo qui brouillait ses traits. Il me revenait de manière beaucoup plus subtil ; le craquement des feuilles, le thé à la myrtille, les chemises en coton grossier ou le grincement d’un parquet, des minuscules détails qui renvoyaient à une foule de souvenirs en un instant. C’était ma malédiction à moi, pouvoir le voir nulle part et partout à la fois, dans le visage de tout le monde et de personne, dans les moindres petits gestes sans pouvoir exactement me souvenir pourquoi je m’en rappelais. Mais depuis que j’avais récupéré de vieilles affaires de chez moi et que j’étais retombée sur des photos, je me rappelais de son visage, comme si tout se remettait en place. C’était un soulagement particulier, mais c’était comme si mon père avait perdu de cet aura mystérieux qui l’entourait pour redevenir simplement un homme. Ça mettait une étrange distance entre lui et moi. Ce n’était plus un monstre… Il ne me faisait plus peur… Mais cette vision avait des conséquences, et je le réalisai à présent. Assise dans cette salle, pensant à Ewan, à son père, j’étais ramené des années plus tôt.

Je revoyais le cimetière, les tombes grises, blanches, noircies par le temps, le ciel qui semblait toujours gris lorsqu’on y était, les graviers qui crissaient sous les chaussures. J’avais assisté si petite à l’enterrement de mes parents, pensai-je amèrement. A cette époque, je ne comprenais pas vraiment, les mots du prêtre, les pleurs, les regards, les choses étaient floues autour de moi. J’avais six ans, et je fixais les fleurs sur les tombes voisines en me demandant depuis quand elles étaient là. Je m’évadais, comptant les rayures de mes chaussettes, me déconnectant de ce que j’entendais pour ne plus rien sentir. Maintenant, je me penchais sur ses souvenirs avec le recul et le regard d’une adolescente, et ils prenaient une forme particulière, qui m’échappait légèrement. C’était comme si j’avais dans mes mains quelque chose proche du coton et de la boue, quelque chose de léger et dense à la fois, de pur et d’innocent mais pourtant sale. Je n’étais jamais retournée sur la tombe de mes parents. J’avais revu celle de mon père quand il avait fallu enterrer ma mère dans le même caveau, et je me souvenais d’avoir eu cette pensée tellement naïve et si triste « à présent, elle est enfin avec celui avec qui elle veut être, pas vrai ? Je ne lui manquerai pas trop. » Maintenant que j’y pensais à nouveau, quelque chose se compressait dans ma poitrine. J’imaginais leurs cercueils ternis, et leurs corps décomposés. C’était morbide, et pourtant, il y avait quelque chose d’autre… L’idée qu’ils étaient maintenant ensemble, comme ma mère le voulait tant… C’était ce qui la rendait heureuse, pas vrai ? Elle était peut-être paisible, après tout.

Je ne voulais pas voir ces souvenirs. J’étais là pour Ewan, pour le soutenir, et je n’avais pas besoin de me faire plus de mal, n’est-ce pas ? Mais Ewan m’échappait, je le sentais distant, je me sentais si inutile que toutes mes pensées noires me rongeaient sans que je puisse les faire taire. Je voyais le regard de sa mère, inquisiteur, et j’avais l’impression qu’elle me blâmait silencieusement. Je savais ce qu’elle pensait… Et si Ewan était parti en Australie ? Peut-être que son père ne se serait pas tué, n’est-ce pas ? Je ne pouvais pas penser ainsi, mais c’était impossible de faire autrement tout à coup. Ewan m’avait choisi, et s’il s’était trompé ? Je voulais vraiment croire qu’il ne m’avait pas simplement choisi mais qu’il avait choisi sa vie, une vie particulière où il s’écoutait enfin, mais est-ce que cela suffisait à me rassurer ? J’avais si peur qu’il regrette ses choix, qu’il me regrette moi… Il était en colère contre son père, mais ensuite, qu’en penserait-il ? Mon cœur se compressait dans ma poitrine, fébrile à l’idée qu’Ewan se détache de moi. Je paniquais, je le savais, mais c’était impossible de retenir la machine qui s’était emballée dans mon esprit. Je voulais juste être là pour lui, mais c’était comme si tout à coup un monde entier nous séparait. Lorsqu’il se leva et quitta la salle en colère, j’eus le sentiment que quelque chose se fracturait dans ma poitrine. A côté de moi, Lizlor eut un petit geste réconfortant, mais je restai le visage baissé, retenant à grande peine mes larmes. J’étais épuisée, physiquement et émotionnellement, et j’étais incapable de retenir le flot de pensées qui m’étouffait. Mon père, ma mère, la mort, mon enfance, Ewan, ses choix, ses possibles regrets ; tout m’appuyait sur la poitrine pour m’empêcher de respirer correctement. Je voulais arrêter l’engrenage, mais j’avais peur de mettre mes doigts dedans. Je préférai qu’il tourne et emboîte les pièces contre mon gré, parce que j’étais trop fatiguée pour résister.

En sortant de la salle, je vis Ewan et hésitai un instant à m’en approcher. Les gens venaient vers lui, lui parlaient, et ce n’était pas vraiment le moment. Il tourna son visage vers moi, et j’eus un petit sourire d’encourageant avant de réaliser que, sûrement trop préoccupé, il ne m’avait même pas vu. Mon cœur se serra encore plus, si cela était possible, et je restai avec Lizlor, Rita et Sara, sans décrocher un mot. Je préférai jeter des regards anxieux autour de moi, vers Ewan, pour tenter tant bien que mal de veiller sur lui malgré notre distance. Il vint vers moi quelques instants plus tard, alors que nous commencions à se diriger vers le cimetière, et il prit ma main sans rien dire. Je lui lançai un regard triste, inquiet, mais il n’y répondit pas. Que pouvais-je faire ? Je serrai fort ses doigts dans les miens, comme pour transmettre ce que je ne pouvais pas dire. J’avais envie de sangloter, mais quelque chose était bloqué dans ma gorge. J’avais peur de ne pas pouvoir retenir si je commençais à laisser couler mes larmes. En quittant le cimetière, je laissai Ewan lâcher ma main sans réagir, et je marchai mécaniquement, souriant un peu à Bonnie pour ne pas l’inquiéter, et en arrivant, je m’écartai un peu des gens. Lizlor fit un mouvement vers moi, mais d’un petit sourire, je lui signifiai que j’avais envie d’être un peu seule. L’ambiance m’étouffait de plus en plus. Dans un coin de la pièce, je m’assis sur un siège, fixant au loin une plante verte, essayant de vider mes pensées. C’était comme si des petites bêtes tissaient des fils dans mon cerveau, s’amusant à les emmêler, et je les laissai faire, ne sachant pas à quoi me raccrocher.

Je ne le vis pas arriver : Ewan apparut devant moi, et je me levai brusquement, désolée de ne pas l’avoir vu, mais il me lança un regard affectueux et m’attira un peu à l’écart. J’essayai de reprendre contenance et d’avoir un semblant de sourire, tandis que mes yeux devaient refléter mon inquiétude – ils interrogèrent Ewan silencieusement, cherchant à s’assurer que tout allait bien.


- Je suis désolé de t'avoir un peu abandonnée, j'espère que ça a été quand même. Tu n'es pas trop épuisée, tu te sens comment ?

Je voulus répliquer instantanément, mais Ewan me prit tout doucement dans ses bras, balayant d’un geste tout les murs que j’avais construis. Je retins mes larmes avec une telle force que ma gorge me brûla, mais je tins bon. Ewan embrassa mon front, et je plongeai mes yeux dans les yeux, battant des cils pour éviter que des larmes s’y accrochent. Je lui souris, cherchant un peu de courage dans mes pensées confuses.

- Oh, non, ne t’inquiète pas, tout va bien, je m’inquiète juste pour toi, je… J’ai vu que tu étais rentré avec ta mère, vous avez discuté ? Et avec Matthew, tout à l’heure, est-ce que… Je veux dire, je… Est-ce que ça t’a fait du bien ? Comment tu te sens ? Et le cimetière, ça a du te rappeler tant de choses, tu te sens comment ? Est-ce que je peux faire quelque chose ?

Je ne m’étais pas rendue compte de mon débit de parole, mais c’était comme si je ne pouvais pas m’arrêter de parler, comme si ça me raccrochait à quelque chose et m’empêchait de me mettre à pleurer. J’étais tellement inquiète pour Ewan, et je voulais simplement être sûre qu’il allait bien, je savais que ça devait être si difficile pour lui ! A l’intérieur de ma poitrine, quelque chose palpitait désagréablement, comme si mon anxiété s’était transformée en un petit animal qui me jouait dans mon estomac et me rongeait les poumons. Je regardai Ewan et lui souris comme je le pouvais, pour essayer de lui montrer que ça allait, que j’étais là… Mais son regard perçait mes défenses, et plus j’essayais de le soutenir, plus j’avais la désagréable impression que mon menton tremblait et que ma vue se troublait…

- Je suis juste un peu fatiguée, ça va, ça va, répétai-je en sentant que ma voix tremblait aussi. J’essuyai mes yeux et eus un petit rire nerveux. Désolée, ça me rappelle des choses aussi, et je ne pensais pas que ça serait aussi… Eprouvant, confiai-je. Je suis tellement désolée pour ton père, c’est tellement injuste, et je suis tellement triste et… Et en colère que ça t’arrive… J’eus un soupire lasse mais fis un petit sourire à Ewan. J’inspirai un grand coup, reprenant mes esprits. Il ne fallait pas que j’oublie la situation : il n’était pas question de moi aujourd’hui. Qu’est-ce qui t’ai passé par la tête pendant la cérémonie ? Tu m’as fais peur, glissai-je à mi-voix, anxieuse, espérant qu’il me confie enfin ce qui lui passait par la tête.
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Ewan Campbell


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MessageSujet: Re: At any moment | Ruby   At any moment | Ruby Icon_minitimeDim 1 Nov - 20:00

La légèreté inattendue que j'avais ressentie pendant cette étrange rencontre au cimetière me permit de reprendre un peu mes esprits ; retrouver Ruby et m'intéresser à elle plus que je ne l'avais fait ces dernières heures me glissa d'avantage dans cet état légèrement plus aérien, cotonneux. Je n'étais pas dupe : l'amertume était là, et ces gens autour de moi me donnaient envie de leur hurler de déguerpir pour mettre fin à cette mascarade, mais qu'importe. Cette fois, pas parce que j'avais le choix, mais parce que je le décidais, je n'allais rien dire et rien faire, laissant à ma mère ses illusions de perfection. Après tout, j'avais toujours eu la certitude qu'elle ne ressentait rien, n'éprouvait rien, parce qu'elle l'avait décidé, mais cette discussion au cimetière m'avait laissé entrevoir que pour quelques secondes elle était capable de compassion, et quelque part, c'était plus que je ne pourrais jamais avoir et je le savais, alors autant profiter de cet instant de grâce au milieu de ce cauchemar au goût âpre. L'attention de Bonnie et le regard inquiet de Matthew que je croisais me firent du bien ; c'était eux qui comptaient, mon oncle avait raison. C'était eux qui comptaient et eux qui étaient là, pourquoi m'acharner auprès de gens qui ne seraient jamais là et qui ne le voulaient même pas ? C'était stupide quelque part, mais j'avais la désagréable impression que ce fardeau m'était imposé et que l'ombre de Jamie serait toujours une fatalité à laquelle je ne pourrais jamais échapper. Quand mon père, par son geste, avait choisi de s'ajouter au tableau, je ne pouvais décemment pas fermer les yeux là-dessus, c'était tellement de trop, tellement injuste, tellement égoïste et tellement triste à la fois, n'y avait-il pas moyen que notre famille connaisse une fin heureuse, pour de bon ? Quelle ironie : étant donné le chemin de départ, comment renouer des liens qui avaient été brisés à tout jamais ? Je ressentais encore l'odeur de la forêt humide, ce soir-là, toujours prête à me hanter.

C'était peut-être le plus terrible dans toute cette histoire : j'en voulais à mon père pour son geste autant que je lui en voulais pour la conséquence de cet acte, qui me renvoyait des années en arrière, à la perte qui avait bouleversée toute mon existence.

Ruby était tout près de moi et je lui souris pour la rassurer, tandis que je la sentais fébrile entre mes bras. Je me doutais combien tout cela devait la toucher, mais hélas, je me sentais moi-même trop fragile et sensible à tous les sentiments différents qui me traversaient pour m'occuper d'elle et la protéger aussi bien que je l'aurais voulu. J'espérais qu'elle comprenait et qu'elle ne m'en voulait pas, et j'étais d'ailleurs rassuré - en plus d'être sincèrement touché de leur geste - qu'elle soit venue avec Lizlor et Sara Wayland, car je la savais entre de bonnes mains.


- Oh, non, ne t’inquiète pas, tout va bien, je m’inquiète juste pour toi, je… J’ai vu que tu étais rentré avec ta mère, vous avez discuté ? Et avec Matthew, tout à l’heure, est-ce que… Je veux dire, je… Est-ce que ça t’a fait du bien ? Comment tu te sens ? Et le cimetière, ça a du te rappeler tant de choses, tu te sens comment ? Est-ce que je peux faire quelque chose ?

Cela ne lui ressemblait pas de s'exprimer ainsi et cette attitude me confirma combien elle était troublée elle-aussi ; je tentai de la réconforter en la pressant un peu plus contre moi. Toutes ces questions montraient bien qu'elle me connaissait bien, elle avait remarqué tous les petits détails, mais j'étais trop las pour répondre et pas vraiment désireux sur le moment de développer tout ce qui était encore bouillonnant dans ma tête. Comment je me sentais ? C'était un peu tôt pour y répondre, quant au reste, quelque chose me retenait, quelque chose m'empêchait de le faire sortir pour le moment - peut-être était-ce trop pour que je le digère si rapidement. Pour toute réponse, j'eus un petit sourire un peu désolé, cherchant un moyen de lui expliquer que je préférais parler de cela à un autre moment, un peu plus tard. Même si nous étions un peu isolés de la pièce principale, les gens restaient présents, autour de nous, j'entendais les conversations, certaines voix familières, les bruits des talons des femmes et les bruits de vaisselle - comme c'était drôle, si j'avais fermé les yeux j'aurais simplement cru à une réception habituelle dans notre maison !

Mais ceux de Ruby étaient tout d'un coup un peu plus humides, et je me maudis intérieurement : mon état et ma distance n'arrangeaient rien au sien.


- Je suis juste un peu fatiguée, ça va, ça va, dit-elle en se reprenant. Désolée, ça me rappelle des choses aussi, et je ne pensais pas que ça serait aussi… Eprouvant. Je suis tellement désolée pour ton père, c’est tellement injuste, et je suis tellement triste et… Et en colère que ça t’arrive… Qu’est-ce qui t’ai passé par la tête pendant la cérémonie ? Tu m’as fais peur.

Comme c'était difficile, de lui imposer tout cela ! Mon coeur se serra tout d'un coup et c'était comme si j'oubliai tout pendant quelques secondes, mon désir de la rendre heureuse prenant le dessus.

- Tu sais bien, les mêmes choses que d'habitude, encore et encore. On en parlera plus tard, d'accord ? Je... Je suis désolé, je ne veux pas t'inquiéter comme ça, mais j'ai besoin d'un peu de temps. Je cherchais son regard - elle comprenait, n'est-ce pas ? L'intensité de ses yeux me fit presque frémir et je baissai les miens, percé à jour, avant d'avouer dans un souffle : J'en ai tellement marre, de toutes ces histoires...

Je la pris par la main, cédant à une envie que je ne remis nullement en question. Ma mère ne pourrait rien me dire et si j'avais envie de m'isoler, j'étais persuadé que sous leurs grands airs, chacun des invités pourrait comprendre que j'avais le droit de faire ce que bon me semblait. Quittant la pièce de réception, je nous dirigeai vers la petite pièce qui nous servait de bibliothèque - et où, ironie du sort, mon père aimait à s'enfermer, mais tant pis, ce n'était pas pour lui que je faisais cela. Elle était vide et paisible, et je fis apparaître un feu ronflant dans l'âtre, près du canapé et des gros fauteuils moelleux. Je m'y installai, Ruby tout contre moi, puis posai ma tête sur son épaule. C'était de sa douceur dont j'avais besoin, plus que tout ; de cette tendresse infinie qui émanait d'elle même dans les moments les plus sombres et quand je fermai les yeux je sentis la puissance de cette aura si chaleureuse, qui, je le savais, n'empêcherait rien à mes problèmes, mais les envelopperait d'une telle manière qu'ils me deviendraient supportables.


FIN
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