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Ce que demain a à offrir | Emmy

 
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 Ce que demain a à offrir | Emmy

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Ewan Campbell


Ewan Campbell
Vendeur chez l'Apothicaire



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Nombre de messages : 208
Localisation : Dans mon trou. (well, c'est glamour ça)
Date d'inscription : 14/11/2012

Feuille de personnage
Particularités: J'ai un énorme bagage à main (et ma copine a des gros boobs).
Ami(e)s: Phil et Rita et les boobs (mais surtout les boobs) :)
Âme soeur: “And she kissed me. It was the kind of kiss that I could never tell my friends about out loud. It was the kind of kiss that made me know that I was never so happy in my whole life.”

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MessageSujet: Ce que demain a à offrir | Emmy   Ce que demain a à offrir | Emmy Icon_minitimeJeu 22 Sep - 17:18

Quand mon patron m’avait proposé de prendre en charge les séminaires de l’année, je m’étais trouvé face à un dilemme : les réceptions mondaines en tout genre étaient loin d’être ma tasse de thé, et si j’en comprenais l’utilité, plus que jamais en ce moment j’avais énormément de mal à ne pas les associer à ma mère, ma famille, et toute les enveloppes factices que j’y associais. Mais il avait su me convaincre – non seulement parce que cela l’arrangeait, mais aussi parce qu’il était conscient de mes ambitions futures et croyait fermement que cela me serait utile. Après tout, pourquoi pas ? Je pouvais faire fi du reste et aller à l’essentiel, il était au moins certain que je n’avais pas besoin de jouer un jeu ; je n’avais qu’à être moi. La première soirée avait été organisée par un regroupement national des apothicaires de chez nous, à destination de tous les apothicaires d’Europe, et j’y étais allé franchement à reculons. L’idée de me retrouver au milieu de vieux apothicaires poussiéreux et sectaires ne m’enchantaient pas vraiment, encore plus quand je n’avais pas vraiment le cerveau disponible (entre mes idées noires, ma dose de travail, l’aménagement de Ruby, ses problèmes et ma volonté farouche d’être là au mieux pour elle, je peinais parfois pour savoir où donner de la tête). Mais j’avais été agréablement surpris lorsque j’étais arrivé, me retrouvant dans un univers plutôt jeune, dynamique, et j’avais pris beaucoup de plaisir à échanger avec tous ces passionnés venus d’ailleurs, à tel point que je n’avais pas vu la soirée passer. C’était comme lorsqu’on monte, enfant, sur un manège : sur le moment, la sensation est si enivrante et surprenante qu’on ne la comprend pas, qu’on ne la mesure pas, et que c’est seulement quand on remet les pieds sur la terre ferme qu’on comprend combien on a apprécié le moment. Il m’était arrivé la même chose : en rentrant, j’avais eu le cœur léger, je m’étais senti plein d’une nouvelle énergie, et lorsque j’avais tout raconté à Ruby je lui avais donné le sourire et elle m’avait pressé de questions sur plein de sujets dont nous avions toujours plaisir à discuter. J’avais compris que le salut se trouvait là, sans doute : savoir changer d’univers, savoir ne serait-ce que pour quelques heures penser à tout autre chose et laisser le reste au vestiaire. J’en avais besoin – nous en avions besoin, et je me rappelais avoir cogité toute la nuit, cherchant un sommeil qui ne venait pas. À mes côtés, Ruby respirait paisiblement et devait dormir ; pour une fois, les rôles étaient inversés. Les yeux fixés au plafond, les mains derrière la nuque, je m’étais perdu dans mes songes en me calant uniquement sur la proximité du corps de Ruby, sa tiédeur, sa présence, son souffle, et j’avais imaginé la façon de nous libérer de tout ce qui nous entravait, plein d’une volonté nouvelle. Peut-être avions-nous besoin de vacances, de partir ailleurs, rien que tous les deux ? Peut-être avions-nous besoin de voir d’autres horizons pour accepter celui-là au retour ? J’avais fini par m’endormir doucement, et si la nuit avait été courte elle avait été agréable. Au petit matin, cette volonté était bien plus atténuée et diffuse, car la nuit tout est possible et le jour apporte son lot d’insécurités, mais il en restait quand même quelques traces et je m’étais dit que ces séminaires étaient définitivement le meilleur choix que j’avais pu faire ces derniers temps.

Le second prévu n’en était pas vraiment un : c’était une réception organisée par le Ministère pour mettre en contact les différentes strates de la communauté sorcière, et si en soi le projet m’intéressait moins puisqu’il était moins centré sur les apothicaires, j’avais tout autant envie d’y aller : pour rencontrer des gens, pour en retrouver d’autres. J’avais évidemment proposé à Ruby de m’y accompagner mais elle n’était pas disponible, à cause de son travail – mais peut-être me rejoindrait-elle plus tard. Après avoir fermé la boutique à Pré-au-Lard, je repassai par chez moi, car la réception était un peu plus tard. J’avais prévu de me changer (une chemise blanche et un pantalon noir feraient l’affaire), et après m’être reposé et après avoir bu une tasse de thé, je sortis de nouveau et transplanai jusqu’à Londres.

Depuis tout petit, j’avais toujours associé le Ministère de la Magie à quelque chose de trop strict et de trop solennel – à mon père par extension, puisque c’était lui qui nous y avait emmenés quelque fois, Jamie et moi, pour nous le faire découvrir. Il y avait évidemment des connaissances et je me souvenais de combien ils insistaient, avec ma mère, sur le fait de nous faire découvrir les institutions qui géraient notre petit monde. Comme c’était cocasse, quelques années plus tard, comme c’était représentatif de la vision qu’ils avaient de la vie et de l’éducation ! Des années après, je ne comprenais toujours pas, je n’envisageais toujours pas une seconde comment ils avaient pu décider d’être cloisonnés à ce point et de cloisonner leurs sentiments même l’un par rapport à l’autre, j’avais l’impression que les images et les moments qui avaient suivi la mort de mon frère resteraient à jamais imprimés dans mon cerveau, à jamais gelés sur la pellicule tant ils étaient froids et tristes. Je ne pouvais pas me débarrasser de tout cela, je n’y arrivais pas : c’était un poids tellement lourd et incommensurable qu’il m’écrasait tous les jours, même quand j’essayais de l’ôter de moi. C’était ancré comme une bactérie indélogeable. Et ça ma rendait malade.

Mais en tout cas, je m’étais promis une chose : regarder les choses différemment, comme si je les découvrais pour la première fois. Je ne voulais pas que l’esprit fermé de mes parents, après avoir ruiné tant de vies, puisse encore atteindre tout ce qui constituait mon existence. J’avais des amis qui travaillaient au Ministère, après tout, je connaissais des histoires, des anecdotes, je pouvais le faire renaître dans ma tête, et je m’y rendis le cœur léger, en sifflotant, comme si j’allais retrouver un vieil ami. La bâtisse était belle, elle avait du caractère, l’endroit avait de la prestance, et en disparaissant au fond de l’entrée des visiteurs je m’efforçai corps et âme de repousser chaque espèce de souvenirs vécu ici avec mon père qui essayait de repointer le bout de son nez. L’intérieur sentait la pierre, le bois, la cire, comme ces vieux endroits bien entretenus, et je laissai mon regard s’évader un peu sur les ors et les décors, avant de m’adresser à l’une des sorcières de l’accueil. Nous étions attendus, évidemment, car la soirée était conséquente, et je pris le chemin de la salle de réception, en m’amusant de croiser tout un tas de sorcières et sorciers qui marchaient d’un bon pas, la tête plongée dans leur pensées, car certains d’entre eux travaillent encore – je m’imaginais, pour jouer, qui était Auror, qui était Langue-de-Plomb, qui travaillait dans quel département. Nous arrivâmes alors dans la salle, magnifique et décorée avec goût, et la première chose qui me frappa fut de constater qu’une pluie magique, dorée, tombait du plafond, et s’évaporait à une cinquantaine de centimètres au-dessus de nos têtes.

Je saluai les premières personnes, reconnus quelques sorciers que j’avais rencontré au séminaire des apothicaires, passai par la case obligatoire de dire bonsoir à des connaissances de ma famille – sans m’attarder évidemment. J’étais poli – toujours – mais je n’avais pas le cœur à me forcer trop longtemps. Les quelques personnes que je savais avoir été des contacts de mon père paraissaient plutôt gênées, encore plus il me sembla quand mon attitude était parfaitement normale, comme si rien d’affreux était arrivé. Magnanime, j’abrégeai leurs souffrances à chaque fois en prétextant d’apercevoir quelqu’un d’autre dans la foule.

Vinrent les discours, la nourriture et la boisson, et bientôt l’ambiance devint un tout petit peu moins studieuse, un tout petit peu plus intime. J’étais avec une bande de sorciers et sorcières de mon âge environ, tous commençant leur carrière dans un petit business comme le mien, et peu importait les domaines certaines choses étaient tellement semblables (les clients, les personnalités, les affaires de hiérarchie, les contraintes, etc) que nous nous en amusions beaucoup, tous ensemble. Encore une fois, j’étais heureux d’être venu jusqu’ici.

Une voix, tout d’un coup, attira mon attention, dans mon dos. Je me retournai : c’était Emmy, l’amie de Ruby, que j’avais eu l’occasion de rencontrer quelques fois, et qui avait été évidemment étroitement mêlée à toute l’histoire autour de Chuck, que j’avais suivie de l’extérieur. Sans hésiter une seconde, je pris pour l’instant congé des autres pour aller la saluer ; j’espérai en pas la déranger en faisant cela, mais je ne pouvais pas la voir ainsi sans lui demander de ses nouvelles et sans m’inquiéter du fait de savoir ou non si elle tenait le coup. Comment aurais-je pu passer à côté, alors que je retrouvais tant de similarités entre son histoire d’amour et un passage de la mienne ?...


- Coucou, Emmy ! Je lui souris. Ça fait plaisir de te voir ! C’est vrai, je n’avais pas percuté, mais bien sûr, tu travailles ici !... Cela n’avait rien d’étonnant de la croiser. Comme un plateau de petits fours volait à côté de nous, j’en attrapai un au passage. Comment tu vas, ces derniers temps ?

Je n’étais pas certain qu’elle ait parlé récemment à Ruby et je n’étais pas certain non plus d’avoir toutes les données nécessaires pour résoudre l’équation, mais cela n’empêchait rien : je pouvais toujours essayer.

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Emmy Yeats


Emmy Yeats
Employée au Ministère



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Particularités: Terriblement maladroite, et championne de concours de shots !
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MessageSujet: Re: Ce que demain a à offrir | Emmy   Ce que demain a à offrir | Emmy Icon_minitimeDim 25 Sep - 22:40

♪ ♫ ♪

« I screamed out loud again,
But you weren't there to hear my call.
So I climbed into my bed and slept,
I slept 'til I could sleep no more.

And I got you out of my head,
You're not beside me.
I got you out of my head,
And now it's all behind me.

And I lost track of time,
And now it's all behind me.
(2x)

When all is said and done
And there's nothing I can do,
(Can't take back what I gave you,)
I know it's only time,
But only time can tell

That I got you out of my head.
You're not beside me.
But I got you out of my head.
You know it's all behind me. »


Je retins ma respiration, et tout doucement, laissai glisser le petit ciseau à bois le long de la surface de la toupie, pour tracer le cercle finale. Sur le bois clair, une série de cercles se suivaient, mêlés avec d’autres formes géométriques. Je soufflai, un peu de sciure s’envolant, avant de tourner la toupie dans le creux de ma main ; elle s’éleva de quelques centimètres, tournant sans s’arrêter, les motifs gravés disparaissant petit à petit. Je la récupérais, satisfaite, et appliquai une couche de vernis sur le petit objet. J’entendais ma mère rire avec une cliente dans la boutique, et j’eus un petit sourire en l’écoutant raconter une anecdote sur l’un des petits trains en bois que mon père avait fabriqué et comment il s’était ouvert la main en taillant l’un des wagons. Il faisait chaud dans l’arrière-boutique, un feu ronflant dans la cheminée, et l’atmosphère boisée sentait le vernis. M’enfonçant plus franchement dans la chaise, ma tête basculée contre le dossier, je laissai le parfum des lieux m’envahir. La tension dans mon corps se relâchait petit à petit, et mes pensées dérivaient librement sans inquiétude. Je pensai à la petite toupie que je venais de faire, et à la réaction de Karim. Depuis qu’Ezra me l’avait présenté, que nous avions discuté de ma collection de toupie à laquelle il avait eu l’air de sincèrement s’intéresser, j’avais décidé de lui en offrir une. C’était un peu symbolique aussi, je voulais qu’il comprenne qu’il était le bienvenue dans la famille, du moins pour ma part. Les parents n’étaient pas au courant, mais je ne me faisais aucun souci. J’eus à un nouveau un petit sourire en me rappelant les regards échangés entre Karim et mon frère, cette espèce de timidité douce qui les entourait, cette complicité toute simple. Je me redressai sur la chaise, m’étirai, et regardai à nouveau la toupie. J’étais sûre que ça lui ferait plaisir.

En échange, j’avais finalement accepté qu’Ezra rencontre Matteo. Je ne voulais pas qu’Oxford interfère avec Londres, et inversement, mais petit à petit il était devenu plus difficile de les séparer aussi franchement que j’aurais voulu. Gemma était venue me voir à Oxford, et elle avait rencontré Matteo, Gwen s’était plaint de ne l’avoir toujours pas vu, alors nous avions été boire un verre tous les trois à Londres un soir, juste après le boulot. C’était peu, je le réalisai, mais cela me paraissait beaucoup, comme si je forçais deux aimants opposés. J’avais l’impression de marcher sur un fil, dans ces instants, je ne voulais pas que chacun remarque la différence entre les deux mondes et les deux personnalités que je commençais à développer ; mais en réunissant ces deux pôles que je croyais si différents, j’avais réalisé que les choses n’étaient plus aussi manichéennes. Comme une palette de noir et de blanc dont les couleurs s’étaient finalement réunies, ma vie ressemblait à une grande aire grise dont la nuance variait selon les lieux et les personnes qui m’entouraient. Mais… Ce n’était pas si mal, finalement. Il me fallait simplement du temps.

Il en était passé du temps, pourtant. Des longues semaines, des mois même. Maintenant que la page était quasiment tournée, j’avais l’impression que cela faisait beaucoup plus longtemps, mais pourtant, je n’avais pas oublié le mois dernier, le carrelage froid de ma salle de bain, mes hoquets étranglés que j’essayais d’enfouir pour ne pas réveiller Matteo, et l’écran de mon téléphone sur lequel s’affichait le numéro de Chuck, en vain. Je l’avais supplié de rappeler. Une semaine plus tard, je m’étais rendue à l’évidence : il ne rappellerait pas. Finalement, j’avais bloqué à nouveau son numéro, je l’avais supprimé de mon répertoire, je m’étais interdite de le connaître par cœur, de le noter ailleurs, tout à coup, j’avais décidé de tout rayer. De me donner une véritable chance de l’oublier.

Maintenant… Ses sms nocturnes ivres, ses déclarations et nos disputes, ses appels, mais surtout ce soir-là, dans le parc, tous ces souvenirs étaient devenus plus doux moins… Déchirant ? Je les gardais toujours un peu loin, par sécurité. Je n’avais plus envie de pleurer quand l’une de nos chansons passait à la radio, je me sentais simplement un peu amorphe, comme si j’avais coupé les vannes de tous ces sentiments qui m’avaient drainé après notre rupture. Ce n’était pas encore parfait – simplement mieux. En sortant de la boutique de mes parents, je me regardai dans l’une des vitrines du Chemin de Traverse, et Chuck n’était pas bien loin, son regard mutin sur mes longues jambes et sur ma robe un peu habillée qui l’aurait fait rire. J’entendais sa voix et ses plaisanteries, construites de pièces rapportées dans mon cerveau, et cela me faisait étrange. Ni triste ni heureuse, je laissais simplement glisser sur moi ses pensées que j’avais appris à apprivoiser. Je fermai mon manteau, essuyai mon rouge à lèvres carmin qui avait un peu débordé, et laissai mes yeux courir sur les livres dans la vitrine. J’avais envie de rester un peu plus longtemps, de profiter de cet instant d’entre deux, mais je savais que la soirée au Ministère m’attendait, que j’allais être en retard pour retrouver Matteo si je trainais trop.

On se fondit rapidement dans la soirée, accompagné de plusieurs de nos collègues, et comme d’habitude dans ces moments, je papillonnai un peu de groupe en groupe, sans oublier de passer par la case coupe de champagne, et je me laissai porter par la bonne humeur qui régnait. Il y avait cette sorte d’électricité dans l’atmosphère, car tout le monde était passionné, je pouvais sentir l’ambition sous-jacente mais aussi la simple curiosité intellectuelle qui animait la plupart des invités. Il avait quelque chose d’intimidant à être dans un milieu aussi sérieux, mais au fil du temps, je m’étais habituée à ces réunions et ces cocktails organisés, j’avais appris à faire la part des choses, à être sérieuse tout en gardant ce côté un peu amusé lorsque j’entendais certaines discussions autour de moi. Je repensai à cette soirée déguisé avec Chuck, où nous avions fui en riant ce milieu si coincé, et je me souvins avec une nostalgie lointaine d’être sur son dos, accrochée à lui, le chatouillant et sentant son odeur. Sur mes lèvres, un léger sourire se dessina. Je lançai un regard à Matteo qui discutait avec une ancienne membre du département des Aurors. On ne riait pas comme ça, tous les deux… Mais j’avais appris à aimer son sourire doux, sa peau bronzée et ses cheveux blonds toujours bien coiffés, son air sérieux et ses longues discussions que nous avions, celles où ses sourcils se fronçaient légèrement à chaque nouvel argument intéressant. D’ici, j’entendais son accent australien qui m’amusait toujours, et j’y retrouvais quelque chose de familier et de réconfortant. Nous n’étions pas malheureux, n’est-ce pas ?


- Coucou, Emmy ! Je sursautai à moitié en voyant Ewan arriver à ma hauteur, et il me fallut quelques seconds pour me rétablir de la surprise. Ça fait plaisir de te voir ! C’est vrai, je n’avais pas percuté, mais bien sûr, tu travailles ici !... Comment tu vas, ces derniers temps ?
- Hey, je ne pensais pas te croiser ici ! Oh et je ne travaille plus ici, enfin, si toujours au Ministère, mais en fait je suis délocalisée à Oxford maintenant, j’avais envie de changer un peu,
expliquai-je un peu vaguement, me doutant qu’Ewan savait très bien ce que je sous-entendais… D’ailleurs, tu viens d’Oxford, non ? Je me souviens, on en avait parlé à une soirée !

Mais nous fûmes interrompus, car Matteo arriva à ma hauteur, avec une coupe de rosé que je lui avais demandé quelques minutes plus tôt. Posant sa main dans la cambrure de mon dos, il me tendit le verre avec un sourire avant de se tourner vers Ewan, visiblement curieux de le rencontrer.

- Ah, euh, Ewan, je te présente Matteo, dis-je en essayant d’être la plus naturelle possible. Je ne savais pas trop pourquoi, mais j’avais l’impression d’être un enfant pris sur les faits. Il vient d’Australie, mais on travaille ensemble à Oxford. Ewan est apothicaire, précisai-je à l’intention de Matteo, en guise d’introduction rapide.
- Enchanté ! Apothicaire, ça doit être passionnant ! Il lui serra la main avec un grand sourire. Vous étiez ensemble à Poudlard ?
- Hm, non, c’est plus compliqué que ça,
répliquai-je en essayant de rester vague. J’échangeai un regard avec Ewan, me demandant s’il sentait que je n’étais pas tout à fait à l’aise.
- En tout cas, je serais ravie de discuter un peu avec vous, mais il faut que absolument que j’arrive à attraper l’un de nos collègues de Londres qui n’arrête pas d’éviter mes hiboux sur la réforme de la fabrication de baguette, mais plus tard peut-être ? Demanda-t-il, en nous regardant tous les deux.
- Oui, oui, ne t’inquiète pas, à tout à l’heure, répondis-je.

Il posa un baiser rapide sur ma joue, nous adressa un dernier sourire, et disparu dans la foule. Je me tournai vers Ewan, me sentant un peu bête. Je bus une grande gorgée de vin, pour me redonner contenance.


- Donc, euh, oui, ça va, enfin… J’eus un espèce de geste maladroit pour désigner Matteo qui était parti et eus un petit rire gêné. Enfin ça va mieux ! Même si bon… J’haussai les épaules. Ewan savait, n’est-ce pas ? Et toi, tu vas bien ? Ruby aussi ? Je ne l’ai pas vu depuis un moment, la dernière fois elle avait l’air un peu… Retournée d’une dispute qu’elle avait eu avec, hm, Chuck. J’avais prononcé son prénom dans un souffle, incapable de faire comme si de rien était. J’espère qu’elle va mieux, je sais qu’il pouvait être assez horrible quand il avait pris trop de trucs…

J’eus un petit sourire désolé, comme si je m’excusais de l’attitude de Chuck pour laquelle je n’étais pourtant pas responsable, et je rebus un peu de vin, espérant qu’être honnête et aborder certains sujets pourtant tabous pour moi n’allait pas me jouer des tours.
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Ewan Campbell


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MessageSujet: Re: Ce que demain a à offrir | Emmy   Ce que demain a à offrir | Emmy Icon_minitimeDim 23 Oct - 16:09

- Hey, je ne pensais pas te croiser ici ! Oh et je ne travaille plus ici, enfin, si toujours au Ministère, mais en fait je suis délocalisée à Oxford maintenant, j’avais envie de changer un peu. D’ailleurs, tu viens d’Oxford, non ? Je me souviens, on en avait parlé à une soirée !

Ainsi, elle avait choisi de changer d'horizon pour tourner la page ; c'était une manière comme une autre, et je comprenais. Cependant, quelque chose au fond de mon coeur ne pouvait s'empêcher de se serrer. Bien sûr que ça avait du être terrible pour elle - et de toute façon je ne connaissais pas tous les tenants et les aboutissants de l'histoire - mais je ne pouvais pas m'empêcher, encore une fois, de m'identifier un peu à elle, et de savoir par expérience combien il pouvait être bien de s'accrocher et de lutter, combien ça pouvait en valoir le coup... Mais Chuck n'était pas Ruby, et j'ignorais tout de ce qui pouvait lui passer par la tête ; peut-être était-ce trop tard, ou peut-être ne le voulait-il même pas. En réalité, j'avais une immense peine pour Emmy, j'avais envie de lui dire que je compatissais et que ce n'était pas de sa faute - mais je ne la connaissais pas assez pour cela.

C'était étrange, de se dire que parfois des mots comme ceux-là pouvaient changer une personne, une vie, dépendament de qui les disait. Comme la mienne aurait été plus simple si mes parents avaient su quoi me dire, comment m'apaiser... Mais il ne fallait pas que j'y pense : en ce moment, ce genre de constatations n'amenaient rien de bon, elles attisaient mes idées noires et me plombaient le moral.


- Oh, je ne savais pas, et alors, tu y fais quoi là-bas ? Oui effectivement, tu habites dans quel coin ? Tu t'y plais ?

Oxford était un choix curieux pour une fille comme Emmy, mais je me trompais peut-être. Si la ville était très jolie, ainsi que ses alentours, j'imaginais la jeune fille dans un environnement beaucoup plus trépidant, animé, plus jeune, bref un endroit comme Londres finalement, mais après tout elle avait sûrement ses raisons. Mais nous fûmes interrompus par l'arrivée de quelqu'u, et je mis quelques secondes à comprendre et à être sûr de ce qui se tramait, avant de me sentir à la fois surpris et content pour elle ; cet australien, Matteo, était visiblement le petit-ami d'Emmy ! Nous discutâmes quelques instants et si son accent me fut bien familier, je trouvais l'ironie de toutes ces coïncidences (Oxford, Australie) un peu suspecte tout de même. Il avait l'air très sympathique, et son attitude envers elle était polie et attentionnée, et si j'eus l'impression qu'Emmy était un peu gênée sur le coup (peut-être Ruby n'en savait-elle rien, peut-être que peu de personnes savaient ?) je ne changeais pas d'attitude pour autant : je ne voulais pas qu'elle se sente mal à l'aise.

Il me manquait trop de clefs pour comprendre toute l'étendue du problème, mais une chose était sûre : Emmy allait de l'avant, autant dans son changement de vie que dans ses sentiments, et cela ma paraissait si courageux que je ne pus m'empêcher de l'admirer pour cela. Ce n'était pas donné à tout le monde - et je savais de quoi je parlais - de pouvoir se reprendre en main ainsi, sans doute que des opportunités l'avaient aidée dans son chemin mais elle les avait saisies, au lieu de se laisser sombrer. J'avais l'impression d'être un peu incapable à ses côtés, enfoncé dans toutes mes histoires de famille, dans les morts qui jonchaient notre parcours, et dans ma malédiction à porter seul le fardeau... Je me sentis un peu stupide, je me sentis inutilement faible, et bus un peu de mon verre en essayant de chasser tout cela de mon esprit. Chaque histoire était unique, je ne pouvais pas comparer. La mienne, celle de Ruby... Celle d'Emmy, celle de Chuck. Mais pourquoi certaines personnes avaient-elle plus de force que d'autres, indépendamment du reste ? Moi aussi, je voulais libérer de toutes mes chaînes, je voulais être capable d'envoyer valser ce qui n'allait pas !


- Donc, euh, oui, ça va, enfin… Enfin ça va mieux ! Même si bon… Je souris, et fis un petit geste de la tête assez vague mais qui voulais dire que je comprenais. Et toi, tu vas bien ? Ruby aussi ? Je ne l’ai pas vu depuis un moment, la dernière fois elle avait l’air un peu… Retournée d’une dispute qu’elle avait eu avec, hm, Chuck. J’espère qu’elle va mieux, je sais qu’il pouvait être assez horrible quand il avait pris trop de trucs…

Eh bien ! Je m'étais trompé, elle n'était pas si gênée que je le pensais, et la discussion prit tout d'un coup un tournant bien plus intime. Heureusement, autour de nous, chacun était à ses discussions et ses affaires, et les ors du ministère scintillaient doucement au-dessus de nos têtes. J'étais content de changer un peu d'avis à son sujet, de me forger le mien, de découvrir les choses à ma façon. Je fis tourner la coupe entre mes doigts, l'air pensif - le seul souvenir du retour de Ruby, ce soir-là, bouleversée et tremblante et réellement secouée, me faisait me sentir étrangement amer. Si je n'avais pas jugé toute cette histoire, parce que je comprenais Ruby et son inquiétude et je comprenais le chagrin de Chuck, ce soir-là avait été le soir de trop ; il l'avait à moitié cognée et elle en avait été si traumatisée qu'elle avait été inconsolable toute la nuit, malgré toutes mes attentions. En réalité, toute cette histoire me touchait beaucoup trop, de son côté à elle comme de son côté à lui.

- Ça va, répondis-je machinalement comme toutes les fois où on me le demandait - qu'aurais-je pu répondre ? C'était trop long, trop plein, trop vide aussi. Et Ruby, ça va mieux, mais ça a été terrible, cette... Dispute. Je croisai le regard d'Emmy, indécis. Parler d'avantage ou non ? De toute façon, maintenant, elle ne le voit plus.

Il y eut un léger mouvement autour de nous, un groupe bougea, l'espace changea, mais n'eut pas pour effet de nous mettre à découvert mais au contraire de nous rapprocher un peu, comme si les sorciers avaient compris notre besoin de parler seul à seule. Quelques petits fours volèrent jusqu'à nous, et j'attrapai mon préféré, celui à la tomate et à la citrouille.

- Tu sais Emmy, tu vas trouver ça étrange que je te le dise, mais je comprends tellement ce que tu as traversé, je sais combien c'est dur et combien tu te sens... Démunie, expliquai-je en choisissant mes mots. J'espérais ne pas la déranger en disant tout cela. Le plus dur c'est de se dire que ce n'est pas de ta faute, de ne pas culpabiliser, mais je comprends combien c'est difficile. J'imagine que ça n'a pas été facile de tout gérer ?...

Levant mon regard vers elle, je cherchais son approbation et j'espérais que Matteo ne revienne pas tout de suite - j'avais l'impression qu'Emmy prenait soin de compartimenter sa vie, à présent.
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Emmy Yeats


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MessageSujet: Re: Ce que demain a à offrir | Emmy   Ce que demain a à offrir | Emmy Icon_minitimeJeu 27 Oct - 18:55

Je n’avais pas eu le temps de rebondir aux questions d’Ewan sur Oxford, car Matteo était arrivé et non seulement il avait coupé la conversation, mais il avait aussi coupé quelque chose, sensiblement, à l’intérieur de moi. C’était comme si l’atmosphère avait légèrement changé, peut-être étais-je la seule à le sentir, parce que j’étais tellement crispée sur le sujet… Je ne pouvais pas m’empêcher de me demander si Ruby était encore en contact avec Chuck malgré leur dispute, car si Ewan lui racontait m’avoir croisé avec mon nouveau copain, peut-être que ça lui reviendrait aux oreilles, et je ne savais pas pourquoi mais cela me mettait tellement mal à l’aise, pourtant, c’était bête non ? Chuck et moi n’étions plus ensemble, je ne lui devais rien, il devait être le premier à enchaîner les filles, comme d’habitude ! Mais j’avais l’impression de le trahir, encore une fois… Alors que les choses étaient finies, que je le savais pertinemment, mais pourquoi n’arrivais-je pas à complètement me dissocier de tout ça ? J’essayais tant ! Je m’étais rappelée de ce conseil que j’avais donné à Chuck, une fois où nous étions encore capables de discuter ouvertement de ses sentiments, je lui avais dit qu’il pouvait essayer d’écrire une lettre à Coop, pour mettre au clair tout ce qu’il ressentait et tourner la page. Pourquoi ne pouvais-je pas faire de même avec Chuck ? Face au parchemin vierge, quelque chose se verrouillait en moi. J’avais peur d’admettre l’étendue de la blessure, et plus que tout, j’avais peur de dire au revoir. Au fond de moi, je n’étais pas prête à le faire.

Je regardai autour de moi. Les gens discutaient joyeusement, la salle était joliment décorée, la lumière des bougies se reflétait sur le carrelage vert et noir du mur, créant une ambiance presque tamisée. Au-dessus de nous, le plafond était sans fin, et cet espace me donnait l’étrange impression de respirer. Pourtant, au milieu de cette atmosphère à la fois chaleureuse et étrangement intime, j’avais l’impression qu’il me manquait quelque chose, sans que je puisse mettre le doigt sur exactement quoi, mais je savais que cela venait de moi. Je l’avais toujours un peu eu, cette sensation, comme si mon quotidien calme manquait de magie. Je m’étais demandée si cela venait de moi, si j’avais trop d’attentes, puis… Puis j’avais connu cette magie, que je ne savais pas encore vraiment expliquer, mais qui se résumait à cette chose si simple – lancer un regard à Chuck, sentir que sans même parler, il savait, il comprenait, il entendait, et en retour, je faisais de même. Cela c’était même fait avant même qu’il pose ses lèvres sur les miennes et que je me laisse emporter dans mon affection. C’était ainsi depuis le début de notre amitié… Et il n’y avait que lui qui avait ce pouvoir-là. Depuis qu’il était parti et avait emporté avec lui la magie qu’il répandait dans ma vie, je ressentais ce vide cruel un peu partout dans les aspects de mon quotidien.


- Ça va. Il y avait dans sa voix un tas légèrement las, mais je ne le relevai pas – je ne connaissais pas assez Ewan pour me le permettre. Mais je n’avais pas pu m’empêcher de remarquer qu’il avait répondu ce qu’il pensait que je voulais entendre. Et Ruby, ça va mieux, mais ça a été terrible, cette... Dispute.

J’avais envie de demander plus, malgré moi, qu’il me dise ce qu’il s’était réellement passé, parce que j’avais bien compris que Ruby ne m’avait pas tout dit, mais pourquoi faire ? Je savais ce que je ne voulais pas savoir, parce que j’avais vécu la colère sourde et ivre de Chuck, quand il avait pris la dose de trop. J’avais beaucoup de peine pour Ruby, elle voulait tant bien faire, j’admirais combien elle s’était accrochée et combien elle était dévouée… J’étais presque envieuse de sa force, elle avait su tenir là où j’avais abandonné. Mais à quoi bon, finalement, le résultat avait été le même. Je me demandais ce qu’Ewan pensait de tout ça … Lui-même le disait, ça avait été « terrible », et je n’imaginais pas dans quel état il avait dû récupérer Ruby, ni ce qu’il devait penser de Chuck. Mais j’étais heureuse que Ruby se sente mieux – j’espérais qu’il ne mentait pas juste pour me rassurer. Elle irradiait une telle douceur que je me demandais comment elle se relevait après que celle-ci soit froissée.

- Tu sais Emmy, tu vas trouver ça étrange que je te le dise, mais je comprends tellement ce que tu as traversé, je sais combien c'est dur et combien tu te sens... Démunie. Le plus dur c'est de se dire que ce n'est pas de ta faute, de ne pas culpabiliser, mais je comprends combien c'est difficile. J'imagine que ça n'a pas été facile de tout gérer ?...

Alors ça, je ne l’avais pas vu venir, et je cachai difficilement ma surprise face aux sentiments qui m’envahissaient et que je n’arrivais pas tout à fait à identifier – l’étonnement, la curiosité, la gêne, le soulagement ? Mon premier réflexe fût de me demander de qui il parlait, mais l’instant d’après, il me semblait que les pièces se mettaient en place logiquement, comme si la pièce centrale s’était ajoutée…

- Tu… Tu parles de Ruby ? Demandai-je tout de même. Il approuva, et là encore, je cachai difficilement ma surprise. Bien sûr que je savais qu’elle cachait bien son jeu, j’avais cru comprendre que sa vie n’était pas simple, surtout qu’elle avait été adopté par Sara Wayland ce qui voulait dire qu’elle était orpheline. Je n’avais pas jamais eu plus de détails, j’avais rapidement qu’elle était très secrète… Mais tout de même. J’avais dû mal à imaginer Ruby addict, elle qui avait un air si… Calme, stable, doux ?! Elle me paraissait surtout terriblement jeune, encore plus jeune que Chuck… Mais ça n’empêchait pas, pensai-je amèrement. Je ne savais pas… Je suppose que ça explique pourquoi elle ne boit jamais… Dis-je pensivement. Elle a complètement arrêté ce qu’elle prenait ? Alcool, drogue… J’ignorais l’étendue de ses problèmes.

Maintenant que la surprise s’envolait, un nouveau sentiment naissait, une sorte d’impatience et de soulagement : Ewan avait vécu cela aussi ? Un flot de questions me montaient aux lèvres, parce que c’était la première fois que je rencontrais quelqu’un dans ma position, et je me demandais comment il faisait, comment cela s’était passé ?! Surtout qu’au fond, j’étais encore un peu étonnée, car… Ruby et Ewan dégageait une telle stabilité que j’avais du mal à les imaginer se déchirer comme Chuck et moi avions pu le faire. Quand ils étaient ensemble, ils émanaient quelque chose d’étrange, qui me rappelait un peu l’énergie de mes parents, cette espèce d’osmose chaleureuse et douce, et j’avais été étonnée quand Ruby m’avait dit depuis combien de temps elle était en couple avec Ewan tant j’avais l’impression qu’ils devaient être ensemble depuis des années – ils étaient presque intimidants, comme s’ils avaient quelque chose d’adulte et de déjà organisé dans leur relation, sûrement lié à l’âge d’Ewan et la maturité de Ruby. D’imaginer qu’elle avait vécu l’addiction, qu’Ewan en avait souffert – de ce qu’il me sous-entendait – c’était étonnant, et en même temps, pas tout à fait illogique maintenant que j’y pensais.

Mais une part de moi était amère, car si Ewan pouvait me comprendre, son histoire s’était visiblement mieux finie que la mienne, et je l’enviais terriblement.


- Oui, c’était… Compliqué. Depuis le décès de Coop il avait commencé à tomber un peu là-dedans, mais ça s’est accéléré d’un coup, sur la fin, un peu après qu’on se soit mis ensemble d’ailleurs, dis-je avec un petit rire jaune. Du coup c’était quasiment impossible à contrôler, et de toute façon, ça l’éloignait de moi et… Bon, je crois que tu l’as bien vu avec Ruby aussi, il ne voulait pas trop d’aide. Mais on est resté en contact un peu après qu’on se soit séparé, par message, il m’en envoyait quand il était défoncé et c’était très difficile de résister. J’avais l’impression qu’il avait besoin de moi, que je l’abandonnai… Et même si l’instant d’après il était horrible, j’avais toujours du mal à couper les ponts… Enfin, voilà, achevai-je avec un sourire crispé.

J’essayais de parler comme si de rien n’était, mais en vérité, cela remuait trop de souvenirs. Mais en même temps, je sentais ma parole libérée, sûrement car j’avais tout à coup trouvé en Ewan un allié, et cela me faisait étrange et plaisir à la fois.


- Je ne parle pas souvent de tout ça, mais c’est la première fois que je discute avec quelqu’un qui était à ma place… Comment… Enfin, avec Ruby, comment c’était ? Elle avait déjà ce problème quand tu l’as rencontré ? Comment tu as fait pour gérer ? Les questions se déversaient malgré moi. Je ne veux pas être indiscrète hein, mais… Je n’ai jamais pu parler de ça avec quelqu’un, enfin pas vraiment, parce que j’avais toujours l’impression de ramener à moi les choses et ça me faisait culpabiliser, parce qu’au final c’était Chuck qui souffrait vraiment, et j’avais l’impression d’être égoïste, confiai-je d’une voix soudainement plus basse.

Mais Ewan comprendrait cette douleur-là, n’est-ce pas ?
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Ewan Campbell


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MessageSujet: Re: Ce que demain a à offrir | Emmy   Ce que demain a à offrir | Emmy Icon_minitimeJeu 3 Nov - 17:41

Peut-être avais-je parlé trop vite ? J’eus la brusque sensation d’avoir été trop loin, d’avoir manqué de respect à Ruby en me confiant ainsi, mais quelques secondes me suffirent pour revenir dessus. Non seulement je savais que Ruby avait Emmy en assez haute estime pour pouvoir lui confier des choses de cet ordre là, mais en plus je savais aussi très bien que Ruby assumait son histoire sans pour autant la crier sur tous les toits ; et quelque part c’était la mienne tout autant, car je l’avais vécue, à ma manière. Aujourd’hui, avec du recul, je me demandais d’ailleurs comment nous avions tenus, chacun de notre côté comme ensemble. Et s’il se passait la même chose encore ? C’était tellement loin de moi, à présent, et cela m’avait demandé tellement d’énergie que je n’étais même pas certain de pouvoir l’affronter à nouveau. Mais j’avais confiance en elle, assez pour croire que ça ne se reproduirait jamais.

- Tu… Tu parles de Ruby ? J’acquiesçai en la regardant. Je ne savais pas… Je suppose que ça explique pourquoi elle ne boit jamais… Elle a complètement arrêté ce qu’elle prenait ?

Je fis de nouveau oui de la tête. Ironiquement, les bulles de mon champagne pétillaient encore sous mon palais, et je me fis la fugace réflexion que Ruby ne goûterait plus jamais à ce genre de choses : boire une coupe de champagne, sentir ce petit effet agréable, cette légèreté provoquée par l’alcool, l’euphorie imminente de la fête.

- Oui… Elle ne boit plus.

Un instant silencieux, je haussai les épaules. Je n’avais pas envie qu’Emmy change sa vision de Ruby, et même si je savais que cela ne serait pas le cas parce qu’elle était suffisamment intelligente pour comprendre, il y avait toujours une partie un peu trop protectrice de moi qui ne pouvait pas une seconde imaginer une mauvaise pensée à l’égard de Ruby. Je détestais envisager qu’on la juge, qu’on juge son histoire, sa personnalité, sans connaître, sans savoir. Il y avait tant à dire à son sujet que rien de négatif ne me paraissait justifié. J’en voulais, bien évidemment, à Chuck pour ce qu’il lui avait infligé : elle ne l’avait pas quitté d’une semelle, tandis qu’il errait de soirée en soirée et qu’il buvait et fumait tout ce qui lui tombait sous la main. Elle ne l’avait pas quitté, pas un soir, subissant tout ce qui lui avait causé tant de mal, et voilà comment il l’avait remerciée : en étant violent avec elle, en ne jugeant pas une seconde son sacrifice. Mais comment aurait-il pu ? Il était dans une spirale infernale donc aucun de nous ne pouvait avoir idée, et même si je comprenais évidemment le drame initial qu’il traversait, je ne pouvais pas dire que je le comprenais à présent, tellement il était loin, de nous, de tout. Cela m’avait brisé le cœur de l’expliquer à Ruby mais pour moi il était hors de portée, déjà, et ce n’était en insistant de la sorte qu’elle pourrait changer quoi que ce soit. La question se posait autrement… Mais alors, comment ? Je me sentais démuni et j’avais la désagréable impression de devoir me résigner à faire ce que j’avais toujours détesté chez les autres : baisser les bras, laisser filer. Chuck ne voulait pas de notre aide. Que pouvions-nous lui donner ?

Autour de nous, il y avait de plus en plus de monde : la salle se remplissait, des sorciers se rencontraient et échangeaient, les verres et les petits fours voletaient nombreux dans les airs pour rassasier tout le monde. Je fis un léger signe de tête à Emmy pour que nous nous reculions légèrement, vers les grosses banquettes en velours placées près des murs. Non seulement notre conversation n’était pas destinée à être partagée, mais nous serions aussi bien installés confortablement.


- Oui, c’était… Compliqué. Depuis le décès de Coop il avait commencé à tomber un peu là-dedans, mais ça s’est accéléré d’un coup, sur la fin, un peu après qu’on se soit mis ensemble d’ailleurs. Du coup c’était quasiment impossible à contrôler, et de toute façon, ça l’éloignait de moi et… Bon, je crois que tu l’as bien vu avec Ruby aussi, il ne voulait pas trop d’aide. Mais on est resté en contact un peu après qu’on se soit séparé, par message, il m’en envoyait quand il était défoncé et c’était très difficile de résister. J’avais l’impression qu’il avait besoin de moi, que je l’abandonnai… Et même si l’instant d’après il était horrible, j’avais toujours du mal à couper les ponts… Enfin, voilà.

J’eus un petit moment d’incompréhension quand elle parla des messages plus je me souviens de ce que Ruby m’avait expliqué – je me familiarisais de plus en plus avec les techniques moldues, puisqu’elle les utilisait elle aussi.


- Je ne parle pas souvent de tout ça, mais c’est la première fois que je discute avec quelqu’un qui était à ma place… Comment… Enfin, avec Ruby, comment c’était ? Elle avait déjà ce problème quand tu l’as rencontré ? Comment tu as fait pour gérer ? Je ne veux pas être indiscrète hein, mais… Je n’ai jamais pu parler de ça avec quelqu’un, enfin pas vraiment, parce que j’avais toujours l’impression de ramener à moi les choses et ça me faisait culpabiliser, parce qu’au final c’était Chuck qui souffrait vraiment, et j’avais l’impression d’être égoïste.

Ses dernières paroles me serrèrent un peu plus le cœur : comme je la comprenais ! Et comme j’étais triste qu’elle traverse ça elle aussi… Cette question de souffrance était tellement insidieuse, et j’avais tellement été justement victime d’une souffrance non partagée et imposée au cours de ma vie que je comprenais combien il était difficile de parler de ces choses sans les ramener à soi. Je fis un sourire à Emmy, tandis que dans mon champ de vision, un peu plus loin, Matteo discutait avec d’autres sorciers tout en nous jetant de temps à autre de petits coups d’œil amicaux.

- Il a l’air très amoureux de toi, ne pus-je m’empêcher de lui glisser amicalement.

Je m’installai un peu mieux dans le canapé, tout en buvant la fin de ma coupe. J’avais beaucoup de choses à dire par ce sujet, et c’était un peu comme une pelote de laine toute emmêlée : je ne savais pas du tout par quel bout commencer.

- Quand j’ai rencontré Ruby, je travaillais dans un bar et elle y venait régulièrement, expliquai-je avec un petit sourire coupable, donc, oui, elle avait déjà ce problème… Mais je ne m’en étais pas vraiment rendu compte, ou bien je n’avais pas voulu le voir. Elle était très forte à le cacher aussi. C’est après… C’était de pire en pire. Je baissai le regard, me remémorant ses crises, ces soirées. Elle changeait tellement d’humeur, d’attitude… Ça a été une période assez trouble, conclus-je avec un petit signe de la main, mais je crois que je préfère qu’elle te le raconte elle-même. En tout cas, un jour, elle a fini par comprendre, par ouvrir les yeux, et par vouloir arrêter. Mais moi… Je crois que je me suis senti vraiment très coupable quand j’ai compris, surtout que j’avais contribué à tout ça en lui servant de l’alcool, c’était un peu la seule façon que j’avais de la revoir. Et ensuite, je m’en suis beaucoup voulu… J’avais fermé les yeux, j’avais trop attendu. Tout en ne sachant absolument pas quoi faire : l’enfermer, la priver de ses bouteilles comme une enfant ? C’est tellement particulier, l’addiction… Je croisai son regard et y trouvai un bien triste écho. C’est horrible à dire, mais tu sais Emmy, je pense que tu ne peux rien faire, tu ne peux pas le changer toi-même, toute seule, tu ne peux pas le ramener à la raison… C’est beaucoup plus complexe, c’est enfoui en lui. La seule chose que tu peux faire maintenant, c’est te protéger ; être là pour lui c’est bien, mais et toi ? Tu ne devrais pas… Lui… Le… Lui appeler des textos, dis-je après une hésitation, c’était bien cela qu’on disait ?! Surtout si c’est pour qu’il te fasse du mal. Il faut veiller sur lui, mais… De loin.

Je me tus tout d’un coup, ayant l’impression d’être parti trop loin, d’avoir peut-être trop osé dans mes paroles – mais elle ne paraissait pas offensée.


- Je crois que Chuck refuse de voir la réalité en face, et la mort de son frère – mais je n’arrivais pas à formuler ces mots, un peu trop personnels – c’est ça le fond du problème. Et toi, tu fais partie de cette réalité, malheureusement… Tu ne peux pas te laisser engloutir comme ça, conclus-je doucement.

Est-ce qu’elle l’aimait encore ? Est-ce qu’elle aimait tout de même Matteo ? J’avais l’impression que tout était loin d’être si lisse et cool comme elle le faisait paraître, et je me sentais tout particulièrement et tristement proche d’elle.
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Emmy Yeats


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MessageSujet: Re: Ce que demain a à offrir | Emmy   Ce que demain a à offrir | Emmy Icon_minitimeDim 13 Nov - 21:57

Si j’avais toujours admiré Ruby d’avoir tenu bon et d’être restée proche de Chuck malgré tout, la nouvelle de son addiction ne fit qu’amplifier ce sentiment… Comment avait-elle pu tenir ? A suivre Chuck dans toutes ses soirées pas nettes, où elle devait être soumise à tant de tentations… Est-ce qu’elle avait envie, parfois ? Quand Chuck avait commencé à tomber un peu trop là-dedans pour que je puisse fermer les yeux, j’avais essayé de me renseigner sur tout ça, sur l’addiction, sur les signes, les solutions pour arrêter. Beaucoup disaient que l’envie ne partait jamais vraiment, et j’eus une pensée pour triste pour Ruby qui avait dû non seulement subir la méchanceté de Chuck défoncé, mais la tentation terrible face à toutes les bouteilles qui devaient être à disposition dans les endroits où il traînait. Elle tenait énormément à lui, c’était sûr, mais je me demandais tout de même d’où venait une telle dévotion, quitte à souffrir elle-même à ce point. Je connaissais un peu leur amitié, Chuck m’avait raconté les grandes lignes, mais je réalisais plus que jamais combien Ruby devait l’aimer profondément pour supporter tout cela. Je me sentis presque stupide ; je l’aimais aussi, énormément, mais j’étais incapable de tenir toute cette pression. Comment Ruby faisait-elle ?! Je savais que Chuck adorait Ruby et appréciait sa présence bien plus qu’il ne l’admettait, mais je savais aussi qu’il la remerciait rarement pour tout ce qu’il faisait, et en plus il la traumatisait à moitié lorsqu’ils se disputaient… Comment faisait-elle pour supporter ça ?! Et Chuck, il savait que Ruby avait ce problème, elle avait dû lui dire, surtout en voyant qu’il prenait le même chemin, ne se rendait-il pas compte de ce qu’elle faisait pour lui ?! Il ne se rend compte de rien, murmura tristement une petite voix en moi. Mon cœur se pinça.  

Nous nous installâmes sur les banquettes le long du mur, et c’était comme si nos mots tissaient un petit cocon autour nous, étrangement intime et coupé du reste de la soirée. Je n’avais décidemment pas imaginé la tournure des événements… Je gardais toujours Chuck légèrement à distance dans mon quotidien, il était comme une présence pâle que chaque souvenir saturait à nouveau. J’avais appris à m’en écarter, à ne pas trop y penser, pour me protéger, mais en même temps, il y avait quelque chose de libérateur à en parler, peut-être parce qu’en un sens cela me prouvait que c’était réel, que ça avait existé, qu’il existait encore, quelque part… Où était-il, ce soir ? Est-ce qu’il pensait à moi, lui aussi, parfois ? Est-ce qu’il essayait de m’appeler, de m’envoyer des messages ? Est-ce qu’il avait compris que je l’avais bloqué, est-ce qu’il était triste, en colère contre moi ?

Est-ce que tout cela avait de l’importance pour lui, au final ?


- Il a l’air très amoureux de toi.

Un peu perdue dans mes pensées, il me fallut quelques secondes pour comprendre qu’Ewan ne parlait pas de Chuck mais bien de Matteo qui, au loin, discutait joyeusement avec un groupe de sorciers. Je sentis mon estomac se contracter. Je savais qu’Ewan avait voulu être gentil, poli même, mais ce qu’il venait de dire me donnait envie de m’assommer avec une bouteille de champagne tant que je me sentais stupide. Je n’avais rien promis, pourtant, Matteo savait très bien ce qu’il en était, que je ne voulais rien de trop sérieux, que les choses étaient difficiles même si je ne les avais jamais vraiment évoquées. Pourtant, je voyais bien qu’il m’appréciait, qu’il essayait vraiment de construire quelque chose, et j’en étais flattée. Seulement… Lui rendre la pareille me semblait au-dessus de mes forces. Est-ce que c’était ça que Chuck ressentait quand je lui demandais de s’investir dans notre relation ? Cette limite invisible qui retenait le corps et le cœur ? Mais j’essayais, avec Matteo, parce que j’étais bien, et que j’avais fini par trouver un équilibre. Il me rendait heureuse, je m’amusais bien avec lui, mais plus que tout, je me sentais stable, je me sentais en sécurité, je savais qu’il avait sa vie en main, qu’il n’avait pas peur de ça, de nous, qu’il resterait. C’était exactement l’opposé de ce qu’avait été Chuck, finalement.

- Je l’aime bien aussi, répondis-je d’une petite voix un peu gênée. Même si…

Je n’achevai pas la phrase. Ewan savait ce que je voulais dire, n’est-ce pas ?... Je n’étais même pas sûre de ce que je voulais dire au fond. Que j’aimais bien Matteo, mais que c’était Chuck que j’aimais ? Je n’étais pas sûre, à vrai dire, je ne savais pas à quel point j’avais encore des sentiments pour Chuck, s’ils étaient vraiment encore là, si c’était de la nostalgie, si c’était juste beaucoup de confusion ? Si Chuck revenait dans ma vie, que lui aurais-je dit ?! J’eus un rire triste, à l’intérieur. Il ne reviendrait pas, je le savais, il avait dérivé beaucoup trop loin pour ça. Je jetai un regard à Ewan. Il avait toujours Ruby, lui… J’étais jalouse, et en même temps, étrangement heureuse. Tout ne finissait pas toujours mal.

- Quand j’ai rencontré Ruby, je travaillais dans un bar et elle y venait régulièrement, donc, oui, elle avait déjà ce problème… Mais je ne m’en étais pas vraiment rendu compte, ou bien je n’avais pas voulu le voir. Elle était très forte à le cacher aussi. C’est après… C’était de pire en pire. Elle changeait tellement d’humeur, d’attitude… Ça a été une période assez trouble, mais je crois que je préfère qu’elle te le raconte elle-même. J’hochai la tête d’un air entendu. J’étais surprise en imaginant Ewan barman, à servir Ruby, à l’imaginer alcoolique et aussi instable que Chuck… Décidemment, la réalité cachait bien des secrets. En tout cas, un jour, elle a fini par comprendre, par ouvrir les yeux, et par vouloir arrêter. Mais moi… Je crois que je me suis senti vraiment très coupable quand j’ai compris, surtout que j’avais contribué à tout ça en lui servant de l’alcool, c’était un peu la seule façon que j’avais de la revoir. Et ensuite, je m’en suis beaucoup voulu… J’avais fermé les yeux, j’avais trop attendu. Tout en ne sachant absolument pas quoi faire : l’enfermer, la priver de ses bouteilles comme une enfant ? C’est tellement particulier, l’addiction… Quelque chose tambourinait en moi… Combien je me reconnaissais dans ce qu’il disait ! Dans sa culpabilité – avoir trop attendu – et cette impuissance – que faire ?! C’est horrible à dire, mais tu sais Emmy, je pense que tu ne peux rien faire, tu ne peux pas le changer toi-même, toute seule, tu ne peux pas le ramener à la raison… C’est beaucoup plus complexe, c’est enfoui en lui. La seule chose que tu peux faire maintenant, c’est te protéger ; être là pour lui c’est bien, mais et toi ? Tu ne devrais pas… Lui… Le… Lui appeler des textos. Surtout si c’est pour qu’il te fasse du mal. Il faut veiller sur lui, mais… De loin.

J’eus un petit sourire à l’erreur d’Ewan qui me donna envie de rire, pas parce que je me moquais mais parce qu’au contraire, je trouvais cela assez adorable cette tentative de cerner les technologies moldues. Mais c’était aussi que ce qu’il me disait me touchait en plein cœur, et j’essayais vainement d’alléger, de sourire à ces paroles, mais en réalité, il mettait le doigt en plein cœur d’un immense problème que j’avais bien du mal à gérer. Je me mis à penser à son histoire avec Ruby, à l’étrange situation qu’il avait vécue avec elle, en la servant puis en réalisant son erreur… N’avais-je pas eu ce sentiment horrible, celui d’avoir trop laissé faire, parce que je me disais que ça faisait du bien à Chuck de temps en temps, de lâcher prise, avant de terriblement regretter de ne pas avoir mis un terme à tout ça plus tôt, et en même temps, comment aurais-je pu ? Je n’avais rien pu faire… Je n’avais pas assez d’emprise sur lui pour le faire changer. C’était son choix, il l’avait fait, et je n’étais pas le sien. Pourtant, toutes ces conversations par message, tous ces moments où il semblait si proche de changer d’avis, ou plutôt si proche d’avoir besoin de moi à tout prix, et finalement, à chaque fois, c’était la même conclusion. Il avait fait des choix. J’avais fait les miens. Ils étaient incompatibles.

- Je crois que Chuck refuse de voir la réalité en face, c’est ça le fond du problème. Et toi, tu fais partie de cette réalité, malheureusement… Tu ne peux pas te laisser engloutir comme ça.

Encore une fois, consciemment ou non, Ewan avait touché exactement mon point sensible, et je sentis que ma gorge se serrait désagréablement. Je ne pleurais pas facilement, et surtout pas en public, j’avais appris à contenir mes émotions, mais j’avais l’impression que tout se compressait en moi et se cristallisait autour de la terrible vérité qu’Ewan énonçait et que je savais vraie, tout s’appuyant dans ma poitrine et je sentis que mes yeux me piquaient.

- Oui, oui tu as raison, et je le sais… Cela ne servait à rien de faire semblant, les larmes étaient prêtes à couler, et j’essuyai le coin de mes yeux, mon menton tremblant légèrement, tout en riant nerveusement pour chasser la gêne. Désolée, c’est toujours un peu… Frais, admis-je en grimaçant. Je soufflai un bon goût et repris possession de moi-même. C’est juste qu’il est la première personne dont je suis tombée amoureuse, et je le considère comme ma première vraie relation sérieuse, ce qui est sûrement stupide à dire sachant qu’on a dû rester ensemble quoi, deux mois ? J’eus un petit rire triste. Mais il est… il était très spécial pour moi, et ça m'a fait beaucoup de peine qu’il choisisse la drogue plutôt que notre relation. Je ne lui demandais pas beaucoup, simplement qu’il réduise au moins un peu, qu’il réalise que c’était dangereux, c’était ça ou je partais… Comme tu le devines je n’ai pas eu la réponse que j’attendais ! Tentai-je de plaisanter.

Je poussai un soupir, me réinstallai sur la banquette et comme quelqu’un passait avec un plateau, je repris une coupe de champagne, me disant que cela me ferait un peu de bien après toutes ces émotions.


- Mais je suis contente que ça soit bien terminé pour toi et Ruby, qu’elle ait réussi à arrêter… C’est étrange d’imaginer que vous avez traversé ça, bien sûr que tous les couples ont des hauts et des bas, mais vous avez l’air tous les deux si… Stables, ensemble. Enfin vous êtes vraiment mignons quoi, dis-je avec un petit rire. Elle a eu de la chance que tu la soutiennes, je comprends que tu t’en sois beaucoup voulu, mais au final, je pense que tu as dû l’aider à trouver la force d’arrêter, et c’est le plus important, non ? Comment elle a eu le déclic, ça a été soudain ou ?... Tu n’as jamais peur qu’elle rechute ?! Ça a dû déjà lui arriver, non ?...

Je bus une gorgée, méditant un instant.

- C’est ça qui me fait peur avec Chuck. J’ai l’impression que rien ne peut lui faire prendre conscience du danger dans lequel il se met. Tu sais, j’ai fini par supprimer son numéro de téléphone, pour ne plus pouvoir le contacter, et je fais tout pour ne plus avoir de nouvelles… Avant, je passais par Ruby, ou par Angie, mais maintenant, je ne m’en sens plus capable. Mais tu vois, tu es là, et je me dis que peut-être que par Ruby tu sais des choses, sur comment il va ces derniers temps, et je n’ai qu’une envie c’est savoir, te demander, être sûr qu’il va bien, mais si je le fais… Si je le fais je vais juste me remettre à penser à lui, et ça complique tout… Je voudrais tellement qu’il ait le déclic, j’ai tellement peur d’apprendre qu’il lui ait arrivé quelque chose de grave… Ma voix se brisa légèrement, et je fermai les yeux, inspirant pour calmer mon angoisse. Je ne voulais pas me mettre à pleurer, pas là, pas comme ça. Tu crois que tu aurais pu rester avec Ruby si elle avait continué ? Ou plutôt, tu crois que tu aurais pu la laisser ? Alors que tu l’aimais et que tu savais qu’elle se mettait en danger, et que la quitter ça voulait dire la laisser encore plus vulnérable et seule avec son addiction ?...

Je pensais aux fréquentations de Chuck, au monde dans lequel il devait évoluer à présent, et je frissonnai, achevant de sentir un terrible malaise dans ma poitrine qui me prouvait bien que peu importe ce que je voulais bien dire, Chuck était encore bien trop présent et important pour moi…
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Ewan Campbell


Ewan Campbell
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MessageSujet: Re: Ce que demain a à offrir | Emmy   Ce que demain a à offrir | Emmy Icon_minitimeSam 10 Déc - 18:48

Mes doutes furent confirmés avec l'usage d'un mot, un et un seul : « bien ». Je l'aime bien, avait-elle dit... On ne dit pas bien lorsqu'il s'agit d'aimer, d'aimer vraiment. Je sentis quelque chose se crisper à l'intérieur de moi, que je n'identifiais pas tout de suite pourtant. Matteo, lui, j'en étais certain, aimait Emmy plus que « bien » mais j'avais peine à croire qu'il ne lisait pas entre les lignes de ce qu'elle lui renvoyait - au fond, je crois que ce qui m'attristait vraiment c'était la position d'Emmy, cette relation appréciable mais sans plus, ce nouveau garçon dans sa vie qui n'était pas exactement ce qu'elle désirait, et cette impossibilité d'avoir celui qu'elle voulait vraiment... Toute cette conversation remuait en moi des choses infiniment tristes, et je sentis ma peine s'accroître encore. Tout était en demi-teintes, tout avait un léger goût... amer. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser à mes parents qui s'étaient sans doute mis ainsi de la sorte, parce qu'ils s'aimaient bien, mais pas assez pour autant. Pas assez pour m'aimer moi, pas assez pour affronter la vie... Pas assez. J'avais la furieuse envie de dire à Emmy d'arrêter, de tout arrêter maintenant, tout de suite, parce que c'était faux, parce que ce n'était pas comme ça qu'on aimait les gens, parce que « bien », ça ne suffisait pas. Mais qui étais-je pour lui imposer cela... Et quelle histoire traînait-elle exactement ? Je n'en savais rien, je ne pouvais pas juger... À mon tour de baisser les bras, comme d'autres avant moi. Mais je me sentais terriblement impuissant, et profondément triste pour elle.

Le plus difficile, me semblait-il, était d'aider les gens lorsqu'ils le désiraient - je voyais bien qu'Emmy avait envie de parler, et d'être conseillée également - quand finalement je n'étais que moi et je ne savais pas tout, et que je n'avais même pas été capable d'aider ma propre famille. Mais dans ces moments je pensais à Ruby et elle me donnait de la force : elle était l'exemple, dans toute sa splendeur, de la personne qui se fait aider par les personnes qui lui tendent la main, et mon coeur se réchauffait à l'idée de la famille Wayland et de tout ce que j'avais pu faire également pour l'aider à devenir celle qu'elle était aujourd'hui. Quand je pensais à elle, quoi qu'il arrive, une tiédeur envahissait mon corps, comme celle que l'on ressent lors d'une agréable sieste sous une couette épaisse. Moi aussi, j'avais accepté son aide ; moi aussi, elle m'avait rendu plus fort.

Tout d'un coup un peu inquiet, je me rendis compte que mes paroles avaient provoqué trop d'émotions chez Emmy, et que ses yeux s'étaient emplis de larmes ; machinalement, et peut-être parce que penser à Ruby me rendait plus familier, je lui pris la main et la serrais, bien désolé de la mettre dans cet état.


- Oui, oui tu as raison, et je le sais… Désolée, c’est toujours un peu… Frais. C’est juste qu’il est la première personne dont je suis tombée amoureuse, et je le considère comme ma première vraie relation sérieuse, ce qui est sûrement stupide à dire sachant qu’on a dû rester ensemble quoi, deux mois ? Mais il est… il était très spécial pour moi, et ça m'a fait beaucoup de peine qu’il choisisse la drogue plutôt que notre relation. Je ne lui demandais pas beaucoup, simplement qu’il réduise au moins un peu, qu’il réalise que c’était dangereux, c’était ça ou je partais… Comme tu le devines je n’ai pas eu la réponse que j’attendais !

Après quelque secondes, je relâchai sa main ; je ne voulais pas la mettre mal à l'aise et en vérité nous n'étions tout de même pas seuls - je ne voulais pas que ce geste soit mal interprété.


- Deux mois, ça compte tout autant, affirmai-je - je n'avais pas l'impression d'avoir moins aimé et considéré Ruby les deux premiers mois, loin de là. Je comprends... C'est tellement dur de ne pas se sentir de taille, car c'est le cas, tu ne peux pas lutter, pas dans ces moments-là... Je crois que c'est le vrai problème de l'addiction. Mais en tout cas, sache que c'est faux : il arrivera toujours un moment où la personne va se rendre compte que sa vision était biaisée et artificielle. La seule chose que tu peux faire, c'est l'aider à ouvrir les yeux, conclus-je un peu tristement.

Comme elle se resservait une coupe, je suivis son geste. Je croisai au passage le regard d'un sorcier avec qui j'avais déjà travaillé et que je n'avais pas encore salué, mais il se contenta d'un sourire et d'un hochement de tête que je lui rendis - je lui en fus très reconnaissant, car il avait du mesurer le sérieux de la conversation que j'étais en train d'avoir.

- Mais je suis contente que ça soit bien terminé pour toi et Ruby, qu’elle ait réussi à arrêter… C’est étrange d’imaginer que vous avez traversé ça, bien sûr que tous les couples ont des hauts et des bas, mais vous avez l’air tous les deux si… Stables, ensemble. Enfin vous êtes vraiment mignons quoi. Elle a eu de la chance que tu la soutiennes, je comprends que tu t’en sois beaucoup voulu, mais au final, je pense que tu as dû l’aider à trouver la force d’arrêter, et c’est le plus important, non ? Comment elle a eu le déclic, ça a été soudain ou ?... Tu n’as jamais peur qu’elle rechute ?! Ça a dû déjà lui arriver, non ?...

Je ne pus m'empêcher de sourire, sentant mes lèvres s'écarter d'elles-mêmes et la remerciai d'un regard chaleureux de ses compliments. Pour le reste... Je fis tourner la coupe entre mes doigts, un peu embêté ; encore une fois, je ne voulais pas raconter toutes ces choses que Ruby gardait généralement secrètes.

- Hmm... C'en était arrivé à un point où son entourage insistait vraiment, et puis... Il s'est passé quelque chose mais je préfèrerais qu'elle t'en parle... Qui a été assez violent pour qu'elle prenne conscience, conclus-je alors. Oh, bien sûr, j'étais terrifié qu'elle rechute, et elle aussi, mais nous étions tous là pour elle et je crois que pour moi ça a été le plus dur, c'était tellement lourd et horrible de porter ça et de devoir verrouillé les placards, la traquer comme une criminelle... Je suis contente que ça soit terminé, avouai-je. Pas vraiment... Elle a été très forte, ne pus-je m'empêcher de souligner avec fierté.

Je ne m'en étais finalement jamais vraiment rendu compte, après tout : l'énergie qu'il m'avait fallu alors... tout faire pour l'empêcher de se détruire, et ne jamais baisser sa garde. Il y avait longtemps que nous n'en avions pas parlé, d'ailleurs, et je me demandais tout d'un coup si Ruby pensait encore, parfois, à l'alcool - à quel point cela lui manquait.


- C’est ça qui me fait peur avec Chuck. J’ai l’impression que rien ne peut lui faire prendre conscience du danger dans lequel il se met. Tu sais, j’ai fini par supprimer son numéro de téléphone, pour ne plus pouvoir le contacter, et je fais tout pour ne plus avoir de nouvelles… Avant, je passais par Ruby, ou par Angie, mais maintenant, je ne m’en sens plus capable. Mais tu vois, tu es là, et je me dis que peut-être que par Ruby tu sais des choses, sur comment il va ces derniers temps, et je n’ai qu’une envie c’est savoir, te demander, être sûr qu’il va bien, mais si je le fais… Si je le fais je vais juste me remettre à penser à lui, et ça complique tout… Je voudrais tellement qu’il ait le déclic, j’ai tellement peur d’apprendre qu’il lui ait arrivé quelque chose de grave… Tu crois que tu aurais pu rester avec Ruby si elle avait continué ? Ou plutôt, tu crois que tu aurais pu la laisser ? Alors que tu l’aimais et que tu savais qu’elle se mettait en danger, et que la quitter ça voulait dire la laisser encore plus vulnérable et seule avec son addiction ?...

Oh... Elle était donc passée à la vitesse supérieure, effectivement. Je lui jetai un regard assez impressionné : Emmy me paraissait définitivement de plus en plus proche de moi, étrangement, mais plus forte aussi, tant elle me livrait des preuves de sa force mentale. Elle voyait de quoi elle était capable... et se donnait les moyens de ne pas faire les mauvais actes, les mauvais gestes. J'étais sincèrement admiratif mais, de ce fait, encore plus attristé pour elle qu'elle ne soit pas avec la bonne personne. D'un autre côté, Mattea avait l'air vraiment charmant, et j'avais envie d'espérer : après tout, elle pouvait très bien tomber amoureuse avec le temps !

- Oh, je ne crois pas, avouai-je à mi-voix. J'avais un peu honte, car je ne l'avais jamais dit à Ruby... Je crois que je serais resté jusqu'au point où nous aurions été détruits tous les deux, et que le fait de m'avoir détruit moi l'aurait rendue encore plus mal... Je baissai les yeux vers mon verre. Je savais que c'était la vérité. Tu as fait les bons choix, Emmy, insistai-je. Même si tu ne le vois peut-être pas encore.

C'était difficile, n'est-ce pas ? De se dire que volontairement il fallait rayer de la carte la personne qui habitait notre coeur...

Du coin de l'oeil, je vis la silhouette de Matteo se rapprocher de nous ; pas directement car quelqu'un l'avait alpagué au passage et il s'était arrêté pour parler encore, mais je voyais bien que sa trajectoire était en note direction. Comme je me doutais bien qu'il valait mieux garder ce sujet pour nous, je me mis alors sur mes gardes.

- Le mieux que tu puisses faire, je crois, c'est prendre soin de toi à présent. Peut-être qu'un joue Chuck reviendra vers toi, ou peut-être pas, mais il faut que tu réussisses à trouver une manière d'être heureuse quand même... Tu essayeras ? lui demandai-je avec un petit sourire.

J'espérai sincèrement qu'elle trouve le moyen de réussir.
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MessageSujet: Re: Ce que demain a à offrir | Emmy   Ce que demain a à offrir | Emmy Icon_minitimeVen 30 Déc - 20:07

Je me demandais ce que Chuck aurait pensé s’il m’avait vu, et s’il m’avait entendu parler de nous ainsi ; du regret, ou au contraire de l’indifférence ? Où en était-il, lui ? Longtemps, je m’étais persuadée qu’il m’aimait encore, ses messages étaient parfois explicites sur le sujet et quand ils ne l’étaient pas, je devinais ce qu’il cherchait à dire à demi-mot. Mais c’était trop facile et injuste, non ? De rester accrocher parce que je savais qu’au fond il avait besoin de moi et qu’il était amoureux. Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour, m’avait un jour dit mon père, alors qu’on partageait un verre de whisky, assis sur les chaises du jardin. Je n’avais pas vraiment compris, sur le coup, ce qu’il avait voulu me dire. A présent plus que jamais, ces mots prenaient un nouveau sens, beaucoup plus limpide et terrible à la fois. Où étaient les preuves d’amour de Chuck, les vrais, les tangibles, celles qui me donnaient envie de tenir bon malgré ce qui me glissait entre les doigts ? Oh, elles avaient existé, j’avais bien senti sa présence, ses regards, la façon qu’il avait de m’embrasser, ce qu’il faisait pour moi, pour me faire rire et me rendre heureuse… Mais tout ça n’existait plus. C’était parti en fumée – littéralement, dans cette fumée épaisse des joints que Chuck s’allumait à la suite.

Il n’y avait plus de preuves, alors à quoi bon, c’était fini, n’est-ce pas ?


-Deux mois, ça compte tout autant. Je comprends… C’est tellement dur de ne pas se sentir de taille, car c’est le cas, tu ne peux pas lutter, pas dans ces moments-là… Je crois que c’est le vrai problème de l’addiction. Mais en tout cas, sache que c’est faux : il arrivera toujours un moment où la personne va se rendre compte que sa vision était biaisée et artificielle. La seule chose que tu peux faire, c’est l’aider à ouvrir les yeux.

Artificielle… Le mot resta coincé un instant dans ma gorge. C’était ça, tout ce qui m’échappait dans la situation. Comment Chuck avait pu préférer un bonheur faux, face à ce que nous partagions et qui me semblait être la chose la plus vraie et la plus intense que j’avais pu vivre… Peut-être que pour lui, ce n’était pas le cas ? Peut-être que c’était là que tout se jouait, finalement. Je ne pouvais pas demander à Chuck de me choisir car je n’avais pas cette place, pas cette force. Je n’étais pas assez importante. C’était tout, c’était juste ça – alors pourquoi est-ce que cette simple constatation suffisait à me briser le cœur ? C’était comme ça, c’était juste ça, je n’y pouvais rien. Il fallait que je passe outre.

- Oui, c’est vrai, mais les addicts peuvent le rester des années… Je n’ose pas imaginer les dégâts, dis-je d’une petite voix.

Sa vie était déjà tellement compliquée et cabossée, il n’avait pas besoin de ça en plus. Pourtant il pouvait la rendre tellement plus jolie, je savais qu’il en avait la force et le courage au fond de lui. Mais sans Coop comme vecteur et comme motivateur, il ne le voulait plus, j’avais fini par le comprendre. Ça me faisait tellement de peine, de savoir que Chuck ne se valorisait que par son petit frère, qu’il croyait qu’il n’y avait que lui qui le voyait comme quelqu’un de bien, de meilleur, alors que Chuck dégageait une telle énergie, qu’il irradiait tout le monde avec ! Coop n’était pas le seul à voir ce qu’il y avait de meilleur en Chuck… Je le voyais, moi. Pourquoi Chuck ne l’avait pas vu, ça ?...


- Hmm… C’en était arrivé à un point où son entourage insistait vraiment, et puis… Il s’est passé quelque chose mais je préférerais qu’elle t’en parle… Qui a été assez violent pour qu’elle prenne conscience. Oh, bien sûr, j’étais terrifié qu’elle rechute, et elle aussi, mais nous étions tous là pour elle et je crois que pour moi ça a été le plus dur, c’était tellement lourd, et horrible de devoir porter ça et de devoir verrouiller les placards, la traquet comme une criminelle… Je suis contente que ça soit terminé. Pas vraiment… Elle a été très forte.
- Ça ne m'étonne pas d'elle, ça se voit qu'elle a de la ressource... Et qu'elle est très bien entourée,
ajoutai-je.

Malgré la lourdeur des aveux – j’imaginais très facilement que ce déclicêtre était lié à son passé ou peut-être à sa santé – je ne pus m’empêcher d’être étrangement émue de la façon dont Ewan parlait de Ruby. Il était complètement amoureux d’elle, je le voyais bien ; il respectait ses secrets, parlait d’elle avec une telle douceur et une telle fierté ! Je réalisai alors que je connaissais déjà la réponse à ma question – il n’aurait jamais abandonné Ruby, pas vrai ?...


- Oh, je ne crois pas. Je crois que je serais resté jusqu’au point où nous aurions été détruits tous les deux, et que le fait de m’avoir détruit moi l’aurait rendue encore plus mal… Tu as fait les bons choix, Emmy. Même si tu ne le vois peut-être pas encore.

C’était étrange de me dire que c’était moi qui avait fait le bon choix quand malgré le terrible de ce scénario imaginaire, j’y voyais une preuve d’amour. C’était impressionnant, cet amour si fort qu’il en devenait tragique – Ewan aurait pu donc tout perdre pour Ruby ! Evidemment, je sentais un fossé entre ce qu’il me confiait et mon histoire avec Chuck. Aucun de nous deux n’avait eu la force d’un sacrifice – d’arrêter la drogue ou de l’accepter. Bien sûr, il n’y avait rien de romantique dans la destruction de quelqu’un dans une relation nocive, je n’étais pas stupide, seulement je me disais… Ewan aimait Ruby à ce point, et il l’assumait en me confiant au détour d’une conversation qu’il se serait laissé embarquer dans une spirale destructive pour elle. Chuck n’avait même pas été capable de sortir de la sienne pour moi… Mon cœur se crispa quelques secondes, mais je me raisonnai : c’était ainsi, Chuck était malheureux et hors de portée et c’était égoïste de vouloir être d’une telle importance alors qu’il venait de perdre la personne la plus importante dans sa vie. J’étais triste de cette situation, mais il me fallait rester empathique, pas vrai ? Je comprenais Chuck sans vraiment le comprendre, et je respectai ce qu’il choisissait sans pouvoir le cautionner. Je voulais simplement qu’il s’en sorte, et j’espérai que ce qu’Ewan m’avait dit était vrai… Que Chuck allait ouvrir les yeux, et que j’avais fait le bon choix.

- Je suis contente que ça soit arrangé pour vous alors, glissai-je avec un sourire.

Ils n'avaient pas eu besoin de se déchirer, eux.


- Le mieux que tu puisses faire, je crois, c’est prendre soin de toi à présent. Peut-être qu’un jour Chuck reviendra vers toi, ou peut-être pas, mais il faut que tu réussisses à trouver une manière d’être heureuse quand même… Tu essayeras ?

Au loin, Matteo se rapprochait de nous, et je compris que le ton presque pressant d’Ewan voulait simplement m’influer un peu de courage et de réconfort avant que nous reprenions la soirée comme si de rien était. Être heureuse quand même… C’était un joli souhait, un peu terni par ce « quand même » qui me rappelait que c’était simplement une consolation comme une autre. Je regardai Ewan et me fit la réflexion qu’il était beau, tout de même. Une beauté pleine de douceur, et un peu d’amertume aussi, qui semblait cacher quelque chose d’un peu plus triste. Sans le connaître, ni lui ni sa vie, je me sentis triste de deviner sans savoir, et je réalisai que je me sentais tout à coup très proche de lui après toutes nos confessions.

- Bien sûr, répondis-je avec un sourire. J’essaie toujours ! Ajoutai-je en riant un peu.

Mais pour la première fois de ma vie, je sentis que le cœur n’y était pas vraiment…
(Terminé)
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