Les petites farces du Ministère (pv Emmy)

- Vous devez vous tromper, mademoiselle, nous ne vendons pas de salsepareille ?
- Non, non, j'ai dit : je voudrais faire signer une autorisation pour une fête foraine...
- Ah ! Quelqu'un a ensorcelé vos châtaignes ?
- Non - une FÊTE FORAINE !
- Oh, une fête foraine ?
- Oui ! Et il me faut une AU-TO-RI-SATION ?
- Il fallait me le dire tout de suite, mademoiselle ! Tenez, voilà le numéro du service qui vous aidera !

Le minuscule petit sorcier tout rabougri abaissa ses mains qu'il plaçait en cône autour de ses oreilles et tendit un petit carton doré à une Heather passablement énervée. Elle le remercia en sachant pertinemment qu'il comprendrait tout de travers puisqu'il était sourd comme un pot, et s'éloigna du guichet d'accueil. Elle se trouvait dans le hall immense du Ministère de la Magie - auquel elle avait accédé par le chemin habituel, ressentant un sentiment étrange. Les seules fois où elle était venue ici, c'était quand elle était encore une enfant et qu'elle avait accompagné son père, qui régulait les Créatures Magiques d'Irlande pour le Ministère. Il venait très rarement à Londres, mais il y avait emmené ses enfants pour leur faire découvrir. Dans ses souvenirs, le Ministère était un endroit absolument immense ! Et maintenant qu'elle s'y trouvait, ayant grandi, voilà qu'il lui paraissait petit en comparaison, et bien moins impressionnant.

Cependant, elle n'était pas sereine pour autant : depuis que Dan et elle avaient été chargé par Sara Wayland d'une grosse partie de l'organisation de la Fête Foraine, et notamment des affaires de sécurité, elle croulait sous le travail et stressait un peu, ce qui la rendait irritable. Aujourd'hui, elle devait se charger de faire signer certains papiers, et elle e faisait seule car de son côté Dan devait s'occuper de régler les choses sur le lieu même de la Fête ; elle avait donc transplané juste après sa matinée de cours pour se retrouver à Londres et se rendre au Ministère, où elle comptait tout régler en une après-midi. Mais dans sa hâte et parce qu'elle devait penser à trop de choses différentes ces temps-ci, elle n'avait même pas pris le temps de se changer, si bien que lorsqu'elle s'apprêta à rentrer dans le hall, elle se rendit compte qu'elle portait encore sa cape, par-dessus sa robe, et surtout qu'elle avait son écharpe Serpentard, parce qu'elle tenait chaud. Elle se maudit entre ses dents : non seulement elle était déjà bien jeune et paraissait enfantine, mais si en plus elle ressemblait à une étudiante de Poudlard, quelle crédibilité elle allait avoir !... Rapidement, elle avait fourré l'écharpe et la cape dans son sac, en ressortant un petit gilet qui ne lui tiendrait pas assez chaud, mais tant pis. Au moins, avec la robe vert bouteille cintrée et le gilet gris qu'elle enfila, elle faisait un peu moins adolescente. Néanmoins, les quelque sorciers qu'elle rencontra en se dirigeant vers les guichets étaient âgés et parurent la regarder avec étonnement - comme si ils se demandaient ce qu'une jeune fille faisait ici. La tête haute, elle tâcha alors de trouver l'emplacement du bureau inscrit sur le petit carton magique par elle-même. Fort heureusement, un système ingénieux indiquait aux invités munis d'un carton la direction de leur destination par des petites flèches dorées qui se matérialisaient dans les airs à chaque intersection.

Arrivée dans un couloir qu'elle connaissait bien, elle bifurqua sans obéir à la flèche - si bien que brusquement dans tous les sens s'allumèrent des flèches lumineuses, rouges cette fois-ci, pour lui indiquer qu'elle se trompait de direction. Mais elle les ignora et arriva dans le département qui s'occupait des Créatures Magiques ; son part y avait certains de ses meilleurs amis qu'elle avait envie de saluer. Coup de chance, deux d'entre eux étaient là, sortant visiblement de réunion, et la saluèrent à leur habitude comme si elle avait été leur nièce préférée. Ils burent un thé ensemble et discutèrent - Heather ne se sentait bizarrement pas à sa place, avec cet homme et cette femme qu'elle connaissait depuis toujours et qui l'avaient vu grandir, alors qu'elle leur racontait maintenant les aléas de son travail ! C'était donc ça, grandir ?... C'était un sentiment étrange, et ce n'était pas la première fois qu'elle le ressentait. Mais elle était contente tout de même, car ils la rassurèrent et la félicitèrent tous les deux pour son travail, et elle sentit une tiédeur l'envahir de nouveau. Au fond, elle avait simplement besoin de cela : qu'on la valorise un peu, et son assurance devenait inébranlable. Après une dernière tasse de thé, elle les salua, et reprit sa marche, suivant cette fois la multitude de petites flèches dorées. Les missives qui volaient sans cesse l'amusaient et elle jouait à les éviter au centimètre près : plus le petit avion en papier passait près de ses cheveux, plus elle sentait l'air contre son visage, plus elle marquait de points.

Après un chemin qui lui parut un véritable labyrinthe, ponctué de scènes plus ou moins loufoques, de discussions chuchotées ou animées et de sorciers vêtus de différents uniformes qu'elle identifia presque tous, elle arriva enfin au Département des usages abusifs de la magie. Il fallait le cachet du département sur le dossier, en plus d'autres, mais aujourd'hui elle devait récolter seulement celui-là, les autres durant cinq ans et ayant été renouvelés l'année dernière (elle n'aurait jamais soupçonné le nombre de papiers et d'autorisations qu'il fallait pour une pauvre petite Fête foraine, mais Poudlard et son statut d'école était bien obligé de se plier à toutes ces règles). Avant d'arriver devant le bureau, elle s'assit sur un des bancs dans le couloir, ouvrit son sac et sortit le dossier qui tenait dans une pochette en carton brun et épais ; une à une, elle repassa les feuilles qui le constituaient. Avec Dan, ils avaient épluché les dossiers des années précédentes - car bien évidemment ils n'avaient pas de liste précises des papiers à fournir, ce qui n'était pas très évident - et en avaient déduit ce qu'il fallait pour constituer le nouveau. Ca devrait être bon... L'espérant, elle se leva, le dossier dans les mains, et toqua au bureau. Elle exposa son cas à la sorcière assise derrière le comptoir, qui l'envoya, de nouveau, vers un autre numéro de bureau - mais qui se trouvait au même étage, cette fois. Heather la remercia et se rendit au second bureau, auquel elle toqua, puis elle entra.

- Bonjour, je... Elle s'arrêta net, sentant un soulagement inattendu l'envahir. Oh ! Emily, c'est ça ?

La jeune fille qui se trouvait dans le bureau avait approximativement son âge - mais une chose était certaine, elles avaient été à Poudlard ensemble ! Pas dans la même année ou la même maison, mais Poudlard était un petit univers, et Heather avait bonne mémoire. Elle ne connaissait pas la fille plus que cela, mais elle lui était familière. Elle lui sourit, et la pression sur ses épaules se relâcha, comme si se trouver face à face à une de ses semblables lui garantissait que son dossier allait passer comme une lettre à la poste.

- Je suis Heather ! Je me souviens de toi à Poudlard, c'est drôle de retrouver ici dans un univers plus... professionnel ! Elle avait failli dire « sérieux » mais elle essayait de ne pas paraître trop à côté de la plaque, justement. Elle s'avança un peu plus, et posa le dossier sur le bureau de son occupante. Voilà, je travaille à Poudlard, et je m'occupe des autorisations pour la Fête Foraine organisée à Pré-au-Lard la semaine prochaine ; j'ai apporté le dossier et il doit être validé par ton département, donc j'espère que tout est bon !

Elle pria mentalement que tout, effectivement, était bon, et sourit une nouvelle fois à la jeune fille comme si elles étaient deux vieilles amis se retrouvant après de longues années.

Janvier avait toujours été le mot que j’appréciais le moins, sûrement parce que les vacances de Noël étaient mes préférées. Depuis que j’étais petite, ma maison s’illuminait toujours pour l’occasion, car mes parents tenaient un magasin de jouets et je pouvais être assurée qu’à chaque Noël, j’allais en avoir des nouveaux, tout beaux, et l’enfant joueuse que j’étais avait lutté contre le sommeil pendant longtemps pour avoir ses cadeaux le plus tôt possible. Je n’avais pas cru au Père Noël longtemps cependant, car Ezra et moi fouinions toujours dans la maison et nous avions de forte suspicion sur l’existence de ce bonhomme à barbe qui volait sur un traîneau pour venir nous offrir les jolis jouets que construisaient nos propres parents. Plus suspicieux encore, mes parents d’habitude si bavards restaient évasifs sur le sujet. Lors de mon troisième ou quatrième Noël, Ezra et moi avions trouvé nos cadeaux cachés dans la boutique de nos parents, et nous avions exposé la supercherie, ce qui nous avait fait bien rire - je n’étais nullement traumatisée de ce mensonge, à la différence de visiblement beaucoup d’enfants. J’avais vécu tous mes Noëls suivant avec une excitation d’enfant particulière, impatiente d’avoir mes cadeaux, de voir ce que mes parents avaient pu créer cette fois-ci. Avec leurs métiers, j’étais habituée à avoir un tas de beaux jouets magiques chez moi, mais ma mère était très attachée à Noël et plaçait toujours la barre très haut. Ainsi, je possédais encore des merveilles comme une famille entière de petites poupées de raton laveur en bois, dont les yeux brillaient d’une jolie lumière magique, et leur maison en bois dont le plancher craquait magiquement quand j’y déplaçais mes petits personnages, ou encore une robe magique pour ma poupée Clémentine dont les couleurs changeaient selon mon humeur. Aujourd’hui, lorsque je touchais encore le tissu usé, il prenait des teintes roses claires lorsque j’étais sereine, bleu gris lorsque j’étais triste ou encore un rouge criard lorsque j’étais en colère.

Même si aujourd’hui, mes cadeaux étaient bien différents - j’avais toujours un jouet fait par mes parents cependant - Noël restait un moment particulier, rempli de souvenirs. Quand Violet et Max étaient nés et que j’étais à Poudlard, les vacances étaient les seuls moments où je pouvais vraiment les voir, et le soir du réveillon, je voyais toujours mes grands-parents, ma famille, et l’ambiance était toujours génial. Cette année, j’avais réussi à avoir une semaine de vacances, et vu la masse de boulot que j’avais en ce moment, j’avais pu enfin me caller tranquillement dans mon canapé sans rien faire pendant plusieurs jours sans culpabilisé, et ça, c’était génial. J’étais sortie aussi, j’avais vu du monde, fait mes courses de Noël, bref, je profitais tranquillement. Évidemment, mon Nouvel An avait été épique, surtout que ma grand-mère - reine de la cuisine - m’avait fait un gâteau au whisky pur-feu et c’était un vrai truc de killer, on avait tous été complètement arraché et je gardais précieusement les photos de Gwen en train de vomir dans les toilettes avec moi qui faisait le signe de West Coast devant. Rien que pour ça, j’espérais qu’elle allait se marier, parce qu’il fallait absolument que je puisse ressortir ses photos.

Mais mon repos avait été de courte durée. Une fois le réveillon et la nouvelle année passés, j’avais dû retourner travailler au Ministère et accepter de rentrer dans le mois que j’aimais le moins de l’année. Pourtant, j’adorais la neige, le froid ne me dérangeait pas, mais Janvier… Janvier, c’était le retour en cours ou au travail, c’était les décorations de Noël qu’on décrochait, le jour qui se couchait à 17h, la pluie glaciale constante, ah, non, à chaque fois j’avais toujours une sorte de rejet de cette période qui me mettait de mauvaise humeur. Cette année, c’était encore pire car j’avais énormément de travail au Ministère, et il suffisait que je jette un regard sur la pile de dossier de mon bureau pour pousser un énorme soupire. J’aimais bien ce que je faisais, mais après Noël, c’était toujours le rush, il y avait toujours des sorciers qui pensaient que fêter les fêtes de fin d’année rimait avec faire des feux d’artifices magiques en plein milieu de Londres et autres bonnes idées du genre qui menait à un tas de bordel administratifs. Des moldus avaient vu un feu de joie magique avec des crabes de feu, une famille s’était disputé et le père avait pendu son frère par les oreilles au sapin, un certain monsieur Ferrero avait jugé intelligent de transformer son immeuble en un père Noël géant… Bref. Niveau abus de la magie, j’étais servie. La plupart des événements avaient eu lieu pendant les vacances donc je n’avais plus à aller constater sur le terrain, je me retrouvais à éplucher des dossiers et des témoignages pour savoir ou non s’il fallait une condamnation, s’il y avait eu abus, etc. Pour couronner le tout, je travaillais dans mon bureau avec Lucie, une collègue qui avait presque la trentaine mais avec qui je m’entendais très bien, mais elle était absente aujourd’hui, me laissant non seulement gérer deux fois plus de boulot mais aussi me parler toute seule pendant tout l’après-midi. J’avais mis la radio à fond, et j’étudiais les sortilèges utilisés pour ce fameux immeuble Père Noël, quand quelqu’un toqua au bureau.

- Bonjour, je... Oh ! Emily, c'est ça ?

Je reconnus la jolie rousse face à moi, elle était à Poudlard quelques années en dessous de moi - il me semblait qu’elle était dans la promotion de Chuck et Lilian - et à Serpentard. Elle s’appelait… Ashley ou Heather, il me semblait. Vêtue d’une jolie robe verte, elle tenait dans ses mains un énorme dossier qui m’était probablement destiné.

- Je suis Heather ! Je me souviens de toi à Poudlard, c'est drôle de retrouver ici dans un univers plus... professionnel !
-Je me souviens de toi aussi, répondis-je avec un sourire. Tu as une bonne mémoire, glissai-je, la plupart des gens m’appellent simplement Emmy et oublie mon vrai prénom ! Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? Demandai-je avec un grand sourire malgré la taille du dossier qu’elle tenait dans les mains.
- Voilà, je travaille à Poudlard, et je m'occupe des autorisations pour la Fête Foraine organisée à Pré-au-Lard la semaine prochaine ; j'ai apporté le dossier et il doit être validé par ton département, donc j'espère que tout est bon !

Ah, la fête forraine ! J’eus un petit sourire nostalgique en y repensant… Mais dès que j’ouvris le dossier, je désenchantai. Clairement, l’administratif c’était pas aussi fun qu’un tour de patin à glace. Je n’avais jamais géré ses autorisations, d’habitude c’était Lucie qui s’en chargeait, et je commençai à éplucher le dossier.

- Ohlala, attends, faut que je cherche la liste des papiers qu’il faut pour les événements magiques scolaires… La circulaire… B23-A… J’agitai ma baguette et une feuille s’échappa d’un dossier pour atterrir sur le bureau. Je feuilletai le dossier, regardant avec attention les papiers. Ah, voilà… Hmm… Ah, mince, il faut passer par le bureau de la protection des créatures magiques, vous demandez des lutins de Cornouaille pour le train fantôme… Attends, viens, Je me levai du bureau, fis tomber ma tasse de thé en passant - maladresse quand tu nous tiens - et fis signe à Heather de me suivre après avoir ajouté ma baguette pour sauver les dégâts. On va aller faire approuver l’autorisation direct !

Nous remontâmes le couloir pour prendre l’ascenseur. C’était.. Le troisième étage, l’aile B, il me semblait. J’appuyai sur le bouton, le dossier dans mon autre main, m’assurant que je ne me faisais pas tomber.

- J’aurais bien envoyé le papier d’un coup de baguette mais ils sont super pointilleux à ce bureau, ça va plus vite de t’y rendre toi-même pour bien gérer le truc, expliquai-je avec un sourire. Du coup tu bosses à Poudlard, tu fais quoi ? C’est génial, tu quittes Poudlard progressivement en fait, notai-je avec un sourire.

Elle passait d’élève à employée, ça permettait de passer dans le monde adulte sans perdre tous ses repères… C’était un avantage. L’ascenseur bifurqua plusieurs fois, quelques personnes montèrent, je dis bonjour à certains d’entre elles rapidement, continuant plutôt à discuter avec Heather. Nous arrivâmes finalement à l’étage, mais en descendant, je fronçai les sourcils, un peu perdue. Il avait changé la décoration non ? Je ne reconnaissais pas très bien l’endroit. Pourtant j’étais persuadée d’être au bon étage…

- Hmm, je crois que c’est par là, dis-je, un peu hésitante. Nous marchâmes dans un couloir, puis un autre, et plus nous avancions, plus quelque chose me semblait clocher. Au bout d’un moment, je me stoppai, ouvrant grand les yeux. Je savais pourquoi j’avais cette impression bizarre ! Ohlala, on a pas le droit d’être là, on nous a envoyé un mot il y a une semaine, il y a une affaire classé secrète en ce moment, oh merde j’avais complètement zap… Ah ! M’exclamai-je, entendant des bruits et des éclats. J’agitai mes bras en paniquant, regardant Heather. Merde, merde, on devait pas être là ! Elle me fit un signe brusque vers une porte qui n’indiquait aucun bureau, et nous rentrâmes dans la pièce en vitesse. Mon coeur battait la chamade, et nous restâmes silencieuse jusqu’à que les bruits passent. Deux personnes venaient de passer dans le couloir. Pfiou, je suis con, on l’a échappé belle, on aurait pu avoir des emmerdes… Le bureau devait être dans l’autre couloir, j’ai encore confondu…

Je reculai, inspirant, et me retournai vers Heather. Dans mon mouvement, mon coude heurta quelque chose sur l’étagère - la pièce était particulièrement exiguë. Je manquai de crier, mais l’objet ne tomba pas. Il rebondit à quelques centimètres du sol, dan l’air, et parti dans un direction opposé, avant de rebondir à nouveau dans le néant et de commencer à rebondir dans l’air tout autour de nous. Surprise, j’essayai de reconnaître ce qu’était l’objet - il allait vite - mais on aurait dit… un dinosaure rose en plastique ? JE regardai Heather, avec un air intrigué et amusé à la fois.

- C’est quoi ce truc, pouffai-je. J’essayai de l’attraper alors qu’il rebondissait dans ma direction, mais dès que je fermai mes doigts dessus, je sentis quelque chose étrange m’envahir… Je - Mais je ne finis pas ma phrase : un énorme arc-en-ciel liquide venait de me sortir de la bouche, et je le regardai se déverser sur sol, comme une traîné de vomi festif et multicolore - désolé pour l’image. Mais qu’est-ce que c’était que ce truc ?!

-Je me souviens de toi aussi. Tu as une bonne mémoire, la plupart des gens m’appellent simplement Emmy et oublie mon vrai prénom ! Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?

La jeune Irlandaise sourit une nouvelle fois - Emmy, donc, plutôt qu'Emily, avait l'air très engageante, et quelque part Heather avait toujours une certaine appréhension quand elle retrouvait des gens de Poudlard de qui elle n'avait pas forcément été proche. Elle y avait une réputation, et il suffisait que ces personnes soient un peu trop rattachées aux Serpentard pur et dur ou bien à l'inverse et... Elle pouvait avoir été source de rumeurs et de quand dira-t-on, et si beaucoup n'étaient pas fondés, elle était tout de même sur la défensive. Mais Emmy l'accueillait le plus chaleureusement du monde ; pas de souci, apparemment, à se faire de ce côté-là. C'était sans doute idiot de se rattacher encore à ces histoires d'adolescents, mais après tout Poudlard avait été si longtemps sa vie - et l'était encore ! - qu'elle ne pouvait pas faire comme si de rien n'était. Et puis, entre les rencontres qu'elle y avait faites, entre tout ce qu'elle y avait vécu, des aventures les plus extraordinaires jusqu'aux plus terrifiantes, il y avait de quoi faire ! Cela lui paraissait à la fois si proche et si lointain, ces souvenirs : le premier baiser avec Harry, la prise de Poudlard par les Mangemorts, la bataille des Aurors, les tournois, les bals, toutes ces émotions... C'était comme un livre connu par coeur qu'on feuilletait de temps en temps : des mots, des images et des sons connus par coeur, des sensations familières et inoubliables, mais à la fois mises à distance par le temps et presque refroidies par le papier, par le fait de pouvoir les feuilleter avec autant de détachement. Une nouvelle fois, Heather se félicita d'avoir fait ce choix de rester travailler à Poudlard après ses études, car elle le savait parfaitement : une grosse part d'elle-même n'était pas prête à abandonner cela, à grandir d'un coup, il lui fallait un petit temps d'acclimatation, une passation en douceur de l'adolescence à l'âge adulte.

Ayant exposé sa requête à Emmy, installée derrière son bureau, elle attendit les instructions de la jeune fille - elle avait de grands yeux noisette et rieurs, et de jolis cheveux lisses et épais, aux reflets dorés, c'est ce qui sauta en premier aux yeux de Heather :

- Ohlala, attends, faut que je cherche la liste des papiers qu’il faut pour les événements magiques scolaires… La circulaire… B23-A… (la découverte qu'il fallait tant d'autorisations et qu'il existant tant de décrets et de circulaires avait été de taille pour Heather quand elle s'était penchée sur des dossiers administratifs) Ah, voilà… Hmm… Ah, mince, il faut passer par le bureau de la protection des créatures magiques, vous demandez des lutins de Cornouaille pour le train fantôme… Attends, viens. On va aller faire approuver l’autorisation direct !

Emmy avait fait tomber sa tasse au passage mais nettoya les dégâts en un coup de baguette magique. De son côté Heather approuva d'un signe de tête et reprit son dossier en entier avant de suivre la jeune fille ; pour le coup, elle ne s'y connaissait pas assez pour dire qu'elle pouvait s'y rendre seule, et puis si Emmy était disposée à l'aider, elle n'allait pas dire non ! Elle se maudit juste une seconde de ne pas avoir pensé aux lutins quand elle avait été voir les amis de son père dans le département des Créatures Magiques et faillit le mentionner à son ancienne camarade de Poudlard mais elle se retint - elle ne voulait pas donner l'impression qu'elle se vantait d'avoir des contacts ici. Docilement, elle lui emboîta le pas.

- J’aurais bien envoyé le papier d’un coup de baguette mais ils sont super pointilleux à ce bureau, ça va plus vite de t’y rendre toi-même pour bien gérer le truc. Du coup tu bosses à Poudlard, tu fais quoi ? C’est génial, tu quittes Poudlard progressivement en fait, lui dit Emmy quand elles furent dans l'ascenseur.

Heather aquiesça, avec un sourire ravi. C'était une chance, cette situation, et elle en était véritablement reconnaissante à l'école.

- Merci, c'est gentil de m'accompagner en tout cas ! Je ne m'y connais pas beaucoup dans toutes ces démarches administratives, c'est la première fois que je suis chargée d'un tel dossier, avec un autre assistant... On se rend compte que c'est beaucoup plus compliqué qu'il n'y paraît ! La montagne d'autorisations et de papiers officiels qu'il faut, c'est fou ! Fidèle à elle-même, elle bavardait toujours un peu trop, mais tranquillement et de son petit accent chantant - Oui, c'est vraiment génial ! Du coup c'est un peu moins dépaysant, forcément... Je suis assistante de Potions ! Ca se passe bien, je préfère les cours aux années les plus basses car j'ai presque le même âge que les dernières années, mais bon... Ca me fait plaisir d'être encore à Poudlard, même si la vie en tant qu'employée y est bien différente ! Et toi, tu as trouvé comment ici, ça consiste en quoi ton...

Mais sa question resta en suspension. L'ascenseur étai arrivé à destination, dans un couloir qu'Heather ne connaissait pas, mais Emmy non plus n'avait pas très l'air sûre d'elle et jetait des coups d'oeil dubitatifs autour d'elles. Néanmoins, elles se mirent en chemin - c'était étrange, il faisait presque plus froid, tout d'un coup ? Comme si cet endroit était trop peu utilisé et emprunté, mis à l'écart du reste du Ministère ? Heather se demanda sur le coup si elles n'étaient pas perdues, mais elle n'osa pas le demander à Emmy. Après tout, la bâtisse était un véritable labyrinthe, ce devait être bien courant de s'égarer quand on cherchait un autre bureau pas forcément très connu de ses lieux habituels.

- Hmm, je crois que c’est par là... Ohlala, on a pas le droit d’être là, on nous a envoyé un mot il y a une semaine, il y a une affaire classé secrète en ce moment, oh merde j’avais complètement zap… Ah !

C'était donc ça ! Un lieu où il n'y avait personne... Mais... Heather n'eut pas le temps de répondre - elle entendit les bruits de pas en même temps qu'Emmy, et par réflexe, serra son dossier plus fort contre sa poitrine. Par Merlin ! Est-ce qu'il allait leur arriver quelque chose ?...

- Merde, merde, on devait pas être là ! reprit Emmy.

Alors, sans réfléchir d'avantage, Heather fit un signe vers la porte à côté d'elle, l'ouvrit, et la referma derrière leur passage aussi discret que précipité.

- Ouf ! soupira-t-elle, ne pouvait retenir un sourire amusé une fois que les pas se soient éloignés. Le danger passé, la situation lui apparaissait follement amusante, et elle jeta un regard complice à Emmy, dans la pénombre de la pièce.

- Pfiou, je suis con, on l’a échappé belle, on aurait pu avoir des emmerdes… Le bureau devait être dans l’autre couloir, j’ai encore confondu…

Cette fois, Heather pouffa, ne pouvait pas retenir son rire plus longtemps ; ce n'était pas moqueur ou méprisant, mais Emmy avait l'air maladroite et cette petite escapade interdite résultait d'un concours de circonstances plus amusant qu'autre chose. Cela lui rappelait, justement, ses années d'écolière à Poudlard, quand les bêtises étaient de rigueur... Combien en avait-elle faites ! Plus petite, elle avait profité de ce grand espace de jeu qu'était le château pour tout explorer, pour braver les couvres feu, pour aller dans les cuisines à des moments interdits, pour embêter les fantômes du château et pour faire des farces à tous ceux qui passaient par là. Harry s'était révélé un bon compagnon d'aventures, même si il avait un côté plus moralisateur qu'Heather à la tête parfois un peu trop brûlée. Puis, avec ses amies, ça avait été les sorties secrètes à Pré-au-Lard, ou bien tard dans des salles désaffectées de Poudlard... C'était drôle, tout de même, c'était bon, goûter à la notion d'interdit, s'en moquer et frémir un peu ! Cela lui provoquait toujours des petits fourmillements sous la peau, quand l'adrénaline faisait son petit effet. Ce n'était pas désagréable, au contraire. Elle ressentait cela en cet instant, cachée avec Emmy dans une salle dont elle n'avait aucune idée de l'utilité. Elle observa d'ailleurs autour d'elle ; au même moment Emmy en fit de même et bougea un peu, mais elle fit tomber quelque chose... Qui ne tomba pas ? C'était une figurine rose de... dinosaure ? Qui volait ?

- Oh, oh... murmura Heather, une petite idée en tête.

- C’est quoi ce truc ?

Au moment où elle mit la main dessus, Emmy se mit à cracher un arc-en-ciel liquide... Heather fut partagée entre plusieurs émotions : la surprise - l'inquiétude (les objets magiques pouvaient avoir des conséquences plutôt graves) - un fou rire incontrôlable qui la fit trembler des pieds à la tête. Elle plaqua sa main sur sa bouche pour essayer de le retenir mais elle en avait des larmes aux yeux ; quand elle vit à la tête d'Emmy qu'elle allait plutôt bien, à part les espèces de bout d'arc-en-ciel qu'elle crachait encore et qui se disloquaient en sorte de paillettes sur le sol, elle laissa libre court à son hilarité. Comme son caractère assez exubérant, son rire était mélodieux et retentissant, et et il emplit en une seconde la toute petite pièce. Il n'y avait plus qu'à espérer que les gens dans le couloir étaient vraiment partis... Car l'espèce de statuette de grenouille sur l'étagère juste à côté d'elle s'anima tout d'un coup, il lui poussa des cheveux roux et ondulés comme ceux d'Heather, la petite grenouille chevelue ouvrit alors les yeux et se mit à rire en reproduisant exactement le rire d'Heather. Celle-ci fit un pas de côté, effrayée tout d'abord, et se rapprocha d'Emmy, mais la statuette était si ridicule et drôle que cela n'arrangea rien à son hilarité qui redoubla - et entraîna la statuette à rire encore plus... C'était une véritable cacophonie et Heather se mordit les lèvres pour essayer de se calmer, tout en jetant des regards plein d'excuses à Emmy, car elle n'arrivait pas à s'arrêter de rire.

- Dé... Désolée, finit-elle par murmurer entre deux hoquets de rire. La grenouille continuait de rire mais un peu moins fort, car Heather se contenait. C'est quoi cette salle ??

Sa première pensée avait été que la salle contenait des objets qui avaient été ensorcelés et dont le sort avait raté ou que l'objet était devenu dangereux... Mais après tout la salle n'était pas assez protégée pour cacher des choses dangereuses, elle était peut-être juste un genre de débarras ?! Heather s'avança prudemment vers l'étagère, où trônait un petit cadre photo contenant un portrait du ministre de la Magie. Elle le saisit entre ses doigts après une seconde d'hésitation, se préparant à ce qui allait suivre sans savoir quoi exactement - il y eut un petit « pop ! » joyeux et sa tête était devenue... celle du ministre en personne. Essayant de garder son sérieux, elle se trouna vers Emmy :

- Dites-donc jeune fille, que faites-vous dans ma salle de jeu privée ?!

Une nouvelle fois, elle se mit à rire et retrouva sa tête normale après avoir reposé la photo - cette fois, elle prit bien garde de s'éloigner la statuette de grenouille pour ne pas la réveiller de nouveau.

Je ne savais pas si c’était l’adrénaline qui retombait – ou au contraire se cristallisait – la fatigue de cette semaine qui s’était accumulée ou simplement ma tendance à rire de tout et beaucoup trop, mais je ne pouvais contrôler mon fou rire. J’aurais peut-être dû m’inquiéter, parce qu’à rire aussi fort, Heather et moi risquions de nous faire repérer mais je ne pouvais plus m’arrêter. Cet arc-en-ciel était aussi inattendu qu’hilarant, et dès que j’essayais de me calmer, je me revoyais vomir les paillettes colorés et je repartais dans un éclat qui agitait mes épaules et me coupait la respiration. Le pire, c’était le rire d’Heather, en face de moi ! Elle aussi était en proie à un fou rire, et ça ne m’aidait absolument pas car dès que j’essayais de me stopper, je la voyais rire, ses yeux piqués de larmes, et c’était reparti pour un tour. Mais je n’étais pas au bout de mes peines… A côté d’Heather se trouvait une grenouille assise sur l’étagère, et tout à coup de longs cheveux roux lui poussèrent et elle se mit à rire, à l’image d’Heather. Tout s’emballa, plus elle riait plus la grenouille l’imitait et plus je partais en fou rire ; mon ventre me faisait mal et j’avais presque le hoquet tant je riais. Au bout d’un long moment, Heather commença à se reprendre, et je me mis aussi à chercher mon souffle qui me manquait, essuyant les dernières larmes hystériques qui avaient coulé.

- Dé… Désolée, lâcha Heather entre deux petits hoquets de rire. C’est quoi cette salle ??

Je travaillais ici, mais j’étais bien incapable de répondre à cette question… Je jetai un regard circulaire à la pièce. Sur les étagères, des objets hétéroclites s’empilaient, sans aucune étiquette avec pour indiquer leur utilité. C’était étrange, puisque visiblement ils avaient des propriétés magiques qui risquaient d’être dangereuse… Mais le Ministère n’était pas mieux que n’importe quelle administration, ce n’était pas très bien organisé, y en avait toujours un peu partout, les papiers se perdaient, on ne savait jamais dans quel bureau aller, bref, ça ne m’étonnait pas que cette pièce soit laisser à l’abandon. Une chose était sûre, en sortant d’ici, j’allais me renseigner. Mais pour le moment, la curiosité m’avait piqué et je voulais voir ce qu’elle réservait.

- Bonne question… Un mélange entre le paradis et l’enfer, murmurai-je, rêveuse. C’était génial et parfait, mais probablement un peu risqué.

J’avais l’impression d’être de retour à Poudlard, et d’avoir un fou rire en cours. Impossible de m’arrêter, c’était comme si j’étais réglée sur vibreur, peu importe ce que je faisais je continuai à sentir mes épaules se secouer et mon sourire se tirer malgré moi. Je me rappelais, avec Gwen, c’était ainsi qu’on s’était rapproché. On avait toujours le chic pour éclater de rire en plein milieu du cours de Nakamura, ce qui était toujours délicat puisqu’elle n’était pas clémente sur les heures de colle. On essayait toujours de retenir, mais c’était encore pire, et en général si nous réussissions à ne pas être collées, on finissait tout de même par rater notre potion parce qu’on était incapable de se concentrer et de se remettre au travail sérieusement. Et c’était un peu pareil avec Heather à présent : j’étais incapable de retrouver mon sérieux et d’aller chercher cette autorisation pour la fête foraine. J’avais trop envie de m’amuser. Malgré tout, une pensée au fond de ma tête me rappelait que ça pouvait être dangereux, mais je n’avais pas envie d’écouter. Après tout, on aurait rien laissé de mortel ici, ça j’en étais certaine, ça aurait bien trop irresponsable, même pour le Ministère et sa mauvaise organisation.

Heather semblait être aussi détendue que moi, car elle s’approcha de l’étagère, visiblement décidée elle aussi à explorer. Je la vis prendre une photo du Ministre et… La minute suivante, et un « pop » plus tard, la tête du Ministre était vissée sur le corps d’Heather. Sous le coup de la surprise, je n’éclatai même pas de rire, un peu choquée.

- Dis donc jeune fille que faites-vous dans ma salle de jeu privée ?!

J’éclatai de rire en même temps qu’Heather. Ça c’était génial ! J’imaginais le Ministre venir ici et jouer le soir, et ça faisait redoubler mon fou rire. Je devais avouer aussi que j’étais curieuse, j’étais habituée à faire des imitations d’homme politique, et notre premier Ministre actuel était ma favorite et celle qui avait le plus de succès. Je ne pus m’en empêcher et je m’approchai du cadre pour le prendre à mon tour. Je me tournai alors vers Heather, la fixant avec des grands yeux qui papillonnaient, comme ceux de notre cher Ministre.

- Eh bien, commençai-je de ma voix basse et un peu pâteuse, on est pas aussi bien dans ce petit placard que dans mon bureau mais ma foi, c’est plutôt pittorrrresque… Oh, votre chapeau est très charmant ! M’exclamai-je en attrapant un chapeau sur l’étagère. Je le posai sur la tête d’Heather et fit mine de l’examiner. Notre premier Ministre avait l’habitude de comparer son chapeau avec ceux de tous les hommes politiques qui venaient en réunion officielle, ce qui faisait toujours beaucoup rire la Gazette. Je pris le chapeau et le mis à mon tour sur ma tête. Je devrais m’acheter le même ! Je vais mettre ma femme sur le coup, dis-je en lançant un clin d’œil à Heather, autre habitude du Ministre.

J’allais continuer mon petit speech, mais tout à coup je réalisai qu’Heather… devenait… Mes yeux s’agrandirent en même temps que les siens. Elle était devenue… Moi ?! Et vu son regard, quelque chose clochait chez moi aussi… Je ne l’avais pas senti, mais mes longs cheveux étaient devenus des boucles rousses… Je portai mes mains à mon visage, constatant qu’elles avaient changé aussi et que mes bras étaient couverts de tâche de rousseur. Physiquement, je n’avais pas trop changé, j’avais son corps, mais il s’avérait que nous nous ressemblions pas mal…

- Wow, lâchai-je, impressionnée. C’est… C’est à ça que je ressemble en vrai, pensai-je à voix haute. Je regardai Heather… Enfin, moi, qui se tenait face à moi. C’était dingue. Excuse-moi mais… Tu peux te tourner ? J’ai toujours voulu me voir de dos, mais genre, pour de vrai, pas en photo… Eh mais elles sont drôles mes fesses, dis-je sans réfléchir, ce qui provoqua notre hilarité à nouveau. Je mis mes mains sur mes hanches, tapant la pose dans le corps d’Heather. T’es franchement sexy, commentai-je en tournant sur moi-même, faisant voler mes boucles rousses.

On avait pas souvent l’occasion de se voir et de s’entendre ainsi, et je n’allais pas laisser passer cette situation. Je supposais que c’était le chapeau qui avait fait ce sort, et je me demandai bien quelle genre de magie pouvait faire un tel effet… Mais c’était bien trop amusant pour que je m’en préoccupe ainsi, et j’étais bien décidée à pousser le jeu un peu plus !

Toute crainte avait presque disparu ; Heather riait tellement qu'elle ne pensait plus qu'elle était en pleine mission de travail, au ministère, et dans un endroit dans lequel elle ne devait absolument pas se trouver. Mais c'était trop amusant ! Il y avait d'ailleurs quelques temps qu'elle n'avait pas ri de manière aussi libératrice - elle avait pas mal d travail en ce moment et s'y concentrait, et si Dan, celui qu'elle côtoyait le plus, était drôle lui aussi, ce n'était pas pareil. Ils n'en n'étaient pas à ce stade. Et ce n'était pas encore avec Meryl Kelsey ou Sara Wayland qu'elle allait pouvoir s'amuser comme en cet instant... Pour cela, habiter et vivre à Poudlard était le seul détail qui l'embêtait un peu ; elle avait toujours considéré le château comme son autre chez soi, mais chez elle c'était là-bas, à Clifden, en Irlande, là où elle retrouvait sa famille, son père et ses frères. S'ils n'habitaient plus tous dans la petite demeure familiale, ils se débrouillaient toujours pour passer quelques jours ensemble au moins, et la maison revivait comme avant. C'était les moments les plus merveilleux pour Heather, qui ne pouvait pas s'en passer et s'en ressourçait. Il y avait une grande complicité entre les enfants Lass et c'était avec ses frères qu'elle avait des fous rire comme ça et qu'elle vivait des après-midi endiablées dont eux seuls comprenaient les blagues et les discussions ; c'était drôle de retrouver ce sentiment ici et aujourd'hui, mais c'était vraiment très agréable ! D'autant plus que Heather se sentait plus à l'aise en officiant avec Emmy ; étant jeune elle aussi et dans les débuts de sa carrière, elle lui épargnerait les regards désabusés qu'on lui servait quand elle ne savait pas exactement de quoi elle avait besoin pour son dossier et comment procéder. C'était quelque chose qui l'avait toujours beaucoup agacée ; les vieux qui la jugeaient parce qu'elle tâtonnait, mais ils n'avaient qu'à l'aider et la former plutôt que de la juger !... Enfin, qu'importe ; heureusement qu'elle était débrouillarde et qu'elle savait garder la tête haute.

Toujours dans l'hilarité la plus totale, ce fut Emmy cette fois qui s'approcha du cadre magique et se transforma en ministre de la magie - Heather dut se presser la bouche de la main pour ne pas repartir dans un grand rugissement de rire.

- Eh bien, on est pas aussi bien dans ce petit placard que dans mon bureau mais ma foi, c’est plutôt pittorrrresque… Oh, votre chapeau est très charmant ! Les spasmes de rire de la pauvre Heather redoublèrent, qui sentaient ses yeux s'inonder à nouveau. Je devrais m’acheter le même ! Je vais mettre ma femme sur le coup, continua Emmy, dans une imitation parfaite du ministre en tout point, dans la teneur et dans la forme.

Heather allait lui faire remarquer qu'elle pouvait prétendre à être doublure officielle, mais quelque chose d'étrange était en train de se passer... Le visage, l'attitude, les cheveux d'Emmy... Elle semblait bouger un peu sous les yeux étonnés d'Heather, de manière très légère et presque imperceptible, mais c'était comme si quelqu'un la modelait doucement, mais différemment. La jeune Irlandaise fronça les sourcils ; qu'est-ce que c'était encore que cette farce ? Car c'était plus lent et plus diffus que tous les autres objets qu'elles avaient touché, et elle se rendit compte que le sortilège s'appliquait à elle aussi car Emmy la regardait avec la même impression interloquée.

Elle crut presque reconnaître la sensation du Polynectar - quelque chose qui tiraillait de l'intérieur - mais c'était bien plus doux et presque inexistant ; sauf qu'elle comprit au moment même où les fourmillements dans ses membres s'achevèrent et qu'elle sentait son corps différemment. Il n'était pas plus grand ou plus petit, il était juste... différent, et elle se fit la réflexion que de se trouver dans un corps étranger faisait finalement la même sensation qu'on avait lorsqu'on dormait dans le lit d'un étranger plutôt que dans le sien.

La transformation était terminée et Heather regardait donc sa propre personne dans les yeux - son autre moi la dévisageait avec des yeux écarquillés qui la firent rire. Son rire la surprit - il était resté le sien, ce qui signifiait qu'elle allait s'entendre parler avec la voix d'Emmy quand celle-ci prendrait la parole (oui, c'était un peu compliqué).

- Wow. C’est… C’est à ça que je ressemble en vrai. Excuse-moi mais… Tu peux te tourner ? J’ai toujours voulu me voir de dos, mais genre, pour de vrai, pas en photo… Heather obtempéra en riant et fit exprès de prendre des poses sous tous les angles pour qu'Emmy puisse se regarder. C'était drôle ! Elles avaient sensiblement la même carrure mais Emmy était un peu plus longiligne - le plus génial était ses cheveux, longs et épais et lisses, qu'Heather caressa avec une admiration non contenue. Cela changeait tellement ! Eh mais elles sont drôles mes fesses, conclut Emmy.

- Arrête, je n'avais jamais remarqué qu'on ne voyait en gros que mes cheveux quand on me regardait... répondit Heather en riant encore.

- T’es franchement sexy.

- T'es carrément pas mal non plus, rétorqua Heather en regardant sa silhouette - enfin, celle d'Emmy - et en passant machinalement ses mains sur ses hanches, son ventre et sa poitrine car la différence de taille l'intriguait... Mais elle se rendit compte de son geste tout d'un coup et se mit à rougir : Oups, pardon, désolée, je ne voulais pas te... Me... Enfin, tu vois quoi, finit-elle avant d'éclater de rire de nouveau, sentant sa gêne se dissiper un peu en même temps.

Elles s'amusèrent à se regarder encore et surtout de la situation, mais petit à petit rien ne changeait ; Heather commença à se demander ce qui causait exactement le changement physique. Non pas qu'elle s'inquiétait - si c'était basé sur le modèle du polynectar, elles avaient une heure devant elle - car ce genre de sorts étaient toujours réversibles, mais il allait tout de même bien falloir qu'elle obtienne les papiers pour son dossier avant que les bureaux ferment ou que ce soit trop tard ! Et c'était impossible de... Quoi que ?! Saisissant l'idée au passage, elle dit à Emmy sans plus attendre :

- J'ai pas l'impression que ça s'estompe pour l'instant, tu ne crois pas qu'on devrait... continuer ? Laissant un instant passer, elle revint sur son explication : Je veux dire, tant pis, on va chercher les papiers comme ça, personne ne s'en rendra compte... Chiche ?

Elle avait les yeux - noisette, pour une fois - qui brillaient et souriait de plus belle ; c'était drôle, de poursuivre la blague ainsi !

Emmy ne rechigna pas et l'instant d'après elles quittaient l'endroit qui les avait tant diverties, et reprenaient le chemin qu'elles avaient égaré. Heureusement elles étaient seules, et Emmy-Heather pouvait aiguiller Heather-Emmy qui n'avait absolument aucune idée où elle mettait les pieds. Heather gloussait de temps à autre et sentait l'excitation de ce genre de moments lui chatouiller un peu le ventre. Quand enfin elles retrouvèrent l'endroit où elles devaient aller, elles s'engagèrent dans un autre couloir où circulait quelques personnes. Confiance, Heather suivait Emmy qui lui indiquait discrètement le chemin de signes de tête, quand l'un des sorciers s'approcha d'elles :

- Tiens, miss Yeats, bonjour !

Heather mit une longue seconde à réagir - miss Yeats, c'était Emmy, et Emmy c'était elle - et ouvrit la bouche pour saluer l'homme en retour mais elle buta sur ses mots car elle se rendit compte d'une chose...

- B... Bon... Bonjuuur ! Elle toussota et eut un petit geste d'excuse amicale : Je suis un peu enrouée aujourd'hui, désolée.

Elle avait du prendre garde à moduler sa voix, et surtout son accent irlandais bien marqué. Se disant que c'était bien plus compliqué, finalement, que ça le paraissait, elle sourit au sorcier en le priant mentalement de la laisser tranquille. Mais il s'entêta et poursuivit :

- Oh, j'espère que vous n'êtes pas malade ! Je voulais juste vous demander si vous aviez trouvé ce dont on avait parlé au sujet du dossier S 457 ? Et les résultats ?

...

- Venez donc dans mon bureau en fin d'après-midi, ce sera plus pratique pour en parler, choisit de dire Heather après deux secondes d'intense réflexion.

Satisfait, le sorcier les salua et continua son chemin. Heather lança un regard de détresse à Emmy et attendit qu'il n'y ait personne aux alentours pour lui chuchoter :

- C'est trop dur, comment on va faire ?!

Elle eut tout de même un petit fou rire qu'elle étouffa dans sa manche - elle avait un peu peur de faire une grosse gaffe, mais au fond, c'était tellement amusant !

J’avais lu un jour que certains scientifiques pensaient que si nous nous croisions dans la rue, nous ne nous reconnaitrions peut-être pas, tant nous étions habituée à voir des reflets, des images de nous-même, et non notre vraie personne. Je pouvais désormais en faire l’expérience… Et c’était vrai que c’était très, très étrange. Je ressemblais donc vraiment à ça ?! J’étais… Aaah, c’était trop étrange ! Surtout que ce n’était pas tout à fait moi, puisqu’Heather avait encore ses manies et ses postures, c’était donc quelqu’un d’autre dans mon corps, une deuxième version de moi… Mais n’empêche que physiquement, c’était moi, mes jambes, mes fesses, mon visage, mes bras… C’était totalement différent que de se voir dans un miroir, mais c’était hilarant, surtout que je sentais qu’Heather m’épiait de la même manière, choquée de notre transformation mais étonnée en même temps. Cette salle regorgeait vraiment de mystères, et je me fis la réflexion qu’il fallait que je me souvienne où elle se trouvait pour y retourner à l’avenir – et demander à quelqu’un qu’est-ce que c’était que tout ça, et si c’était dangereux, parce que pour le moment j’y pensais pas, mais tout de même, il y allait peut-être avoir des effets secondaires. Mais pour le moment, le seul que je voyais était l’hilarité incontrôlable.

- Arrête, je n'avais jamais remarqué qu'on ne voyait en gros que mes cheveux quand on me regardait...

J’explosai de rire. Il faut dire qu’avec une chevelure pareille, c’était impossible à rater, surtout qu’elle contrastait totalement avec sa peau très pâle. Mais c’était plutôt joli, et je m’amusai à jouer un instant avec, les agitant dans tous les sens. Putain j’étais habituée à avoir des cheveux épais qui demandaient de l’entretien, mais ceux d’Heather avait l’air particulièrement rebelles et à mon avis difficile à maîtriser, mais en même temps leur côté un peu sauvage avait beaucoup de charme. A part ça, Heather avait un peu plus de forme, mais toujours assez fine, et elle avait l’air musclé – je touchai les cuisses avec curiosité – mais sinon, nous n’étions pas trop différente. Je me demandai ce que ça aurait fait si j’échangeais mon corps avec un garçon, genre Chuck, ou avec une de mes collègues de bureau plus âgée. Mais pour le moment, être dans le corps plutôt sexy d’Heather était aussi amusant qu’intriguant.

- T'es carrément pas mal non plus.. Oups, pardon, désolée, je ne voulais pas te... Me... Enfin, tu vois quoi.

A nouveau, je fus prise d’un fou rire, surtout qu’Heather sembla gênée un moment et je voulais lui assurer qu’il n’y avait aucun problème. C’était tout de même improbable, nous nous connaissions à peine et déjà nous avions expérimenté de vivre dans le corps de l’autre. On continua à tourner un peu sur nous même, à s’observer et à rigoler de la situation. Je me demandai tout de même combien de temps ça allait durer, sans être trop inquiète, car si c’était vraiment dangereux les objets n’auraient pas été stocké sans protection.

- J'ai pas l'impression que ça s'estompe pour l'instant, tu ne crois pas qu'on devrait... continuer ? Je veux dire, tant pis, on va chercher les papiers comme ça, personne ne s'en rendra compte... Chiche ?

Mes yeux, à présent vert, pétillèrent. Heather me plaisait de plus en plus, car je sentais clairement que nous aimions le même genre d’aventures, et j’étais impatiente de voir la suite que celle-ci nous réservait…

- Carrément chiche ! Répondis-je dans ma meilleure imitation d’accent irlandais possible – mes années de théâtre et d’imitations portaient leurs fruits.

En sortant de la pièce, je dus faire mine de suivre Heather en qui en réalité n’avait aucune d’où elle allait, ce qui faisait beaucoup rire. Heureusement, les couloirs étaient déserts, et on pouvait ricaner et plaisanter tranquillement, jusqu’à qu’on revienne dans un passage un peu plus fréquenté. Bon, ça allait se corser…

- Tiens, miss Yeats, bonjour !
- Bon – Je m’arrêtais heureusement à temps.
- B... Bon... Bonjuuur ! Je suis un peu enrouée aujourd'hui, désolée.

Ah, le problème de l’accent… En plus on avait eu le malheur de tomber sur Bernard, qui était bavard et du genre à tenir la jambe, et rien que de savoir Heather embourbé dans la situation me donnait envie de criser de rire.

- Oh, j'espère que vous n'êtes pas malade ! Je voulais juste vous demander si vous aviez trouvé ce dont on avait parlé au sujet du dossier S 457 ? Et les résultats ?

Ohlala, pensai-je silencieusement, sérieusement, encore ce maudit dossier ? Il n’en démordait pas ! Je manquai de lever les yeux au ciel malgré moi, surtout que comme j’étais sur le côté il ne prêtait pas attention à moi et je pouvais faire ce que je voulais… Ah, qu’est-ce que c’était drôle de voir ma vie de l’extérieur !

- Venez donc dans mon bureau en fin d'après-midi, ce sera plus pratique pour en parler.

Joli pirouette, songeai-je, tandis que Bernard s’éloignait et que je me remettais à pouffer. Heather semblait particulièrement perdue, et je me fis la réflexion que c’était elle qui était dans une situation délicate, ce qui me faisait beaucoup rire.

- C'est trop dur, comment on va faire ?!
- C’est trop drôle, confiai-je, je suis désolée c’est toi qui est dans la situation galère, mais c’est génial, j’aimerais pouvoir te filmer, pouffai-je.

On continua à marcher, et je guidais discrètement Heather, quand tout à coup je vis au bout du couloir l’une de mes collègues, Fanny…

- Demi-tour, demi-tour, pressai-je Heather. Viiiite, vite, demi-tour, répétai-je.

Fanny était la personne la plus bavarde du Ministère, et ça faisait quelques jours que nous devions discuter d’une affaire urgente, et je savais qu’elle ne lâcherait pas l’affaire et qu’Heather allait se retrouver larguée… On se mit donc à faire demi-tour en riant, courant à moitié dans les couloirs, tout en essayant de ne pas trop nous faire remarquer…

- Emily ?

Mon Dieu mais c’était la journée décidemment, et je pressai Heather, pour qu’on déguerpisse comme si de rien était, évitant Ms Cromwell comme si nous ne l’avions pas entendu, et on se mit à marcher encore plus vite, sentant qu’on se perdait à nouveau mais tant pis, il fallait bien éviter les situations compliquées… On évita ainsi plusieurs couloirs d’un pas pressé, ricanant dans nos barbes, essayant de ne pas trop se faire remarquer, et finalement, on tomba dans une intersection vide et je réalisai que j’étais bien perdue, à nouveau. Je lançai un regard à Heather, et on éclata de rire en même temps.

- Punaise, ça promet, dis-je d’un ton rieur, persuadée que le reste de l’aventure nous réservait de nouvelles surprise.

(Terminé)

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