Sondage : Aure VS Daphne

Whaou, c’était moi où ce matin, je me sentais aussi ratatinée qu’une vieille peau de peau de banane ? Je flânais encore dans l’écrin de mes couvertures pour profiter de ce moment où l’on s’éveille progressivement mais où en même temps on est plongé dans une espèce de semi sommeil bien agréable où rêve et réalité se confondent : deux mondes où toute frontière a disparu. Je souris en imaginant papa résister à l’attaque de mes peaux de bananes, semées un peu partout dans la maison, sur le sol déjà glissant entre lesquelles il devait slalomer pour arriver jusqu’à son bol de café, installé avec précision sur le centre d la table, avec la petite lumière qui l’éclairait et la musique divine comme dans les dessins animés devant lesquels je m’installais chaque matin pour manger mes céréales. Evidemment, pour en revenir à papa, il finissait par glisser sur l’une d’entre elles dans un roulé boulé mémorable qui me faisait bien rire, même s’il ne fallait pas trop que je m’attarde parce que c’était à mon tour d’échapper à son chacra, et il y avait encore plein de peaux de bananes partout, et cette fois la mélodie de fond changeait et ressemblait à s’y méprendre à celle de Mario Bros, à la différence près que je n’étais pas aussi douée que le célèbre plombier dans l’art d’éviter ce genre de projectiles piégés. Ma pensée était en train de dépasser mon imagination et ce n’était plus le moment de traîner : la sonnerie stridente du réveil en était la confirmation.

Je rabattais donc machinalement l’épaisse enveloppe jaune qui me servait de couverture dans laquelle j’étais pelotonnée… attendez une minute : qu’est-ce que je faisais dans une épaisse enveloppe jaune qui me servait de couverture, mais… qui n’en était pas une ?? Je me redressai sur mon lit et allumai la lampe de chevet ; en face se trouvait l’énorme miroir de plein pied où mon reflet me saluait chaque matin. Je ne fus pas déçue : avec ma tête de six pieds de long et mon teint jaunasse un peu pâlichon, j’allais devoir redoubler d’artifices aujourd’hui pour avoir l’air présentable ! Je m’étirais et m’extirpai de la peau de banane dans laquelle j’étais lovée, sans m’inquiéter de cette apparence pour le moins incongrue ; j’étais très certainement encore en train de rêver.

Au moins, je me portais mieux que la grosse face verte et bouffie de pomme Granny qu’affichait ma sœur ! J’en profitais pour lui faire la remarque juste avant de claquer la porte de la maison avant qu’elle ne me fasse son attaque spéciale pépins dont elle avait le secret ; banane comme je l’étais, j’avais la consistance fragile et la puissance de ses tirs allaient me conférer de gros bleus, c’était sûr qu’elle ne pouvait pas comprendre, avec une tête aussi dure comme la sienne ! Au moins, si elle ratait sa vie de pomme, elle pouvait toujours se reconvertir en ballon de football…

En ville, les journaux portaient tous les mêmes grands titres annonçant que ce week end à Légumia, il ne fallait surtout pas rater la fête annuelle de l’oignon, que la troupe allait faire une démonstration, et que les échalotes allaient exceptionnellement y participer… Ca promettait d’être trois jours chargés et tous les habitants de Légumia s’y préparaient avec grande impatience, parce que c’était le plus grand événement de l’année, après les illuminations de caramboles dans toutes les rues commerçantes pendant la période de Noël… Trois jours oui, dont un dont nous, pauvres étudiants que nous étions ne pouvions pas vraiment profiter parce que nous étions sur les bancs de l’école le vendredi… d’ailleurs je n’écoutais que d’une oreille la moche face de pruneau tout moisi de la professeur qui énonçait les principales dates des droits qu’avaient progressivement obtenu les légumes verts parce qu’on ne les considérait pas assez dans leur utilité et qu’ils étaient victimes d’une discrimination, que le gouvernement des pommes de terre refusait d’admettre…

Le driiiiiiiing aigu de mon réveil me rappela pour de vrai cette fois ci que je n’étais non pas en train de parier avec nos voisins les frères kumquat que le syndicat des ails allait tenter un coup d’état pendant la fête des oignons, mais que j’étais bel et bien toujours dans mon lit et que si je voulais être à l’heure pour mon contrôle d’histoire qui m’attendait à la première heure au lycée, j’allais devoir me bouger fissa. Encore embrouillée par le songe que je venais d’avoir je m’emmêlais dans ma couette et glissais comme une fajitas sur le sol. Je me contorsionnais et croisait mon image dans le miroir : en rien je ne ressemblais à une crêpe mexicaine ; j’étais prisonnière de ma peau de banane à laquelle je ressemblais trait pour trait.